L’entraîneur des Thoniers, « doyen » des coachs en National (il vient d’entamer sa 13e saison à cet échelon), a trouvé son port d’attache dans le Finistère, à 100km de chez lui et de son Morbihan natal, où il s’était révélé en hissant Vannes en Ligue 2 et en finale de la coupe de la Ligue. Rencontre.
C’était le plan A (il n’avait pas de plan B) du président Jacques Piriou en fin de saison dernière : « Ma priorité c’est de conserver Stéphane comme coach. C’est la pierre angulaire du système depuis deux ans. Avec un peu plus de budget, ce qui nous a manqué cette saison pour avoir deux joueurs supplémentaires, on peut être capable de renverser pas mal de choses. Bien qu’on lui ait donné peu de moyens techniques et financiers, Stéphane a fait une super saison, ce qui attire forcément les convoitises, comme pour certains joueurs, et c’est naturel. Maintenant, c’est à moi de lui vendre un bon projet », avait-il confié au Télégramme en mai dernier, après un exercice achevé à la 4e place (5e la saison précédente). Le tout avec un effectif limité en quantité. Et un budget modeste (un peu plus de 2 millions d’euros) qui n’a pas empêché l’US Concarneau de se mêler à la lutte pour la montée. Mais Le Mignan a une recette qui fonctionne : relancer des joueurs en manque de temps de jeu. C’est ça, sa méthode !
Trois joueurs de l’équipe-type de National à Concarneau !
Jacques Piriou avait trouvé les arguments car Stéphane Le Mignan (48 ans) s’est engagé à bord des Thoniers jusqu’en 2025. Sauf que, cet été, son effectif a été chamboulé. Cinq joueurs majeurs, dont trois figuraient dans l’équipe-type de National en fin de saison dernière, sont partis : l’attaquant Fahd El Khoumisti (deuxième meilleur buteur avec 20 buts, meilleur joueur de la saison et des mois d’août et octobre), le gardien Vincent Viot et le défenseur Donatien Gomis, ainsi que Tristan Boubaya (meilleur joueur en mars 2021) et Félix Ley, le jeune joueur polyvalent de l’équipe. Quant à Landry Nomel, il vient lui aussi de quitter le navire pour signer en Ligue 2 à Valenciennes.
L’entraîneur breton a donc remis son ouvrage sur le métier avec les recrues Maxime Pattier (Stade Briochin), Issouf Paro (ex-Niort), Mamadou Sylla (Sète), Alec Georgen (Auxerre) Gaoussou Traoré (Amiens), Tom Lebeau (Niort), Ambroise Gboho (Laval), Pierre Jouan et Kylian Le Her (Brest B), Axel Urie (Créteil), plus ceux qui sont restés (Maitre, Julloux, Jannez, Etuin, Sinquin, Mannaï, Gope-Fenepej, Rabillard et Boutrah qui vient dêtre sacré meilleur joueur de National au mois d’août).
Le discours de la méthode
« On a perdu cinq ou six titulaires mais c’est normal car les joueurs arrivent avec des conditions assez basses au niveau contractuel et quand il y a performance sportive, ils partent à des conditions plus avantageuses. Je suis content pour eux. Mais après, dans le recrutement, il y a une part de réussite et je n’ai rien inventé », se défend Stéphane Le Mignan, qui est parvenu à reconstruire une équipe tout aussi compétitive. L’entraîneur concarnois s’explique sur sa méthode.
« Il n’y a ni directeur sportif ni cellule de recrutement à l’US Concarneau. On doit être un cas un peu unique mais je ne suis pas contre. Comme ça, je suis en contact direct avec les joueurs et je pense qu’ils le ressentent. Il y a aussi un suivi direct et quotidien avec le président, Jacques Piriou, qui valide sur le plan financier. On ne peut pas faire n’importe quoi et aller au-delà de certaines limites budgétaires. Par exemple, à quelques exceptions près, comme Pattier (contexte breton) ou Sylla (descente du FC Sète), on ne peut pas recruter des joueurs qui ont fait une très bonne saison en National. Le fait de fonctionner en binôme avec le président, c’est bien sûr plus de travail et d’énergie, mais il faut avoir des idées et bien s’entourer. Depuis vingt ans que je suis entraîneur, j’ai aussi un réseau qui me permet de dégrossir le travail avec des techniciens qui connaissent mon fonctionnement. Il faut repérer les joueurs qui ont du potentiel et qui sont sous-utilisés ou en situation d’échec. Trouver ceux qui peuvent être moyens ailleurs et bons chez nous. Il y a une phase d’observation, la vidéo nous aide bien, et ensuite des rencontres, au téléphone ou en direct. Il y a une question de feeling aussi. Le risque, comme on a des joueurs qui ont moins joué, c’est la blessure. Mais je suis content quand on avance avec le club et le joueur grâce à notre fonctionnement. »
Cloarec, Cauet, Laguillier…
Il convient aussi de rendre hommage aux entraîneurs qui ont précédé Stéphane Le Mignan pour tout ce qu’ils ont apporté à l’US Concarneau. Nicolas Cloarec, sur le banc de l’équipe A de 2009 à 2018, a fait monter les Thoniers de CFA 2 (N3) en National et leur a permis de surfer sur la vague porteuse de la Coupe de France (1/4 de finale contre Guingamp en 2015). Benoît Cauet (janvier 2019 à février 2020) a fait en sorte que le club change de dimension : il a mis fin aux entraînements du soir, après la journée de boulot, pour passer aux footballeurs à plein-temps.
Il ne faudrait pas non plus oublier Pascal Laguillier, l’actuel adjoint de Le Mignan, qui a toujours été la bouée de sauvetage quand le bateau prenait l’eau, comme lorsqu’il a remplacé Michel Jarnigon (démissionnaire) en février 2007, ou assuré l’intérim après l’arrêt de Nicolas Cloarec (novembre 2018) et l’arrivée de Benoît Cauet (janvier 2019). Il était là aussi pour recoller les morceaux (quatre victoires en quatre matchs) après le départ de Benoît Cauet et avant l’arrêt des championnats (mars 2020). « Pascal, c’est le couteau suisse du club », apprécie le président Jacques Piriou qui l’avait, pour l’occasion, ressorti du placard du secrétariat où il se trouvait depuis un an.
Entraîneur à 26 ans
Après un parcours de joueur amateur dans le Morbihan, d’abord à Plouharnel à côté de Carnac, puis à l’US Montagnarde, au Stade Pontivyen, à la Saint-Colomban Locminé et au Vannes OC, Stéphane Le Mignan a basculé à 26 ans dans la carrière d’entraîneur. « J’avais commencé à passer mes diplômes d’entraîneur au lycée du Gros-Chêne à Pontivy où j’étais scolarisé. »
D’abord entraîneur de la réserve du VOC, il s’est retrouvé à 28 ans à la tête de l’équipe première en CFA (N2). « On est monté au bout de trois ans en National et en Ligue 2 après trois saisons aussi. » Avec, au passage, une finale de la Coupe de la Ligue dès la première année en L2 (2009) et donc, dès la première participation, un coup d’essai qu’il transforme en coup de maître : « C’était du rêve à cette époque-là. »
Le rêve durera trois ans en Ligue 2. Puis c’est la grosse déception : « Une descente avec un total de points (44) jamais atteint pour un relégué. »
Stéphane Le Mignan reste encore deux saison à Vannes en National. Un championnat qu’il continue à fréquenter à Boulogne (2013 à 2016) et à Créteil (2016 à 18). Puis vient la parenthèse Qatar, à Al-Gharafa, avec Christian Gourcuff (2018-19). « Je l’ai suivi pour mon plaisir personnel. »
Enfin, c’est l’arrivée à l’US Concarneau, en 2019, « un club qui me ressemble et qui me va bien. » Pour un « remake » du Voc ? « A Concarneau, on veut continuer à avancer mais il y a un sacré changement par rapport à la réforme du foot français. Et il y a aussi de grands écarts financiers entre les clubs, qui n’existaient pas quand j’étais au Voc. »
Un coach-adjoint (Laguillier) qui sait d’où il vient. Un entraîneur en chef, Stéphane Le Mignan, qui sait où il veut aller. Les Thoniers peuvent naviguer car ils sont bien barrés.
Stéphane Le Mignan du tac au tac
« Le plus beau championnat ? Le National ! »
Le top de votre carrière d’entraîneur ?
La finale de la Coupe de la Ligue avec Vannes contre les Girondins de Bordeaux en 2009.
Le flop ?
La finale de la Coupe de la Ligue aussi car on perdait 3-0 après 13 minutes de jeu (score final 4-0).
Votre plus belle victoire d’entraîneur ?
Un 1/8e de finale de Coupe de France avec Vannes à Montpellier (2007): on gagne 0-2 après prolongation. Et la 1/2 finale de la Coupe de la Ligue gagnée à Nice aux tirs au but (1-1, 3-4).
La pire défaite ?
Le premier match de la saison 2017-18 avec Créteil contre Cholet. On perd 5-0 à domicile.
Votre plus belle émotion d’amateur de football ?
La victoire 3-0 de l’équipe de France contre l’Ukraine en barrage retour des éliminatoires de la Coupe du Monde après une défaite 2-0 à l’aller (2013). J’ai vécu ça au coeur du Stade de France.
La plus grande déception ?
La descente en National avec Vannes (2011). J’avais dit à mes joueurs qu’on se maintiendrait si on gagnait nos quatre derniers matchs. On les gagne et on descend avec un total de points (44) jamais atteint pour un relégué.
Le meilleur joueur que vous ayez entraîné ?
Frédéric Sammaritano à Vannes. On jouait en L2 et il part en cours de saison (2010-11) à l’ AJ Auxerre pour se retrouver en Ligue des Champions contre le Real Madrid, le Milan AC et l’Ajax Amsterdam ! Et il y a eu Wesley Sneijder (le Néerlandais aux 134 sélections) quand j’étais au Qatar, à Al-Gharafa, avec Christian Gourcuff.
Votre stade préféré ?
Geoffroy-Guichard, à Saint-Etienne, même s’il y faisait un peu froid quand on y a joué en Coupe de France avec Vannes (défaite 2-0 en 1/8es de finale en février 2010). La Beaujoire à Nantes aussi.
Le plus beau championnat ?
Le National.
Le dernier match que vous ayez regardé à la télé ?
Le Stade Rennais, hier (jeudi dernier), en Ligue Europa contre Fenerbahçe (entretien réalisé la semaine dernière).
L’entraîneur qui vous a le plus marqué ?
Christian Gourcuff.
Celui que vous admirez ?
Christian Gourcuff également. Ce n’est pas de l’admiration mais une source d’inspiration.
La plus grande qualité d’un entraîneur ?
La passion.
Votre plus grande qualité d’entraîneur ?
La passion de l’entraînement. J’aime mon métier.
Votre plus gros défaut d’entraîneur ?
J’en ai trop pour n’en citer qu’un.
Si vous pouviez changer quelque chose au championnat de National ?
Les règlements pour que toutes les équipes soient au même niveau.
Le président avec lequel vous partiriez en vacances ?
Jacques Piriou. Et je sais où ! A Collioure, dans ses vignes.
Les présidents avec lesquels vous ne partiriez pas ?
Il y en a quelques uns…
Votre souvenir le plus marquant de joueur ?
J’ai passé de très bons moments à la Montagnarde, au Stade Pontivyen et à Locminé et j’y ai gardé de très bons copains.
Texte : Denis Vergos / Mail : dvergos@13heuresfoot.fr / Twitter : @2nivergos
Photo de présentation : Philippe Le Brech
Autres photos : Philippe Le Brech et Fanch Hemery