Réginald Becque : « La coupe, ça dépasse le cadre du foot ! »

Le capitaine de l’équipe de Calais, finaliste de la coupe de France 2000, dont les exploits à répétition sont restés gravés dans le marbre, revisite l’Histoire et raconte, 25 ans après, l’avant, le pendant et l’après épopée ! Discussion à bâtons rompus avec l’un des héros du CRUFC.

Par Anthony BOYER / Photos : 13HF et captures d’écran FFF

Les larmes après la finale de Réginald Becque. Capture d’écran FFF

Les photos ont fait le tour de l’Hexagone. Il y a tout d’abord celle où l’on voit les deux capitaines, Mickaël Landreau et Réginald Becque, soulever la coupe ensemble. Une initiative du gardien international nantais, comme pour rendre le plus bel hommage au football amateur. Comme s’il n’y avait pas un seul mais bien deux vainqueurs de cette édition 2000 de la coupe de France, marquée par cette fabuleuse épopée calaisienne.

Aujourd’hui, qui se souvient que Calais a perdu ce match contre Nantes, 2-1, le 7 mai 2000, au Stade de France ? Personne. Car tout le monde se souvient que les Jaune et noir (et rouge !), les couleurs du CRUFC, sont allés jusqu’en finale !

Et puis il y a cette deuxième photo. On y voit Réginald Becque craquer et fondre en larmes. C’était au coup de sifflet final. Le capitaine de cette « belle bande d’amateurs », comme avait titré la FFF dans son documentaire très réussi d’une heure et demie, tourné vingt ans après l’exploit, avait tant de choses à évacuer.

Dunkerque, Cannes, deux clubs, deux exploits ?

Réginald, le 28 mars 2025 ! Photo 13HF

Mais le natif de Denain, dans le 59, entre Valenciennes et Cambrai (52 ans), sait aussi se tordre de rire : d’ailleurs, il a beaucoup ri durant cet entretien qui a un peu débordé sur le timing imparti, notamment quand on lui a dit que pour le préparer, on avait, nous aussi, pleuré en regardant les différents documentaires consacrés au CRUFC, submergés par les émotions !

Vingt-cinq ans après, et à quelques jours des demi-finales de l’épreuve préférée des Français, qui verra deux « petits » tenter de s’inviter à la table des grands au Stade de France – l’USL Dunkerque tout d’abord, club de Ligue 2 à la trajectoire linéaire et régulière depuis 15 ans et son passage en CFA2 (2010-11); l’AS Cannes ensuite, club de National 2, un « Historique » du championnat de France qui sort d’une très longue traversée du désert, et retombé en DHR (Régional 2) en 2014 -, Réginald Becque revisite l’Histoire avec un grand H.

Dunkerque, Cannes, deux clubs, deux matchs, face au PSG et au Stade de Reims. Deux exploits ? La magie de la coupe opérera-t-elle encore ? L’on sait une chose, c’est que Réginald Becque, lui, sera du côté des « petits ». L’inverse aurait été surprenant. Il suivra bien entendu les deux affiches, il nous l’a dit, et sera sans doute présent au stade Pierre-Mauroy à Lille pour encourager Dunkerque, lui qui habite le quartier de Rosendael, à 2 kilomètres du Stade Tribut, où il n’est pas rare de le voir dans les tribunes encourager les « Marine et blanc ».

Ce qui est très rare en revanche, et là c’est surprenant, c’est de le voir à Calais. Au stade de l’Épopée. Dans cette ville qui l’a consacré et qui a consacré une équipe de « fous furieux », lors de cette fameuse saison 1999-2000. Celui qui est aujourd’hui salarié de la Fédération Française de football explique les raisons de ces « absences » à Calais. Et déroule une énième fois l’Épopée !

Et si jamais les coachs de Cannes et de Dunkerque cherchent des idées pour leur causerie d’avant-match, pour les demi-finales, nous n’avons pas de conseil à leur donner, seulement une suggestion : qu’ils montrent à leurs joueurs le reportage d’une heure et demie sur l’Épopée de Calais… Cela ne fera peut-être pas gagner le match, mais certainement prendre conscience de beaucoup de choses et donnera une énergie positive folle !

Interview : « Les gens se sont identifiés à nous ! »

Au Stade de l’Épopée, il y a quelques années, pour un reportage. Les larmes après la finale de Réginald Becque (Capture d’écran).

Réginald, explique-nous ce que tu fais à la FFF …
Je suis salarié de la Fédération Française de Football depuis 2017, à la direction du football amateur, dans le service événementiel-partenariat. J’interviens sur tous les événements du football éducatif, comme la « Rentrée du foot », le « Festival Foot U13 Pitch » ou la « Journée des débutants », etc. On a aussi six événements annuels organisés pour les bénévoles, notamment La journée qui leur est consacrée au Stade de France pour la finale de la coupe de France : là, on invite 1 000 bénévoles ! On a aussi la tournée « FFF Tour » sur les plages en juillet et août : j’interviens sur la partie animations des nouvelles pratiques (futnet, fit foot, beach soccer, foot en marchant, etc). Enfin, je m’occupe aussi du suivi du partenariat Nike, notamment pour ce qui est des dotations pour les Ligues et les Districts, comme les opérations bons d’achat, mises en place pour les clubs. D’ailleurs, c’est grâce à ce partenariat que j’ai pu être embauché, car la FFF cherchait une personne à l’époque pour s’occuper de cela, et j’ai postulé. Depuis, pas mal de choses ont été mises en place pour le foot amateur, car avant, il n’y avait que les sélections qui bénéficiaient des dotations.

Tu n’as pas de mission liée directement à la coupe de France ?
Non.

« Une vie bien remplie »

Capture d’écran FFF

Et avant 2017, que faisais-tu ?
Déjà, pendant ma carrière de joueur, très tôt j’ai passé mes diplômes. Je suis allé jusqu’à l’ancien DEF, je pouvais à l’époque entraîner en National mais aujourd’hui, le maximum, ce serait Régional 1. Quand j’ai arrêté de jouer à Calais, en 2005, j’ai entraîné la réserve du CRUFC (Calais Racing Union Football-club), ensuite j’ai coaché les seniors à l’AS Marck, à l’US Gravelines puis à Audruicq en Régional 2. J’ai aussi entraîné les U19 à Calais, d’ailleurs, on a fait un 8e de finale de Gambardella (en 2007) avec Calais contre Nantes avec Laurent Guyot coach sur le banc adverse ! On avait perdu aux tirs au but. En parallèle du football, je travaillais à SeaFrance (société de flottes de bateau de type « ferry »), qui était le partenaire principal du club de Calais. Je me suis formé sur le tas, il fallait notamment parler anglais ! J’y suis resté 10 ans, jusqu’en 2010. Juste avant que l’entreprise ne ferme, le maire de Coudekerque-Branche, une ville de 25 000 habitants collée à Dunkerque, m’a contacté : c’est un amoureux de sport et de foot. Mon profil lui plaisait et j’ai fait 7 ans au service des sports de la commune. Le mercredi et le samedi, j’étais détaché et j’intervenais dans le club de foot de Coudekerque, pour l’école de foot. Et ensuite, est arrivée la FFF. Cela fait une vie bien remplie, des expériences, des formations sur le tas, des rencontres, ça me plaît !

Aujourd’hui, en marge de ton travail au sein de la FFF, tu as toujours des fonctions au club de l’AS Marck ?
Oui, je suis toujours secrétaire. J’essaie d’apporter ma contribution, d’accompagner. Je suis attaché à ce club, j’y ai entraîné les U19 et la réserve. L’AS Marck, c’est un état d’esprit et une mentalité qui me plaisent bien.

« À Fontainebleau, c’était très bucolique ! »

Lozano-Becque. Capture d’écran FFF

Tout le monde te connaît pour ton épopée calaisienne, mais peu de gens savent comment tu as commencé le foot ni où tu as été formé…
Je suis né à Denain, entre Valenciennes et Cambrai, dans le Nord, mais j’habitais juste à côté, à Bouchain. Le mercredi, j’allais chez ma grand-mère à Denain, et comme elle habitait juste à coté du stade de foot, c’est là que j’ai commencé. Puis en minimes, je suis allé à Valenciennes, au centre de formation. J’y ai fait deux passages d’ailleurs puisque je suis revenu plus tard en seniors. J’avais signé aspirant mais quasiment tous les jeunes du centre ont été remerciés, c’est un peu bizarre. C’est là que je suis allé au centre de formation du Havre, pendant une saison, où cela n’a pas été évident car c’était la première fois que je partais loin de chez moi. Mais je suis toujours en relation avec Gilles Fouache (entraîneur des gardiennes des équipes de France à la FFF), on a passé des supers moments ensemble ! J’ai ensuite rejoint le centre de formation de Niort, deux saisons, avec son directeur Roger Fleury, qui entraînait Valenciennes, mais je n’ai pas signé pro. C’est comme ça que j’ai atterri à Fontainebleau, en Division 3 : il y avait du beau monde, le coach « Paco » Rubio (ex-Nancy et OM), Pierre Neubert (ex-Valenciennes et Nancy), qui ont tous deux gagné la coupe de France, Philippe Mahut (ex-Le Havre), le président. Cela m’a permis d’effectuer mon service militaire au bataillon de Joinville. J’ai fait trois saisons à Fontainebleau, dans le groupe Ouest de l’ancienne Division 3 (National 2 aujourd’hui). On jouait devant 17 personnes ! Et encore, c’était quand la famille venait (rires) ! Franchement, il n’y avait pas de spectateurs, le terrain était situé en dessous du centre équestre, en bord de forêt, c’était très bucolique !

Sur ton CV, il est écrit aussi que tu as joué en équipe de France U16 : dans cette catégorie, qui a fait une carrière ensuite ?
Le plus connu, c’est Eric Rabesandratana je pense; il était à Nancy à l’époque et ensuite il a joué au PSG.

« Pour passer pro, il m’a manqué de la qualité »

Que t’a t-il manqué selon toi pour être pro ?
De la qualité, tout simplement (rires) ! D’être là au bon moment aussi, d’avoir un peu de réussite, même si à Calais, on était là au bon moment je pense. Il m’a manqué aussi un peu de confiance en soi, des choses comme ça. Mais toutes ces années passées dans les centres de formation m’ont servi pour m’installer ensuite dans les championnats de CFA et National, pour jouer à un bon niveau amateur et vivre de belles émotions. J’ai quand même été champion de France de CFA avec Valenciennes en 1998. J’ai fait des bonnes saisons avec Fontainebleau. Et puis, il y a eu la coupe de France, bien sûr, avec Calais… Mais on a aussi fait des bonnes saisons avec le CRUFC, on jouait devant beaucoup de monde au stade Julien-Denis.

« J’étais un joueur fiable »

Réginald sur le balcon de l’hôtel de Ville de Calais. Capture d’écran FFF.

Avec Valenciennes, tu es champion de France de CFA, vous survolez le championnat, mais tu n’es pas conservé en National : que s’est-il passé ?
À Valenciennes, le coach, c’était Ludovic Batelli. Deux ans plus tôt, le club avait été relégué administrativement en CFA (N2). J’avais signé un contrat fédéral, et la deuxième saison, on a explosé le championnat, j’ai joué quasiment tous les matchs, je m’étais investi, pour passer mes diplômes notamment, et là, on ne me garde pas, on me dit que je ne passerai pas le cap du National, que je n’avais pas le potentiel… J’étais un joueur fiable, pas souvent blessé, je faisais attention à ce que je faisais, mais bon… Ce fut une mauvaise nouvelle, mais sans ça, je n’aurais jamais vécu l’épopée de Calais ! Du coup, comme on avait un peu le mal du pays avec mon ex-épouse, on s’est dit « Pourquoi ne pas remonter dans le Nord ? ». Et me voilà à Calais !

L’Épopée de Calais en coupe, on t’en parle tous les jours ?
(Rires) Non, non, pas tous les jours ! Déjà, je n’en parle pas si on ne m’en parle pas. Après, c’est vrai que lorsque la coupe de France approche, comme là, avec les demi-finales qui arrivent (1er et 2 avril), ça m’arrive, oui, mais c’est tout. Là, ça fait 25 ans, mes enfants n’étaient pas nés… Mais 25 ans, c’est une date, alors peut-être que l’on va en parler un peu plus, je ne sais pas. Calais, cela reste un formidable exploit, mais les gens sont passés à autre chose. C’est toujours un plaisir d’en parler, d’échanger, de faire des comparaisons. Après, c’est sûr, au début, c’était beaucoup plus régulier qu’aujourd’hui, c’est normal. Cela reste un moment incroyable pour moi, pour le club, pour la ville, pour l’épreuve aussi. Un moment magique.

« J’ai vécu la coupe de France en tant que coach aussi »

Est-ce que, du coup, tu suis la coupe de France chaque année ?
Oui. Je regarde régulièrement des matchs, ça c’est sûr. Je vais voir aussi les clubs de District dans les premiers tours de la compétition. Et puis j’ai vécu la coupe aussi en tant que coach, quand j’étais à Coudekerque, en Promotion d’Honneur, on avait éliminé un club de N3, Gravelines, ça crée un engouement particulier, une émulation, ce sont des bons moments. En fait, la coupe, ça crée quelque chose qui va même au delà du football.

Qu’est-ce que cela a déclenché de spécial chez toi ?
Avant l’Épopée avec Calais, je n’avais jamais rien fait en coupe de France. J’avais juste fait un 7e tour avec Valenciennes, que l’on avait perdu contre Wasquehal. Avec Calais, l’année juste avant la finale, on avait perdu au 7e tour contre Lille. Avec Fontainebleau, je ne t’en parle même pas ! On s’était fait marcher dessus par des clubs de District de la région parisienne (rires). Depuis que je ne joue plus, je suis la compétition, je comprends les émotions, je vois les évolutions aussi des clubs, et alors là, quelles évolutions ! Quand je vois que nous, avec Calais, on s’entraînait le soir, trois fois par semaine, après le boulot, sur un terrain très compliqué… Il faut comparer ce qui est comparable, en relativisant aussi un peu.

« L’image forte, c’est la demi-finale et l’après match »

Lozano-Becque. Capture d’écran FFF

En coupe de France, tu es toujours pour le « petit », pour les amateurs ?
Oui, très souvent, à moins que cela ne soit un club de coeur ou de ma région qui joue ! L’an passé, j’ai supporté Valenciennes, où j’ai passé de très bons moments; le club est allé jusqu’en demi-finale. Quand Lille gagne, quand Lens gagne ou quand Dunkerque gagne, je suis content aussi !

Si tu devais ne retenir qu’un seul souvenir de l’Épopée de Calais ?
C’est le stade Bollaert, à Lens, et cet exploit improbable en demi-finale contre Bordeaux (3-1 ap), champion de France en titre, et le retour à 3 heures du matin, l’hôtel de Ville de Calais qui est ouvert, et nous qui montons au balcon; là, tu as plusieurs milliers de personnes qui nous acclament, qui chantent, qui sont heureux. Je crois qu’on est tous unanimes là-dessus, c’est l’image la plus forte que l’on a pu vivre. Il y a eu beaucoup d’autres moments aussi, mais pas à ce niveau là d’émotion et de plaisir.

Tu vas voir des matchs dans ta région ?
Oui, je vais à Dunkerque, j’habite à 2 km du stade Tribut, et puis je suis resté en contact avec le club de Coudekerque-Branche, je vais voir des matchs de tous niveaux dans l’agglomération dunkerquoise, moins chez les jeunes, plutôt des seniors.

« J’ai la nostalgie du CRUFC »

Ladislas Lozano, le coach du CRUFC, au stade Julien Denis à Calais il y a quelques années. Capture d’écran France 3.

Est-ce que tu es allé voir des matchs à Calais cette année, qui est remonté en National 3 ?
Non. Cela fait longtemps que je n’y ai pas mis les pieds.

Ah bon ? Depuis quand ?
Cela doit faire… Je ne sais plus. Cela devait être pour un match de l’équipe de France espoirs ou féminines, ça remonte…

Pourtant, avec le retour de Sylvain Jore (ex-joueur et entraîneur du CRUFC, aujourd’hui directeur sportif du nouveau club, le RC Calais, et qui vient tout juste de succéder à Olivier Laridon au poste d’entraîneur de la N3), que tu as bien connu, tu pourrais y retourner…
Oui, oui, bien sûr, mais j’ai la nostalgie du club, qui a été dissout (en 2017). Aujourd’hui, hormis Cédric Schille, qui donne un coup de main pour les gardiens (Schille fut le gardien de la campagne calaisienne), il n’y a quasiment plus personne qui faisait partie de l’Épopée, c’est un peu… Voilà… au fond de moi, il y a de la nostalgie, de la déception aussi… Notre club n’existe plus, c’est un peu bizarre. Il y a eu beaucoup de remous à Calais. Là, ils ont repris le nom d’un club, le Racing, qui existait déjà avant. C’est comme ça. Je n’ai pas de souci avec ça. Et puis maintenant, je suis beaucoup plus sur Dunkerque et Paris, alors qu’avant, je travaillais à Calais, donc il y a ça aussi. Mes habitudes ont changé.

« Je ne m’identifie pas au RC Calais »

Tu ne ressens pas ce besoin d’aller voir un match à Calais, au stade de l’Epopée ?
Non, pas du tout. Je ne m’identifie pas au club d’aujourd’hui. Nous, à l’époque, en finale, on avait sept ou huit joueurs calaisiens, ou qui avaient fait leur formation au club. Là, c’est différent, c’est plus compliqué, il faudra leur laisser du temps sûrement. Ce qui a fait notre force, en plus d’être de bons joueurs, c’est qu’on était du sérail, on était quasiment tous du Nord, avec une certaine mentalité, un certain état d’esprit.

Quelques années après l’épopée, en 2006, Calais a recroisé Nantes en 1/4 de finale de la coupe de France…
J’entraînais la réserve du club à l’époque, donc j’y ai participé un peu, avec Sylvain (Jore), qui était entraîneur, je me souviens qu’on était allé supervisé Nantes à Nantes, Brest à Brest aussi, on allait voir les adversaires.

« Boulogne, je les suis attentivement »

Cédric Schille, le gardien du CRUFC, entraîne les jeunes gardiens du RC calais aujourd’hui. Capture d’écran FFF.

Et Boulogne alors ?
J’y suis allé en coupe de France pour commenter leur match contre Beauvais, pour France 3 Hauts-de-France. Je suis très content pour eux, en plus, les deux personnes qui sont à la tête du staff, Fabien Dagneaux et Antony Lecointe, sont deux personnes que j’ai croisées sur les terrains, ce sont des purs boulonnais. Ce qu’il réalisent cette saison en National, c’est exceptionnel ! Ils font vraiment du bon travail depuis qu’ils sont à la tête du club, ils sont encore en course pour la montée en Ligue 2. Leurs matchs sont serrés, ils marquent souvent à la fin, ils s’arrachent, ça démontre un état d’esprit et les valeurs de la ville et du club. C’est un club que je suis attentivement.

La coupe de France a-t-elle changé ta vie ?
(rires) Forcément un petit peu ! Oui, évidemment ! Il y a deux choses, le parcours et la photo (avec Mickaël Landreau, quand tous les deux soulèvent la coupe). Personnellement, j’ai vécu des émotions que je n’avais jamais vécues, des moments de joie, de solidarité, en plus, tout ça grâce au foot, ma passion. Sûrement que cela a changé ma façon d’être, aussi, sans m’en rendre compte.

Comment es-tu devenu capitaine du CRUFC ?
J’avais déjà été capitaine chez les jeunes à Valenciennes. Cela s’est passé lors de ma deuxième saison à Calais, le capitaine de l’époque, Stéphane Canu, se blesse, et « Ladi » (Ladislas Lozano, le coach) me dit que je vais prendre le brassard, mais il y avait plein d’autres joueurs, des purs calaisiens, qui auraient pu prétendre à occuper ce rôle. Ou même un défenseur central, parce que moi, j’étais arrière gauche, ce n’est peut-être pas le poste idéal pour jouer ce rôle, que j’ai essayé de remplir du mieux possible.

Qui sera le nouveau Calais ?

Chaque saison, des clubs de N2 ou N3 arrivent en 8e ou en 1/4 de finale de la coupe, et on cherche le nouveau Calais : tu crois que ce sera Cannes ?
C’est drôle, j’en avais discuté une fois lors d’un tirage au sort avec Stéphane Masala, le coach qui avait emmené les Herbiers en finale (en 2018), il me disait que si Calais l’avait fait, pourquoi pas un autre club ? On a été les premiers, alors s’il y en a un autre, tant mieux, cela ne ‘est pas joué à grand chose par le passé. Je me souviens de Carquefou qui élimine l’OM (le club de CFA2 avait crée la surprise en 2008), alors même s’ils ne sont pas allés en finale, ils ont vécu cet exploit là, et quel exploit, face à l’OM ! C’est sur que quand tu vas en finale, ça change l’Histoire, ça met encore plus en valeurs les joueurs, le club, la ville, forcément.

« Contre Bordeaux, c’était chaud ! »

Au Stade de France, avec Mika Landreau. Capture d’écran FFF.

À l’issue de la finale de Calais en 2000, on a vu des liens se nouer avec des Nantais, les vainqueurs, mais on ne peut pas en dire autant avec les Bordelais, en demi-finale… Tu as recroisé des Girondins ?
J’ai croisé Christophe Dugarry, avec le Variété club de France et aussi Elie Baup, qui était le coach. On avait fait une photo avec Elie Baup. Mais j’ai plus d’affinités avec des « Mika » Landreau qu’avec des Bordelais (rires). Quand je vais à Capbreton pour le festival U13, je croise toujours des Landais qui sont supporters de Bordeaux, il y a toujours des petites remarques, ça chambre, mais voilà, ça ne va pas plus loin. C’est vrai qu’en demi-finale, contre Bordeaux, c’était chaud, mais c’était improbable ! Il y avait des champions du monde en face, Bordeaux était champion de France en titre et affrontait une équipe de CFA qui n’avait jamais joué devant 40 000 spectateurs ! Les Girondins ne s’attendaient pas à cette physionomie de match : on est à 0-0 au début de la prolongation et c’est nous, les amateurs, qui mettons 3 buts, c’est juste improbable ! Inimaginable ! On n’allait pas les laisser jouer, alors on a été agressifs, on a joué avec nos valeurs, mais on a toujours respecté nos adversaires, on n’a jamais chambré personne. Si les gens se sont tant identifiés à nous, c’est parce qu’on donnait le maximum et qu’on respectait tout le monde.

Pourquoi ça a tant marqué les gens ? On en parle encore 25 ans après …
C’est ce que je disais : les gens se sont identifiés à nous parce qu’on ne lâchait rien, on donnait tout, on proposait du jeu. Nos discours dans les médias étaient cohérents. Il n’y avait pas de rancoeur vis à vis du monde professionnel, au contraire, parce que tout ce que l’on avait appris dans les centres de formation nous a servi pour vivre cette épopée, comme le don de soi, la solidarité, l’amour du maillot, et puis cette équipe, avec la colonne vertébrale, Cédric Schille, Manu Vasseur et Mickaël Gérard, pff…. Dans cette équipe, personne ne pensait à sa gueule, on ne pensait qu’à l’équipe, qu’au club.

« Le Puy, contre Montpellier, ressemblait à Calais »

Ladislas Lozano, le coach du CRUFC. Capture d’écran FFF.

En 25 ans, tu as déjà vu une autre équipe qui ressemblait à Calais 2000 ?
Non. Après, je n’ai pas regardé tous les matchs ou toutes les épopées suivantes, mais attend, quand même, si, récemment, il y a eu Le Puy, qui a mis 4 à 0 à Montpellier, cette équipe avait un état d’esprit remarquable et des joueurs de qualité. Elle ressemblait un peu au Calais de l’époque. De toute façon, il n’y a pas de secret, il faut que tout le monde, joueurs, remplaçants, staff, ait la même ligne directrice, le même objectif, sinon cela ne peut pas marcher.

Vous avez un groupe WhatApp avec les anciens ?
Oui ! Il y avait tout le monde mais y’en a qui se sont retirés, mais pas parce qu’on ne s’aime pas, c’est juste que certains sont moins branchés réseaux sociaux, c’est tout. On essaie d’organiser un tournoi de futsal chaque début d’année pour se retrouver, et de faire un match en juin, comme lors du challenge Claude Thiriot (du nom de l’ancien manager général du club), au profit des handicapés. On a toujours des moments pour se retrouver.

Ladislas Lozano est sur le groupe ?
Non, c’est vraiment un groupe pour les joueurs.

Vous n’êtes pas invité à la finale ?
Non (rires) cela n’est jamais arrivé ça !

Pour les 25 ans, la FFF pourrait y penser !
Oui, oui, la finale est le 24 mai, il y a encore du temps !

Tu es toujours en contact avec lui ?
Un petit peu, comme ça. Il est revenu sur Calais après avoir habité dans le Sud-Ouest.

« Lozano nous a donnés la confiance »

Au Stade de France, avec Mika Landreau. Capture d’écran FFF.

Quand on visionne les différents reportages consacrés à Calais, on s’aperçoit à quel point Lozano fut prépondérant dans l’épopée… Sans lui, tout cela n’aurait jamais eu lieu, même si on ne peut pas le savoir…

On n’a pas la réponse mais je pense que tu n’es pas loin de la vérité quand même ! Il a eu un rôle essentiel. Il y a ses qualités de coachs, ses préparations de match, il se déplaçait pour voir nos adversaires parce qu’il trouvait qu’à la télé, il ne ressentait pas les ambiances. Il avait cette faculté de nous faire croire qu’on était les meilleurs joueurs du monde et que l’on pouvait battre n’importe qui. Et sur le plan tactique, toutes les recommandations qu’il a pu nous donner, nous, on les appliquait, et ça marchait. On était vraiment un groupe à l’écoute, qui avait envie d’y croire.

C’est vrai que dans les reportages, on dirait qu’il raconte les scénarios des matchs à l’avance…
Exactement, c’est tout à fait ça ! Il disait « Faites ça, faites ça, ça va marcher ». Contre Bordeaux, sur les corners, il nous avait interdit de les tirer « direct », il fallait forcément les jouer à deux, parce que, par rapport à leurs gabarits, on aurait eu aucune chance de récupérer un ballon; ça c’est un petit truc qui permettait de garder le ballon, de faire jouer. On savait aussi que Bordeaux n’allait pas trop dans la profondeur, des petites choses tactiques, comme ça, et puis il nous a donnés la confiance.

Il y a aussi une anecdote incroyable avec Thierry Debès, le gardien de Strasbourg, quand il dit qu’il a du mal à capter les ballons et qu’il faut suivre…
Oui ! Et ça s’est passé comme ça ! Mais c’est tout un groupe; le staff, André Roche le président, Claude Thiriot le manager, les dirigeants… quand il y a ce « tout », tu peux réussir de grands exploits !

« On aurait pu être éliminé au 7e tour ! »

On n’en parle pas souvent, mais votre match le plus dur, ce fut contre Béthune (CFA), au 7e tour…
(Rires) Oui, vraiment ! On passe par un trou de souris, on marque à la 45e ou 46e, je ne sais même pas si on avait dépassé le milieu de terrain en deuxième mi-temps, ils frappent sur le poteau, et on se qualifie, c’est ça aussi la beauté et la magie d’une épopée. Cela aurait très bien pu s’arrêter là.

La prime de la finale ?
180 000 francs (27 500 euros environ). Le président a été généreux, après, il mettait des montants de primes qu’il ne pensait pas donner (rires), et il a rien donné sur la finale ! Avec cet argent, je suis resté sur mon idée de base : cela a accéléré un peu mes projets, notamment de construction de maison. J’en ai gardé aussi pour payer les impôts, parce que ça a fait drôle ! Mais on ne peut pas comparer avec aujourd’hui.

« La saison en National, ce fut un fiasco complet »

Réginald sur le balcon de l’hôtel de Ville de Calais. Capture d’écran FFF.

La saison qui a suivi la coupe de France, Calais est monté en National…
Oh la la oui, après un barrage mémorable à Cherbourg, 10 à 9 aux tirs au but, avec la moitié de l’équipe en tribune parce qu’on était tous blessés ! On a fini à 10 parce que Thierry Vaillant s’est fait expulser ! C’était vraiment un truc de fou ! Maintenant, avec le recul, je ne sais pas si c’était une bonne chose de monter en National, parce que le club n’était pas du tout prêt. J’avais toujours un travail en National, le club a fait venir des contrats fédéraux, il y a eu un nouveau coach, Manu Abreu, parce que « Ladis »(Lozano) est parti. Il y a eu énormément de changements, et puis on avait des problèmes d’infrastructures, d’installations, dans l’organisation aussi. Cela a été un fiasco complet.

En National, tu as donc joué à Cannes, en championnat…
Oui, tout à fait, je connais le stade, je me souviens qu’il y avait l’attaquant David Suarez, qui entraîne les jeunes du PSG aujourd’hui, il y avait aussi Toulouse dans ce championnat avec Christophe Revault que j’avais revu, et que j’avais connu au Havre.

« Je n’ai pas regardé Cannes, non… »

Tu as regardé Cannes en coupe de France cette saison ?
Non. Je suis désolé (rires) ! Mais j’ai vu des vidéos de leur attaquant (Julien Domingues) qui a mis des buts exceptionnels. Mais je vais regarder Cannes-Reims.

L’engouement n’atteint pas celui de Calais 2000…
Il y a les réseaux sociaux aujourd’hui, et puis ce n’est pas du tout pareil. La région cannoise et la région calaisienne, je pense que c’est très différent, ce ne sont pas les mêmes populations. Maintenant, pour Cannes, ça va monter en puissance à l’approche du match et s’ils parviennent à se qualifier pour la finale, alors là, ça prendra beaucoup plus d’ampleur.

Tu vas aller voir Dunkerque-PSG ?
Oui, normalement, je serai à Lille, en espérant un exploit de Dunkerque, où je connais quelques personnes comme Christophe Lollichon (entraîneur des gardiens à l’USLD), que j’ai croisé par hasard dans un train en revenant de Paris, avec qui j’ai échangé, et quelques personnes du secteur administratif, même si le club a beaucoup évolué. Le nouveau stade Tribut est sympa, on est proche du terrain, avant, il y avait une piste, mais je me demande s’ils ne l’ont pas fait un peu trop petit. Le stade est vite plein !

Lens mis à part, quelle est la vraie ville de foot : Calais, Boulogne, Dunkerque, Valenciennes ?
(Rires) Ce ne sont pas les mêmes populations, chaque ville a ses spécificités, mais je dirais Boulogne quand même, c’est elle la ville de foot. Mais à Calais, le stade Julien-Denis, c’était quelque chose… Peut-être qu’il aurait fallu le rénover pour continuer à faire vivre ce quartier et ces gens qui avaient leurs habitudes, avec les cafés autour. Là, le stade (de l’Épopée) est à l’extérieur, c’est complètement différent…

Réginald Becque, du tac au tac

Meilleur joueur côtoyé ?
Manu Vasseur.

Pire souvenir sportif ?
Je n’ai que des bons moments !! Je n’en ai pas ! Ou alors peut-être quand je n’ai pas été conservé à Valenciennes !

Tu as déjà marqué des buts ?
Ah bah quand même, j’en ai marqué plusieurs, et puis je tirais les penaltys je te rappelle (rires) !

Ton plus but ?
C’est à Boulogne-sur-Mer, quand je jouais à Fontainebleau, un ballon qui sort de la surface et je le reprends du pied gauche et ça file en lucarne opposée !

Pourquoi as-tu fait du football ?
Mon père jouait au foot, on habitait en face d’un stade, je m’y suis mis très vite, c’est pour ça.

Capture d’écran FFF.

Qualités et défauts sur un terrain, et dans la vie ?
(Rires) Que cela soit sur un terrain ou dans la vie de tous les jours, ce sont un peu les mêmes, c’est voir le côté positif, donner le meilleur de soi-même pour que ça marche, pour que ça réussisse.

Un club où tu as failli signer ?
Quand j’étais jeune, avant de signer à Valenciennes, j’avais eu un contact avec le RC Strasbourg mais comme j’habitais la région de Valenciennes, je suis allé à Valenciennes.

Dans tes rêves les plus fous, le club où tu aurais aimé jouer ?
Dans un club allemand, je ne sais pas pourquoi !

Le coéquipier avec lequel tu avais le meilleur feeling ?
Jérôme Dutitre.

Combien d’amis dans le football ?
J’en ai pas mal !

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné au cours de cette épopée calaisienne ?
Christophe Dugarry, par son charisme, par son envie, par son caractère, par son statut.

Un coach perdu de vue que tu aimerais bien revoir ?
Avec les réseaux sociaux, aujourd’hui, on arrive à être en contact avec tout le monde, donc non, tous ceux que je peux voir ou que j’aimerais voir, je suis en contact avec eux.

Un joueur perdu de vue que tu aimerais revoir ?
C’est un peu la même chose, je pense à Gilles Fouache (Le Havre), on est arrivé à se croiser ou à échanger de temps en temps.

La causerie qui t’a le plus marqué ?
C’est celle de « Ladi » (Lozano) avant la demi-finale contre Bordeaux. Elle a marqué.

Des manies, des tocs avant un match ?
Le vendredi soir, c’était pâtes-carbonara forcément (rires) !

Demi-finales de la coupe de France / USL Dunkerque (L2) – PSG (L1), mardi 1er avril à 21h10 à Lille (sur France TV et BeIN); AS Cannes (N2) – Stade de Reims (L1), mercredi 2 avril, à 21h, à Cannes (sur BeIN unuqiuement).

 

  • Texte : Anthony BOYER / Compte X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : captures d’écran @FFF
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Voir le documentaire de la FFF : https://www.youtube.com/watch?v=A_rB5teeHtI