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Yann Kerboriou : « Le National 3, c’est 5 % de plaisir et 95 % de combat ! »

L’ex-gardien de Créteil en Ligue 2 et en National est retourné à Aubervilliers, en N3, où son club a signé un exploit retentissant au 7e tour de la coupe de France en éliminant QRM, un club de Ligue 2. Une performance qui a rappelé la saison 2009-2010, lorsque le club du 9-3 avait affronté le PSG au Parc des Princes en 32es !

Sous le maillot de l’US Créteil. Photo Philippe Le Brech

À l’heure où la mode est à la langue de bois et aux discours feutrés, Yann Kerboriou – actuel gardien d’Aubervilliers en National 3 – dit clairement les choses. L’homme aux 87 rencontres de Ligue 2 sous le maillot de l’US Créteil aurait pu avoir une trajectoire plus belle encore avec plus de travail, comme il le dit si bien.

Elle aurait aussi pu se résumer à quelques apparitions avec les Cristoliens et de longues soirées sur les bancs de touche de France et de Navarre s’il n’avait pas cru un minimum en lui. Critiqué par beaucoup, le « p’tit gars d’Auber » s’est construit seul ou presque.

À 34 ans, alors que le portier séquano-dionysien pourrait aspirer à une retraite sportive méritée, il a choisi de continuer à se faire mal à l’entraînement et en match en National 3. Un championnat où le plaisir n’est pas souvent au rendez-vous, selon ses mots. Et avec pourquoi pas, le plaisir de vivre une nouvelle montée avec son club de cœur. Histoire de boucler la boucle après deux ascensions successives de DH en CFA (2008-2010).

Sous le maillot de l’US Créteil. Photo Philippe Le Brech

En attendant le verdict d’un championnat ô combien difficile, et après avoir signé l’un des exploits du 7e tour en éliminant un club de Ligue 2, Quevilly Rouen (1-1 puis 4-1 TAB), « Bouyou » va se rendre une semaine à La Réunion pour y affronter la JS Tamponnaise au 8e tour de la Coupe de France.

Un déplacement aux allures de vacances certes mais avec un enjeu important pour la formation de Seine-Saint-Denis : une place en 32e de finale de la Coupe de France. Et pourquoi pas un nouvel affrontement face au Paris-Saint-Germain, 13 ans après un 32e de finale au Parc-des-Princes ou le jeune Yann Kerboriou, fan inconditionnel du PSG, s’était rendu, avec Aubervilliers, pour une élimination certes, mais un beau souvenir indélébile.

Sous le maillot de l’US Créteil. Photo Philippe Le Brech

Yann, raconte nous un peu ce 7e tour victorieux contre Quevilly Rouen Métropole !
Même si j’étais sur le banc, contrairement au championnat, ça rappelle de bons souvenirs, des moments agréables de la Coupe de France. Ça permet aussi à la ville de fédérer autour d’un match, de voir le stade plein. Et puis pour les gars de l’équipe c’est une bonne occasion de se confronter à des joueurs de Ligue 2. Un niveau que certains n’auront peut-être jamais la chance de découvrir, même si c’est tout le mal que je leur souhaite.

Tu avais déjà connu ce rôle de « Petit Poucet » ?
Oui et déjà avec Aubervilliers, mais ça doit faire 10 ans (ndlr : 10/01/2010). Nous avions tiré le Paris Saint-Germain en 32e de finale. Et comme le club ne pouvait pas recevoir dans son stade André Karman, nous avions « reçu » le PSG au Parc-des-Princes. Un rêve de gosse quand tu supportes cette équipe et c’est sûrement mon plus beau souvenir dans cette compétition, même si j’en prends cinq! Et il y aussi l’année suivante (2010-2011) avec Créteil alors en National. On prend Nice qui est en Ligue 1 à Duvauchelle et on perd aux tirs-au-but (ndlr : 6-5).

Sous le maillot de l’US Créteil. Photo Philippe Le Brech

Au prochain tour, Aubervilliers va se rendre à La Réunion pour jouer La JS Tamponnaise avec l’étiquette de favori. Le risque c’est de se dire que vous partez en vacances ?
Je ne sais pas si on est favori, mais c’est un match que l’on espère gagner. On va tout faire pour gagner, mais ce ne seront clairement pas des vacances. Et il n’y aucun risque qu’on puisse le penser avec un coach comme le notre. Rachid Youcef saura parfaitement avertir tout le monde. On va aborder ça avec le plus de sérieux possible. Il ne faut pas oublier qu’à la clef il y a un ticket pour les 32e de finale avec la perspective éventuelle de jouer une Ligue 1. J’espère que tout le monde a conscience de ça et est dans la même optique de vouloir gagner.

À côté de la Coupe de France, Aubervilliers vise une montée en National 2. Comment décrirais-tu ce championnat francilien de National 3 ?
Ce championnat c’est 5% de plaisir et 95% de combat tous les samedis. Ce n’est pas la division la plus attrayante. Même pour un spectateur. Je me mets à sa place et ce n’est pas forcément agréable à regarder. Ça ne joue pas beaucoup au foot. Ce sont beaucoup de duels, d’engagements, d’insultes. Avec la réforme des championnats, si jamais « Auber » ne monte pas, ce sera tout de même plus sympa je pense la saison prochaine avec à nouveau des déplacements dans le Nord ou l’Est de la France.

Avec l’US Créteil en 2017-2018. Photo Philippe Le Brech

Hormis une courte parenthèse en National 2 avec Fleury, tu n’as connu que deux clubs : Aubervilliers et Créteil. Comment as-tu commencé à « Auber » ?
J’ai passé deux ans au centre de formation de Lille, mais je n’étais clairement pas prêt. À 15 ans, je n’avais pas compris qu’il fallait vraiment bosser pour le haut niveau. C’était trop tôt pour moi et je n’étais pas prêt à tous les sacrifices nécessaires. Je suis arrivé à Aubervilliers en DH*. Deux ans plus tard, nous montions en CFA et moi je prenais le chemin de Créteil.

Là, tu y débarques en 2010-2011 pour huit saisons…
Je n’en garde que des bons souvenirs pour plusieurs raisons. Déjà, j’y signe mon premier contrat pro et ensuite j’arrive à faire une carrière là-bas alors que si je comptais les personnes qui croyaient en moi à l’époque, une main serait largement suffisante. Je n’ai aucun regret sur cette période. Je me dis juste que si j’avais bossé un peu plus, j’aurais peut-être pu viser plus haut, mais on ne le saura jamais.

Avec Créteil en Ligue 2 en 2015. Photo Philippe Le Brech

Tout n’a pas été rose néanmoins pour toi avec une situation particulière. Chaque saison ou presque, tu partais comme doublure avant d’inverser la tendance. Comment l’expliques-tu ?
C’est le mental tout simplement. Je ne pouvais pas accepter ce statut, qu’il soit justifié ou non.

Tu ne peux pas te satisfaire d’être sur le banc de touche. Je dois rendre hommage à quelqu’un qui m’a toujours poussé à aller au bout des choses. C’est Rachid Bachiri qui était alors numéro 3. Lui, il croyait en moi et me disait de ne pas lâcher, que ça finirait par payer. Et à force de persévérance, j’ai réussi à jouer.

*Après ses deux saisons au centre de formation de Lille, Yann est retourné chez lui, à Montrouge, pendant une saison, avant de jouer en seniors PH, puis il s’engage en DH à Aubervilliers.

Les buts du PSG en coupe de France face à Aubervilliers en 2010

Yann Kerborou, du tac au tac

Sous le maillot de l’US Créteil. Photo Philippe Le Brech

Le joueur plus fort avec lequel tu as joué ?
« Ils sont deux : Rafik Gérard et Rudy Carlier. Rudy, c’était un tueur à gage à l’entraînement, mais en match c’était un autre joueur. Je n’ai jamais compris ces deux visages. Ça reste une énigme. Et Rafik Gérard c’est certainement le plus fort avec qui j’ai pu jouer. Mais aussi le plus fou et le moins constant. »

Le joueur le plus fort contre lequel tu as joué ?
« Yohann Rivière, je n’ai jamais aimé le jouer. À Dijon, c’était un casse-couille sans nom. Il était ultra efficace devant le but, très roublard et c’était chiant de le jouer. C’était souvent des duels compliqués. Et puis il y a eu aussi Mathieu Duhamel qui est parti l’année où j’ai signé à Créteil. L’avoir en face à face n’était pas un cadeau. »

Tonpremier match de Ligue 2 ?
« À Nîmes aux Costières en 2013. On gagne 3-2 avec des buts de Fané (Andriatsima), Jean-Mi (Lesage) et Marcel (Essombé). Et si je dois être très honnête, je me chiais dessus avant le coup d’envoi. En plus c’était compliqué car le club fait signer Issa Ndoye pour nous mettre en concurrence. Il y avait les pros Ndoye et les pros Kerboriou alors que nous on s’entendait hyper bien. Il y avait eu l’histoire de la photo officielle qui veut que généralement le gardien titulaire soit au milieu et le remplaçant un peu plus sur le côté. Et c’est Issa qui était au centre de la photo. Et ça ne plaisait pas à Jean-Luc Vasseur. On sortait du titre de national et le coach trouvait normal de me garder sa confiance. »

Sous le maillot de l’US Créteil. Photo Philippe Le Brech

Ton dernier match de Ligue 2 ?
« C’était à Niort avec Créteil en 2016. Je prends un carton rouge au bout de 30 minutes alors que l’on mène 2-1. Sur un duel avec l’attaquant, je sors et Tony Chapron siffle pénalty. Je me dis pourquoi pas, je vais essayer de l’arrêter. Et là, je vois qu’il sort le rouge. Je n’ai pas compris sa décision. On perd 4-2 et on descend officiellement en National. Derrière, je prends une flopée d’insultes et quelques jours plus tard on met à tord mon intégrité en question en parlant de match arrangé. Le contraire à d’ailleurs été prouvé. »

L’entraîneur qui t’a le plus apporté ?
« Je vais en citer trois. Daniel Ravaudet à Montrouge. Il m’a fait confiance et m’a surtout aidé à prendre confiance en moi. J’avais 14 ans, c’était avant mon départ au centre de formation de Lille et il a compté dans mon début de parcours. Ensuite, il y a Abdallah Mourine qui m’a accueilli à Aubervilliers alors que je n’étais rien, ni personne. Il m’a accordé sa confiance pour garder la cage de l’équipe. On a connu deux montées ensemble. J’arrive en DH et en deux ans on se retrouve en CFA. Le troisième c’est Jean-Luc Vasseur. Beaucoup lui trouve des défauts. Il en a forcément, mais pas tant que ça. Il a l’avantage de toujours laisser tout le monde concerné dans un vestiaire. Ce n’est jamais évident pour un coach. Je lui suis reconnaissant pour toutes ces années. »

Vidéo : entretien avec Yann Kerboriou avec Créteil en Ligue 2 :

 Texte : Julien Leduc / Mail : jleduc@13heuresfoot.fr / Twitter @JulienLeduc37

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech