Sébastien Cuvier (FC Nueillaubiers, R1) : « J’en ai eu des embûches ! »

Buteur courtisé en National dans les années 90 avant de s’asseoir sur les bancs des championnats nationaux avec la casquette de coach, le Havrais a souvent dû subir les choix, les décisions et les aléas du foot. Revenu de Saint-Pierre-et-Miquelon en 2022, il a posé ses valises dans les Deux-Sèvres, à Nueil-les-Aubiers, où il a découvert une autre approche, plus zen, sans pression. Pour un tas de raisons, il en avait bien besoin…

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Photos : Philippe LE BRECH, 13HF, FCNA, Footamicale 79, CVfoot et DR 

« Ce que fait Sébastien Cuvier à Nueillaubiers depuis son arrivée (en 2022), c’est franchement exceptionnel ! » On taira volontairement le nom de celui qui a lancé ce compliment lorsque nous lui avons confié que l’ancien joueur des années 90, buteur patenté et courtisé à l’époque de l’ancienne D3 puis de la création du National, serait le prochain « interviewé » de 13heuresfoot !

On taira d’autant plus son identité que son club de coeur et de sa ville natale, Bressuire, dont il est toujours très proche, est l’un des concurrents du FC Nueillaubiers (département des Deux-Sèvres) en Régional 1 (Ligue de Nouvelle-Aquitaine), distant d’une dizaine de kilomètres. Oui mais voilà : le FC Bressuire, qui rêvait de retrouver le National 3 quitté en 2022, et manqué l’an passé aux barrages, n’a terminé que 7e de sa poule (24 buts marqués en 24 matchs, idem la saison passée, mais en 22 matchs !), deux places derrière … le FC Nueillaubiers de Sébastien Cuvier (5e), dont l’attaque a fait parler la poudre dans sa poule (44 buts marqués, meilleur score du championnat). Une déception donc pour notre interlocuteur mystère, ancien grand reporter à LEquipe et dirigeant d’un club de National 2 dans l’Oise… Ah ça y est ? Vous avez trouvé ?

Terminer avec la première attaque, Sébastien Cuvier y était déjà parvenu avec le FC Dieppe en CFA2, l’année de la montée en CFA en 2013 (67 buts en 26 matchs). Un record qui tient toujours et auquel il tient, bien évidemment, même si les Harengs s’en sont rapprochés cette saison.

« Je n’étais pas un mercenaire »

Avec l’ASSP, à Saint-Pierre-et-Miquelon. Photo Philippe Le Brech.

Il est 8 heures, et comme prévu, « La Cuve », comme l’avait surnommé son ancien coéquipier au centre de formation du HAC à la fin des années 80, David Clapson, est sur notre écran, en visio ! Le natif du Havre, âgé de 54 ans, se souvient de tout. Les scores, les noms, les saisons … quelle mémoire ! L’homme a du caractère, qui masque une grande sensibilité. Cuvier dit ce qu’il pense et pense ce qu’il dit. Il ne joue pas un rôle. De toute façon, la comédie, ce n’est pas son truc. « Je suis entier ». On avait remarqué. Et bavard aussi, alors qu’il prétend être le contraire !

Et c’est peut-être aussi pour ça que l’ancien joueur d’Avranches, Bourges, Troyes, Istres, Valenciennes, Poitiers ou encore Pacy-sur-Eure, rien que des clubs fréquentés en National, n’a pas toujours arrondi les angles quand il aurait fallu, privilégiant son côté « cash » à la diplomatie. Le milieu du foot « semi-pro », l’ex-numéro 9, un chiffre prédestiné (il est né un 9/09 !), en a eu ras-le-bol. Marre de subir des décisions injustes voire injustifiées, d’écouter des discours sans queue ni tête, loin de l’idée qu’il s’est toujours fait du football et de ses valeurs.

Tout au long d’une carrière tout de même très riche, mais qui aurait pu l’être encore plus, rien n’a été simple pour l’avant-centre reconverti entraîneur.

Joueur, déjà, il était affublé de l’étiquette « attaquant de National », sans jamais pouvoir regrimper en Division 2, qu’il a tout juste côtoyée à ses débuts, quand il était stagiaire-pro 3 ans au Havre, prêté alors à Beauvais. Là, le joueur, qui changeait de clubs comme de chemise, ce qui lui a conféré une autre étiquette, qu’il réfute, celle d’un mercenaire plutôt bien payé à l’époque, plaide coupable : « J’étais trop juste pour jouer en D2. Et comme je voulais jouer… Donc je me suis fait ma carrière à l’étage en dessous. Quant à l’étiquette de mercenaire, je ne suis pas d’accord du tout. C’est juste qu’à chaque fois, ce sont les circonstances qui ont fait que je suis parti, avec des dépôts de bilan, des choix persos pas toujours très bons… »

Jura Sud, le décollage

Et l’entraîneur Cuvier ? Là encore, la vie ne fut pas toujours un long fleuve tranquille pour celui qui commence à embrasser cette seconde vie avec la réserve de Jura Sud, de 2002 à 2004 (DH), lorsqu’il était encore joueur. La suite le conduit en Bourgogne, à Imphy Decize en CFA2, où, en janvier 2005, il remplace le coach Christian Felci, évincé à Noël. Le tout en continuant de jouer et, bien sûr, de marquer ses 12 buts avec Imphy !

À Beauvais, de 2005 à 2007 (CFA puis National), il s’assoit sur le banc aux côtés de Bruno Roux, le coach, dans un rôle d’entraîneur des gardiens. Dans le staff, il y a aussi l’adjoint, un certain Patrick Vallée, son ancien coach à Pacy-sur-Eure, au sujet duquel il n’hésite pas à dire qu’il fut l’entraîneur « le plus complet » qu’il a connu !
Finalement, le décollage a lieu à Jura Sud, en CFA, où il retourne en 2008, pendant 4 saisons, cette fois dans le rôle de numéro 1. Et c’est après que ça se complique. On rembobine le film…

Interview
« Je ne suis pas un grand bavard »

Meilleur souvenir de joueur ?
J’hésite entre la victoire en coupe Gambardella avec Le Havre (en 1989) et la montée en Ligue 2 avec Troyes, la même saison que mon titre de meilleur buteur de National… Ah… Je dirais Troyes quand même !

Pire souvenir ?
Une élimination avec Poitiers, alors en National, en coupe de France au premier tour, contre Rilhac-Rancon. Pouahhh ! Ils étaient en DH ! Et sinon, toujours en coupe, je rate un penalty avec Fréjus, contre Canet-en-Roussillon.

Tu as marqué beaucoup de buts en National, mais sais-tu combien exactement ?
Je dirais 80 environ…

Non, 70 exactement ! Ton plus beau but, selon toi ?
C’était pour mon premier match à domicile avec Avranches contre Cherbourg, en National, l’année de sa création (en 1993). Un but pas du tout dans mon style, je pars du milieu de terrain, je drible tout le monde, dont Bruno Scipion (ex-Le Havre, Caen), et j’arrive devant Arnaud Lucas, le gardien, qui entraîne à Angers aujourd’hui, et je marque ! Dans le journal local, il parlait d’un but de Division 1 ! Il y en a un autre aussi, avec Poitiers, contre Noisy-le-Sec, en National, une volée sur un ballon en l’air. Avec Imphy-Decize, pour mon dernier match, j’ai lobé de 43 mètres le gardien Sy Mohamed, qui jouait en réserve à Gueugnon, entraîné par Jean Acedo !

« À Troyes où j’ai pris le plus de plaisir »

Ta saison la plus aboutie ?
Avec Troyes (saison 1995-1996).

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Troyes également.

Celle où tu as pris le moins de plaisir ?
À Bourges, en National (1994/95). Le club descendait de D2. C’était compliqué. Je ne jouais pas forcément mais il y avait du lourd devant, Claude Rioust, Olivier Chavanon, Sébastien Imbert, Nicolas Le Bellec, et il y a eu le dépôt de bilan. Il y avait aussi Brahim Thiam et Lassina Diabaté dans l’effectif !

Un choix de carrière que tu regrettes ?
Oh oui ! D’avoir quitté Troyes après ma saison en National, je revois la scène avec l’agent. On est reçu par Alain Perrin et le président de Troyes, et mon agent se lève et dit en partant « Demain, Seb il est en D2 et avec un salaire décent, et pas ici ! ».

L’entraîneur qui t’a le plus marqué ?
Alain Perrin, forcément.

Celui que tu n’as pas envie de recroiser ?
Didier Ollé-Nicolle. Pourtant, c’est lui qui m’avait appelé quand j’étais au Havre avec les jeunes du centre de formation, pour le rejoindre à Colmar, pour être son adjoint et entraîneur de l’équipe B. Ce ne sont pas ses compétences que je remets en cause, mais l’humain.

Tes qualités et défauts de joueur ?
Finisseur, adroit, bon techniquement, intelligent dans les petits espaces et les déplacements, sinon, je manquais de vitesse, même si je n’étais pas lent, mais pour passer au-dessus, en D2, c’est ce qui m’a manqué je pense, avec la puissance, être costaud, quant au jeu de tête, les déviations, tout ça, c’était un peu plus compliqué.

« Je n’étais pas Pagis, même si j’avais un peu son profil »

Sous le maillot de Pacy en National.

Justement, c’était la question suivante, pourquoi n’as-tu pas passé le cap ?
Au tout début de ma carrière, j’ai joué en Division 2, à Beauvais, où j’étais prêté par Le Havre. J’ai même eu aussi la possibilité, après ma saison à Troyes, d’aller à Guingamp aussi en D1, mais c’était pour être le 4e attaquant, et moi, je voulais jouer. Je n’étais pas un Mickaël Pagis, que j’ai connu quand il jouait à Châtellerault, et qui était plus « tanké », plus « costaud » que moi : lui, c’est mon mentor au niveau du jeu. J’avais un peu son profil, toutes proportions gardées, mais il n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir.

David Clapson, ton ancien coéquipier au Havre, disait à ton sujet que tu préférais jouer en National où tu avais la cote et aussi… un bon salaire !
(Rires) C’est pas faux ! C’est vrai qu’avec Troyes, Poitiers, Istres, j’ai gagné pas mal, j’avais un statut, et c’était aussi lié au fait que je ne pouvais pas être titulaire en D2. Il fallait que je joue, et pour ça, il fallait que je descende d’un niveau. Quant à David Clapson, il a été mon premier artificier au Havre et m’a fait marquer plein de buts en minimes, en cadets, en juniors, en réserve en D3 : lui aussi, quel pied !

Un coéquipier marquant ?
Pas facile ! J’ai joué avec Stéphane Beyrac, Jean-Marc Droesch, Laurent Di Bernardo, Christophe Cottet… Ces mecs-là… Allez, Jean-Marc Droesh peut-être… Ou Stéphane Beyrac.. C’est trop dur ! Mais je ne vais pas répondre à ta question. Il n’a pas été mon coéquipier, on a joué l’un contre l’autre, joueur et entraîneur, c’est Franck Priou. On a créé des liens. Quelle gentillesse. Et quel joueur ! Voilà, ça c’est quelqu’un de marquant.

Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Jean-Marc Droesch.

Le joueur le plus fort avec lequel tu as joué ?
Vikash Dhorasoo, même s’il était plus jeune, mais quand il est arrivé en D3, en réserve, même s’il avait 3 ans de moins que moi… Waouh ! On sentait déjà qu’il y avait du talent. Christophe Revault aussi. Et j’ai joué en sélection cadets de Normandie avec Emmanuel Petit, il était à Arcques-la-Bataille.

Un coéquipier que tu as perdu de vue et que tu aimerais bien revoir ?
Vincent Labarre, qui était gardien de but avec moi à Bourges et que j’ai retrouvé quelques années plus tard à Poitiers. Il était parti à Châtellerault, moi à Valenciennes, et je n’ai plus jamais eu de nouvelles. On en parle souvent avec « Lolo Diber » (Laurent Di Bernardo), un de mes anciens coéquipiers à Bourges et Poitiers, et avec qui je suis en contact, mais il ne sait pas non plus. On l’a perdu des radars. Je le cherche sur internet, mais aucune trace de lui.

Un défenseur que tu n’aimais pas trop affronter ?
Oui, Farid Bououden, il jouait à Aubervilliers et au Paris FC en National. Méchant sur le terrain. Il m’a cassé la clavicule. Mais il est très gentil dans la vie, on s’était revu après. Et aussi Karim Benhamou, à Fécamp et Créteil.

Un adversaire marquant ?
A mon époque, il y avait des gros joueurs quand même en National, Rouxel, Guivarc’h, Le Saux, le défenseur Eduardo Oliveira qui commençait, Rouve, c’était peut-être un peu plus « rentre dedans »… Un joueur qui m’a marqué, c’est Costa : à Sète. Je me suis dit « Celui-là, ouh la la, quel joueur ! ». Et aussi le petit attaquant qui était à Vannes, Sammaritano.

« J’étais très superstitieux »

Un modèle d’attaquant ?
Marco Van Basten. Jean-Pierre Papin, pour ses gestes d’instinct. Et Mickaël Pagis, un très bon et très beau joueur. Toutes proportions gardées, j’étais un peu un Pagis en National. Et le jour ou Jordan, mon fils, passé au centre de formation de Rennes, m’a dit « Papa, j’ai Mickaël Pagis en spécifique attaquant », je lui ai dit « Waouh ! profite » !

Des manies, des tocs, des rituels ?
Avant un match, j’étais très superstitieux. J’avais des habitudes, je mettais le même slip, le même sous-pull… Après, j’en ai souvent parlé, je suis né un 9/09, en 1970, alors j’avais le numéro 9. À Troyes, j’habitais au numéro 23, et j’ai marqué 23 buts cette saison, même si 22 seulement ont été comptabilisés parce que Roubaix avait déposé le bilan et mon but contre eux n’a pas été comptabilisé. À Istres, j’ai mis 13 buts, dans le département des Bouches-du-Rhône, le 13, et j’habitais au numéro 13, allée des Ferrières, à Martigues ! À Bourges, j’habitais au 13 chemin de la Rotée… À Pacy, je ne trouvais pas de baraque, j’ai habité au 2 rue des Folies à Jouy-sur-Eure, et j’ai mis 2 buts… J’ai déménagé, j’ai habité au 8 rue du vin bas à Ménilles, et quand je suis parti, j’étais à 8 buts… C’est un truc de fou ! J’en ai plein des histoires comme ça. À Troyes, j’avais l’orteil droit un peu usé, et une fois, Alain Perrin me l’a massé avant un match, au Dolpic, et j’ai marqué ! Alors après ça, il avait pris l’habitude de me masser l’orteil avant les matchs ! J’étais tellement superstitieux que j’en étais devenu débile parfois. Je me souviens que, par exemple, je garais ma voiture toujours à la même place. Aujourd’hui, je le suis beaucoup moins. Mais sinon, j’ai toujours mon petit rituel le matin. J’arrive toujours à la même heure, je prépare mes trucs, etc.

Avec l’AS Beauvais Oise, en D2, en 1991-92 (au milieu, en bas, accroupi).

Une devise ?
Bien mal acquis ne profite jamais.

C’est quoi le vrai derby normand ?
Le Havre- Rouen ! J’en ai fait quelques-uns, en minimes, cadets, juniors, Gambardella, tournoi des centres de formation, j’en ai gagné !

Ton meilleur souvenir de coach à ce jour ?
Dieppe, mais sportivement hein (rires).

Ton moins bon souvenir de coach ?
Forcément Colmar, ça s’est mal fini, il y a eu un dépôt de bilan. Quel gâchis.

« Quand je vois des potes entraîneurs galérer… »

Avec l’ASSP, à Saint-Pierre-et-Miquelon. Photo Philippe Le Brech.

Un entraîneur qui t’a inspiré ?
Alain Perrin par rapport à ce qu’il m’a apporté quand j’étais joueur mais j’ai pris de tout le monde, René Le Lamer à Istres, Denis Devaux, malheureusement décédé il y a peu, à Poitiers, Laurent Hatton et Patrick Vallée à Pacy-sur-Eure, Bruno Roux à Beauvais, mais pour moi, un des plus complets, c’est Patrick Vallée, qui n’a pourtant pas une carrière de L2 ou L1. C’est lui qui m’a marqué, sur les contenus de séances, sur les analyses. Il était parti à Singapour. Mais il n’est pas trop « sorti » en France, où il n’est pas trop réputé. Idem avec Jean-Michel Prieur à Fréjus, qui avait une grosse connaissance du foot, une vraie réflexion, une vraie analyse; avec lui, on avait des échanges qui duraient des heures.

Et sur la scène internationale, qui sont tes coachs références ?
Guardiola (rires) ! J’étais beaucoup axé sur la possession, et après, j’ai beaucoup aimé Klopp, pour les transitions rapides. Et ce que fait Franck Haise depuis quelques années, chapeau ! J’aime beaucoup. Je n’ai pas la prétention d’entraîner à son niveau bien sûr mais quand je vois tous les leviers qu’il a actionnés pour en arriver là, waouh ! Attention, entraîneur, c’est un vrai métier, et ce n’est pas un métier pour tout le monde. Il y a des classes : tu as le niveau amateur, le niveau semi-pro et le niveau pro. Bien sûr, Haise, il a un staff avec lui, mais les idées, ce sont les siennes.

Tu n’as pas la prétention d’entraîner au haut-niveau, mais tu as déjà entraîné en N2 et N3, et tu avais la cote : tu as tiré un trait sur ces échelons ?
Un trait, non, mais j’ai bientôt 55 ans, il faudrait … Mais le métier d’entraîneur est précaire. Je suis en CDI ici, à Nueillaubiers, dans un club de Régional 1, j’ai le confort, je fais beaucoup de choses au club, et quand je vois des potes qui galèrent aux étages au-dessus, je pense par exemple à Xavier Collin, qui a eu le BEPF pour entraîner en pro, et qui n’a pas de club ni en National ni en N2… Je sais bien que les places sont chères, mais par rapport à son diplôme, il aspirait à aller plus haut quand même. Je l’ai fait avant, j’étais à Colmar, adjoint en National, entraîneur de la réserve, mais il y a eu un dépôt de bilan. J’étais à Dieppe, en National 2, où j’ai subi une décision injuste de la part d’un président, puis à Saint-Louis/Neuweg en N2, où il y a eu un licenciement économique : tout ça, au bout d’un moment, ça pèse.

Pourquoi ne pas essayer d’aller dans un staff pro ?
Oui, pourquoi pas… Pour être dans un staff, il faut aussi que j’ai des affinités avec le coach. J’avais des contacts avec Philippe Hinschberger quand il était en haut de tableau il y a deux ans avec Niort, en National, mais il me disait que, même s’il montait en Ligue 2, financièrement, c’était compliqué. Une fois, Philippe (Hinschberger) m’avait appelé pour être son adjoint en D2 à Laval, mais je venais de donner ma parole à un petit club de l’Oise, l’US Mouy, pour jouer en Promotion d’Honneur, c’était juste après l’éviction avec le staff à Beauvais. Sur le coup, il n’a pas compris ma décision !

À un moment donné, tu étais consultant en National pour FFF TV …
Oui, quand j’étais à Colmar, et j’avais bien aimé l’expérience ! Je commentais les matchs de Belfort avec Maxime Chevrier. Aujourd’hui, Maxime le fait toujours avec Maurice Goldman, l’ex-coach de Belfort. Je me souviens, Maurice, avant les matchs, il se plaignait tout le temps (rires). Avec lui, c’est un peu comme avec Noël Tosi, qu’est-ce que tu rigoles !

« Le foot a cassé des choses… »

A Poitiers, avec Jean-Marc Droesch (à gauche), qu’il cite dans les coéquipiers marquants.

Un choix de carrière que tu regrettes ?
Non, aucun, parce que ça n’a pas toujours été dépendant de moi, comme je t’ai dit, à Colmar, le club fait dépôt de bilan, à Saint-Louis/Neuweg, il y a eu ce licenciement économique, à Dieppe, c’est le président qui a estimé que je devais porter le chapeau parce qu’on avait mis le gardien remplaçant en coupe de France sur la feuille de match alors qu’il était suspendu… Dieppe, c’est une cicatrice, parce que, humainement, ce qu’on m’a fait, c’est dégueulasse; ça a pris une dimension politique. Je me suis fait avoir… Honnêtement, j’ai morflé. Aux prud’hommes, on a dit des choses sur moi… que ceci, que cela. Là, je suis tombé bas. J’ai fait une dépression. C’est là que je suis retourné au Havre. Heureusement, les jeunes du centre de formation du HAC, de la réserve et des U19 Nationaux, dont je m’occupais lors de séances spécifiques attaquants, c’était ma bouffée d’oxygène. Les équipes avaient un déficit dans ce secteur, on a discuté sur le projet de les accompagner sur le spécifique attaquants, ce que j’ai fait après Dieppe jusqu’en mai 2014. Mais cela n’a pas été pérennisé. Et puis le club de Colmar m’a appelé, et j’y suis allé seul. Et après, Colmar, Saint-Louis, là, ça n’allait plus, je suis parti à Saint-Pierre-et-Miquelon, ça m’a fait vraiment beaucoup de bien, j’ai rencontré des gens bienveillants, il n’y avait pas de covid, pas de stress, c’était zen… Et quand Jordan (son premier fils) a eu sa petite fille et que ma maman est partie, sans que je ne puisse aller aux obsèques… Il y a aussi Fabio, le frère de Jordan, que je n’ai pas vu depuis cinq ans… Fabio est artisan cirier, il fabrique ses bougies, il habite près de Mulhouse. Le foot a cassé des choses. Là je me suis dit qu’il fallait rentrer, que la priorité, c’était la famille. J’en ai eu des embûches. Mais je suis content de voir que le club de Dieppe est remonté en N2, j’ai d’ailleurs félicité le coach, Djilalli Bekkar.

Question utopique : si tu devais être l’adjoint de quelqu’un en pro, tu aimerais que ce soit qui ?
Franck Haise. Je veux bien être 2e ou 3e adjoint de Luis Enrique aussi ou même lui porter les bouteilles d’eau (rires) ! Je ne suis pas supporter du PSG, mais ce que fait Luis Enrique, ce que dégage cette équipe, t’es obligé de dire que c’est extraordinaire.

« J’aime mes joueurs »

Tu es un coach plutôt comment ?
Je ne suis pas un grand bavard, mais si j’ai quelque chose à dire, je le dis. Je peux être excessif dans les mots, jamais sur les hommes. J’aime mes joueurs, je pense être cohérent. Je ne justifie pas mes choix forcément, je ne rentre pas comme ça dans le vestiaire des joueurs, c’est leur lieu de vie, je respecte ça. Par contre, je ne suis pas le dernier à déconner, à chambrer, je suis assez ouvert contrairement à ce que l’on peut penser de prime abord. Je suis perché ; parfois, on dirait que je fais la gueule, mais non, c’est juste que je suis dans mon monde, et je sais que dans le milieu amateur, cela peut être mal perçu. Les gens disent « Oh la la, le coach, il dit à peine bonjour »… Non, c’est parce que je pense à quelque chose, je suis concentré sur autre chose.

Tu peux péter un plomb ?
Oui, ça m’est arrivé. Il y a quelques mois, avec Nueillaubiers, j’ai pété une table à la mi-temps : on était à 0-0 contre une équipe… Pfff…. Bon, bah, je me faisais chier sur le terrain. Je leur ai dit, « Les gars, non mais vous rigolez… » Je suis resté compétiteur, et je sais bien que ce sont des amateurs, que ce n’est pas leur boulot, qu’ils ne trichent pas. Il faut avoir une relation saine entraîneur-joueur. J’ai eu du mal au début, mais là, maintenant, ça va, j’accepte que l’on puisse rater un entraînement, je fais des compromis. On est obligé.

« Signer à Bressuire aurait été mal perçu »

Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
Marcel Essombé. Je l’ai récupéré à Jura Sud, il sortait du centre de formation de Sochaux. Il a fait un essai catastrophique avec nous, mais j’ai dit « Je le prends »… Et il nous a fait une saison, waouh ! Mathieu Decamps aussi, Rolamellah Nouar. J’ai sorti quelques joueurs aussi comme Kalen Damessi, qui a joué en pro à Lille.

Un style de jeu ?
Jusqu’à mon passage à Dieppe, je prônais beaucoup le 4-2-3-1, mais aujourd’hui, je m’adapte, je suis plus dans un 4-3-3 avec une sentinelle basse, deux milieux relayeurs voire box-to-box, et je suis un peu plus axé sur les transitions rapides. C’est aussi le niveau Régional 1 qui veut ça, il n’y a pas non plus beaucoup de grands techniciens, et à notre niveau, la transition rapide, ça fait mal, parce que les lignes s’élargissent sur la durée du match. Les équipes ont du mal à rester structurées sur 90 minutes.

Tu as été en contact avec Bressuire récemment…
Oui, j’ai été reçu par le président. Mais… Ils ont pris Damien Charron, qui était à Niort et qui est un très-très bon coach. Et puis cela aurait été mal perçu que je parte de Nueil pour aller à Bressuire. C’est à 10 minutes, hein…

« J’ai une dent contre Le Havre »

Ton club de coeur, c’est lequel ?
Marseille !

Pas Le Havre ?
Moins…

Tu as une dent contre Le Havre, ton club formateur ?
Ouep.

Avec Fréjus, aux côtés de Jean-Charles Desnoyers, lui aussi passé par Le Havre, et Vikash Dhorasoo, lors d’un Fréjus-Bordeaux en coupe.

C’est vrai que les anciens Havrais, on n’en voit pas beaucoup dans l’organigramme…
Le Havre a été un club très fermé pendant des années. Et même de ne pas voir joué en pro là-bas, c’est un grand regret. J’habitais à 50 mètres du stade Deschaseaux, j’y ai joué en réserve en Division 3, j’ai gagné la Gambardella en 1989 avec Le Havre. Certains de mes coéquipiers ont joué en pro, je pense à David Clapson, Hubert Castets le défenseur, plus tard, Raphaël Clapson, le frère de David, a aussi joué en pro au Havre. Une fois, avec le coach Pierre Mankowski, j’ai été dans le groupe D1, dans les 15, mais il n’y avait que 14 places, et finalement, il ne m’a pas pris et je suis allé en réserve. J’ai été prêté à Beauvais en D2 l’année où Le Havre fait une année exceptionnelle pour sa remontée en Division 1 (7e) avec Mankowski, et je n’ai pas signer pro au bout de ma troisième saison de stagiaire-pro, en réserve. Au Havre, j’y ai encore mon papa et mon frère du côté de Caen, pas loin.

Le Havre, c’est tout de même 21 ans de ta vie…
Oui, c’est ça, j’en suis parti quand j’avais 21 ans. Je suis assez nostalgique des années 80 et 90. Et pas que pour le foot.

Tu n’as plus aucune attache avec le club ?
Non. Je suis allé au stade Océane pour l’inauguration, le 12 juillet 2012 il me semble, j’étais encore à Dieppe, on avait joué avec les anciens de la Gambardella. Et Le Havre avait joué contre le Real Madrid de Zidane (2-4) ! J’ai dû y retourner une ou deux fois, en spectateur. Même quand je faisais les entraînements spécifiques pour les attaquants du centre, bénévolement, et bien rien, même si j’étais très bien avec Bruno Rohart, qui était entraîneur des U19 Nationaux.

« J’ai fait un projet spécifique-attaquants »

Après la victoire en coupe Gambardella en 1989 avec Le Havre.

Serais-tu capable, comme ça, de citer le 11 de la victoire en Gambardella en 1989 ?
Les 13 même ! Revault, Castets, Amelot, Poirier, Piffre, Bretot, Lelong, Savoye, Guénni, Faye, Clapson, Chagnaud et moi, qui était remplaçant. Le 14e, c’était Malonga. Le coach, bien sûr, Abdel Djaadaoui. En face, au PSG, il y avait Kokkinis, Nouma, Llacer, De Vasconcelos, Rinçon, De Percin, pour les plus connus. On a joué à Geoffroy-Guichard, en lever de rideau de Saint-Etienne / Nice, un match de la dernière journée de D1, le 31 mai 1989 (0-0). À Geoffroy-Guichard, tu te rends compte ! Mais aujourd’hui, ça n’a rien à voir, ne serait-ce qu’au niveau de la médiatisation, tu fais une Gambardella, tu sors pro, et encore, y’en a déjà qui sont pros ! Tiens tu me demandais quels joueurs j’aimerais bien revoir, Benoît Chagnaud et Dimitri Piffre, je ne sais pas non plus ce qu’ils sont devenus. J’aimerais bien savoir.

Pourquoi n’as-tu pas persévéré à ce poste d’entraîneur des attaquants, dans un centre de formation par exemple ?
En 2013, j’ai écrit un projet sur les entraînements spécifiques attaquants, que j’ai envoyé dans quelques clubs et partagé sur les réseaux, parce que c’est vrai que dans un staff, on a un entraîneur des gardiens, mais il y a très peu d’entraîneur des attaquants. Je n’ai pas trouvé de poste, sauf au Havre donc, mais l’expérience n’a pas été pérennisée, parce qu’il fallait créer un poste, mais mon projet allait des tout-petits aux seniors. C’est un regret, oui, de ne pas avoir intégré un staff, peut-être pas de Ligue 2, mais de National par exemple. C’est vrai qu’en France, on n’en voit pas beaucoup. Et puis financièrement, c’est un poste en plus. Tu te rends compte que la réserve du Havre est tombée en Régional 1. Un club formateur comme ça… J’aurais bien aimé coacher au Havre oui, à défaut d’y avoir joué en pro.

« Les gamins ne jouent plus au foot dans la rue… »

A Pacy, en spectateur, à son retour de Saint-Pierre-et-Miquelon. Photo Philippe Le Brech.

Stade Océane ou stade Jules-Deschaseaux ?
Deschaseaux ! Comme pour beaucoup d’anciens de ma génération ! C’est un stade qui a une histoire, à l’anglaise, qui a connu beaucoup de montées et a vu tellement de grands joueurs. Mais le stade Océane est beau, surtout quand il est plein !

Combien d’amis dans foot ?
Des vrais amis, que j’appelle demain si jamais j’ai besoin d’eux, j’en ai 4 ou 5.

Une ville, un pays ?
J’aimerais bien aller au Canada, ce pays m’attire, me fascine, l’Australie aussi. Le Canada était fermé quand j’étais à Saint-Pierre-et-Miquelon, je n’ai pas pu y aller.

Meilleur souvenir de vacances ?
Je n’en ai pas pris tant que ça… Après Dieppe, il y a plus de 10 ans, j’étais parti à Canet-en-Roussillon. J’ai bien aimé. Biscarosse aussi, dans les Landes. Quand on a gagné la Gambardella, en 1989, on est parti aux îles Baléares avec toute l’équipe, un voyage payé par le président Jean-Pierre Hureau, une semaine, mais malheureusement, moi, mes vacances, elles n’ont duré que deux jours, les deux derniers…

« J’ai un casier aux Baléares ! »

Ah bon ? Raconte l’anecdote…
En fait, on était quatre joueurs à être sorti et puis on était rentré assez tôt le matin, on était parti loin, et on avait volé une mobylette et une moto-bécane plus puissante, pour rentrer, on s’est fait « gauler », on a fait 4 jours de prison… Je peux te dire que ça fait drôle quand le juge vient te chercher ou quand le coach Abdel Djaadaoui vient te voir derrière les barreaux et te dit « Mais la Cuve, pas toi, c’est pas possible… » En plus je n’avais rien fait, j’étais juste assis à l’arrière sur le porte-bagages ! On avait fait les cons. Et là-bas, ça ne rigolait pas. Donc, quand on est sorti de taule, on est vite allé à la plage pour profiter un peu. Après, quand tu rentres chez toi et que ton père te dit « Bah tu n’as pas beaucoup bronzé toi… ! » Alors que tous les autres coéquipiers étaient bien bronzés ! Je n’étais pas fier. Tu te rends compte, j’ai un casier aux Baléares !

Comment as-tu atterri à Nueil-les-Aubiers ?
Quand j’ai décidé de partir de Saint-Pierre, j’ai mis une annonce sur le site CVsports, j’ai été contacté, dès le mois d’avril, et ça s’est fait facilement. Je me suis rapproché de Jordan (son fils, qui évolue au Poiré-sur-Vie), qui était à une heure de route, et qui venait d’être papa. Quand je suis arrivé au club, je ne connaissais pas du tout la région, la poule, les équipes, les coachs… Je ne connaissais personne.

Le FC Nueillaubiers en quelques mots ?
Convivial, amateur, sain. Ici, je n’ai pas de pression. Compte tenu de nos moyens, ça fonctionne bien sportivement. C’est un petit club. Cela va faire 8 ans qu’ils évoluent en Régional 1, et je termine ma 3e saison. On arrive à se structurer petit à petit. On a des infrastructures, on peut s’entraîner très correctement, on a eu un terrain en synthétique tout neuf, et aussi un terrain tout neuf en herbe avec éclairage, c’est top ! En N3, il y a des clubs qui n’ont pas nos ça.

Le niveau du Régional 1 dans l’Ouest ?
C’est homogène je trouve, avec des belles équipes, Perigny, qui n’est pas monté alors qu’ils ont fini derrière Angoulême B qui eux, ne pouvaient de toute façon pas monter, Bressuire aussi, c’est une bonne poule de Régional 1 : quand je suis arrivé il y a 3 ans, il y avait 5 descentes, waouh, on a fini 7es ! La deuxième année aussi, encore 5 descentes, on a fini 4es, et là, on a fini 5es. Le niveau est quand même assez relevé. Et nous, franchement, par rapport à nos moyens, on a vraiment des bons résultats, ce n’est pas pour nous jeter des fleurs, mais bon… Il faut continuer, ce n’est pas évident, on a Bressuire à côté… On n’a pas les moyens de rivaliser, on a maximum 200 000 euros de budget pour le club, un salarié, deux apprentis, et en face, ils ont 500 000 euros. Et ils ont fini 7es derrière nous, comme Thouars aussi (6e)…

As-tu le temps d’aller voir des matchs dans ta région ?
De temps en temps je vais voir Bressuire ou Thouars si on ne joue pas en même temps, ou bien alors je vais voir Jordan (son fils, qui évoluait au Poiré-sur-Vie) quand je peux. Mais ce n’est pas facile, parce que depuis cette saison, on joue le samedi après-midi. Avant on jouait le dimanche, pendant mes deux premières saisons, mais on a changé, pour faire un petit peu plus de recette, par rapport aux descentes en réserve aussi le lendemain. Et puis on fait un tout petit peu plus de monde le samedi.

Le milieu du foot ?
Le pouvoir de l’argent, toujours plus… Ce n’est pas que ce soit malsain, mais je ne suis pas sûr que certains soient là par passion. On parlait de nostalgie tout à l’heure : 30 ans après, quelle différence, notamment chez les gamins. On ne joue plus au foot dans la rue, quel dommage ! L’argent a pris le pouvoir, le résultat aussi, et tu es obligé de faire avec, même au niveau amateur. On n’a plus le droit à l’échec. C’est pour ça, quand je vois mes collègues, qui durent un an ou même pas un an et demi dans un club, je me dis que je ne sais pas si j’y retournerais, ça use.

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  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe Le Brech, 13HF, FCNA, Footmaicale 79, CVfoot et DR
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