Romain Revelli : « Je suis un privilégié »

Même sans club depuis mars dernier et son éviction de Villefranche, l’ex-adjoint de Christophe Galtier à Saint-Etienne ne panique pas et mesure la chance qu’il a d’être dans « son » élément. À 46 ans, il attend un nouveau projet, dans lequel il pourra appliquer sa méthodologie et gérer un groupe, ce qu’il aime par-dessus tout.

Par Anthony BOYER / Photo de couverture : Philippe Le Brech / Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions spéciales)

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

« Merci d’avoir pensé à moi ». Romain Revelli (46 ans) a répété cette phrase à plusieurs reprises, au début, au milieu et aussi à la fin de ce long entretien qu’il nous a accordés, depuis son pied à terre de La Fouillouse, dans la Loire, à une poignée de kilomètres seulement de deux lieux qu’il connaît sur le bout des crampons, celui de l’Envol Stadium, à Andrézieux, et celui de l’Étrat, le camp d’entraînement des Verts de Saint-Etienne. Saint-Etienne, où il a connu le haut-niveau et la Ligue 1, lorsqu’il fut adjoint de Christophe-Galtier (de 2011 à 2015). Andrézieux, où il a connu le foot amateur dans ses grandes largeurs, en National 2 (deux passages en 2017-18 et de 2019 à 2021). Deux mondes si près, si loin…

Mais depuis son départ du Forez, il y a 9 ans déjà, diplôme du BEPF en poche, c’est surtout en National et un peu en Ligue 2 qu’ il s’est forgé une réputation. Celle d’un formateur au départ, devenu entraîneur à part entière. Celle d’un homme humble, très attaché à la vie et à la gestion de groupe. Celle d’un bosseur, d’un épicurien du jeu et de la méthodologie, à tel point qu’il n’hésite jamais à mettre en avant son système favori, le 3-4-1-2, modulable bien sûr, dont il pourrait parler pendant des heures ! Celle d’un garçon terre à terre, conscient de la chance qu’il a d’être dans « son » milieu et de vivre de sa passion. Et aussi celle d’un personnage parfois en dehors de son temps, sans la panoplie complète des nouveaux codes de la communication, cash, sans filtre.

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

Depuis le mois de mars dernier, le natif de Saint-Chamond, la patrie d’Alain Prost et d’Antoine Pinay, est sans club. Pourtant, il se voyait bien rester des années à Villefranche, où il s’était engagé l’été dernier, rempli d’enthousiasme, d’ambition, de rêves et d’espoir. Avec ce solide club de National, double barragiste pour la montée en Ligue 2 (Niort en 2021 et Quevilly Rouen en 2022), les objectifs étaient clairs : grimper d’un étage et jouer dans un nouveau stade. Deuxième à Noël, tout roulait. Jusqu’à ce qu’une erreur administrative ne vienne tout remettre en questions (perte de 7 points, 3 matchs à rejouer et un recul à la 9e place)… Un épisode douloureux, sur lequel il revient. Mais pas le plus douloureux : Romain Revelli avait déjà vécu le pire à Evian Thonon Gaillard, en juillet 2016, lorsque le club, qu’il avait repris en Ligue 2 à la suite de Safet Susic, dont il fut d’abord adjoint, disparut définitivement des radars et ne repartit même pas en National… En fait, l’histoire de Romain Revelli, c’est un peu celle de rendez-vous inachevés.

Interview : « Je suis un puriste du football »

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

Ton meilleur souvenir sportif ?
C’est la victoire en Coupe de la Ligue avec Saint-Etienne (en 2013), parce que les titres, c’est rare. J’ai eu des saisons réussies, bien sûr, des relations avec le vestiaire, parce que c’est ça qui me nourrit, que j’aime par-dessus tout. Mais là, un titre, avec mon club de coeur en plus, comme adjoint numéro 1… Comme je suis un ultra-compétiteur, forcément, c’est important. Je revois la joie au Stade de France, le défilé à Saint-Etienne… On était en haut de la Ligue 1 à l’époque, souvent 4e ou 5e, avec des très grands joueurs, et en même temps, on avait un fonctionnement assez simple, avec les valeurs de l’amateurisme, portées par des joueurs comme Pierre-Emerick Aubameyang, Bayal Sall ou Loïc Perrin. Ce titre a récompensé ces valeurs-là. Et quand tu es un enfant de Saint-Etienne comme moi, ça marque.

Saint-Etienne est de retour en Ligue 1 : as-tu regardé les barrages ?
Oui, oui, j’ai tout regardé ! Tous les matchs de barrages, pas uniquement ceux de Saint-Etienne !

Sur le banc, dans le rôle d’adjoint, à Saint-Etienne. Photo Philippe Le Brech

Et ça t’a fait quoi de voir Saint-Etienne remonter en Ligue 1 ?
Je suis toujours supporter de Saint-Etienne même si, et cela peut paraître paradoxal, j’ai pris beaucoup de recul, même si j’ai un pied à terre à 5 kilomètres du stade ! J’ai quand même fait deux passages à l’ASSE, en jeunes et en seniors, mais le club a beaucoup changé depuis mon dernier passage. Je suis allé les voir jouer, je suis très-très heureux, ça fait du bien aux gens : Saint-Etienne, c’est un club à l’Anglaise, où les gens, les commerçants, vivent au rythme des matchs; la montée, ça redynamise la ville. Quand les Verts ne vont pas bien, quand les Verts sont en Ligue 2, ça se ressent partout, c’est incroyable. Les clubs historiques, il faut qu’ils soient en haut. Tu as vu ce stade, cet engouement ? Bon, ben voilà. Après, je suis content, bien sûr, mais moi, j’ai d’autres souci en ce moment !

« Je suis le fils de Serge Revelli ! »

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

Quand on entraîne Saint-Etienne et que l’on s’appelle Revelli, est-ce que c’est une pression supplémentaire ?
C’est fou, j’étais aspirant et stagiaire pro à Saint-Etienne, et j’avais un frère, qui a deux ans de moins que moi, qui était aussi aspirant à l’ASSE ! Donc, à un moment, dans les années 90, on était les deux frères Revelli à Saint-Etienne, et on nous a posés la question 10 000 fois ! Je connais Patrick et Hervé Revelli, notamment Patrick et son fils Arnaud, qui était médecin du sport à Andrézieux. En fait, on me demande souvent « Vous êtes le fils de quel Revelli » ? Je réponds toujours, « Je suis le fils de Serge ! » Serge, c’est mon père ! C’est rigolo. Même si on n’est pas de la même famille, ou alors très éloignée, on vient, du côté de nos grands-parents, du même coin, dans le Piémont, pratiquement du même village, en Italie. Mes grands parents sont venus s’installer dans la vallée du Gier, pour travailler. Il y avait de grosses industries à l’époque. Mais mes parents sont nés en France.

Ton pire souvenir sportif ?
Le plus dur que j’ai vécu, c’est le dépôt de bilan à Evian-Thonon-Gaillard, après la descente de Ligue 2 en National (en 2016). J’étais coach principal, en National, on venait de redémarrer, on devait aller à Créteil, en coupe de la Ligue, et puis, d’un seul coup, tout s’arrête. Du jour au lendemain, tu te retrouves seul…. Vivre ça, ça marque. Et la période qui a suivi a été compliquée. J’étais arrivé quand Safet Susic était à la tête de l’équipe. Safet, un monsieur magnifique, exceptionnel, est parti fin janvier, j’ai pris la suite, le 31 janvier, en tant que numéro 1.

« C’est Christophe Galtier qui m’a remarqué »

Pourquoi entraînes-tu ? Comment est-venue cette vocation ?

Sur le banc de Dunkerque. Photo Philippe Le Brech

L’âge que j’avais quand j’ai arrêté de jouer, environ 25 ans, explique un peu mon parcours. Je suis un privilégié. J’ai toujours été dans le football. Quand j’étais jeune, on habitait Valence (il a joué à l’USJOA Valence) où travaillait mon père, et en foot, j’ai joué à haut niveau dans les catégories de jeunes. Mais je n’ai jamais pu passer pro. On m’a changé de poste, on m’a mis défenseur central où je manquais un peu de taille, bref, je suis parti jouer en seniors au Puy, pendant 5 ans. Je me suis éclaté là-bas, j’étais capitaine, et rapidement, je suis rentré au District de Haut-Loire, pour un poste de conseiller technique, et là, j’ai basculé, j’ai retrouvé des choses que j’avais vécues quand j’étais stagiaire-pro ou aspirant. Au Puy, quand je jouais, j’entraînais déjà les moins de 15 ans Nationaux. J’avais passé mon BE1. J’ai fait un choix, que j’ai regretté au début car le foot me manquait, et finalement, j’ai fait cinq ans de plus en Haute-Loire à ce poste, au District. Je me suis lancé là-dedans, et ça m’a passionné. Le fait d’être conseiller technique, j’étais un peu mon propre patron, j’avais ce côté leader, comme sur le terrain, même si j’avais des directives de la Fédération à appliquer. Mais je pouvais lancer des projets, et ça me plaisait. Finalement, j’ai retrouvé le haut niveau quand Alain Blachon (c’est Alain Blachon qui l’avait détecté chez les jeunes et qui fut bien plus tard son adjoint à Cholet, Ndlr) a repris le centre de formation de Saint-Etienne en 2007 et m’a proposé de m’occuper des U17 Nationaux. Revenir en club m’intéressait, surtout que cela faisait 10 ans que j’étais en Haute-Loire. Je me suis révélé en tant qu’entraîneur-formateur, j’ai trouvé ma place, c’est comme ça que Christophe Galtier m’a remarqué.

C’est bizarre, tu as entraîné « Sainté », Andrézieux, mais jamais Le Puy…
C’est vrai ! Je connais bien monsieur Gauthier (Christophe Gauthier, le président du Puy Foot 43), on s’adore, je connais bien Roland Vieira, qui a entraîné longtemps au Puy, et aussi Stéphane Dief (le coach actuel), mais non, voilà, ça ne s’est jamais fait, peut-être un jour ! J’y suis souvent venu dans la peau de l’adversaire, et j’ai souvent gagné au Puy (rires) ! Quand j’y ai joué, c’était déjà un très bon club amateur, avec Maurice Bouquet comme coach, et monsieur Monnier, l’ancien président, qui était aussi maire, on sentait que ça évoluait, il y avait déjà les prémices de ce que le club est devenu mais à une époque, il était vraiment dans le dur, notamment quand il est tombé en DH. Ensuite, monsieur Gauthier a repris le club, qui est aujourd’hui un gros club de National 2 mais quand ils montent en National, c’est plus difficile.

Tu es toujours en contact avec Christophe Galtier ?

Sur le banc de Dunkerque. Photo Philippe Le Brech

D’abord, il faut savoir que je suis un « petit » de Roland Romeyer, qui a été mon dirigeant quand j’ai fait mes débuts en équipe réserve de Saint-Etienne, en CFA. Roland voulait que je devienne le directeur du centre de formation. Christophe, qui était alors adjoint d’Alain Perrin, m’avait vu travailler, j’avais des bons résultats avec les 17 ans, et c’est lui qui m’a fait monter d’un coup en équipe Une : ça a surpris tout le monde, parce que j’étais jeune, mais il a cru en moi. Et je me suis révélé à ce poste d’adjoint. Avec Christophe, on était des frères : si je partais dans le sud en vacances sans m’arrêter chez lui à Cassis, il était en colère ! Il m’a énormément apporté, j’ai beaucoup appris à ses côtés, J’ai de la reconnaissance pour lui. Il m’a appris sur le management des joueurs, sur les relations avec les dirigeants, l’anticipation, il me faisait confiance pour le côté technique, tactique et méthodologique, ce qui m’allait bien car je suis un puriste du football. On se complétait bien. On a passé 5 ans ensemble. Après, c’est vrai qu’au bout de 5 ans, c’était la fin de l’histoire, je venais de passer mon BEPF, j’étais un peu usé, l’examen me demandait beaucoup de travail aussi, et on s’est séparé un peu sur des broutilles. On s’est revu, on s’appelle deux ou trois fois par an. Par exemple, quand j’étais à Villefranche, il m’a envoyé un jeune à l’essai. Mais Christophe a pris une telle dimension depuis ! Encore aujourd’hui, des gens me disent, « Mais pourquoi tu ne retravailles pas avec lui ? », or moi, dans ma logique, je suis devenu numéro 1, même en National 2. J’ai entraîné en Ligue 2, en National et en National 2. Surtout en National. Je veux garder ma ligne conductrice. J’aime trop ça. J’ai été formateur, adjoint, j’ai passé mes diplômes, maintenant voilà, avec Christophe, c’était une super-histoire, il m’a beaucoup appris, mais c’est de l’histoire ancienne.

« Mon éviction de Villefranche ? Un uppercut ! »

Tu ne pourrais donc pas retravailler dans un club de Ligue 1 comme adjoint ?
Je ne pense pas que je pourrais. Enfin… Je réponds peut-être un peu vite là ! Déjà, il faut rester humble : il y a quand même l’aspect alimentaire, et puis, peut-être que je pourrais si un coach qui me plaît me sollicitait. Si ça venait de quelqu’un, qui aime ma méthodologie, mes connaissances tactiques et apprécie mon relationnel avec les joueurs, même si j’ai défauts.

Sous le maillot d’Andrézieux. Photo Philippe Le Brech

Des défauts ? Lesquels ?
Je ne passe pas assez de temps pour certaines choses comme la communication… Je ne suis pas trop dans ces trucs-là, les réseaux sociaux et tout ça… Là on fait un article ensemble, mais ça fait trois mois que je regarde des matchs et que j’écris des schémas de jeu, je ne donne pas d’interview. Et puis je sais que, parfois, ma relation avec les dirigeants… Là, à Villefranche, j’étais dans un super-projet, avec un monsieur exceptionnel, monsieur Terrier (président du FCVB). On n’a pas fait d’erreur, ni lui ni moi. Je pensais vraiment que j’avais trouvé le projet de ma vie, avec une super équipe. On avait des résultats. Mais des gens se sont interposés entre lui et moi, et peut-être que moi, je n’ai pas su lui expliquer certaines choses. Je ne suis pas dans le conflit, mais peut-être que je ne prends pas assez de temps pour expliquer les choses, pour expliquer pourquoi on travaille ceci ou cela à l’entraînement, parler… Je suis tellement passionné que j’en oublie certains aspects, des choses qui sont importantes aujourd’hui. Je sais que je dois faire des efforts là-dessus. A Villefranche, j’ai trop laissé les gens s’interposer, et mon départ, je l’ai vécu comme un uppercut, vu la saison qu’on faisait.

Avec Philippe Terrier, ça s’est pas toujours bien terminé ces dernières saisons, avec ses coachs…
Humainement, il est top, familial, pas tordu. Peut-être que lui aussi doit s’intéresser un peu plus à ce que fait l’entraîneur. Mais je le redis, on a laissé trop de gens pas sérieux au milieu. Honnêtement, je me projetais sur les 100 ans du club dans 3 ans, j’étais parti pour aller en Ligue 2. On avait 30 points à Noël. 30 points ! Et 36 points au bout de 20 matchs, et puis, il y a eu l’affaire administrative qui a fait beaucoup de mal, parce que, quand tu es 2e et que, d’un coup, tu te retrouves à jouer le maintien… C’est là que je me suis retrouvé un peu seul. Si on m’avait dit que, fin mars, j’allais être viré… Je t’avoue, j’ai eu beaucoup de mal à digérer. Je me sentais bien à Villefranche.

« Le foot, c’est une affaire d’équité, de justice »

Sur le banc de Villefranche. Photo Philippe Le Brech

N’as-tu pas souffert aussi de certaines de tes déclarations ?
Oui, c’est un article, début mars, qui a tout déclenché, mais ça, c’est tout moi. En fait, en février, on nous a trimballés. Un jour on allait au CNOSF, un autre jour la FFF nous mettait les matchs à rejouer, un autre jour t’as le président du FC Rouen qui te dit qu’il ne veut pas rejouer, et personne au club ne réagissait : on est parti rejouer à Rouen, et là, le CNOSF nous dit que, en fait, ces matchs à rejouer ne vont peut-être pas compter, et nous, on nous demande de jouer tous les trois jours. C’est là que je suis intervenu, pour défendre mon club, sans en parler à mon président. Je me suis retrouvé un peu livré à moi-même. Des gens qui auraient dû être là ont profité de ça pour s’engouffrer là-dedans. J’étais dans le feu avec les joueurs. Le foot, c’est une affaire d’équité, de justice.

Et à Dunkerque, l’an passé, on a eu l’impression que tu ne te projetais pas…
A Dunkerque aussi, j’ai eu mes torts. Je n’ai pas eu trop de chance non plus. On fait une année en Ligue 2, on vend un joueur Ibrahim Cissé à Caen et Harouna Sy à Amiens, et on ne me met pas a courant. On s’accroche mais on avait une équipe faible. Le président Jean-Pierre Scouarnec me dit qu’il veut me garder en National, qu’il me laisse faire mon équipe et franchement, on fait une équipe exceptionnelle, avec Ghrieb, Baghdadi, on a aussi Mboné, bref, à Noël on est super-bien, mais au club, entre monsieur Scouarnec et les deux actionnaires qui mettent en vente le club, qui étaient ceux qui nous mettaient un peu la misère en Ligue 2 (sic), c’est chaud. Malheureusement, moi, j’étais dans le dur avec ces gens-là. Je ne sais pas faire semblant. Je devrais peut-être faire le dos rond, faire plus de politique. C’est mon axe de travail. Après tout, je reste un jeune entraîneur.

Tu es un coach plutôt…
Je suis un puriste du football, peut-être trop même ! J’adore des coachs comme Bielsa, qui vivent football ! J’ai mon projet de jeu, que j’affine. Je suis adaptatif. J’essaie de bien faire jouer mes équipes. Je suis passionné des joueurs, de la gestion d’un vestiaire et de la mise en place sur terrain, c’est vraiment ce qui me caractérise. Je sais très vite, en 6 ou 8 semaines, organiser et mettre en place une équipe et des principes de jeu, voir des profils, recruter, prendre en charge un groupe, le fédérer, l’emmener « à la guerre » et l’amener jusqu’à ce que ce projet de jeu, ce projet de vie, lui appartienne.

« Je dois apprendre à mieux communiquer »

On ne voit pas beaucoup ton nom ces temps-ci dans les short lists, ça t’inquiète ?

Avec Dunkerque. Photo Philippe Le Brech

En fait, ce qui se passe là, cet été : c’est que les gens retiennent plus ces traits de caractère, sans regarder les clubs un peu difficiles dans lesquels j’ai travaillé. Evian qui dépose le bilan, Cholet, Dunkerque… Et oublie l’histoire de Villefranche quand on perd 7 points, parce que ce n’est pas moi qui les ai perdus ces 7 points là. Administrativement, ça ne fait pas sérieux, alors qu’on est 2e du championnat. Moi, j’ai été élevé avec une certaine exigence, celle de la Ligue 1. Les gens retiennent que je me suis fait virer mais j’étais 2e à Noël avec Villefranche, et à Dunkerque j’ai fait 39 points en 20 matchs avant que mon collègue Mathieu Chabert ne me remplace et finisse le boulot. Cet été, j’ai eu une touche en National, je n’ai pas été pris, et j’ai refusé un beau projet en N2, mais je reste calme, confiant, sans perdre de vue mon cap.
Et puis il y a les présidents, dont certains qui veulent diriger : peut-être que ma personnalité leur fait peur, mais les puristes savent comment je fais jouer mes équipes et comment je gère un groupe, j’emmène mes joueurs avec moi, avec ma force de conviction. Sauf qu’aujourd’hui, cela ne suffit plus. Je dois apprendre à mieux communiquer, à être plus proche de mon président, surtout quand ça va mal, plutôt que de tout vouloir révolutionner.

Tu as une certaine authenticité…
Oui et c’est ça qui m’aide à gérer mes vestiaires, mes joueurs. L’histoire des 7 points de Villefranche, c’est quand même un truc très rare. Au final, on rejoue les matchs, mais il faut tenir le vestiaire, qui coule. Je me remets en question, mais peut-être trop. J’ai voulu trop en faire, en dire. J’ai voulu sauver le club mais je n’ai pas lâché les gens qui ont commis ces erreurs, et au final ce sont eux qui m’ont mis le coup de poignard et m’ont fait partir, c’est aussi ça le foot.

Avec le président du SO Cholet, Benjamin Erisoglu. Photo Philippe Le Brech

C’est comment, de travailler à Cholet avec Benjamin Erisoglu ?
D’abord, à Cholet, la plus belle saison en National, c’était avec moi (7e en 2018-2019). On s’est battu pendant longtemps pour les barrages avec Laval et Le Mans, alors que Rodez et Chambly était loin devant. J’ai payé aussi là-bas certaines choses, comme vouloir expliquer à mon président (Benjamin Erisoglu), un super-gars, qu’en football, il y avait des codes, et après deux matchs nuls pour commencer le championnat suivant, il m’a fait partir ! Parce que tout ce que je lui avais expliqué la saison précédente a rejailli. Rocheteau, Mexique, Guivarch, Mazikou, avec Yasine Kernou, on a fait une super équipe.

« Peut-être que je n’aurais pas dû retourner à Andrézieux… »

Une erreur de casting dans ton parcours ?

Avec Villefranche. Photo Bernard Morvan.

Après Cholet, par amour des gens, j’ai voulu aider Andrézieux pour les maintenir en National 2, mais il y a eu la Covid, on a été arrêté en mars 2020, puis en septembre la saison suivante. J’aurais peut-être dû patienter un peu plus avant de replonger directement en N2, pour aller dans un autre club de National. Ce choix de coeur, ce retour à Andrézieux, où j’avais déjà fait un premier passage, au final, m’a coûté deux ans. Je le regrette un petit peu mais je ne regarde pas le passé, un peu comme avec mes enfants : je ne regarde jamais de vidéos ou de photo d’eux quand ils étaient petits. Je suis quelqu’un du présent, qui voit les choses de manière positive.

Un mot sur Andrézieux : d’un oeil extérieur, pourquoi ce club n’arrive-t-il pas à accéder en National ?
D’abord, l’année où je suis arrivé, on n’est pas monté de peu : c’est Villefranche qui nous passe devant à la fin, mais bon, ils nous avaient battus deux fois. Ensuite, il y a eu beaucoup d’entraîneurs. Peut-être qu’ils veulent aller trop vite, alors que dans ces niveaux, il y a plein de gros projets, tout le monde est armé. Il y a une jeune équipe d’actionnaires que je connais bien, avec François Clerc notamment; après, à l’image de ce qu’a fait Le Puy, peut-être qu’il faut un peu de patience, qu’il y a un manque de continuité. Les effectifs tournent beaucoup aussi, je trouve.

« Rechercher, lire, regarder… »

Avec le SO Cholet. Photo Philippe Le Brech

Tu es un entraîneur ou un formateur ?
Je suis un entraîneur parce qu’aujourd’hui, il n’y a plus que la compétition et le projet de jeu qui m’animent. J’ai « fait » quand même beaucoup de points à Villefranche et à Dunkerque. Après, je suis un formateur dans le sens où j’ai ma méthodologie, mon envie de faire progresser les joueurs. Si je revenais à la formation, j’aurais ce manque du match de National du vendredi soir ou du samedi en Ligue 2, c’est pour ça que je me considère comme un entraîneur.

Un coach marquant, inspirant ?
J’adore la recherche, je lis beaucoup, je regarde beaucoup de matchs, mon projet de jeu n’est jamais fermé, j’ai connu le haut niveau quand même avec 250 matchs en Ligue 1 et en coupe d’Europe, donc j’ai eu le temps d’analyser et de voir ce qui se passait, j’ai fait des stages à l’étranger pour mon BEPF, je me suis nourri de méthodologie… Je citerais Guy Lacombe et Alain Blachon, pour certains principes de jeu, pour certaines valeurs. Ils m’ont marqué, m’ont aidé à me construire, à évoluer, mais sinon je n’ai pas forcément de coach, je ne vais pas chercher à copier Guardiola : J’ai mon 3-4-1-2 avec des particularités, comme des sorties de balle par l’axe, la position des pistons, j’ai automatisé des choses. Rechercher, lire, regarder, c’est comme ça que je me construis.

Avec le SO Cholet. Photo Philippe Le Brech

As-tu un dicton ?
Pas un dicton, mais un mot, que je sors souvent, c’est « humilité ». Parce que j’ai toujours une crainte, même quand tu gagnes des matchs. L’humilité te fait dire que tu es en danger quand tu gagnes, parce que tu prends de la confiance, et là je peux changer et utiliser mon plan B, un 4-3-3 qui ressemble un peu à mon premier système de jeu. Je fais ça pour piquer mes joueurs; à Noël, avec Villefranche, j’aurais peut-être dû changer et au final, je la sentais un peu, cette légèreté dans le club… Inversement, quand on perd, je ne change pas de système, pour ne pas noyer mes joueurs.

Le meilleur joueur entraîné ?
Stéphane Diarra; il n a pas eu la carrière qu’il aurait dû faire, même s’il a joué en Ligue  à Lorient. J’étais allé le voir à un entraînement avec les U19 d’Evian, et j’ai découvert un talent. Une semaine après, je le faisais débuter en Ligue 2. J’ai eu l’impression de découvrir le gros talent ! Il a fait sa carrière après. J’ai entraîné aussi des grands joueurs à Saint-Etienne, un joueur comme Loïc Perrin m’impressionnait, il avait tout. J’ai eu des Aubameyang aussi, quand tu le vois à la vitesse grand V au bord du terrain, waouh ! Quelle intensité, et ses appuis, ses contrôles….

Une question que je ne t’ai pas posée et que j’aurais pu te poser ?

Avec Villefranche. Photo Bernard Morvan.

Tu aurais pu me demander de te détailler pourquoi jusqu’à la médiane mes pistons ils restent à la telle hauteur, ou pourquoi tu sors la balle par l’axe, ou pourquoi tu prends de la vitesse très haut dans le terrain et là on aurait fait un entretien de 3 heures ! Ou pourquoi c’est la jungle amazonienne dans ta tête (rires) ?!

Quelle question aimerais-tu me poser ?u
Tu sais que je voulais être journaliste sportif quand j’étais petit ! Je me demande pourquoi tu n’as pas un maillot sur le dos, pourquoi tu n’es pas dans un club ? Pourquoi tu ne repars pas au feu dans la com’ d’un club, parce que l’amour du maillot, tout le monde est ensemble, c’est magnifique ! Je me souviens, une fois, avec Saint-Etienne, le gars de de la com pleurait quand on perdait ! Tu vibres, c’est un projet, faut que je retrouve cette excitation.

Texte : Anthony BOYER / Twitter : @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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