Sans club depuis sa courte expérience au Mans en 2020, que la Covid a freinée, l’ancien coach du Paris FC et de Valenciennes découvre une autre facette du football, en plateau, où il commente le Multiplex de Ligue 2 pour Amazon Prime Video. Mais le terrain le démange et il compte bien retrouver un banc.
Son nom fleure bon la Division 2 des années 90. Avec 105 buts « plus de 180 au total en pros » précise-t-il, Réginald Ray (53 ans) a marqué ce championnat sous les maillots de neuf clubs : Montceau-les-Mines, Istres, Saint-Brieuc, Guingamp, Gueugnon, Le Mans, Châteauroux, Beauvais, Nîmes. Avec le Mans, il a remporté le titre de meilleur buteur en 1997-1998.
Après sa carrière, il a longtemps été un précieux adjoint à Boulogne-sur-Mer (réserve et attaquants), au SC Bastia avec Fréderic Hantz (2010-2014) puis à Aston Villa avec Rémi Garde (2015-2016).
Il est ensuite devenu numéro 1 au Paris FC en National a l’été 2016 (*) avant de passer deux saisons à Valenciennes en Ligue 2 (2017-2019). Sa dernière expérience en L2 n’a duré qu’un match au Mans, en mars 2020, avant que la saison ne soit stoppée par le Covid.
Depuis, Réginald Ray a souvent été dans les short-list de clubs sans être élu comme à Toulouse lors de l’arrivée des Américains de Red Bird (Patrice Garande lui avait été préféré) ou a lui-même décliné certaines propositions. « Je respecte ceux qui font ça mais je n’ai jamais voulu prendre un poste juste pour le contrat et dire, ça y est je travaille », explique-il.
En attendant de trouver un nouveau projet, Ray qui est resté vivre dans le nord à Lille et très attaché à la Corse où il possède une maison, intervient depuis juillet comme consultant lors du multiplex de L2 sur Amazon Prime video.
Que vous apporte cette première expérience comme consultant ?
Un regard différent. Je découvre un autre côté du métier, la vision des médias. C’est forcément très enrichissant. Je vis une très belle expérience. J’en profite pour remercier Laurent Jaoui (responsable éditorial) et Felix Rouah, le journaliste qui est avec moi en plateau. Il m’a beaucoup aiguillé et moi, je suis avide de conseils. C’est un vrai exercice, totalement différent de la posture que j’ai en tant qu’entraineur. Pour moi, c’était un vrai challenge. J’apprends à faire évoluer ma représentation. Au bord des terrains, vous ne me verrez pas beaucoup sourire… A la télé, on doit sourire (rires). C’est un multiplex, il faut que je sois court et concis quand j’interviens.
Comment préparez-vous vos multiplex ?
J’aborde mon rôle de consultant comme mon métier d’entraineur : en travaillant beaucoup et en regardant beaucoup de matchs. Lors du multiplex, on ne voit pas grand-chose. Donc après chaque journée, je regarde tous les matchs en intégralité. Ça me permet de connaître à fond tous les joueurs, les dispositifs tactiques de chaque club afin de pouvoir dégainer la petite info ou analyse en quelques secondes lors du multiplex. Après, cela me donne aussi du contenu qui me prépare si, le cas échéant, je dois rencontrer des dirigeants dans un club, comme ça, je pourrai m’appuyer sur cette connaissance complète, ma capacité à bien lire la saison de tous les clubs de L2. Je suis un passionné qui a toujours vécu H24 pour le foot. Être consultant m’offre un palliatif lors de cette période d’inactivité où le terrain, forcément, me manque. L’objectif, c’est de vite le retrouver.
« J’ai toujours été un grand travailleur »
Justement, certains entraineurs sans travail sont revenus dans le circuit grâce leur rôle de consultant à la télé. C’est notamment le cas de Régis Brouard qui intervenait sur le multiplex L2 de la Chaine l’Equipe avant de signer à Bastia il y a un an. Prime Video peut-il être un tremplin pour vous ?
Passer à la télé en a aidé certains, c’est indéniable. Mais ce n’est pas quelque chose d’automatique. Moi, je ne suis jamais resté inactif à la maison. Je continue à aller dans les stades voir des matchs. Mais je ne suis pas forcément un homme de réseaux. Être consultant m’offre donc un peu de visibilité. Après, je ne souhaite pas être cantonné à un rôle de spécialiste de la L2. Si demain, on me le demande, je peux aussi parler de L1, National ou des championnats étrangers.
Comment gérez-vous votre période d’inactivité ?
Il y a des périodes plus ou moins compliquées. Le plus dur, c’est quand les clubs reprennent l’entraînement puis quand les championnats commencent. On se dit qu’on a encore raté un train. On essaye de pas ne trop cogiter. Il y a l’inactivité qui est pesante, stressante, mais aussi l’aspect financier. On a quand même une famille à faire vivre.
Est-ce qu’être au chômage a des répercussions sur votre quotidien, votre vie privée ?
Il faut demander à ma femme (sourire)… Mais c’est certain que pour un hyper-actif comme moi, ce n’est pas évident. Entraîner, c’est d’abord un métier-passion. L’absence de terrain, la vie de groupe, la préparation, le match, le management… Pour tout ce qui a trait à la vie d’entraîneur, le manque est permanent. Au quotidien, le vide est énorme, l’envie de reprendre profonde. Moi, j’ai toujours été un grand travailleur. Peut-être trop d’ailleurs… Quand on est dans le jus, à la maison, on est là sans vraiment y être. Là, je suis un peu plus disponible pour ma famille. C’est le seul côté positif. Après, je ne reste pas sans rien à faire à me morfondre. J’essaye d’optimiser le temps que j’ai.
« Je sais que je passe pour quelqu’un d’austère »
De quelle manière ?
Cette période d’inactivité m’a servi à évoluer en tant qu’homme et m’a fait réfléchir sur mon métier et l’image que je renvoyais. J’ai beaucoup échangé avec un ami qui coache des chefs d’entreprise. Je sais que je passe pour quelqu’un d’austère. Je ne dégage pas vraiment l’image d’un fanfaron. Pourtant, quand on me connait, on sait que je suis complétement différent dans la vie. Il y a un gros décalage. Mais sur un banc, je suis d’abord très concentré. Mon rôle de consultant est en opposition avec ce que je dégageais au bord des terrains et dans les conférences de presse. Peut-être que depuis qu’ils me voient sur Prime Video, certains découvrent d’autres facettes de ma personnalité. J’ai aussi profité de cette période pour suivre une formation de perfectionnement en anglais. La saison dernière, j’ai aussi passé plusieurs jours à Metz avec Fred Antonetti et Benoit Tavenot.
Vous auriez par exemple pu rester au Paris FC en 2017 ou au Mans en 2020. Vous avez aussi décliné des propositions. Votre côté exigeant ne vous dessert pas dans votre recherche de club ?
C’est quoi être exigeant ? Si j’étais aussi exigeant que ça, il y a des endroits où je ne serais jamais allé. Mais vu l’engagement que j’y mets au quotidien, il faut que le projet qu’on me présente soit en adéquation avec les moyens mis à ma disposition. Je ne parle pas de l’aspect financier. Ce que je recherche , c’est vivre une histoire humaine et faire progresser un groupe. J’ai envie de pouvoir former, lancer des jeunes et surtout donner du spectacle aux spectateurs car ma philosophie sera toujours de mettre en place un football d’attaque. Quand je ne suis pas convaincu, je ne reste pas ou je n’y vais pas. Jusqu’à présent, je n’ai jamais signé dans un club pour avoir un contrat. Quand on s’engage dans un projet, il faut que ce soit pour les bonnes raisons. J’ai été plusieurs fois dans des short lists mais ce ne n’est pas moi qui ai été choisi au final. Parfois, c’est moi qui ai choisi de ne pas y aller. Après, je n’ai jamais été viré par un club. Les décisions de ne pas rester , c’est toujours moi qui les ai prises.
« A mon époque, il fallait réussir 2 ou 3 belles saisons de L2 pour espérer signer en L1 »
Vous avez longtemps été adjoint. Seriez-vous prêt à repartir dans un rôle de numéro 2 ?
J’ai refusé des postes d’adjoint ces derniers mois. Mais pourquoi pas ? Ce ne serait pas avec n’importe qui et pas n’importe où… Je veux garder un vrai rôle.
Quel regard portez-vous sur l’évolution de la L2 par rapport à votre époque ?
A mon époque, on était encore un peu amateurs. Les clubs sont beaucoup plus structurés, les staffs également. C’est plus complet, plus fort et ça va plus vite. Il y a eu l’arrêt Bosman qui a aussi tout changé. Pour un entraîneur, il y aussi maintenant une grosse partie « com » à gérer. La vitrine médiatique actuelle de la L2 est sans commune mesure par rapport à la période où je jouais.
Joueur, vous n’avez connu la Ligue 1 que lors d’une saison avec Guingamp. Avez-vous des regrets ?
Comme beaucoup, les Orts ou Monczuck, j’ai été catalogué comme un buteur de L2. Mais je n’ai pas de regrets, c’était mon chemin. J’ai quand même accompli de belles choses. Mais par rapport à maintenant, le facteur temps n’était pas le même. A mon époque, il fallait réussir 2 ou 3 bonnes saisons en L2 pour espérer signer en L1. Désormais, il faut aller vite. Souvent on fait signer des joueurs en développement ou à potentiel pour les garder en vitrine et ne pas les perdre. On mise sur leur valeur marchande. Mais parfois, il y a un décalage entre leur statut contractuel et leur réel niveau à l’instant T. Ils ne sont pas forcément prêts à jouer mais sont impatients, ce qui peut créer des déséquilibres.
(*) Après avoir terminé sa carrière de joueur à Rumilly, Réginal Ray a ensuite entraîné le club savoyard en 2006 en DH.
Réginald Ray, du Tac au Tac
« J’aimerais parler de foot avec Suaudeau et Denoueix »
Première fois dans un stade ?
La finale de la Coupe de France 1978, Nancy – Nice, au Parc des Princes, avec mon père. Nancy gagne 1-0 sur un but de Michel Platini. J’étais placé du côté où il marque.
Meilleur souvenir de joueur ?
Mon premier match en pro en 1988 avec Montceau à Gerland contre Lyon. Guy Stephan m’avait fait entrer à un quart d’heure de la fin.
Votre plus beau but ?
Une demi-volée de 25-30 mètres un peu décalée et croisée qui va se loger côté opposé du but. C’était lors d’un Guingamp – PSG en 8e où quart de finale de coupe de France.
Pire souvenir de joueur ?
C’était trois semaines après ce match à Lyon, j’étais titulaire pour la première fois en L2. Mais au bout d’un quart d’heure, j’ai eu une fracture du 5e métatarse.
L’entraîneur qui vous a marqué ?
Tout d’abord, Guy Stephan, car c’est lui qui m’a lancé en pro. Ensuite, Pierre Michelin, entraîneur à l’INF Vichy, pour son côté très dur, à l’ancienne. Il a contribué, inconsciemment, à me préparer mentalement à surmonter toutes les futures épreuves de ma carrière. Et enfin Gilbert Zoonekynd car il est à l’origine de ma venue à Montceau-les-Mines pour le début de ma carrière de joueur professionnel et ma venue à Boulogne-sur-Mer pour le début de la carrière d’entraîneur professionnel.
Le jour où vous avez pris la décision d’être coach ?
C’est en donnant un coup de main à Jean-Philippe Nallet, qui entraînait à l’époque les U18 d’Annecy. Durant ma carrière, je ne m’étais jamais dit que je deviendrais entraîneur. J’avais passé mes diplômes mais sans être vraiment convaincu.
Première sur banc de touche ?
En tant que numéro 1, c’était un Créteil – Paris FC en National en août 2016. On avait gagné 3-1.
Meilleurs souvenirs d’entraîneur ?
En tant qu’entraineur, deux matchs de la saison 2018-2019 avec Valenciennes. Un derby gagné 4-2 face à Lens et une victoire à Brest 5-2. Ces deux matchs symbolisaient le foot offensif qu’on voulait mettre en place. Il y a aussi mes quatre montées, une avec Boulogne-sur-Mer et deux avec Bastia en tant qu’adjoint, et celle avec le Paris FC en L2 en 2017. On avait certes perdu les barrages contre Orléans mais le club a été repêché. On avait réalisé une 2e partie de saison extraordinaire pour terminer 3e et se qualifier pour les barrages lors de la dernière journée. Derrière, cette montée a déclenché beaucoup de choses pour le Paris FC, les droits TV, la conservation du statut pro, la construction du centre d’entraînement et de formation.
Le pire souvenir d’entraineur ?
Le dépôt de bilan du Sporting Club de Bastia à l’été 2017. J’avais pris la suite de Rui Almeida mais je ne suis resté qu’un mois. On a vécu plusieurs semaines d’incertitudes. Au final, au lieu de repartir en L2, le club a été rétrogradé en N3. Je n’ai pas pu rester.
Le joueur qui vous a le plus marqué ?
Un joueur qu’on a entrainé à Bastia, Gaël Angoula. Du National à arbitre… en passant par la L2 et la L1. Il a eu un parcours de vie extraordinaire. Vu par où il est passé, personne n’aurait imaginé qu’il joue un jour en Ligue 1 et qu’il devienne ensuite arbitre.
Le meilleur joueur avec qui vous avez joué ?
Xavier Gravelaine à Guingamp.
Les joueurs les plus forts que vous avez entrainé et affronté ?
A Bastia, Sadio Diallo. Toute proportion gardée, c’est le seul joueur qui m’a fait penser à Zidane, par sa gestuelle. Vu ses qualités, sa carrière, c’est un peu du gâchis. Comme adversaire, Zlatan Ibrahimovic.
Sur le banc, vous êtes plutôt…
Bouillonnant intérieurement…
Un style de jeu ?
Un football offensif qui donne du spectacle. Après, comme tout entraîneur, on est souvent obligé de s’adapter aux joueurs qu’on a.
Une causerie mémorable ?
En décembre 2017, après un Paris FC – Boulogne perdu 2-1, une 17e place en National, un ultimatum des dirigeants qui me donnaient encore deux matchs et une refonte à 90% de l’effectif quatre mois plutôt, je dis aux joueurs qu’on est enfin prêts à jouer la montée… On va gagner à Belfort 2-0 sous la neige et avec un voyage de deux fois six heures dans un car privé de chauffage. Comme quoi parfois le confort… Le match suivant, juste avant Noël, on gagne 1-0 contre le CA Bastia après un petit match. Mais j’ai sauvé ma place et ensuite on est remonté au classement. Et on a joué la montée !
Un match inoubliable ?
Le match de la montée en L1 avec Bastia contre Châteauroux le 23 avril 2012. Ca validait deux ans de montée en puissance. En tant que joueur, un match de L2 avec le Mans contre Louhans-Cuiseaux en 1998. C’est celui qui m’a permis de remporter le titre de meilleur buteur de L2.
Une anecdote de vestiaire ?
A Saint-Brieuc, Yannick Le Saux était un vrai personnage. Il fumait des clopes à la porte du vestiaire, allait discuter avec les gens. Puis il rentrait s’habiller 5 minutes pour aller s’échauffer.
Un club ?
Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). C’est là que j’ai pris ma première licence et que tout a commencé pour moi. J’en profite pour rendre hommage à Pepe Benichou qui nous a quitté l’année dernière. Un bénévole comme on n’en trouve plus, qui a entraîné tellement de gamins.
Un coach ?
Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix. Je ne les ai jamais rencontrés. Mais j’aurais aimé parler de jeu avec eux…
Un modèle ?
Un modèle, c’est beaucoup dire. Mais je dirais Guardiola, pour ses idées sur le jeu et sa capacité à les mettre en application avec des stars et des joueurs à fort égo.
Un stade ?
Armand-Cesari à Furiani.
Une ville ?
Paris
Une équipe de légende ?
Le Barça de Guardiola, Messi, Iniesta, Xavi…
Vos amis dans le milieu du foot ?
Jean-Phillipe Nallet, Didier Bouillot, Ferhat Khirat, Frédéric Hantz, Rémi Garde et quelques autres…
Activités pratiquées en dehors du foot ?
En activité, très peu malheureusement. Le footing, la lecture, ma famille…
Textes : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent
Photos : Philippe Le Brech