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Charles Maarek : « le FC Rouen coule dans mes veines »

Le président du récent promu en National se confie longuement et évoque ce rêve qu’il a toujours eu et qu’il est en train de réaliser à la tête de son club. Passé, présent, avenir, argent, critiques, ambitions, joies, peines, les thèmes sont vastes. Et le client est bavard !

Photos Bernard Morvan – FCR

Et le premier nominé est … le FC Rouen ! Depuis samedi et son succès à l’ultime minute à Evreux (2-1), grâce à un but inscrit par un « enfant » du club, Clément Bassin, c’est officiel. Rouen retrouve le National !

Ce but libérateur du capitaine, c’est tout un symbole. Le joueur de 28 ans était déjà là lors du dépôt de bilan en 2013, le troisième en près de 30 ans (après 1995 et 1997), qui avait précipité la chute des Diables rouges de National en Division d’Honneur (Régional 1).

Dix ans après, le FCR est de retour à un rang bien plus conforme à son standing, à son passé, à son stade, à son histoire, à sa ville et à ses supporters.

L’on ne va pas retracer ici la chronologie de tout ce qui s’est passé durant ces dix années extrêmement mouvementées, mais l’arrivée aux commandes du duo De Wailly – Maarek en 2021, après le retrait de l’ancien président Fabrice Tardy, qui leur a vendu ses parts de la SAS créé en 2019 (l’année de l’accession de N3 en N2 avec David Giguel aux commandes), a amené un vent nouveau à Diochon.

Et puis… La suite, c’est Charles Maarek, actionnaire majoritaire et président du FC Rouen – « Nous travaillons actuellement sur une augmentation de capital qui sera effective dans les prochaines semaines, je vais détenir à peu près 75 % des parts » -, qui la raconte : « En mars 2022, il y a eu le décès de Maximilien de Wailly… C’était terrible. C’était un coup dur. Avec Maximilien, on était complémentaire. On était l’eau et le feu. A cette époque, j’étais déjà majoritaire mais je n’avais pas le titre de président. J’aime le pouvoir pour pouvoir, pas pour dominer. J’aime être au coeur de l’action, des décisions. Il y a eu en 2021 un gros clash : les supporters ont demandé et voulu la tête de Fabrice Tardy, qui a démissionné du poste de président, et là, je ne vous dis pas, j’ai vu des inscriptions « La peste ou le choléra », « Maarek on ne veut pas de toi », mais je ne suis pas du style à abandonner les choses, surtout quand je pense que l’on peut réussir. Donc je ne me suis pas mis président ».

A 52 ans, Charles Maarek, investisseur immobilier, vit un rêve avec le FC Rouen. C’est lui-même qui le dit dans cet entretien accordé aux lendemains d’une victoire bien fêtée à Evreux, même si lui assure s’être couché de bonne heure.

INTERVIEW

« J’ai envie de laisser une trace au FC Rouen »

Président, revenons un peu en arrière : fin décembre 2021, vous annoncez l’arrivée de Maxime d’Ornano à la tête de l’équipe en N2…

Quand j’ai changé d’entraîneur, on est 9e ou 10e, et le coach, Maxime d’Ornano, me dit « Y’a beaucoup de travail à faire ». Là, j’ai tout de suite vu un homme apaisé, méthodique, organisé, qui redonne confiance aux joueurs. Pourtant, au début, sur ses cinq premiers matchs, il a connu deux défaites, dont deux à domicile, contre Chartres et Vannes, et je ne vous raconte pas l’ambiance funeste à Diochon, avec des « Direction démission »…

Mais j’ai vu que le travail de Maxime se mettait en place. Je ne dis pas ça aujourd’hui parce que l’on monte : je disais exactement la même chose de lui il y a un an et demi. Vous n’avez cas regarder les articles de presse de l’époque. Je n’écoute pas forcément la pression populaire. Et si demain cela se passe moins bien, je ne changerai pas comme ça, on ne peut pas brûler aujourd’hui ce que l’on a aimé la veille, mais là, ce n’est pas le sujet. J’aime travailler sur la durée. Un mois après son arrivée, la saison passée, on fait un super match à Granville, on fait 0-0, alors qu’on aurait dû gagner, mais ça a servi de déclic. Et puis, à l’issue du match il y a eu une grosse échauffourée entre nos joueurs et nos supporters. J’étais vraiment désolé que ça se passe comme ça avec eux. Bien sûr, je condamne cette violence, mais en même temps, ce fut un acte fondateur. Et après Granville, on termine la saison invaincu ! On était une machine. On finit 4e mais on est 2e sur la phase retour (31 points), derrière Versailles.

De toute façon, quand j’ai pris Maxime d’Ornano, j’ai dit « Avec lui, je peux rapidement me sauver et préparer la saison prochaine ». C’était ça le projet, l’idée. Le coach a eu le temps de façonner son équipe et ça a porté ses fruits. Je pense que cette saison 2022-23, on l’avait vraiment bien préparée. Parce que, rapidement, on a pu recevoir les joueurs, et tous ceux qu’on voulait garder, on les a gardés.

« Je réalise mon rêve »

N’avez-vous pas regretté de ne pas l’avoir enrôlé plus tôt ?

Dès le mois de septembre 2021, Maxime d’Ornano est libre puisque son départ de Saint-Brieuc (National) est acté. Je pense à lui mais j’hésite à le prendre fin septembre… Je me suis promis, à l’avenir, de faire mes choix en mon âme et conscience et de ne pas me laisser polluer par l’extérieur. Finalement, on a changé de staff à la trêve. Il fallait le faire, parce que ça s’effritait au niveau du groupe et parce qu’il y avait une pression populaire.

Maxime d’Ornano, c’est un coach que vous aviez repéré ?

Lui, comme d’autres. Avec lui, je savais que j’allais avoir de la régularité dans la performance, un bloc, de l’homogénéité, du beau jeu aussi, une équipe bien huilée, bref, tout ce qu’il avait déjà mis en place à Saint-Brieuc.

Sur une vidéo, samedi soir, de retour d’Evreux, on vous a vu très ému sur la pelouse de Diochon…

Avec le coach Maxime d’Ornano

Très ému, bah oui, c’est normal. Oui, c’est vrai… J’ai eu une pensée aussi pour Maximilien de Wailly… Son décès a été très violent. On n’était pas encore sauvé en N2 à ce moment-là. Et ça a encore plus resserré les liens. A partir de là, j’ai pris la présidence, vous imaginez… Oui, j’ai eu des mots pour lui, bien sûr. Quand je suis arrivé au club, j’ai dit aux supporters, de manière un peu provocatrice, que ça serait comme dans le film « Bienvenue chez les Ch’tis » : « Vous allez pleurer quand je vais arriver, et vous allez pleurer quand je vais partir. »

C’est aussi un discours emprunt d’une grande confiance en vous, non ?

Je dois prendre ça comme un compliment ? Comme quelque chose que je dois corriger ou pas ?

Euh… attendez, je ne suis pas votre conseiller ! Je ne sais pas, c’est juste une remarque.

Je vais vous dire, ce n’est pas une question de confiance en soi : le FC Rouen, je l’ai dans le sang depuis l’âge de 5 ans. J’ai toujours rêvé d’en être président. En fait, l’histoire actuelle, là, je me la fais dans ma tête depuis que j’ai 15 ans. C’est pas comme si vous me donniez une moto et que vous me demandiez de gagner un Grand Prix de Formule 1 ! Quand je prends la présidence du club, j’ai l’intime conviction que, par ma passion, mon envie, mes compétences, et avec l’équipe qui m’entoure, je vais parvenir à le faire monter. J’ai l’intime conviction que je suis porté par quelque chose. Je dis ça depuis des années. Je ne le dis pas aujourd’hui parce qu’on est monté. Je connais Rouen comme ma poche, je suis arrivé ici de Tunisie à l’âge de 2 ans. Ce club, c’est ma deuxième famille. Si on ne se précipite pas, on peut le remettre à la place où il était. C’est une chance que j’ai de pouvoir réaliser mon rêve.

Vous savez, il y a des gens qui ne réalisent jamais les leurs; je prends l’exemple de Lionel Jospin, qui se rêvait président de la République : il n’y est jamais parvenu. Donc il n’aura jamais connu ça. Moi, j’ai la chance de pouvoir réaliser mon rêve. J’ai eu la chance, avec Maximilien de Wailly, d’accéder à l’actionnariat du club. Puis d’avoir été actionnaire principal puis président. J’insiste, je réalise mon rêve. Dans la vie, il y a des gens qui n’ont pas cette chance. Il y en a sans doute qui sont plus compétents que moi à Rouen, qui pourraient faire quelque chose avec le club, mais qui ne le feront jamais, pour diverses raisons… Après, tout n’est pas qu’une question d’argent, même si ça aide, bien sûr. Mais quand on a un peu d’argent et du savoir faire, cela donne des gens comme Jean-Michel Aulas par exemple. des grands chefs d’entreprise.

Vous vous comparez à Jean-Michel Aulas ? C’est votre modèle ?

Je ne vais pas me comparer à lui ! Il faut des modèles, bien sûr, mais on ne peut jamais les copier, on peut juste arriver à se façonner. J’ai eu l’occasion de le rencontrer récemment au Ballon d’Or France-Footbal. D’ailleurs, vous avez dû me voir au Ballon d’Or, non ?

Oui, on n a vu que vous !

Oui, voilà, ce que je veux dire par là, c’est que je suis plutôt dans ce style-là, dans le style Aulas. J’aime bien bâtir, comme je l’ai fait dans mon travail, sur le long terme. Franchement, j’aurais les moyens de faire comme Versailles cette saison en National, je ne le ferais pas, car je ne suis pas quelqu’un qui va tout mettre sur la table d’un coup.

Les coups d’éclats, ce n’est pas mon truc. Je préfère investir sur 3 à 4 saisons. Je préfère avoir les U19 en Nationaux, les filles en D3, les seniors B en National 3, acheter un terrain pour faire un stade hybride, etc.

Si j’étais millionnaire à 150 ou 200 millions, alors oui, j’aurais mis 2 « barres » dans le club, mais je ne l’aurais pas fait à la manière de Versailles. Bon, je vais arrêter de tirer sur eux, ils m’ont quand même fait le transfert de Mondy Prunier.

Ce que je veux dire, c’est qu’en National, on peut y arriver avec 3,5 millions de budget. Je vous rappelle que Concarneau et Martigues ne les ont pas ces 3,5 millions. Et ils sont en tête du championnat. Nancy, ils n’ont plus Jacques Rousselot pour remettre de l’argent… Là-bas, ils ont des présidents qui sortent d’école de commerce, ils ne savent pas que Napoleon III est passé par Nancy ! Alors qu’à Concarneau, ils ont un super président (Jacques Piriou). Regardez Michel Mallet aussi à QRM, ce sont des hommes du terroir.

En National, il y a beaucoup de présidents mécènes…

Mécène, ça veut dire quoi ? Je n’aime pas ce mot… Forcément, je mets de l’argent personnel mais on a aussi beaucoup de partenaires. Ce que je peux vous dire, c’est que je ne mettrai pas ma famille en danger, ça c’est sûr.

« C’est pas Versailles, ici ! »

Du coup, vous travaillez déjà sur le budget de la saison prochaine ?

Le capitaine Clément Bassin (à droite)

Je pense que c’était beaucoup plus dur cette saison que cela ne le sera la saison prochaine, parce qu’on n’attire pas des mouches avec du vinaigre. On va avoir de nouveaux partenaires, des aides plus importantes de la Fédération. On va avoir davantage de la part des collectivités, de recettes au guichets, mais par contre, les salaires ne vont pas s’envoler, car, comme dirait l’autre, c’est pas Versailles ici ! Voilà. Avec mes actionnaires, qui sont solides, on veut garder la tête sur les épaules. On n’aura pas la folie des grandeurs. On était à 2,2 millions cette année. On aura entre 3,2 et 3,5 millions d’euros. Mais je veux m’inspirer de Concarneau, de Martigues, des clubs qui peuvent nous ressembler, sauf que nous, en National, on aura un gros atout…

Oui, le public !

Exactement ! On est dans l’antichambre du professionnalisme. Les joueurs auront envie de briller et pour briller, rien n’est plus important que le public. On aura une équipe compétitive. Je veux des gens du terroir. Je veux aussi de l’entraide, que l’on donne une bonne image, qu’on soit une famille, et sur le terrain, je veux qu’on donne tout. On va tout faire pour avoir une bonne cohésion, je fais confiance au coach pour ça, même si ça va être très compliqué, on le sait, mais on veut jouer un rôle en National, se maintenir. Regardez le championnat cette saison : quand vous voyez qu’à 3 journées de la fin, il y a encore 7 ou 8 équipes qui peuvent descendre, ça fait peur; ça veut dire qu’une équipe, si elle n’est pas dans les 5 premiers au 15 mai, elle peut descendre. C’est ça la réalité du National aujourd’hui. Je parlerais différemment si on était déjà à la saison d’après, avec non plus 6 descentes, mais 3. On va travailler. Prochainement, je vais m’attacher les services d’une personne pour être à mes côtés. Un coordinateur général du club.

« Je ne suis ni revanchard ni rancunier »

Cette accession en National, n’est-ce pas une forme de revanche pour vous après votre passage mitigé à Oissel et votre projet avorté à Beauvais ?

Je ne suis pas revanchard. Ni rancunier d’ailleurs. A ceux qui le pensent, j’ai envie de leur dire « Apprenez à me connaître au lieu de me juger ». A Oissel (N3), j’ai pris des joueurs, y ‘en a qui ont fini en National ou en Ligue 2, comme Durbant, N’chobi, Benzia ou Ouadah. Cette année-là, c’est Le Mans qui monte quand même, il ne faut pas l’oublier. On a fini 3e. Mais les gens ont passé leur temps à me juger. On a dit que j’étais parti comme un voleur, c’est faux. J’ai laissé les compte propres, sinon, le club ne serait pas passé devant la DNCG où il n’y a pas eu de problème. Idem à Rouen depuis que je suis arrivé en 2019 : on est toujours passé sans souci devant la DNCG, pas besoin d’appel ou de trucs comme ça. Je ne suis pas dans la revanche. Mon père m’a appris que par le travail, on y arrive toujours, même si dans le foot c’est un peu différent car on peut prendre un but à la dernière minute… La reconnaissance, vous l’obtenez par le travail. Il ne faut pas perdre de vue non plus que, dans le foot, on peut descendre aussi vite que l’on est monté; ça va très vite dans un sens comme dans l’autre. C’est pour ça qu’il faut du travail, de la passion et de la grinta.

« Beauvais ? Un grand mal pour un bien… »

Vous dîtes que le FC Rouen, c’est le rêve de votre vie, et pourtant, vous êtes allé à Oissel, à 10km de Rouen, et vous avez voulu prendre la présidence de Beauvais en 2018… Ôtez moi d’un doute : vous n’auriez pas plutôt la passion du foot que celle du FC Rouen ?

Votre question est pertinente. J’étais déjà 2e actionnaire du FC Rouen du temps de Pascal Darmon (président de 2005 à 2012), j’avais alors 28 % du capital et quand il y a eu le dépôt de bilan en 2013 et que le club est tombé en DH (Régional 1), j’ai appelé Fabrice Tardy, qui a repris le club, mais on m’a fermé la porte. Je me suis dit « Est-ce que je vais me morfondre dans mon canapé ? ». Non, ça ne me ressemble pas.

On m’a proposé de reprendre Oissel, je me suis dit, je vais y aller, ça va me permettre d’apprendre plein de choses, c’est un petit club, je ne prenais pas un gros risque. Je vais vous dire : j’ai le FCR qui coule dans mes veines. Quand votre femme vous quitte, vous voulez la reconquérir : sans comparer le club à mon épouse, c’est un peu cette image là avec le FC Rouen. Voilà. Si elle ne veut pas, vous n’allez pas vous morfondre toute votre vie. A Beauvais, la municipalité était pour, mais j’ai été victime d’une cabale. Et finalement, regardez, c’est un grand mal pour un bien !

Après notre victoire à Evreux, j’ai reçu des messages de félicitations de supporters de Beauvais ! Et puis, clin d’oeil du destin, notre dernier match, dans quinze jours, on va le jouer à Beauvais ! Ils risquent d’ailleurs de jouer leur maintien; ça peut être assez drôle ! En tout cas, pour moi, ce match à Beauvais, cela signifiera que la boucle sera bouclée.

Donc vous êtes rancunier…

Non, Je suis un compétiteur. Que les gens comprennent bien la différence.

« L’équilibre de l’équipe, c’est Maxime d’Ornano »

Maxime d’Ornano sera toujours coach l’an prochain ?

Bien sûr ! Vous lui poserez la question mais il n’y a pas l’ombre d’un doute ! Il avait signé pour un an et demi quand il est arrivé en décembre 2021, et je l’avais prolongé de deux saisons en fin de saison 2021-2022, plus une troisième saison en cas de montée. Donc là, on est lié jusqu’en 2025. Il n’a pas été pris au BEPF, je le déplore, mais il peut quand même entraîner en National car il vient de monter avec son club. Maxime, il a de belles années devant lui, j’espère au FC Rouen, et vous verrez qu’il fera parler de lui plus tard. Il ne fait pas de bruit, on a l’impression qu’il ne montre pas ses sentiments mais il faut bien le connaître. Il n’est jamais inquiet. Il est rassurant. Il a les mots justes. L’équilibre de l’équipe actuellement, c’est lui.

Evidemment, le FC Rouen, c’est aussi ses supporters : quelle ferveur ! Mais la ferveur, c’est bien, trop de ferveur, n’est-ce pas un peu too much ?

Avec Christopher Ibayi et Adrien Pianelli

C’est comme dans la vie en général, y’a 95 % des gens qui se tiennent bien et 5% qui se tiennent mal. Malheureusement, on se souvient plus de cette dernière frange. Le truc, c’est qu’il y a beaucoup de supporters au FCR pour un club de ce niveau, or si on était en L1 ou L2, on en parlerait moins, parce que, et c’est déplorable, les débordements sont monnaie courante.

Mais l’image de nos supporters va s’améliorer car au club, on est dans la pédagogie : en fait, je pense qu’il y a eu tellement de tristesse chez eux, de passion, débordante par moments, que, une fois qu’ils vont retrouver le bon niveau, ils vont s’apaiser. Ce qui s’est passé ces dernières saisons, c’était lié à de la défiance vis à vis de tout le monde. Nos supporters avaient l’impression que tout le monde leur en voulait, qu’on les considérait comme des parias.

Avec cette accession en National, ils ont un peu l’impression de renaître. Ce n’est pas parce qu’il y a des problèmes ailleurs avec les supporters que je vais les accepter dans mon club. Je suis dans le dialogue avec eux. C’était mal barré au départ, mais avant même de monter, j’étais allé à leur contact. J’aime ça le contact. Parfois, on a le nez dans le guidon, on ne voit pas les choses. Je préfère qu’on me dise « merde » en face plutôt que de lire des banderoles hostiles dans les tribunes, parce que ça, c’est trop facile, idem pour les tags. Nos supporters sont loin d’être cons. On s’imagine qu’ils ont un QI en dessous de la moyenne, alors que pas du tout : ce sont des gens intelligents et passionnés. C’est juste que, parfois, ils peuvent péter les plombs.

« Venez voir le club historique ! »

Où en sont vos relations avec votre voisin Quevilly Rouen ?

J’ai de très bonne relation avec le président Michel Mallet. Vous savez, j’ai été vice-président de l’US Quevilly de 1999 à 2002… C’est quelqu’un je respecte. Il fait quand même de très belles choses avec ce club et je le félicite pour ça. Ce que je vois, c’est que les habitants de la métropole rouennaise, qui est la 12e agglo de France, vont pouvoir se régaler en matière de football. C’est ça aussi que je retiens. J’ai envie de rendre les gens heureux, et je leur dis « Venez voir le club historique ». La ferveur est du coté du FCR. Chacun fait son bonhomme de chemin.

J’ai déjeuné avec le directeur de QRM, Arnaud Saint-André, récemment. Je n’ai pas envie d’avoir d’histoires. Il y a des choses plus importantes. On ne fait pas de compétition avec eux : QRM se maintient en Ligue 2 après une belle saison, le FCR monte en National, et moi, je veux de la ferveur, de la joie, en respectant certaines règles. Quevilly Rouen a su surfer sur les problèmes du FC Rouen quand il y a eu le dépôt de bilan en 2013, bravo à eux, ils ne sont pas là par hasard. Maintenant, j’espère que les pouvoirs publics vont nous soutenir davantage parce que le FCR le mérite : quand on voit cette ferveur… Et ça nécessite à mon avis un rééquibrage en termes de subventions. En National, on n’a pas de droit TV, je trouve que ce serait plus logique de donner des aides financières à un club amateur, ce serait plus mérité et cela serait un juste retour des choses.

« Je veux que le FCR ait des actifs »

Pour le FC Rouen, êtes-vous l’homme de la situation ?

Je ne me permettrais pas de dire ça. Je sais que je suis critiqué mais quand je serai enterré, je veux qu’on dise que j’ai été compétent. La pire chose qui puisse vous arriver, que vous soyez boulanger ou journaliste, c’est qu’on dise de vous « Il est nul « . Si vous faites du pain dégueulasse ou des articles nuls, on va dire « c’est la honte ». Regardez Jean-Michel Aulas. Lui, c’est la classe. Regardez ce qu’il a construit. Il a des ennemis, mais qu’est ce qu’ils peuvent dire ? Moi, j’ai envie de laisser une trace au FCR. On va investir dans l’immobilier prochainement, pour construire quelque chose. On va acheter des locaux, qui serviront à la fois pour le secteur administratif et pour le sportif, autour du stade, parce que, on veut aussi que le club ait des actifs. C’est comme ça que font les grands présidents comme Aulas.

Soyons fous, imaginons un jour que QRM et le FCR soient ensemble en Ligue 2…

Attendez, on peut déjà se rencontrer en coupe de France, d’ailleurs ça s’est produit l’année de la Covid, à huis clos. QRM – Rouen ? Génial ! Ce serait fabuleux de rendre les gens heureux, comme avec les matchs Rouen – Le Havre, qui est notre rival historique. Quand je vois qu’il y a 8000 spectateurs à Diochon pour QRM – Bordeaux, samedi dernier, ça me rend heureux. Les gens vont voir un spectacle. Au Zénith, ou au rugby, où il y a des beaux matchs en Pro D2 et où mon beau-frère est le président du club : je suis très fier pour lui. Mais je préfère quand même que l’on vienne voir le FCR ! Je pense qu’il y a de la place pour deux clubs de foot à Rouen.

Est-ce qu’on pensait, voilà quelques années, qu’un mec sans étiquette puisse devenir président de la République ? Le monde change tout le temps. Demain, on sera peut-être deux clubs d’une même ville en Ligue 2, et il y aura un public pour les deux. C’est comme dans une rue : si vous mettez un restaurant, puis un second, puis un troisième, à l’arrivée, ça sera une rue pleine de restaurants. Le monde attire le monde.

« Plus on m’attaque, plus je suis fort »

Avec votre franc-parler, vos formules bien choisies, vos avis tranchés, vous comprenez que vous puissiez passer pour un personnage clivant ?

Clivant ? Vous trouvez que je suis clivant ?

Disons qu’on vous aime ou on vous déteste… Et c’est souvent ce que je lis sur vous…

Oui mais là, en ce moment, on m’aime bien ! Les médias m’aiment bien, c’est vrai, parce que je dis les choses comme je le pense. Je peux être énervant, comme tous ces gens qui ont un franc-parler. On n’a qu’une vie. Vous savez, j’ai eu des problèmes de santé, j’ai connu des déboires dans mes affaires, mais je dors bien la nuit. Parce que je me régénère. La journée, en revanche, le cerveau mouline. Le sommeil, c’est la première chose du déséquilibre de l’être humain, et moi, j’ai la chance de bien dormir.

Mes amis savent que ce qui se dit ou s’écrit de mal sur moi, ça glisse comme de l’eau sur un imperméable. Ma femme, qui est aussi mon équilibre, me dit souvent que « plus on m’attaque, plus je suis fort dans l’adversité ». C’est quand même elle qui me connaît le mieux. Je vais vous dire ce que je pense : j’ai connu un dépôt de bilan dans mes affaires et ça m’a causé une sale réputation, mais je me suis refait la cerise depuis. Vous verriez, ce week-end, après l’accession, j’ai reçu des messages de gens qui… mais c’est lunaire ! Je ne réponds même pas ! Il ne faut pas qu’ils m’écrivent eux ! Moi les gens qui ne m’aiment pas, je ne les félicite pas. Ils ont le droit de dire que je ne suis pas l’homme de la situation, mais critiquer gratuitement, sans connaître, c’est dégueulasse.

Cette saison, on aurait pu finir 2e derrière le Racing et on aurait dit « T’as vu, Maarek, il est pas bon », alors que, pourtant, on aurait pris 65 points en championnat. En quoi je n’aurais pas été bon ? Je ne savoure pas plus aujourd’hui les compliments que toutes les méchancetés qu’on a pu dire sur moi. La vie est un éternel recommencement. Si je redescends la saison prochaine, je serai une « merde ». On peut se casser la gueule dans les affaires, mais on peut se refaire. En foot, c’est plus compliqué.

📃🖊  Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @BOYERANTHONY06

📷 Photos : Bernard Morvan (et sa fameuse carte SD !) / FCR

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