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Xavier Mercier (Molenbeek) : « Je n’ai pas fait tout ça pour rien »

Le parcours du meneur de jeu, champion de D2 Belge avec le Cercle Bruges en 2018, cadre de Louvain en Jupiler Pro League et aujourd’hui à Molenbeek, en banlieue de Bruxelles, raconte un autre football. L’histoire d’un garçon qui n’a jamais cessé de croire en son rêve. Même si le chemin pour devenir pro ne fut pas de tout repos.

Photo RWD Molenbeek

Il aurait pu tout arrêter il y a quelques années déjà. Ne pas passer le cap du monde pro, au fil d’interrogations sur la finalité et la récompense de ses efforts, d’une formation à Nîmes et Montpellier aux terrains écumés en CFA2 à Lesquin, du côté de Beauvais en CFA, ou encore en National, à Boulogne-sur-Mer.

Si Xavier Mercier, 34 ans, compte aujourd’hui près de 400 matches disputés dans le monde du football, son arrivée au plus haut niveau et son épanouissement ont été le fruit d’un travail acharné. Une carrière que le Cévenol (il est né à Alès, dans le Gard), aujourd’hui au Racing White Daring de Molenbeek, relate dans un entretien pour 13heuresfoot, où il évoque le long chemin qui l’a mené de la 5e division française à la Ligue 2 avec Guingamp (7 matchs) jusqu’à une aventure hongroise teintée d’Europe. Une linéarité bien différente de celle de bon nombre de footballeurs pour ce numéro 10 à l’ancienne décidément déroutant, sur les terrains comme en-dehors. Entretien.

« Je voulais juste m’amuser »

Photo RWD Molenbeek

Comment peux-tu nous raconter tes débuts ?
Je suis préformé à Nîmes, et je suis parti au centre de formation de Montpellier de mes 14 à mes 20 ans. J’ai fait tout mon cursus là-bas, ça s’est plutôt bien passé, jusqu’à mes deux dernières années stagiaire, où ça a été un peu plus compliqué pour différentes raisons. Et notamment, parce que derrière moi, il y avait la génération 90, avec Rémy Cabella, Younes Belhanda, Benjamin Stambouli, qui a gagné la Coupe Gambardella. Ces joueurs-là m’ont un peu relégué en CFA. J’avais beaucoup moins de temps de jeu, et on va dire que j’ai plus profité de la vie que de jouer au foot quoi !

Numéro 10 à l’ancienne

Photo RWD Molenbeek

Qu’est-ce qui t’a manqué, à tes débuts, pour passer ce cap en France ? Après le centre, tu as joué en CFA 2, à Lesquin…
Mon parcours en France est également dû au fait, je pense, que j’étais dans la génération où il y avait beaucoup de joueurs de grande taille et peu de petite taille, comme la mienne. L’effet Valbuena a un peu changé ça, mais on cherchait beaucoup de joueurs avec des qualités physiques élevées, des grands gabarits. Je ne rentrais pas dans ces cases-là, j’étais petit, je n’avais pas un gros coffre, avec un style de numéro 10 à l’ancienne. Je ne suis pas tombé dans la bonne période, je pense.

Quand tu as démarré, à Nîmes et au MHSC, tu te voyais réussir ?
Non, je ne me projetais pas forcément. Pour moi, le niveau professionnel, c’était tellement loin… Quand on allait voir les matchs pros de Montpellier à domicile, je ne me prenais jamais à rêver d’être sur le terrain, je prenais les choses petit à petit, sans pression, je voulais juste m’amuser.

Un des derniers romantiques

Photo RWD Molenbeek

Ton profil, c’est justement cela, aussi ; un joueur qui prend du plaisir. Tu es peut-être un des derniers romantiques du football moderne. Quelle est ton approche du football ?
Le football a beaucoup changé. Maintenant, on est beaucoup dans les data, les stats physiques, l’intensité, et moi je ne rentre pas forcément dans ces cases-là. Un certain nombre d’entraîneurs se basent peut-être plus sur tout cela que sur la technique.

En Belgique, le foot est peut-être plus « pur », plus à l’ancienne, justement. Cela peut expliquer ton arrivée et ta réussite là-bas ?
Quand je suis arrivé là-bas à 27 ans, je ne connaissais pas le championnat pour tout dire. J’y suis allé car je voulais tenter un dernier coup de poker pour enfin réussir une carrière professionnelle. Maintenant, pourquoi j’y ai réussi, c’est parce que je suis tombé sur des entraîneurs qui m’ont fait confiance, qui ont d’abord compris l’homme que j’étais et qui ont su me mettre en situation sur le terrain, me donner les clefs du jeu. C’est ce qui m’a manqué en début de carrière, et c’est peut-être ce qui me manque encore parfois en fin de carrière (rires) !

Sous le maillot de Guingamp en 2012. Photo DR

Pour revenir en arrière, tu t’es quand même éclaté, pendant deux saisons, à chaque fois à Beauvais (2012-2014 en CFA ) puis Boulogne (2014-2016 en National) ?
Oui, les deux saisons à Beauvais, je me suis vraiment amusé par exemple. On avait une vraie bande de potes, et 10 ans après ce sont toujours mes amis. On a créé des liens forts. On se retrouvait toujours après les matches à la maison, on était tous un peu dans une galère et on se serrait les coudes. Après, à Boulogne, je suis monté d’un cran, ça s’est bien passé, j’ai fait une grosse saison et demie en termes de niveau. Mais les clubs en France ne venaient pas me chercher, c’était compliqué. J’avais envie de connaître le monde pro, mais ce n’était pas facile. On avait pris une décision avec ma femme, à ce moment-là, de disputer encore une saison puis d’arrêter le foot si ça ne marchait pas. Je ne gagnais pas assez d’argent pour faire vivre ma famille en National, et puis il y a les déplacements, on vit loin des siens, tu fais des voyages de 10 heures de bus… Je ne voyais pas l’intérêt de continuer à ce niveau-là juste pour dire « Je jouer au foot ». Mais Courtrai est arrivé à cette période.

« En Belgique, on m’a fait confiance »

Photo RWD Molenbeek

Par la suite, tu as trouvé un équilibre en Belgique. Tu peux un peu nous raconter cette arrivée au plat pays et cette seconde partie de carrière ?
Je suis devenu le joueur que j’aurais pu ou dû être en Belgique. On m’a fait un peu plus confiance, il faut dire aussi ce qui est, c’est que je gagnais déjà un peu plus d’argent, cela me permettait de faire des activités à côté, des vacances, on vivait mieux. La chose principale, c’est qu’on m’a fait confiance, et à partir de ce moment-là, je me suis mis dans le foot à fond.

Jusqu’au titre en deuxième division avec le Cercle de Bruges, après une saison et demie à Courtrai…
La Belgique, ça n’a pas été de tout repos non plus. On ne voulait plus de moi à Courtrai. Mais je suis tombé dans un groupe exceptionnel au Cercle, qui me fait penser à Beauvais, où on a vraiment créé des liens forts. On a réussi à être champions à la dernière minute, un moment exceptionnel ! Cela a été un petit peu… Après ça, cela m’a apaisé, tous les sacrifices faits avant ont été balayés d’un coup, je me suis dit « je n’ai pas fait tout ça pour rien ».

« J’aurais peut-être pu faire mieux »

Photo RWD Molenbeek

Ces sacrifices, cette carrière en deux temps… Quel est ton regard sur ça, avec le recul ?
Déjà, je suis fier de ce que j’ai fait. Quand j’avais 20 ans, j’étais en CF2, et je finis à 33 ans en Ligue Europa. Le chemin a été long, dur, mais je n’ai jamais rien lâché. Je n’avais pas d’objectif précis, je voulais juste prendre du plaisir, et ce le plus haut possible. J’aurais peut-être pu faire mieux avec le talent que j’avais, mais je ne regrette rien.

Pour parler de ton talent, revenons sur une de tes plus belles saisons : en 2020-2021, tu marques 10 buts et délivres 16 passes décisives avec l’OHL. Là encore, tu as dû kiffer ?
C’est l’apothéose de ma carrière, là où je me sentais le plus fort, où j’avais le plus de responsabilités dans l’équipe. On s’entendait très bien, c’était facile avec Thomas Henry devant, on se trouvait les yeux fermés, c’était un sentiment incroyable.

Avec ton expérience, comment te comportes-tu désormais dans tes clubs ? Est-ce que la transmission est quelque chose qui t’habite ?
Je l’avais déjà un peu quand j’étais au Cercle. Le problème aujourd’hui, c’est que les jeunes et les générations ont changé, c’est plus compliqué de leur donner des avis ou de les aider, car ils entendent moins que ce que nous on pouvait écouter, mais c’est quelque chose que j’aime bien faire.

« J’ai envie de rester dans le foot »

Photo RWD Molenbeek

Dans ta fin de carrière, il y a aussi la Ligue Europa comme tu disais, à 33 ans… Tu as disputé les qualifications avec Ferencvàros, un club hongrois. Incroyable, non ?
J’y suis allé spécialement pour ça, pour découvrir la Coupe d’Europe. Après, ça ne s’est pas passé comme je l’aurais souhaité, mais j’ai découvert l’exigence d’une équipe européenne, qui joue tous les trois jours, avec des stades et des supers ambiances, je suis content d’avoir vécu cela. Ça reste positif, étant compétiteur ça me faisait ch*** de ne pas jouer autant que j’aurais voulu, mais avec le recul ça reste exceptionnel.

Cette saison, tu es revenu en Belgique, à Molenbeek. Un exercice compliqué, car vous jouez le maintien, et où tu as encore un rôle d’ancien et de leader de vestiaire…
Je suis venu ici car je voulais revenir en Belgique. Je ne m’attendais pas à ce que la saison allait être difficile, personnellement ou collectivement, mais il nous reste six matches pour éviter que le club ne descende.

Pour finir, est-ce que tu t’attendais à ce qu’un gars du sud réussisse dans le nord, de Lesquin à Boulogne et en Belgique ? Quoi de prévu pour ton après-carrière ?
En fait, à la base, je suis monté à Lesquin pour rejoindre ma femme, pas pour jouer au foot. On a trouvé le club de Lesquin dans l’espoir que je fasse quelque chose là-haut. Et puis tout s’est enchaîné. Je suis reparti à Guingamp, avant de revenir dans le nord. Ma carrière, plusieurs fois, n’a pas tenu à grand-chose, finalement. On verra les opportunités. J’ai envie de rester et de travailler dans le football.

Xavier Mercier, du tac au tac

« Never give up »

Photo RWD Molenbeek

Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?
Le titre en deuxième division belge avec le Cercle Brugge.

Le pire souvenir ?
Pour le moment, je n’en ai pas forcément, mais j’espère ne pas le connaître cette saison avec la descente.

Quel est le joueur le plus fort que tu aies affronté ?
Victor Valdes, quand il jouait pour le Standard de Liège.

Le coéquipier le plus fort avec qui tu as joué ?
Samuel Gigot (il a évolué avec lui à Courtrai en 2016-2017). C’est une machine.

As-tu un joueur de légende ou un modèle ?
Mon joueur de légende c’est bien évidemment Zinedine Zidane.

Instagram @Xavier_Mercier

Le coéquipier le plus fou que tu aies côtoyé ?
Il y en a beaucoup, mais je vais dire Anthony Knockaert, qui joue actuellement à Valenciennes.

Le coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Elohim Rolland avec qui j’ai joué à Courtrai.

Le club, l’équipe ou la saison où tu as pris le plus de plaisir sur le terrain ?
La saison où j’ai pris le plus de plaisir au niveau football c’est en 2020-2021 avec Louvain.

Si tu n’avais pas été footballeur, tu aurais fait quoi ?
Honnêtement, j’ai toujours été dans le foot, donc je n’ai jamais réfléchi à autre chose.

L’anecdote la plus folle vécue dans ta carrière que tu n’as pas encore racontée, mais que tu vas raconter ici ?
L’anecdote la marquante ? Un jour, j’étais en réunion, et d’un coup un coéquipier s’est mis à flatuler. C’était « incroyable » (rires). Mais bien sûr je tairais son nom.

Quel est le coach ou les entraîneurs qui t’ont marqué ?
J’ai eu trois coachs qui m’ont vraiment fait passer des caps, et avec qui j’ai été très performant. C’est Frank Vercauteren (au Cercle Brugge), Vincent Euvrard (Bruges puis Louvain) et Marc Brys (Louvain).

Photo RWD Molenbeek

Un président marquant ?
Je vais dire Noël Le Graët à Guingamp. Il avait énormément de charisme.

Le stade qui t’a le plus impressionné ?
Le stade de Ferencvàros était vraiment impressionnant les soirs de Coupe d’Europe.

Une équipe, adverse ou pas, qui t’a bluffé ?
La France en 2018. C’était incroyable.

Un match où tu t’es senti intouchable ?
Un 8eme de finale de coupe de France contre Sarre-Union avec Boulogne où je marque 4 buts dans le match.

Sous le maillot de Bruges. Photo Cercle Brugge KSV

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le RC Lens. Ca a failli se faire en 2016, mais au dernier moment ça ne s’est pas fait et je suis allé à Courtrai.

Une causerie de coach marquante ?
Avant la finale de D1B avec Louvain où le coach nous a montré des vidéos de soutien de nos familles.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Samuel Gigot, je pense.

Pour finir, une devise, un dicton ?
« Never give up. »

Xavier Mercier en dates

Sous le maillot de Boulogne.

2006-2009 : Montpellier B (CFA)

2009-2010 : US Lesquin (CFA2)

2010-2012 : EA Guingamp (National, Ligue 2)

2012-2014 : AS Beauvais Oise (CFA)

2014- Janv. 2016 : US Boulogne Côte d’Opale (National)

Janv. 2016-2017 : KV Courtrai (D1 Belge)

2017-2019 : Cercle Bruges KSV (champion de D2 en 2018 puis D1 Belge)

2019-2022 : OH Louvain (D2 Belge puis D1 Belge)

2022-2023 : Ferencváros TC (D1 Hongrie)

Depuis 2023 : Racing White Daring de Molenbeek (D1 Belge)

 

Texte : Clément MAILLARD – Twitter : @MaillardOZD

Photos : RWD Molenbeek

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