Yasser Baldé : « Je n’ai que des superlatifs pour parler de Laval ! »

A 14 ans, le recruteur de l’AJ Auxerre, Daniel Rolland, lui a mis une pression sur les épaules en évoquant un contrat pro. Finalement, le défenseur central y est parvenu quinze ans plus tard, avec Laval, champion de National en mai dernier et actuel 10e de Ligue 2. La route fut longue mais la patience et le travail ont payé.

La saison passée, en National, face à Sète. Photo Nicolas Geslin.

C’est une phrase qui a dû résonner dans sa tête au moment de signer, à 29 ans, son premier contrat professionnel, l’été dernier, après l’accession du Stade Lavallois en Ligue 2.

Et s’il en parle pour la première fois aujourd’hui, c’est que, forcément, elle trottait dans son esprit depuis ce jour de 2007, quand Daniel Rolland, alors chargé de la détection des jeunes talents à l’AJ Auxerre après y avoir dirigé le centre de formation (4 coupes Gambardella à son actif) et aussi l’équipe de Division 1 pendant une saison (2000-2001), s’est rendu chez sa maman, au Luc, dans le Var, pour l’enrôler.

« Quand Daniel Rolland est venu chez moi, au Luc, il m’a dit : « Maintenant, tu as la pression sur les épaules car à chaque fois que je suis allé chez quelqu’un, il a signé professionnel ». J’avais 14 ans et je jouais en jeunes à l’Etoile Sportive Fréjusienne, c’était avant la fusion avec Saint-Raphaël. La première personne de l’AJ Auxerre avec laquelle j’ai été en contact, c’est monsieur (Raymond) Andrieu, recruteur dans le Sud, et c’est lui qui m’a mis en relation avec le club. A l’AJA, j’ai commencé en 14 ans fédéraux avec Raphaël Guerreiro jusqu’en réserve, en N2, avec Johan Radet ».

Au début, il jouait numéro 6…

L’adage de Daniel Rolland s’est donc vérifié, mais pour Yasser, cela a mis du temps. Un peu plus que prévu. Mais il y est parvenu. A force de travail et de patience, deux mots qui sonnent comme un refrain chez lui : « Je n’ai pas signé pro à Auxerre, mais j’ai signé pro à Laval (rires) ! »

Sous le maillot de l’AJ Auxerre. Photo DR

De l’AJ Auxerre, où il a côtoyé de grands joueurs et « appris » les rudiments du poste de défenseur, lui qui avait commencé au poste de numéro 6, « Yass », comme l’appellent ses amis, ne garde que des supers souvenirs, même si la fin ne s’est pas déroulée comme il l’aurait souhaité : « Ne pas avoir signé pro à l’AJA, c’est ma plus grosse déception. »

Après ses six saisons dans l’Yonne, retour dans le Var, à la case départ pour Yasser, qui, dans un premier temps, reste de nombreux mois sans jouer, sans club, avant d’intégrer l’équipe réserve de Fréjus/Saint-Raphaël.

Il élimine Auxerre, son club formateur, en coupe !

Quelque temps après, il effectue ses premiers pas en National en janvier 2016, face à Marseille Consolat, lancé par Charly Paquillé. A 23 ans. Malgré la descente en National 2 au terme de la saison 2015-16, il continue l’aventure varoise pendant deux saisons.

Le 12 novembre dernier, face à Valenciennes, en Ligue 2. Photo Nicolas Geslin.

Lors de la saison 2016-17, il est de la campagne de coupe de France qui mènera Fréjus/Saint-Raphaël jusqu’en 1/4 de finale (élimination face à Guingamp) après un superbe parcours, dont un succès 2 à 0 en 8e de finale à Louis-Hon, à Saint-Raphaël, face à son club formateur, l’AJ Auxerre, sous les yeux de Guy Roux !

« Fréjus… comment dire… Je ne veux pas cracher dans la soupe car je sais ce que le club m’a apporté et donné, même si je voulais plus, mais je n’ai pas senti une réelle envie chez eux de m’apporter ce que je voulais. C’est dommage … Mais je n’ai pas de rancune. J’en garde des bons souvenirs car j’y ai encore des collègues, d’ailleurs, je suis allé les voir récemment à l’entraînement, j’ai croisé Akim Orinel, Mohamed Ouchmid, Moyadh Ousseni, Julien Mouillon, Raphaël Delvigne, Belony Dumas, etc. c’était top ! Je suis déçu de ne pas avoir revu Stéphane Marignale, qui a arrêté, dommage ! »

A Marseille-Endoume comme chez lui !

Le 15 octobre dernier, face à Caen, en Ligue 2. Photo Nicolas Geslin.

Il a fallu que Yasser s’exile à Marseille, « son » autre ville, celle où son papa habite, pour repartir, à 25 ans, sur un autre projet, à Endoume, en National 2, dans un club qui l’a beaucoup marqué : « Endoume ? C’était exceptionnel ! »

Son visage s’illumine et devient radieux lorsqu’il en parle et évoque sa saison dans ce club réputé de la cité phocéenne : « Endoume, Marseille, c’est chez moi, y’a mes collègues, mais en fait, ce qui a été difficile, c’est de partir d’un club « riche », entre guillemets, comme Fréjus/Saint-Raphaël, et d’arriver à Endoume qui découvrait le niveau N2 et où on bricolait sans cesse. Mais on a vécu des moments exceptionnels, malgré la descente, avec des supers joueurs comme Achille Anani, Oualid Orinel, Reda Fawzi et les autres ! »

Marseille, ce sont aussi des racines : « Je suis né à Brignoles, dans le Var, mais je me considère comme Lucois car ma maman habite au Luc et j’ai commencé le foot à l’US Le Luc, où j’ai pris énormément de plaisir, car à cet âge-là, on ne pensait qu’à jouer au foot, malheureusement, je n’ai plus de réel contact avec le club, sauf parfois sur les réseaux, car les personnes ont changé. Quant à Marseille, c’est chez moi ! J’y ai mes neveux, mon père, mes cousins, mes oncles ! En fait, il n’y a que ma maman dans le Var, donc on va dire que je suis sudiste ! Après Le Luc, c’est ma maman aussi qui a préféré que j’aille à l’ES Fréjus plutôt qu’à Toulon, elle a pensé que c’était mieux pour moi, et moins loin aussi. J’avais 12 ans.

Sedan, Cholet en enfin Laval

C’est véritablement à Sedan, lors de la fameuse saison 2019-20 qui a tant fait jaser, covid oblige, en National 2, que le natif de Brignoles (Var) va prendre son envol. Dans un club qui l’a marqué, avec des supporters qui l’ont marqué. « Sedan, c’était magnifique. Et c’est exceptionnel de les revoir aujourd’hui en National. C’est un club qui mérite la Ligue 2 ! Je les suis toujours, bien sûr ! Sur les réseaux sociaux, des supporters m’écrivent encore ! »

Sous le maillot du CS Sedan Ardennes. Photo CSSA

L’expérience sedanaise est écourtée en mars 2020 à cause de la Covid-19, qui stoppe l’élan du club dans sa quête d’accession en National. La suite le conduit à Cholet, une saison, où il retrouve le National, 5 ans après sa première expérience à Fréjus : « Cholet, c’était contrasté. Le bilan est correct. J’ai vécu une bonne saison, on avait un staff exceptionnel mais je n’aimais pas trop ce qui se passait à côté… c’était bizarre… » Yasser n’en dire pas plus.

Enfin, en juin 2021, à 28 ans, c’est l’arrivée en Mayenne, à Laval, toujours en National, avec le bonheur et la consécration au bout : un titre de champion et une accession en Ligue 2. « Laval ? Je n’ai que des superlatifs qui me viennent à l’esprit quand je parle du club ! »

« Descendu » chez lui, dans le Sud, à Marseille et au Luc, le temps de quelques jours, « Pour que mon père et ma mère voient un peu ma fille de 3 mois », « Yass » est rentré à Laval pour s’entraîner et garder le rythme pendant cette trêve « coupe du Monde ».

Le 12 novembre, les Tangos d’Olivier Frapolli ont battu Valenciennes et ont quitté le championnat à une 10e place, vraiment pas mal pour un promu ! Ils le retrouveront après le Mondial, le 26 décembre, à Dijon.

Yasser Baldé, du tac au tac

« Le foot peut être fantastique et horrible à la fois »

Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
Le titre de champion de National et l’accession en Ligue 2 avec Laval la saison passée.

Pire souvenir sportif ?
De ne pas avoir signé pro à Auxerre. J’ai passé 7 ans au Centre de formation, j’étais stagiaire-pro. J’ai fait quelques entraînements avec les pros. Mais c’était exceptionnel. J’en garde de nombreux et bons souvenirs, en plus, le centre était un des plus réputés, j’ai eu des coachs formidables, je n’en garde que du positif, même si je n’ai pas signé pro. Ils m’ont repéré quand je jouais à l’ES Fréjus, à l’époque j’avais des clubs qui s’intéressaient à moi, Montpellier, Lens, Rennes, mais j’ai choisi Auxerre car c’est eux qui, en premier, m’ont mis le papier sous les yeux sur la table ! Et puis bon, Auxerre, c’était Guy Roux, la pub cristalline, Djibril Cissé, ça me parlait ! Je suis allé deux fois là-bas à l’essai avant qu’ils ne me proposent un contrat. »

Tu as déjà marqué des buts ?
Quand même… (rires) En seniors, j’ai dû en mettre une petite dizaine. Le plus beau ? Avec Sedan, de la tête, contre Schiltigheim, en N2.

Photo Philippe Le Brech

Pourquoi as-tu choisi d’être défenseur ?
(Rires) Déjà, ce sont les gens qui ont choisi pour moi car j ai commencé en numéro 6 devant la défense mais on m’a fait reculer, en me disant que cela serait plus simple pour moi compte tenu de mon agressivité et du fait que j’avais un peu de « pied », une relance assez correcte, pour passer un cap. C’est pour ça qu’on m’a mis derrière, et ça m’a plu, car au quotidien, je suis quelqu’un qui a beaucoup d’empathie pour les autres, je suis protecteur, je me rapproche facilement des collègues, je prends de leurs nouvelles, et tout ça, en fait, ça se retrouve un peu la notion de défenseur.

Première fois dans un stade ?
A l’OM, au Vélodrome, en tribune Ganay. Je devais avoir 10 ou 11 ans.

Ton geste technique préféré ?
Le contrôle-semelle (rires) !

Sous le maillot de Cholet. Photo Philippe Le Brech

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Je suis trop dur, trop exigeant envers moi même et mes coéquipiers. C’est un défaut, il faudrait que je sois plus souple par moments, et mes qualités, bah c’est justement mes défauts.

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?
A Sedan. On est resté invaincu pendant des mois (première et unique défaite en mars à Saint-Geneviève), on avait la meilleure défense du monde, oui, du monde (0 but encaissé pendant les 13 premières journées, 1 but encaissé en 19 journées !!), ça a été exceptionnel même si on n’est pas monté à cause de la Covid.

Le club où tu n’aurais pas dû signer ? L’erreur de casting de ta carrière ?
Aucun. Chaque club m a appris et apporté quelque chose.

Le club où tu as failli signer ?
Annecy.

Juillet 2022, en match de préparation, avec Laval. Photo Philippe Le Brech

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Arsenal, sans hésitation.

Le club où tu ne pourrais pas jouer ?
Paris Saint-Germain. Impossible.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Le Vélodrome.

Un public qui t’a marqué ?
Celui du stade Vélodrome.

Un coéquipier marquant (tu as le droit d’en citer plusieurs) ?
Akim Orinel (Fréjus/Saint-Raphaël) et Bissenty Mendy, le défenseur d’Annecy, avec qui j’ai joué à Sedan. Et aussi, Thierry N’joh Eboa qui joue à Saint-Maur (N2), que j’ai côtoyé à Sedan, et Aziz Dahchour, de Sedan, qui a été exceptionnel et fantastique avec moi.

Le coéquipier avec lequel tu avais (ou tu as) le meilleur feeling dans le jeu ?
Bissenty Mendy.

Sous le maillot de Laval, la saison passée, en National. Photo Philippe Le Brech

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
J’aime pas trop répondre à cette question mais il y en a un qui me vient en tête, Doumbia, de Sochaux.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Non, aucun, je suis pratiquement en contact avec tout le monde !

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Eric Aymard au Luc, et aussi Christian Henna, mon entraîneur chez les jeunes à Auxerre.

Un président marquant ?
Marc Dubois, de Sedan. J’ai rarement vu un président aussi calme et confiant envers ses employés, j’ai beaucoup de respect pour lui.

Un président à oublier ?
Franchement, aucun, et je ne mets pas de pincettes, tu me connais !

Une causerie de coach marquante ?
Une causerie de Stéphane Rossi à Cholet, on devait jouer au Mans en fin de saison et ça lui tenait à coeur de gagner ce match, on a senti qu’il parlait avec les tripes, ça m’avait marqué. Et on avait gagné.

Avec Cholet, lors de la saison 2020-21, en National. Photo Philippe Le Brech

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
A Auxerre, en 16 ans nationaux, le directeur de la formation de l’époque, Francis de Taddeo, est entré dans le vestiaire, a demandé au coach de sortir, et là, il nous a très très mal parlés, à chacun de nous, il nous a pris un par un, il avait utilisé des noms d’oiseaux… J’en rigole aujourd’hui.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Yaya Sanogo.

Pas Bobo Baldé ?
Ah ah lui c’est mon frère, c’est le plus connu des Baldé !

Combien de véritables amis dans le foot ?
Six je pense.

As-u des rituels, des tocs avant un match ?
Oui, déjà quand je rentre sur la pelouse, je m’arrête, je ne rentre pas complètement, je touche la pelouse, puis après j’y vais, et aussi, je ne sors jamais mes protèges tibias de mon sac, je le fais juste à la fin, quand l’arbitre arrive. Et je mets un petite musique.

Une devise ?
Je dis souvent « le patient et le travailleur sont toujours récompensés ».

Sous le maillot de Cholet, en mai 2021. Photo Philippe Le Brech

Un chiffre (signification) ?
Le 12. Car je suis né le 12 janvier.

Pourquoi y a-t-il un 6 à ton adresse mail alors ?
Parce qu’à l’époque, mon frère jouait au Celtic Glasgow et portait le 6, et comme je voulais suivre son exemple…

Un plat, une boisson ?
Le couscous de ma maman et le bissap (boisson traditionnelle sénégalaise).

Termine la phrase en un mot ou deux : tu es un défenseur plutôt …
Costaud.

Un match de légende pour toi ?
Milan AC – Liverpool, finale de Ligue des Champions 2005 à Istanbul.

Un modèle de défenseur ?
Virgil van Dijk (Liverpool).

Une idole de jeunesse ?
Thierry Henry.

Ta plus grande fierté ?
Ma fille.

Tes passions en dehors du foot ?
Cinéma, la play-station, j’aime bien les jeux de société, partager des choses en famille.

Si tu n’avais pas été footballeur, qu’aurais-tu aimé faire ?
Footballeur !

Le milieu du foot, en deux mots ?
Il peut être fantastique et horrible à la fois.

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Nicolas Geslin – Philippe Le Brech – et DR