Stéphane Lamant (Dinan-Léhon) : « On a appris à gagner »

L’entraîneur du promu costarmoricain en National 2, adversaire de Reims en 32e de finale de la coupe de France dimanche, évoque le projet participatif et collectif de son équipe, basé sur une nouvelle culture de la gagne. Un passage obligé, selon lui, pour exister à ce niveau.

Photo Philippe Le Brech.

L’exploit a fait le buzz au printemps dernier. Ce n’était pas en coupe de France. Non. Pour ça, le Dinan-Léhon Football-club attend dimanche soir et la venue du Stade de Reims pour, peut-être, signer le plus bel exploit de son histoire, même si tout le monde sait au stade de Clos Gastel que ce sera extrêmement difficile.

L’exploit, ce n’est pas non plus le fait d’avoir résisté à 10 contre 11 pendant 70 minutes contre une autre équipe de Ligue 1, le Stade Brestois, il y a tout juste deux ans, à ce même stade des 32es de finale de la coupe, sur la pelouse de Saint-Malo. La séance de tirs au but qui avait départagé les deux équipes était alors entrée dans les annales, avec de nombreux rebondissements (et de nombreuses balles de match pour Dinan), mais finalement, les pros avaient tenu et gagné leur qualification (13 à 12 !).

Photo Philippe Le Brech.

Cet exploit dont on parle, c’est du niveau … national ! La saison passée, Dinan-Léhon fut l’équipe restée le plus longtemps invaincue dans les cinq premières divisions, de la Ligue 1 au national 3. Finalement, après 18 rencontres (12 victoires et 6 nuls), les joueurs de Stéphane Lamant ont subi leur premier – et unique – revers fin mars, à la 19e journée, à Saint-Pierre Milizac, chez le dauphin. Et encore, il a fallu attendre la 90’+7 pour voir les Costarmoricains chuter (2-1). Un exploit récompensé par une accession en National 2 après un exercice mené tambour-battant (16 victoires, 9 nuls et 1 défaite, 52 buts marqués, 21 encaissés et 11 points d’avance sur le 2e !).

A la tête de cette formation qui ne cesse d’étonner, un homme, Stéphane Lamant (43 ans). Né au Plessis-Trévise, dans le Val-de-Marne, en région parisienne, ce cadre au Crédit Agricole est arrivé à Dinan en 2016, après deux expériences d’entraîneur-joueur à Dinard et à Saint-Malo, en réserve. Joueur, il n’a jamais franchi le cap amateur/pro, malgré des passages aux centres de formation de Lens et de Sedan. Dans ce long entretien, Stéphane Lamant raconte son parcours et évoque sa vocation : celle de devenir entraîneur. Car très tôt, il a su que son avenir dans le football s’inscrirait sur un banc de touche. Il décortique également sa méthode et le projet du club. Un projet partagé, comme il aime à le rappeler, où toutes les composantes sont concernées. Passionnant.

Interview :

« Honnêtement, la coupe, c’est tous les week-ends ! »

Photo Philippe Le Brech.

Stéphane, peux-tu retracer ton parcours ?
J’ai habité en région parisienne jusqu’à 16 ans puis j’ai intégré le centre de formation du RC Lens pendant un an, avant de revenir à Pontault-Combault (Seine-et-Marne) à 18 ans où là, j’ai été repéré par Sedan. Je suis parti 3 ans au CSSA, dans les Ardennes, à l’époque où le club était en Ligue 1. J’étais capitaine de la réserve. J’ai fait une année avec le groupe pro, quand Alex Dupont était là : je m’entraînais avec les pros, mais je ne jouais pas. C’était la belle époque de Sedan, le club avait fini 5e de L1 et avait disputé la coupe d’Europe. J’ai juste participé à des matchs amicaux et quand Henri Stambouli est arrivé, je sui parti à la GSI Pontivy, en N2 : le club jouait la montée en National mais on avait fini 2e, avec le coach Michel Jarnigon. On avait une belle équipe mais cette saison-là, c’est le Libourne de Jean-Marc Furlan qui est monté. Ensuite, à je suis parti à Saint-Malo, où j’ai passé mes diplômes d’entraîneur, et à 24 ans, j’ai tout arrêté.

Photo Philippe Le Brech.

C’est là que tu es devenu entraîneur…
Oui, mais d’abord entraîneur-joueur pendant 4 ans à Dinard, sur la côte. J’avais carte blanche sur tout, avec des dirigeants en or (Paul Herbel et Jacques Houtteville). Puis je suis revenu à Saint-Malo pour entraîner l’équipe réserve : là encore, j’étais joueur aussi, cela a duré 6 ans. Donc pendant 10 ans, de 24 à 34 ans, j’ai cumulé les deux. Et là, depuis 8 ans, je suis entraîneur à Dinan.

Joueur, tu évoluais à quel poste ?
A Lens et à Sedan, je jouais milieu offensif, excentré ou axial, puis quand je suis passé entraîneur-joueur, j’ai fait un peu tous les postes, même défenseur central et numéro 9 ! Et jusqu’à mes 13 ou 14 ans, j’étais gardien de but ! J’ai vraiment une culture poussée de tous les postes !

« J’ai toujours voulu être entraîneur »

Photo Philippe Le Brech.

Que t’a-t-il manqué, selon toi, pour franchir le cap, pour passer pro ?
J’entraînais déjà des gamins quand j’avais 16 ans à Pontault-Combault, des U8-U9. J’ai toujours voulu être entraîneur, c’était plutôt ça, ma motivation, et je pense que cela se ressentait. Il me manquait le mental et ce supplément d’âme pour aller chercher ce petit truc, ce contrat pro, parce que, au fond de moi, j’avais un autre projet : celui d’entraîner rapidement. Cela m’a bloqué sur certains aspects. J’avais une réflexion sur le foot. Je prenais du recul. J’aurais dû, à un moment donné, me poser moins de questions et croquer dans ce que j’avais, mais moi, je faisais déjà des plans sur la comète et je pensais à autre chose que le simple fait d’être joueur. Mentalement, je n’étais pas câblé pour passer pro.

Photo Philippe Le Brech.

Comment fais-tu pour cumuler ton travail et ton rôle au club de Dinan-Léhon ?
C’est vrai que j’ai deux vies et même trois avec ma famille; je suis cadre au Crédit Agricole d’Ille-et-Vilaine, où je travaille depuis 16 ans. J’ai toujours poursuivi mes études en parallèle, jusqu’à décrocher un master (bac + 5). J’y suis rentré par le biais du foot, quand j’étais à Dinard. Les deux sont liés. Au Crédit Agricole, j’ai été adjoint puis directeur d’agence pendant 7 ans avec 14 personnes sous ma responsabilité, répartis sur 2 sites, à Dol-de-Bretagne et Pleine-Fougères, près du Mont-Saint-Michel. Mais depuis octobre 2023, j’ai changé de mission : depuis octobre, je m’occupe du marché de la santé en Ille-et-Vilaine.

Entraîneur, on peut donc dire que c’est ta vocation ?
Je n’ai pas de prédisposition. Je dirais qu’avec mon papa, ce qui nous reliait, c’était le foot. Il jouait au niveau régional, on avait cette passion de regarder les matchs ensemble le soir, et on passait du temps à les analyser. Inconsciemment, c’est venu comme ça. A l’époque, on était en région parisienne, on souffrait avec le PSG de Valdo, Ginola, Weah et Kombouaré, dont la fameuse tête victorieuse face au Real Madrid fut un souvenir qui restera gravé à jamais. Je pense que ça vient de là. J’habitais à côté d’une cité, et l’activité principale, c’était le foot. Je suis tombé dedans.

« Quand on passe par Lens, c’est difficile d’oublier »

Photo Philippe Le Brech.

PSG, c’est ton club de coeur ?
Mon équipe favorite, c’est le PSG, mais mon coeur balance avec Lens : je me retrouve peut-être davantage dans les valeurs du RC Lens, en plus mes deux parents y sont nés, c’est pour ça que ça me tenait à coeur d’y jouer. Lens, quand on y passe, en tant que joueur, c’est difficile d’oublier. Et puis j’ai quelques liens avec Franck Haise, même si je ne l’ai jamais rencontré : j’échange de temps en temps avec lui, et pourtant, je ne l’ai jamais vu physiquement. Quand je lui demande quelque chose, je n’attends jamais 24 heures pour avoir une réponse : c’est cet état d’esprit là que j’aime. On en revient à ce que l’on disait tout à l’heure : quand j’étais dans le groupe Ligue 1 avec Sedan, je ne me retrouvais pas dans l’état d’esprit des uns et des autres. Moi, j’arrivais de CFA2, où je jouais avec un groupe de joueurs issus de la région parisienne, où la cohésion était magnifique, et là, à Sedan, je me suis retrouvé dans un monde de requins, avec des gens qui vous disent bonjour, mais à peine… Je n’avais pas aimé ce monde-là. Mais j’avais adoré le club de Sedan. Franck Haise m’a redonné le goût du RC Lens et puis il y a eu cette saison 2022-2023 en termes de foot, de valeurs humaines, que j’ai trouvée exceptionnelle. J’ai adoré leur courage, leur abnégation, leur intensité, j’ai vraiment accroché. J’ai d’ailleurs montré à mes joueurs à la reprise au mois de juillet, le reportage consacré au RC Lens de Prime Amazon, qui retrace leur année. C’est magique.

Photo Philippe Le Brech.

Cette histoire avec Franck Haise est surprenante : vous échangez, mais vous ne vous connaissez pas…
Non, je ne l’ai jamais rencontré. Humainement, Franck Haise, c’est du « plus plus ». Il y a 2 ans, quand on a affronté Brest en 32e de finale de la coupe de France après avoir éliminé Caen (L2) aux tirs au but, et aussi éliminé Saint-Malo, Avec Franck Haise, on avait commencé à échangé à ce moment-là, par l’intermédiaire de Kevin Beauverger, mon capitaine à Dinan, qui fut aussi son capitaine à Lorient chez les jeunes. Je l’avais eu pour préparer ce match face à Brest, que l’on avait perdu après une séance aux tirs au but mémorable (13-12), alors que l’on avait joué à 10 pendant une heure (0-0). Je ne suis rien pour lui et pourtant il a ce respect du foot amateur, cette solidarité qui fait qu’il se passe quelque chose entre coachs. Je me souviens avoir échangé aussi avec Philippe Hinschberger, entraîneur d’Amiens à l’époque, avant notre match face à Caen : je pensais que ce serait compliqué de l’avoir et finalement on était resté longtemps au téléphone. Il est d’une gentillesse incroyable. Tout cela, c’est inspirant pour moi. J’espère donner cette image-là à mon niveau, à toutes les composantes du club à Dinan. J’espère être accessible. De la même manière, j’essaie de faire en sorte que mes joueurs soient bien élevés et bien éduqués, notamment auprès des jeunes et de leurs parents : je veux qu’on dise bonjour à tout le monde. Ce sont des choses qui me tiennent à coeur et qui font que Dinan-Léhon est ce qu’il est aujourd’hui : un club familial.

« Collectivement, il se passe quelque chose chez nous »

Photo Philippe Le Brech.

Tu parlais de Saint-Malo il y a 2 ans et là, tu viens de regagner chez eux en championnat …
Oui, on a joué deux fois en trois ans contre eux, et là, juste avant Noël, on vient de gagner (2-1) encore chez eux en championnat, alors qu’on était mené et dominé : c’est la 8e ou 9e fois qu’on est mené cette année et qu’on revient, c’est incroyable. Saint-Malo peut plier le match en début de 2e mi temps et sur une transition, on les punit, puis on tient, mais cela a été compliqué, parce que Saint-Malo est deux crans au-dessus, individuellement notamment. Toutes les équipes que l’on rencontre depuis le début de la saison le disent, et à force, on va commencer à le croire : il se passe quelque chose collectivement chez nous à Dinan , avec des valeurs qui nous unissent, de courage, de solidarité, de détermination, qui font que l’on a réussi à renverser la vapeur dans ces matches-là.

Photo Philippe Le Brech.

La saison passée, quand Dinan caracolait en tête de la N3, tu avais fait naître des doutes quant à une future accession en N2, avec la perspective d’une saison compliquée à tout point de vue. Après 5 moins de compétition, tes doutes ont-ils été levé ?
L’an passé, c’est ma responsabilité de cadre d’entreprise qui m’a fait prendre de la hauteur sur la situation, en me disant « Attention, où on va ? », parce qu’au lieu de 16 équipes, il n’y en a plus que 14 avec toujours 5 ou 6 descentes : c’était ça ma seule préoccupation. Il ne restait que le gratin de la saison passée, et on allait arriver là-dedans comme un cheveu sur la soupe avec notre petit budget. Ma principale inquiétude était de me dire « Si on monte il faut que, un an après, en juin 2024, on soit plus fort que la saison précédente, qui fut extraordinaire en N3 (seule équipe en Europe à être restée invaincue aussi longtemps avec une première défaite en championnat fin mars contre Milizac); on pouvait penser que le N2, ce ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau, que cela pourrait devenir dramatique d’un point de vue des résultats et que l’on se retrouverait dans le rouge financièrement à la fin de la saison, avec une équipe à reconstruire. Parce que l’on aurait perdu certains joueurs qui étaient venus pour jouer en N2, d’autres qui n’auraient pas beaucoup joué parce que le niveau est au-dessus, d’autres qui jouaient avant mais qui ont laissé leur place à ceux qui sont arrivés et qui, du coup, seraient aussi repartis… Non, la condition pour monter, c’était que le club puisse être prêt d’un point de vue administratif (organisation, logistique), et que d’un point de vue sportif, on privilégie les joueurs du cru, qu’on reste sur les mêmes valeurs de travail : 100 % ont un boulot à côté du foot, staff et joueurs compris. L’idée était de ne pas s’embourgeoiser, mais de capitaliser pour apprendre et se structurer.

« Sportivement, on est dans les clous »

Photo Philippe Le Brech.

Qu’est qui a changé cette saison par rapport à l’an passé ?
On s’est « staffé ». Le président a changé – en juin dernier, Laurent Dartois, chef d’entreprise de 46 ans, a succédé à Serge Lefort, qui a fait un gros travail – et il s’appuie sur un autre chef d’entreprise, Fabrice Caro, pour mener à bien sa mission. Au niveau administratif, on a Christiane Soquet, une personne qui nous aide beaucoup et qui est à la retraite. Elle vient d’arriver pour soutenir Cécile Quenouault et Roselyne Prigent, qui étaient déjà actives administrativement. Quant à l’effectif, on a gardé 16 joueurs sur 22 de la saison passée, et j’ai recruté 6 joueurs venus principalement de N3, des garçons en situation d’échec ou qui sortaient de blessure, qui n’ont pas beaucoup joué. Ce sont des paris. Ces choix se révèlent payants car les 6 jouent ! On a aussi amélioré certaines choses : on a désormais une petite salle d’échauffement, des vélos, des tapis, un poste à plein temps sur la vidéo et la préparation physique, grâce à un contrat aidé par l’État. On na pas fait de folie, de manière à ce que la stabilité financière et logistique du club soit assurée si jamais on venait à redescendre.

Photo Philippe Le Brech.

Pour l’heure, Dinan est plutôt bien parti pour se maintenir (5e avec 5 victoires, 4 nuls et 3 défaites)…
La première partie de saison nous fait dire que, sportivement, pour l’instant, on est dans les clous. On a aussi cette humilité, cette conviction de dire que, plus le temps va avancer, plus cela va être difficile pour nous. On a un groupe de 20 joueurs de champ et 3 gardiens, et je vois bien que ça a déjà été difficile d’aller au bout de l’année 2023 : là, par exemple, au moment où on se parle (entretien réalisé jeudi 21 décembre), je n’ai que 13 joueurs à disposition ce soir pour le dernier entraînement de l’année : ça montre bien qu’on a beaucoup donné, qu’on a besoin de se ressourcer. Heureusement qu’il y aura quelques trous dans le calendrier en deuxième partie de saison, parce que depuis juillet, on n’a pas eu un seul week-end de libre, sauf le week-end de Noël. Il va falloir être costaud dans nos têtes et costauds physiquement car ça risque d’être interminable.

En regardant ton effectif, on voit que très peu de joueurs ont évolué plus haut que le N3…
Trois joueurs seulement : Kevin Beauverger, qui a joué à Saint-Malo, à Lorient avec Franck Haise en réserve et aussi à Rennes en réserve; Kevin Simon (Saint-Brieuc) et Sofian Valla (Saint-Malo, Bordeaux B, Bergerac).

« Les joueurs m’ont fait progresser »

Photo Philippe Le Brech.

En N3, l’an passé, tu disais que techniquement, vous n’aviez pas survolé le championnat. As-tu le sentiment d’avoir progressé sur ce plan-là cette saison, et sur le plan général ?
Cela fait 18 ans que j’entraîne, ma plus mauvaise place c’est 7e; avec Dinan-Léhon, j’ai fait 7 fois top 5, et c’est vrai que l’an passé, je l’ai avoué, c’est peut-être la saison où j’ai pris le moins de plaisir dans le jeu. Par contre, on a appris à gagner. Les autres années, l’animation était beaucoup basée sur le jeu mais dès qu’on était mené, c’était difficile de jouer face à des équipes blocs bas, etc. L’an passé, un peu par hasard (on a eu des problèmes d’effectif avant de reprendre le championnat), j’ai changé d’organisation : on s’est retrouvé dans un 3-5-2 avec un numéro 10 et deux attaquants, un système que je n’avais pas beaucoup utilisé avant parce que je le trouvais difficile à animer dans la maîtrise collective; c’était pour moi un système basé sur la verticalité et les phases de transition. On a commencé comme ça, et on a gagné tous les matches ! On était devenu une équipe de transition. On avait du mal à animer le jeu, parce qu’on n’avait pas de joueurs extérieur-couloir. On était dans la densité axiale. J’avais dit aux joueurs que je n’aimais pas ce système mais ils m’ont répondu qu’ils avaient envie de continuer comme ça, qu’ils se sentaient forts comme ça, tant que ça marche. Du coup, on a appris à jouer différemment, à aimer la culture de la gagne : peut-être que c’est quelque chose qui me manquait, parce que j’ai toujours été un adepte du foot. Je pense que, la saison passée, les joueurs m’ont beaucoup fait progresser là-dessus, on s’est mis en mode compet’, où seul le résultat compte. Ils m’ont appris ça et cette saison, ça nous sert beaucoup parce qu’on a une opposition plus joueuse. On a besoin de la la culture du résultat parce qu’on n’a pas le choix : très honnêtement, la coupe de France, pour nous c’est tous les week-ends. C’est comme ça. Individuellement, on est en dessous de toutes les équipes que l’on a rencontrées, il n’y a pas de sujet là-dessus, mais on a une force collective, une force tactique, une organisation… J’en parle avec des coachs, on fait des petites innovations tactiques qui font parfois la différence : sur les douze matchs de N2 cette saison, on a dû être menés huit fois, on a marqué 8 buts dans les dernières minutes, et la saison dernière, on a marqué 75 % de nos buts dans le dernier quart-d’heure, ce qui est énorme. Ce sont des valeurs que l’on essaie de conserver, on en joue, dans les causeries, à la mi-temps, et je pense que nos adversaires le savent et nous craignent par rapport à ça. On a progressé collectivement, les joueurs et moi, sur la dimension « jeu » : je m’éclate plus cette année, avec des problèmes récurrents qu’il faut résoudre. J’adore changer de système en cours de match, je peux le faire deux ou trois fois. En fait, mon management est basé sur la compréhension tactique, j’adore ça. Mes joueurs, eux, m’apportent cette culture du résultat et font un « mix » entre ce qu’ils sont capables de faire et ce que je leur propose. Il y a un juste équilibre. En fait, c’est çà le projet : ce n’est pas mon projet, ce n’est pas celui du club, c’est un projet collectif : rarement j’impose des choses. La décision de partir sur un aspect tactique, la rigueur et les options de jeu sont partagées collectivement avec le groupe. Je suis exigeant avec mes joueurs, mais je pense qu’ils en ont besoin. Quand je baisse un peu d’intensité, ils sont demandeurs, et c’est ça qui me plaît, j’ai l’impression d’être utile pour eux.

« Le but, c’est de partager »

Le stade de Clos Gastel. Photo Dinan Agglomération.

Ce projet collectif, comment se matérialise-t-il ?
Par exemple, j’aime bien finir les entraînements du mercredi soir par des petites oppositions, avec des mi-temps de 15 minutes, et proposer deux choses complètement différentes sur les deux mi-temps. Après, on se pose, les joueurs me donnent leurs points d’attention et des bons de commande. Et le vendredi, à la mise en place, j’en tiens compte. Tout ce qui est organisationnel et logistique est aussi partagé avec eux sous forme de sondage : si on doit partir plus tôt, si on mange chez nous ou sur la route, etc. Je prends rarement des décisions tout seul car sont les joueurs qui sont sur le terrain. Ils partagent les options tactiques, les choix, les différentes options que l’on peut avoir avec des plans A et des plans B en match, j’adore les systèmes avec et sans ballon. C’est ça, le vrai projet collectif. Notre groupe WhatsApp fume ! Je leur envoie plein de vidéos, des retours de match, je leur demande ce qu’ils en pensent. Le but, c’est de partager. Après, il y a certainement des choses que l’on ne fait pas bien, mais le but est que les joueurs soient épanouis dans un projet collectif et qu’ils progressent sur le plan de l’état d’esprit et de la culture foot.

As-tu des coachs qui t-inspirent ?
Je me nourris de tout le monde, je regarde beaucoup de matchs, surtout le championnat de France, dont je suis fan. J’aimais beaucoup l’animation de Franck Haise à Lens l’an passé, notamment à Bollaert : c’était l’exemple type de ce que j’aime comme football, et c’est ce que j’ai retrouvé à Reims pendant 20 minutes face au Havre, avant que les Normands ne terminent à 10 (dès la 21e minute), ce football total, avec beaucoup de phases de transitions mélangées à des temps de préparation, d’intensité dans les duels, un pressing haut. J’aime ce foot où ne laisse pas trop respirer l’adversaire, et nous, on est un peu comme ça, à défendre en marche avant, parce qu’à Dinan, on n’a pas les qualités pour défendre bas, on rend 10 centimètres à toutes les équipes sur le plan athlétique, et en termes de vitesse, les autres vont plus vite que nous. Notre leitmotiv, c’est « pas de regret ». Il n y a pas de vérité dans le foot : j ai parfois critiqué des équipes qui se contentaient du minimum, qui jouaient bloc bas, mais je me suis aperçu que, en fait, si ces équipes là sont convaincues que c’est comme ça qu’elles devaient jouer, alors il fallait qu’elles jouent comme ça, qu’elles aillent au bout de leur idées. Je ne critiquerai plus ça. Il faut jouer avec ses convictions.

« Le foot, chez moi, ça se vit en famille »

En National 2, tu goûtes au professionnalisme : le football peut-il devenir ton métier plus tard ?

Stéphane Lamant sous le maillot du CS Sedan Ardennes, en CFA2, saison 2000-2001. Photo Philippe Le Brech.

D’abord, je précise que la plus importante de mes trois vies, c’est la vie familiale. Ma famille est pleinement impliquée dans ma vie sportive. Mon fils Noah (17 ans) est féru de coaching, de management : d’ailleurs, il entraîne déjà ! Mon épouse et ma fille viennent à tous les matchs à domicile. Le foot, ça se vit en famille, ce ne serait pas possible autrement. J’ai eu des sollicitations mais le facteur limitant, c’est d’être à plein temps. Si je n’ai pas basculé jusqu’à présent, c’est pour deux raisons : 1. mon diplôme ne me permet pas d’aller au dessus du N2, donc je ne vais pas m’inventer une vie ailleurs, en faisant déménager toute ma famille, pour être au même niveau; 2. Le club de Dinan-Léhon : ici, je suis avec des gens vrais, humains. Je me retrouve complètement dans ce club-là et je suis épanoui au Crédit Agricole, un groupe de 1800 personnes, où je connais les 3/4, je prends du plaisir. Je « switche » de l’un à l’autre. C’est un équilibre, et peut-être que j’en ai besoin. Alors, peut-être que dans un monde parallèle j’aurais rêvé d’en faire mon métier, mais voilà, aujourd’hui, ma famille a tellement d’importance que je gagnerais peut-être en termes de football, mais je perdrais d’un point de vue familial, parce que je sais que ce sont des vies complètement différentes quand vous allez à un niveau au-dessus. Mon épouse Céline est épanouie dans son métier – elle est responsable communication dans une grosse entreprise (le groupe Roullier) et aussi professeur de danse -, mes enfants, Noah et Lycia (14 ans) vont avoir besoin de moi dans leurs études et le soutien que je peux leur apporter, ne serait-ce que financier, je ne veux pas louper ces étapes là. On partage cette vie à 100 à l’heure. On adore se retrouver, partir en vacances ensemble. Je ne dis pas que je le ferai jamais, on ne peut pas fermer la porte, mais peut-être que l’opportunité dont je rêvais n’est pas encore arrivée; et si elle se présente, il faudra qu’elle coche toutes les cases que j’ai évoquées. Je suis heureux dans ma vie aujourd’hui, je prends du plaisir à mon niveau, je n’ai pas envie de tout bouleverser.

« Ce n’est que du bonheur »

La ville de Dinan.

Parle-nous de Dinan, la ville, le club…
C’est extraordinaire comme ville ! Elle est située à 20 km de Saint-Malo, dans les terres, avec un château fort. C’est touristique. Elle a des rues piétonnes à pavés. Le club, lui, est un club populaire, avec des vrais gens du cru, qui vivent pour leur club, et des partenaires financiers fidèles, qui sont à notre image, qui sont dans tous les secteurs d’activités (comme le monde agricole, le bâtiment, l’hôtellerie-restauration), avec des valeurs importantes de travail, de fidélité et de courage. Le club est à cette image. On a beaucoup de personnes qui bossent 40h par semaine et dont le bonheur est de venir au stade le week-end, où 800 personnes sont régulièrement là cette année, sur 8000 habitants (11 000 avec Léhon). Le club a beaucoup d’humilité, il essaie de se structurer avec ses moyens, et progresse à son rythme. Aujourd’hui, on est 5e en National 2 et qualifié en 32e de finale de coupe de France : j’espère que les gens réalisent que ce que l’on est en train de faire est exceptionnel. Après, certainement que l’on a eu beaucoup de réussite sur cette première partie de saison, on en est conscient, on sait qu’on va souffrir en 2e partie de saison, mais égoïstement, on a envie de profiter de tout ça, parce qu’il y a 4 mois en arrière, aucun des 23 joueurs n’auraient misé sur ça, ni le staff d’ailleurs. Ce n’est que du bonheur.

Le stade de Clos Gastel. Photo Dinan Agglomération.

Dimanche, ce sera la première fois qu’une Ligue 1 (Reims) viendra jouer chez vous, à Clos Gastel…
Sportivement, on est content de jouer chez nous, où on n’a plus perdu depuis mai 2022 ! Cela fait 18 mois qu’on est invaincu à Clos Gastel, c’est exceptionnel ! Mais il y a des contraintes : les capacités d’accueil ne sont pas énormes, notamment avec le cahier des charges de la FFF. On va se retrouver avec 400 places assises et le reste en pourtour (la rencontre se disputera devant 2700 spectateurs, à guichets fermés). Tout le monde voulait que l’on joue au Clos Gastel, c’est le premier 32e de finale ici, alors qu’il y en a eu deux avant, dont celui contre Brest, mais c’était à Saint-Brieuc. Cette fois, on aura la saveur du match à domicile, même si on avait pensé un temps jouer à Guingamp ou à Rennes. Mais on n’a vu que ce n’était pas possible et pas rentable un dimanche soir (coup d’envoi à 17h30). Le coté raisonnable a pris le dessus chez le président.

Qu’as-tu retenu de cette élimination aux tirs au but face à Brest (L1) il y a 2 ans, en 32e de finale ?
L’aventure humaine. On avait passé deux mois ensemble. On avait éliminé Caen (L2) aux tirs au but, c’était déjà exceptionnel, et aussi Saint-Malo le jour de mon anniversaire, dans un derby, le 27 novembre. Contre Brest, ce fut l’apothéose. On a été héroïque à 10 contre 11. Lors de la séance de tirs au but, qui est resté dans les annales, on a pensé à chaque fois qu’on allait se qualifier parce qu’on tirait en premier et Brest devait marquer : ils ont eu un mental d’acier pour le faire à chaque fois. Ce qui est beau aussi, c’est qu’on avait emmené tout le club derrière nous. Il y avait une union. Malgré l’élimination, on avait ce sentiment valorisant d’avoir tenu tête à un club de Ligue 1. On avait eu beaucoup de reconnaissance. Là, avec Reims, je pense que le curseur est un cran au-dessus si l’on compare la situation de Brest au moment où on les avait joués. Malgré tout, on va mettre en place un projet de jeu pour les embêter même si je dois dire que Reims, que j’ai regardé jouer récemment – entre autres – contre Le Havre (1-0), m’a impressionné dans le pressing et dans l’intensité. Déjà, affronter une Ligue 1, c’est dur, mais là, en plus, une Ligue 1 qui est en marche avant, qui veut gagner tous ses duels, difficile de faire beaucoup plus compliqué. Quand je vois leur coach, Will Still, qui est sans cesse derrière eux, sa façon de pousser ses joueurs, je me dis qu’avec lui, impossible qu’il nous prenne à la légère. Il va vouloir tout de suite mettre en place une équipe pour le mois de janvier, par rapport aux absents de son effectif partis à la Coupe d’Afrique des Nations et le coupe d’Asie. Notre chance est infime mais on a la naïveté de croire qu’elle existe, alors… let’s go !

Dimanche 7 janvier 2024 – coupe de France (32e) : Dinan-Léhon FC (N2) – Stade de Reims (Ligue 1), à 17h30, stade de Clos Gastel, à Dinan.

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales).

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