Romain Grange : « Le National est une Ligue 2 bis »

A 34 ans, le milieu de terrain de la Berrichonne de Châteauroux, qui clame son attachement pour sa ville et son club, est de retour après un an d’absence. Il découvre, pour la première fois de sa carrière, le National. Avec envie et excitation.

À une époque où les mercenaires sont légion dans le milieu du football, Romain Grange (34 ans) voue un véritable amour pour son club de la Berrichonne de Châteauroux, dans sa ville natale.
Enfant de Gaston Petit, il y a joué son premier match en professionnel en 2009. Si le destin l’a conduit à porter successivement les maillots de Nancy (2012-2015), du Paris FC (2015-2016), de Niort (2016-2018), de Charleroi (2018-2019) et de Grenoble (janv-mai 2019), le milieu de terrain, qui compte 280 matchs au plus haut niveau (L1, L2 et National), est tout naturellement revenu vers le club de son cœur en 2019.
Malgré la descente de Ligue 2 en National à l’issue de la saison 2020-2021, le milieu de terrain castelroussin, l’un des plus gros CV du championnat – Il est aussi passé par la Jupiler League, le championnat belge -, n’a pas voulu quitter le navire. Un choix fort alors que des écuries de Ligue 2 lui faisait des appels du pied.
De retour d’une rupture des ligaments croisés du genou gauche, Romain Grange a déjà fait parler la poudre. En déplacement à Avranches la semaine dernière à l’occasion de la 2e journée, la Berrichonne a décroché les trois points de la victoire grâce à un but de son numéro 15, juste après sa rentrée sur la pelouse à l’heure de jeu !

« Qui est capable de revenir des croisés et de retrouver directement son niveau ? »

Photo La Berrichonne de Châteauroux

A l’issue de ce match à Avranches, Romain avait réagi au micro de France Bleu et sur les réseaux sociaux de son club : « J’ai la chance de rentrer et de marquer ! Je n’ai pas calculé mon coup, non ! (rires) Je vois Youssouf Bendjaloud qui déborde à gauche, j’essaie de rentrer dans la surface, le ballon vient en retrait et comme j’arrive lancé, je peux passer devant les défenseurs et pousser le ballon au fond. Je pense que la défense a cru qu’il n’arriverait pas à centrer car le ballon était à la limite de sortir, mais on y a cru et on est récompensé. J’en suis très content. Je sors d’une saison compliqué et là, au bout de deux matchs j’arrive à être décisif. Pour le moral et la confiance, ça fait beaucoup de bien. J’étais déjà libéré psychologiquement, mais ça va peut-être me permettre de l’être encore. Quand ça fait un an qu’on n’a pas joué, il faut du temps pour retrouver le rythme… Il faut dire aussi que j’ai 34 ans, donc je savais qu’il allait falloir du temps. Aujourd’hui, qui revient des croisés et retrouve directement son niveau ? Seulement très peu de joueurs je pense, seulement des grandes stars du football mais je suis en National donc pas une grande star (rires) ! »

« Si c’est un coaching gagnant ? Non, ça s’appelle de la chance, avait réagi son coach, Mathieu Chabert, au micro de France Bleu. Oui, bien sûr, premier ballon, premier but ! On a vu que Romain, quand il joue haut sur le terrain, il est beaucoup plus intéressant que quand il vient chercher les ballons dans les pieds des défenseurs. Il est encore en phase de reprise, il faudra être patient, qu’il retrouve le rythme, mais ce but va lui faire du bien pour sa confiance ! »
Ce jeudi 25 août, entre un rendez-vous chez le coiffeur et une séance d’entraînement, Romain, buteur en CFA2, CFA, Ligue 2, Ligue 1 et donc National depuis la semaine dernière, a pris le temps de revenir sur sa carrière et sur un exercice 2022-2023 qu’il annonce indécis jusqu’au bout.

« Je n’ai jamais rien lâché »

Victime d’une rupture des ligaments du genou gauche il y a un an, tu as enfin fais ton retour en compétition officielle. Comment te sens-tu ?
Ça va très très bien aujourd’hui. C’était très compliqué pour moi. J’ai beaucoup travaillé, mais je n’ai jamais rien lâché. J’ai repris en même temps que le groupe pour la préparation physique et à l’heure actuelle tout va bien. J’avais déjà eu cette blessure en 2009.  la ligamentoplastie a lâché au bout de douze ans. Elle était sûrement devenue fragile par rapport aux séances, aux matchs, aux terrains parfois que j’ai pu fouler pendant toutes ces années.
 
Comment as-tu vécu cette année en tribune ?
Certains joueurs restent chez eux et regardent les matchs du coin de l’œil. C’était frustrant car je voulais être sur le terrain, mais j’étais à Gaston Petit à chaque match de la Berrichonne. C’était d’ailleurs encore plus dur pour moi à domicile car tu es à un mètre du terrain et tu ne peux rien faire. Faut savoir l’accepter. Mais j’avais en tout cas ce besoin d’être présent. Je suis joueur et supporter de mon club.

« Un championnat avec beaucoup de qualités »

À l’heure où beaucoup de joueurs optent pour un départ au moment d’une relégation, tu as fais le choix de rester à la Berrichonne de Châteauroux lorsque le club a perdu sa place en Ligue 2. Pourquoi ?
J’avais des propositions de Nîmes et Pau. Je pouvais rester en Ligue 2, d’autant que je n’avais plus qu’une année de contrat avec Châteauroux. Les négociations n’ont pas été simples mais ça me tenait à cœur de rester. Ça n’a pas été facile de trouver un accord et hasard ou pas, je resigne à 11h avec le club et à 16h je me fais les croisés à l’entraînement.
 
Tu découvres cette 3e division. Après deux journées, et avant la venue de Martigues ce soir, quel regard tu portes sur le championnat ?
Je n’ai pas encore beaucoup de recul forcément, mais on m’avait parlé de défis physiques, de grands ballons vers l’avant et finalement c’est tout le contraire pour le moment. C’est un championnat avec beaucoup de qualités et surtout des très bons joueurs. Contre Paris 13 – qui est promu – on a été en difficulté face à une très belle équipe. Les promus sont intéressants, produisent du jeu et c’est aussi le cas pour Avranches qui est agréable à voir jouer et qui a juste manqué de réussite face à nous.
 
Le National n’a jamais semblé aussi relevé avec pléthore de candidats à la montée. Comment vois-tu cette saison ?
Avec deux montées et six descentes, il sera incertain et passionnant jusqu’à la dernière journée. Il ne faudra pas beaucoup se tromper tout au long de l’année et les faux pas seront plus que jamais interdits. Versailles, Bourg-en-Bresse, Orléans, Nancy, Avranches, Le Mans, Châteauroux évidement sont des équipes avec de gros effectifs. Tout le monde s’est très bien renforcé avec cette menace des six descentes. Il y a des coachs avec un passé de Ligue 2, des joueurs ayant évolués en Ligue 1. Certaines équipes ont le niveau pour se maintenir en Ligue 2. Pour moi, le National est une Ligue 2 bis.

Romain Grange du tac au tac

Premier match en pro ?
C’était en mars 2009 en Ligue 2 contre Boulogne-sur-Mer. On perd 1-0, mais ce sont mes premières minutes avec la Berrichonne. Un souvenir gravé à vie.
Premier but en pro ?
En septembre 2009. On reçoit Brest et c’est Nolan Roux qui ouvre le score. J’égalise sur coup franc.
Le joueur le plus fort avec qui tu as joué ?
Arnaud Lusamba qui n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir. Il est arrivé dans le groupe pro à Nancy à 17 ans, s’est intégré facilement et il avait des qualités exceptionnelles. Difficile de ne pas citer aussi Clément Lenglet ou encore Axel Disasi que j’ai côtoyé au Paris FC. On a très vite senti qu’il était au-dessus.
Le joueur le plus fort contre qui tu as joué ?
Ibrahimovic sans hésiter. Déjà, il est plus grand que tout le monde. Mais il est impressionnant sur le terrain. Il dégage un charisme, une prestance. Il en impose vraiment. Tu as l’impression d’être un bébé à côté.
Le stade qui t’a procuré la plus grande émotion ?
Gaston Petit forcément. Je suis un gamin de Châteauroux. J’étais au club dès l’âge de 6 ans. C’est ma ville, mon club. J’y ai vécu toutes les émotions possibles en tant que spectateur, supporter, joueur.
Le stade que tu n’aimes pas ?
Aucun. Par contre, j’ai vécu une grande émotion à Furiani en 2012 contre Bastia. C’est le match de la montée pour eux. On arrive comme d’habitude 1h30 avant le coup d’envoi. Je vais sur la pelouse pour la reconnaître, j’ai de la musique dans les oreilles, je suis déjà dans mon match. Néanmoins, je perçois des sifflements lointains. Je lève la tête et là je vois que le stade est déjà quasiment plein. L’ambiance était incroyable. On perd 2-1 mais ça reste un beau souvenir.
Ta plus grande joie ?
Chaque victoire en est une. Mais je me souviens d’un match cher à mon cœur. Je suis depuis toujours supporter de l’OM. J’ai rêvé gamin de jouer au Vélodrome. En février 2013, on se rend là-bas avec Nancy. Un dimanche soir sur Canal. On gagne 1-0 et je marque sur corner direct. Une émotion extraordinaire dans un stade qui l’est tout autant.
Ta plus grande déception ?
Ma première grosse blessure. Je dispute ma première année en pro avec Châteauroux. Je suis à 4 buts, 4 passes décisives. Je fais une belle demi-saison. À l’époque, je suis en contact avec Montpellier. Ça parlait même de moi en équipe de France Espoirs. Et là, en une fraction de seconde, ma carrière connaît un coup d’arrêt. J’ai eu la chance d’avoir un gros soutien de mon épouse – je l’ai rencontrée très jeune et sans elle, je n’aurais sûrement pas fait cette carrière – et de ma famille.
Le match pendant lequel tu t’es senti intouchable ?
À Picot avec Nancy en 2013. On reçoit Lille et j’égalise – pour mon premier but en Ligue 1 – après l’ouverture du score de Nolan Roux. On fait 2-2, mais ce soir là je réussis tout ce que je fais. J’accélérais avec facilité alors que ce n’est pas mon point fort. Toutes les passes arrivaient dans les pieds des attaquants.
C’était une sensation incroyable qui offre beaucoup de confiance pour la suite !

Texte : Julien Leduc / Mail : jleduc@13heuresfoot.fr

Twitter : @JulienLeduc37

Photos : La Berrichonne de Châteauroux