Une réforme des championnats Nationaux, mais pourquoi ?

Elle est passée comme une lettre à la poste et pourtant elle va faire des dégâts et laisser des clubs sur le carreau. La réforme des championnats amateurs a été imaginée pour « améliorer le niveau sportif ». Personne n’est franchement convaincu.

On a beaucoup parlé de l’anxiété générée par les quatre descentes en Ligue 1 et en Ligue 2, mais ce n’est rien par rapport à ce qui attend les championnats de National, National 2 et National 3, consécutivement à la réforme décidée par la Fédération Française de Football (FFF).

Une réforme qui, de manière assez surprenante, est passée comme une lettre à la poste, sans opposition vraiment déclarée, en tous les cas sans réelle polémique. A se demander même si les clubs de niveau national ont bien mesuré ou compris ce qui les attend, un véritable tsunami…

76, c’est en effet le nombre considérable d’équipes qui seront éjectées du niveau national à échéance de 2025, c’est à dire 26% de l’effectif actuel, soit plus d’une équipe sur quatre. Pour la Ligue 1 et la Ligue 2, le passage de 20 à 18 est immédiat, et il sera répercuté directement en fin de saison sur le National où un tiers du peloton (6 sur 18) passera à la trappe, direction N2.

Conséquence directe : les clubs professionnels seront alors très majoritaires en National, qui pourrait être baptisée Ligue 3 à partir de 2024. Une évolution logique et salutaire sauf que, aux dernières nouvelles, la compétition resterait dans le giron de la FFF car cela permettrait aux clubs de L1 et L2 de ne pas partager leurs droits télés avec la L3. A charge alors pour la FFF de trouver un diffuseur pour la Ligue 3, un diffuseur suffisamment généreux pour amortir le coût d’une relégation de Ligue 2, actuellement considérable.

Le N3, championnat le plus touché

En N2, les coupes sombres seront également terribles dès cette saison, avec cinq descentes par groupe, et même six pour deux des quatre groupes (plus mauvais 11e) avec pour objectif un passage à trois groupes de 16 à l’horizon 2025. Le bouleversement sera donc lissé sur trois saisons via un passage transitoire à quatre poules de 14 en 2023-2024.

Mais le championnat le plus touché sera le National 3 qui perdra 56 clubs !!! Actuellement, chaque ligue a son groupe (12 groupes de 14) sous l’autorité de l’instance régionale, mais la FFF reprendra les rênes de la compétition (comme c’était le cas jusqu’en 2017 sous l’appellation CFA 2) avec seulement huit groupes interrégionaux.

Mais qui dit moins d’équipes, dit moins de matches, moins de joueurs et moins d’arbitres. Et moins de subventions, comme nous l’explique un président de N3 : « En N3, tu reçois une aide fédérale mais aussi des subventions de ta ville, éventuellement de ton département ou de ta région. Si tu descends en Régional 1, la subvention municipale diminue illico et tu n’as plus rien des instances régionales. Et tes sponsors vont te dire : vous n’êtes plus en championnat de France ? Désolé on vous donnera moins. Les autres sports collectifs (rugby, hand, volley, basket) l’ont bien compris. Ils ont à peu près tous augmenté le nombre de championnats et donc de clubs au niveau national dans le but évident de faciliter l’octroi supplémentaire d’argent public que tu n’as pas en championnat régional. Les clubs de foot seront les cocus de l’histoire. »

Cette refonte n’est elle pas une manière pour la FFF de faire des économies imposées par la période post Covid ? Directeur des compétitions nationales, Christophe Drouvroy s’en est défendu lors de l’assemblée fédérale en juin, à Nice : « Il s’agit d’augmenter le niveau sportif » a-t-il assuré.

Il est intéressant de regarder l’organisation des compétitions de niveau 3 et 4 dans les grands pays voisins.

NIVEAU 3

Allemagne : Liga 3, groupe unique professionnel (20 clubs)
Angleterre : League One, groupe unique professionnel (24 clubs)
Espagne : Primera Division RFEF, deux groupes de 20 clubs professionnels.
Italie : Série C, trois groupes de 20 clubs professionnels.
France : National ou Ligue 3, un groupe de 18 clubs

NIVEAU 4

Allemagne : Regionalliga, cinq groupes (3 de 28 clubs, 1 de 19, 1 de 18). Pro ou semi pro.
Angleterre : League Two, groupe unique de 24 clubs professionnels.
Espagne : Segunda Division RFEF, cinq groupes de dix huit clubs pros ou semi pros.
Italie : Série D, neuf poules de 18 clubs pros ou semi pros.
France : National 2, trois groupes de 16 clubs (à partir de 2025)

Si l’on rassemble les trois premiers niveaux de compétition, on arrive donc à 54 clubs en France, 56 en Allemagne, 68 en Angleterre, 82 en Espagne et 100 en Italie.
Question : le football de ces pays est il moins compétitif avec plus de clubs ? On croit connaître la réponse.
Sur les quatre premiers niveaux, on est à 92 clubs en Angleterre, 102 en France, 149 en Allemagne, 172 en Espagne, 262 en Italie.
Un agent dont l’activité se concentre principalement sur le National, le N2 ou le N3, dit craindre le pire en matière d’emplois : « L’UNFP s’est déjà émue des conséquences d’une L1 et d’une L2 a 18, dit-il. Il y aura moins de contrats professionnels, moins de débouchés pour les meilleurs jeunes de nos centres de formation, mais ce n’est rien en rapport de ce qui va se passer en dessous. En N2 et N3, on recase des ex-pros mais surtout des tas de jeunes non conservés dans les centres mais qui peuvent continuer à vivre, même modestement, de leur passion en survivant avec de petits contrats, des indemnités et parfois un petit travail en parallèle. Moins de clubs nationaux ça signifiera moins de boulot pour ces jeunes et souvent direction Pôle Emploi, avec de surcroît toutes les frustrations et le sentiment d’échec que cela va engendrer. »
On n’a pas fini de reparler de la réforme dans les trois ans qui viennent.

Texte : Jean-Michel Rouet / jmrouet@13heuresfoot.fr

Photo : Sebastien Ricou