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Régional 2 : Heillecourt … mais pas trop vite non plus !

L’équipe de la banlieue nancéienne, chantre de la stabilité, a dit adieu à la coupe de France ce week-end, éliminé par Epinal au 7e tour, et va pouvoir se concentrer sur son objectif : l’accession en R1.

L’ES Heillecourt jouit d’une belle image en Meurthe-et-Moselle, celle d’un club stable, convivial et humble de près de 400 licenciés. Trois ans après, les Bleus et Blancs retrouvaient le 7e tour de la Coupe de France dans un contexte particulier, après les regrettables incidents qui ont émaillé le tour précédent lors de la réception d’Uckange. Invaincue dans leur poule de Régional 2, l’équipe vise la montée. La réception d’Epinal (N2) à Dombasle, en coupe, était une bonne occasion d’offrir une vraie fête du football à ses supporters.

Au stade Pavageau de Dombasle, où ce 7e tour a été délocalisé, les banderoles sont déployées dans les tribunes. Ce sont les mêmes qu’en 2018, lors de la dernière épopée du club, qui s’était achevée contre Saint-Louis Neuweg (N3). Superficie du terrain, des vestiaires, tout est scruté au millimètre pour assurer la réception d’Epinal (National 2).

Après plus de sept ans passés au deuxième échelon régional, l’ES Heillecourt et son président Loïc Bouger regardent aujourd’hui plus haut et vise la montée en R1. Mais dimanche, les esprits étaient à la Coupe. Récit d’une journée forcément pas comme les autres.

La marche était trop haute pour l’ESH

Les banderoles étaient là, comme en 2018. Photo Emile Pawlik.

Les tribunes se remplissent petit à petit. Ils seront un peu plus de 500 spectateurs au plus fort de l’affluence. « Meilleurs supporters » lance un jeune du club ! L’esprit de la coupe règne : convivialité et envie de partager un beau moment autour d’un match de football, peu importe le résultat.

Munie d’un porte-voix, la responsable animation du club entonne le nom de tous les Heillecourtois du jour. La tribune reprend en cœur les patronymes de ses héros. Le match peut enfin commencer.

La première période est assez terne, avec peu d’occasions à se mettre sous la dent. Jusqu’au moment où Antoine Gachenot est lancé en profondeur et voit sa frappe du bout du pied fuir le poteau gauche ! La déception est immense. Ce sera la seule occasion vraiment franche de la rencontre pour les Heillecourtois.

L’écart des divisions se fait ressentir dans l’impact physique et la maîtrise technique, domaines dans lesquels les Vosgiens, pensionnaires de National 2, sont largement supérieurs. Et puis, après un corner mal dégagé, les Spinaliens ouvrent le score, au grand dam du public. Au pire moment. Juste avant la pause. Cruel. Sébastien Habillon, entraîneur des locaux, sent le moral de ses joueurs touché. Il continue d’encourager ses protégés.

Les supporters de l’ESH ont donné de la voix. Photo Emile Pawlik.

Deuxième période. Les Spinaliens reviennent avec une plus grande envie sur le terrain. Ils acculent les Blancs sur leur but et font plier les locaux par deux fois pour porter le score à 3-0. Dans les tribunes, ça chambre un peu avec les jeunes Dombaslois, qui scandent le fameux slogan de France-Brésil “Et 1, et 2, et 3-0”. Facile de supporter la meilleure équipe sur le terrain, mais c’est de bonne guerre !

Le score n’en reste pas là. Un éclair de génie signé du capitaine spinalien : Jérémy Colin arme une frappe de 25 mètres qui vient se loger dans la lucarne de Jérémy Perouf. Le portier ne peut que constater les dégâts (0-4). C’est terminé. Les joueurs de Heillecourt vont féliciter les jeunes du club qui ont donné de la voix tout au long de la rencontre. “Il n’y a aucune honte à sortir contre un adversaire nettement plus fort que nous.”, affirme l’entraîneur de l’ESH.

Cette fois, la fête est complète contrairement au tour précédent, contre Uckange. Les locaux ont droit à la traditionnelle haie d’honneur des Jaunes d’Epinal qui ont rendu hommage à leur parcours commencé deux mois plus tôt.

La fête gâchée du 6e tour

On joue le 6e tour de la coupe de France. Heillecourt reçoit Uckange (R2) sur ses installations de l’Embanie. Cela se passe merveilleusement bien sur le terrain et dans les tribunes. Les Meurthe-et-Mosellans mènent 3-1 et se dirigent vers une qualification tranquille, avant qu’un groupe d’une vingtaine d’énergumènes détenteurs de fumigènes, aux chants agressifs, n’en décide autrement. Ils veulent aller à l’affrontement… et pas uniquement avec les mains. Les forces de l’ordre interviennent. Ils interpellent deux des fauteurs de trouble. Dans la foulée de ces incidents malheureux, une cellule psychologique est ouverte pour les jeunes d’Heillecourt qui ont assisté à cette scène.

Après leur passage en commission, les Mosellans sont sanctionnés d’une interdiction d’inscription à la coupe de France l’année prochaine. Heillecourt est bien qualifié, mais n’a pas fêté sa victoire, terrible double peine pour les hommes de Loic Bouger.

Loïc Bouger et le “traité du lavoir”

Loïc Bouger, le président de l’ESH. Photo Emile Pawlik.

Le président, âgé de 57 ans, est arrivé à la tête du club en 2002 et a trouvé une structure chancelante. Les vétérans décident de faire scission et de créer l’US Heillecourt. Lors du “Traité du Lavoir”, du nom d’une place jouxtant le stade de Heillecourt, Loic Bouger, déjà membre du comité directeur, est nommé président pour rétablir la situation. Il se donne trois ans pour rétablir la situation sportive, économique et aussi apaiser les velléités indépendantistes.

Avec son caractère, l’ancien gardien de but y parvient. Arrivé en 1994, en tant que joueur, Bouger n’a plus quitté l’ESH et y dédie sa vie. De nombreux chantiers sont sur la table, et ils ont globalement été menés d’une main de maître, avec un grand soutien de la mairie, qui aide financièrement le club en contribuant, pour moitié aux subventions reçues par l’ESH. L’autre moitié est assurée par des partenaires locaux pour porter le total à 30 000 euros de subventions. Le budget du club, lui, est en-deçà des 100 000 euros.

Le président sait bien s’entourer et répartir les tâches. “Il y a toujours des bénévoles. Ce ne sont juste plus le pépère ou la mémère qui vont passer leur journée”, explique-t-il. A cet effet, il organise ses cinquante bénévoles pour “faire en sorte que ces micro-tâches s’additionnent pour que la machine tourne.”

Formation et féminisation

Au 6e tour, la joie face à Uckange… avant les incidents en tribunes. Photo Kevin Clement.

Quand le président reprend l’affaire, il porte une grande attention aux équipes jeunes et à l’école de foot, labéllisée depuis quelques années. Contrairement à certains clubs qui ne concentrent que sur leur équipe fanion, l’ESH souhaite que toutes ses catégories soient performantes.

Depuis trois / quatre ans, l’école de foot tourne un peu au ralenti : l’objectif est donc de “mettre le paquet” cette année pour lui redonner de sa superbe. Le club va chercher des éducateurs expérimentés et investit aussi afin d’équiper les enfants aux couleurs d’Heillecourt, afin de créer un esprit d’équipe et une identité.

Avec les voisins de Fléville-devant-Nancy, Heillecourt a bâti une entente dans certaines catégories : un partenariat « gagnant-gagnant », qui concerne également le matériel : “Un coup c’est le barbecue, l’autre coup la tonnelle”, indique Loic Bouger. Ces jeunes joueurs, qui apprennent les rudiments du football, pourront, plus tard, porter le maillot de l’équipe de R2 ou de R3. D’ailleurs, à Heillecourt, beaucoup de seniors sont des joueurs du cru. Ce qui explique aussi sa grande stabilité.

Loïc Bouger est aussi un homme de conviction. Son combat pour la féminisation du club tant au niveau des instances, que du terrain en est une preuve. Voilà une dizaine d’années qu’il tente de “percuter ce monde de machos” en installant des femmes dans les commissions « animation » et « communication » de l’ESH. Il a aussi mis en place une équipe seniors féminines et une école de foot en 2015, aujourd’hui labellisée. Heillecourt a compté jusqu’à 70 filles en tout. L’équipe première a joué l’année dernière en R1 mais a choisi de repartir en R2 après de nombreux départs : pour l’entraîneur Gérald Constant, c’est “reculer pour mieux sauter.”

Un objectif clair : jouer la montée en R1

Au 5e tour, la joie à l’issue de la qualification contre Bar-le-Duc. Photo Kevin Clement.

Avec une stabilité qui ferait rougir beaucoup d’équipes, la formation fanion entame sa huitième saison au deuxième échelon régional, et affirme viser la montée cette année. Un projet qui s’est bâti dans le temps, avec très peu de changements d’une année sur l’autre.

Heillecourt renvoie l’image d’un club bien structuré dans la région, parfois trop même, comme Loïc Bouger l’explique : “Pensant qu’on est blindé, les éducateurs ne nous appellent pas, alors qu’on a des besoins”. La rançon de la gloire sûrement. Les Bleus et Blancs avancent sereinement vers leurs objectifs, sans brûler les étapes, mais avec de l’ambition tout de même.

Le coach des seniors, Sébastien Habillon, est un “vrai Heillecourtois”. Cela fait plus de 20 ans qu’il donne de son temps à l’ESH. La fidélité du responsable du service jeunesse, éducation et sports de la ville au sein du club est aussi un gage de stabilité.

Après une carrière de joueur passée en grande partie au niveau régional (avec un crochet par la Belgique à Athus au plus haut niveau régional belge), Sébastien Habillon est revenu à ses premières amours en Meurthe-et-Moselle. Il permet la remontée au niveau régional de l’ESH qui végétait alors en district. Depuis, l’ES Heillecourt n’est ni descendue, ni montée. Entretien avec celui qui rêve de vivre de sa passion et de devenir entraîneur professionnel.

Sébastien Habillon (entraîneur) :

« J’ai vraiment le sang bleu et blanc ! »

Sébastien, comment es-tu devenu entraîneur de l’ESH ?

L’entraîneur de l’ESH. Photo Emile Pawlik.

J’ai eu cette espèce de double carrière puisqu’à l’époque où j’étais joueur, j’entraînais aussi des catégories de jeunes. Je suis au club depuis plus de 20 ans. J’ai eu toutes les catégories. D’ailleurs, plein de joueurs qui étaient sur le terrain aujourd’hui face à Epinal, je les ai eus en U11, U13 donc c’est vraiment sympa. Il y a à peu près 9 ans, on m’a proposé de reprendre l’équipe première, mais par contre j’étais jeune, j’avais à peine 30 ans, donc j’ai dit oui mais à condition d’avoir la possibilité d’être entraîneur-joueur. Donc pendant plusieurs années, c’est ce qui s’est passé, et ça m’arrive encore parfois de jouer avec l’équipe première; l’an passé, j’ai disputé 6 ou 7 matchs ! Cette année, j’ai un groupe plus étoffé donc j’ai moins besoin de jouer. En fait, en jouant, je satisfaisais une envie, j’alliais l’utile à l’agréable. Aujourd’hui, dans tous les cas, mes jeunes restent prioritaires.

Cela fait maintenant près de 10 ans que tu es à la tête de l’équipe fanion du club : quelle est ta source de motivation ?

Je suis un vrai passionné de foot. J’adore ça, que ce soit avec Heillecourt ou bien en regardant les matchs au plus haut niveau. La tactique, moi, ça me passionne. Cette épopée en Coupe de France a contribué à construire ce groupe. Ce que j’aime, c’est ce club avec ses bonnes personnes. Il y a énormément de valeurs humaines. J’ai un groupe en or, y’a que des bons mecs. C’est un plaisir de les retrouver la semaine à l’entraînement, humainement et sportivement, parce qu’ils sont ambitieux et que j’ai de bons joueurs de niveau régional. C’est très agréable. Même si cela fait plusieurs années que je suis là, il n’y a aucune perte de motivation.

Quel est ton modèle de coach ?

Mon idole, c’est Pep Guardiola avec son jeu de possession. Après, c’est pas ce qu’on a essayé de mettre en place aujourd’hui. J’admire aussi justement des coachs plus pragmatiques comme Carlo Ancelotti ou Didier Deschamps qui sont capables d’être moins dans l’esthétique, mais tout autant dans l’efficacité.

L’objectif affiché par le club est la montée en R1 : qu’est-ce que cela représenterait pour le club et toi de l’atteindre ?

Photo Kevin Clément.

On est au même niveau, en R2, depuis sept ans. J’interprète cela comme de la stabilité. On voit des clubs qui montent rapidement et qui s’écroulent parce qu’ils mettent de l’argent et qu’à un moment il n’y en a plus. Nous, ce n’est pas notre philosophie. On sait qu’on ne vas pas s’écrouler. On a bien stabilisé la situation avec l’équipe B aussi qui est en R3. Il n’y a pas beaucoup de clubs dans le coin qui peuvent bénéficier de deux équipes comme ça. Par contre, c’est un objectif de monter en R1. Déjà, ça serait historique pour le club et pour moi. J’ai envie d’écrire cette histoire. C’est un objectif très important. On a envie d’être au plus haut niveau régional et d’y représenter le club.

Loic Bouger t’a encensé en disant que le socle du club, c’était toi : comment collaborez-vous ?

C’est gentil de la part de Loic. J’ai ce club dans la peau, je dis de temps en temps à mes joueurs : “Moi j’ai vraiment le sang bleu et blanc” ! J’ai tellement de souvenirs donc pour moi ce club est très important. Je me suis très bien entendu avec Loic dès le début. Depuis des années, on est sur la même longueur d’onde. Il m’a laissé les pleins pouvoirs au niveau sportif. Il ne m’a jamais embêté sur quoi que ce soit. De mon côté, à chaque fois que je lui demande quelque chose nécessaire à notre progression, il essaie toujours de répondre favorablement. C’est pas facile parce que ça dépend des moyens financiers et on ne les a pas forcément. Mais on s’entend super bien, c’est un président idéal pour moi.

Texte : Emile Pawlik / Mail : emile.pawlik@gmail.com – contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @EmilePawlik

Photos : Kévin Clément, Emile Pawlik.