R2 / Romain Canales : « Remettre Sète sur de bons rails ! »

L’ancien milieu défensif, passé par Nîmes, sa ville natale et son club formateur, puis Beauvais, Orléans, Luzenac et Sedan, est revenu à Sète, où il a également évolué en National il y a 16 ans, cette fois dans le costume de coach. Dans ce club historique à la recherche de stabilité et de sérénité après sa liquidation judiciaire en 2023, il entend mettre sa passion et son expérience au service du collectif.

Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Photos : Philippe LE BRECH et Alan REALE / SC Sète / @_bykitsu

Photo Alan Reale / SC Sète / @_bykitsu

C’est sans doute parce que, plus jeune, il était ce garçon timide et réservé, que Romain Canales lâchait tout sur le terrain, extériorisait, se montrait hargneux. Son terrain d’expression, c’était le football, la compétition. Et c’est aussi grâce à sa double-reconversion que l’ancien numéro 6 de Nîmes, Sète, Beauvais, Orléans et Luzenac, en National, a appris à apprivoiser ce trait de caractère. « Devenir agent immobilier et entraîneur de foot, ça m’a aidé à être moins timide, moins réservé. Sur le terrain, je lâchais tout, je m’exprimais par la hargne ! » raconte le natif de Nîmes, aujourd’hui âgé de 42 ans, arrivé sur le banc de Sète cet été, en Régional 2.

Romain Canales, c’est aussi ce garçon discret, qui n’a pas forcément envie de se mettre en avant, un petit peu hors système, mais terriblement ambitieux. Pendant sa carrière de joueur, c’était un peu la même chose : au service des autres, du collectif, à un poste exigeant, avec des responsabilités. Un joueur entier qui ne trichait pas, dont l’activité débordante sautait aux yeux. Parfois, on ne voyait que lui. A tel point que des clubs plus huppés, certains en Ligue 2 voire en Ligue 1 se sont, à un moment donné, renseignés sur ce petit gabarit d’1m71 freiné par une blessure à un moment charnière de sa carrière : « J’étais à Beauvais, en National, j’avais 26 ans, je faisais ma meilleure saison, j’ai eu des sollicitations, mais j’ai eu une blessure à la cheville et il y a eu beaucoup de complications, ça a duré un an et demi… Clairement, ça a brisé mon élan. »

« A Sète, l’identité est palpable ! »

Lors de son départ de Castelnau-le-Crès l’été dernier. Photo Castelnau FC

Cette tranche de vie footballistique, marquée par un long passage de 14 ans dans « son » club, celui où il a été formé et où il a évolué jusqu’à l’âge à 25 ans, Nîmes Olympique, il la raconte dans cet entretien d’une heure, donné en visio depuis chez lui, le matin d’un match avancé de championnat – un jeudi ! – avec le FC Sète, pardon, le SC Sète, son nouveau club. « J’ai la chance d’avoir trouvé une location et d’habiter au mont Saint-Clair. Tu vois, quand quand je tourne la tête, je vois la plage et la mer ! Cela a toujours été comme ça dans ma carrière, j’ai toujours voulu habiter à l’endroit où je jouais, pour m’imprégner de l’environnement dans lequel j’étais. Là, en signant à Sète, j’aurais pu rester chez moi à une heure de route du club, mais j’ai préféré m’installer ici. Et je peux te dire que l’identité de la ville, elle est bien palpable. Il y a des quartiers de pêcheurs, des quartiers populaires. Il y a les joutes aussi, qui sont plus importantes que le foot. »

Finalement, le derby de Régional 2 contre le voisin, le Stade Balarucois, distant de seulement 8 kilomètres, n’a pas eu lieu. Match reporté ! La faute aux conditions météorologiques ce jour-là.

Du FC Sète au SC Sète

Si le club de la Venise du Languedoc a changé d’appellation pour devenir le Sporting-club, ce n’est pas uniquement pour tirer un trait sur un passé récent tout à digéré. C’est aussi par obligation. Le 6 juillet 2023, trois ans ans seulement après un retour assez probant en National (11e en 2021 et 14e en 2022), lequel fut suivi d’une relégation administrative en N2 et d’une saison cauchemar (18e et dernier de N2 en 2023 avec seulement 3 victoires en 30 matchs et 12 points), la société « Football-club de Sète » a été liquidée, laissant place à une nouvelle entité, l’association « Sporting-club de Sète ».

Cette dernière fut contrainte, non pas de repartir en Régional 1 comme prévu initialement mais en… Régional 3 ! Un coup dur pour cette institution du football français – le FC Sète est l’un des 18 clubs à avoir été au moins une fois champion de France (il l’a même été deux fois, en 1934 et 1939, et a remporté deux Coupes de France !) -, qui n’avait jamais évolué plus bas qu’en Division d’Honneur (R1).

« Le plus beau maillot ? Celui de Sète ! »

Photo Alan Reale / SC Sète / @_bykitsu

Parce que le nouveau « Sporting », qui est remonté en Régional 2 dès l’année de son lancement avec à sa tête le joueur le plus emblématique de la ville, Christophe Rouve, est un club historique. Mythique. Dirigé aujourd’hui par un nouvel homme fort, un homme du cru, Bastien Imbert-Crouzet.

Depuis l’été 2024 et le départ de Rouve, joueur le plus capé (et le plus buteur) de l’histoire sétoise, pas mal de choses ont encore changé dans ce club qui ne demande qu’à retrouver stabilité (trois entraîneurs et deux présidents en un an) et sérénité. Ce qui n’a pas changé, en revanche, et c’est tant mieux, ce sont les fameuses tuniques aux bandes horizontales vertes et blanches, qui font que l’on peut confondre le maillot avec celui de l’autre Sporting, le Sporting Portugal de Lisbonne ! « J’aime les maillots et le plus beau que j’ai dans mon placard, c’est celui de Sète, coupe Romain; ça ne s’explique pas. C’est un maillot historique ! »

Pour Romain Canales, intronisé cet été à la tête de l’équipe fanion, pas facile de reconnaître le club où il a évolué une saison comme joueur, en National, en 2008/2009. C’était juste après une accession en Ligue 2 avec Nîmes, à laquelle il n’a malheureusement pas participé puisque cantonné en réserve, ni Laurent Fournier, ni son successeur avant Noël Jean-Luc Vannuchi ne lui faisant confiance en équipe Une.

Un poète dans la cité de Georges Brassens

Sous la tunique de l’US Orléans. Photo Philippe Le Brech

Mais il n’a jamais oublié son passage au stade Louis-Michel aux côtés des Yattara, Rambier, Vellas, Scaffa, Goazou, Fori, Dufrennes, Chavériat, Valero, pour ne citer qu’eux, ainsi que des regrettés Aulanier et Kharrazi. Cette saison-là, il avait quasiment disputé l’intégralité des matchs d’une saison achevée à une belle 7e place… juste avant une liquidation judiciaire (en réalité, sans une pénalité de 3 points infligée par la FFF, le club aurait fini 5e). On ne se refait pas !

Plus de quinze ans après, voilà Romain de retour, dans le costume d’entraîneur des seniors, en Régional 2, avec déjà une expérience de quelques saisons sur un banc, dont la dernière, probante, à Castelnau-le-Crès, en Régional 1, où, en une-demi saison (il est arrivée à la trêve), il a redressé une situation mal embarquée, son club passant avec lui de la 11e à la … 2e place en seulement 18 matchs (12 victoires) ! Une performance qui a tapé dans l’oeil du SC Sète.

Finalement, pour cet amateur de poésie, revenir dans la Cité de Georges Brassens est un joli clin d’oeil : « Oui, c’est une guitare que tu vois derrière moi ! Je ne suis pas un grand guitariste mais j’aime les musiques à texte. Je suis fan de Damien Saez, que j’ai vu sept ou huit fois en concert, de Francis Cabrel, de Ben Mazué, de Renaud, et de Georges Brassens bien sûr ! »

Interview : « Je suis quelqu’un d’entier »

Photo Alan Reale / SC Sète / @_bykitsu

Romain, revenons sur tes débuts : tu es né à Nîmes mais tu as commencé le foot à Vergèze…
Oui, de l’âge de 6 à 11 ans, parce que c’est là que j’habitais. Nîmes Olympique m’avait approché auparavant mais moi je voulais rester à Vergèze, avec mes copains. Finalement, à 11 ans, j’ai signé à Nîmes, et j’y suis resté jusqu’à mes 25 ans. Ensuite, j’ai joué à Sète 1 an, à Beauvais 2 ans, à Orléans 1 an et à Luzenac 1 an, tout ça en National. Ensuite il y a eu Sedan en CFA2, on est monté en CFA. Puis je suis rentré dans ma région pour finir ma carrière : j’ai fait quatre saisons à Aigues-Mortes en amateur (DH) et une saison à Uzès (R1) mais là, je me suis blessé à l’automne, j’ai dû stopper. Enfin… j’avais quand même repris une licence en Régional 2 à la JS Chemin bas d’Avignon, un club de Nîmes, on était monté en R1.

Et le travail dans tout ça ?
A la fin de ma carrière, je suis devenu agent immobilier, chez Orpi pendant 8 ans puis pendant 2 ans comme indépendant. Là, je me suis reconverti dans la gestion de patrimoine chez CapFinances. La vie, ce sont des cycles : on ne fait plus le même métier de 20 à 65 ans… En 2022, l’immobilier marchait moins bien, j’ai réfléchi, je me suis dit qu’il fallait peut-être faire autre chose. Aujourd’hui, dans mon nouveau métier, il y a toujours ce côté « commercial » que j’avais dans mon autre métier, je démarche de la clientèle, je suis affilié à un cabinet, et puis ça se marrie bien avec la vie de foot, je gère ma journée comme je le souhaite. Parce qu’entraîner, cela implique de prendre des risques dans sa vie professionnelle, ce n’est pas évident. Il faut que les horaires correspondent, il faut être disponible le soir, avoir le temps de préparer ses séances de la meilleure des manières possibles, parce que si tu fais un métier où tu finis à 18h et que tu arrives cinq minutes avant l’entraînement, forcément, il va te manquer de la préparation.

« Je ne pense pas à ma carte perso »

Sous la tunique du FC Sète en National en 2008/2009. Photo Philippe Le Brech

Où en es-tu au niveau des diplômes et aspires-tu à entraîner plus haut ?
Je suis titulaire du BEF, je peux entraîner jusqu’en Régional 1. J’attends le bon moment pour postuler au DES, qui permet d’entraîner jusqu’en N2. Je veux faire les choses bien. Je ne veux pas courir après le sésame supplémentaire si je ne suis pas capable d’assumer mon rôle de coach l’année en cours. Si je veux aller plus haut, il ne faut pas que je traîne en route. Je suis quelqu’un d’entier, qui va aller vers ce que je ressens, c’est peut-être une faiblesse, mais je ne pense pas à ma carte perso. Aujourd’hui, l’idée, c’est d’aller plus haut possible avec le FC Sète; à moi d’être bon pour faire en sorte que le club veuille me conserver.

Quand as-tu commencé à entraîner et quel a été ton parcours ?
J’ai commencé à Aigues-Mortes chez les jeunes, j’étais encore joueur en R1, et je m’occupais des U15, ensuite des U19. J’ai rapidement eu des petites sollicitations pour entraîner en Régional 2 mais j’ai voulu aider les villages où j’ai grandi en Régional 3, je n’étais pas à une division près pour faire mes gammes, alors je suis allé à l’US du Trèfle, à Sommières, la ville dont mes parents sont originaires, puis à Vergèze, où j’ai grandi. Ces deux villages, ces deux clubs, je les aime. Ensuite, je suis devenu l’adjoint de Nicolas Guibal, l’ex-entraîneur de Sète, au Grau-du-Roi (R2, accession en R1), avant de partir à Mende en R1, mais je n’y suis pas resté longtemps, cela ne s’est pas très bien passé, alors que j’avais mis l’immobilier de côté. Ensuite, j’ai atterri à Noël à Castelnau-le-Crès, en R1, l’équipe était 11e à la trêve et on a fini seconds, ce qui m’a permis de rebondir à Sète, où le club se structure. Le projet est fait pour voir à moyens termes.

« On dit encore le FC Sète 34 ! »

Avec le président du SC Sète. Photo Alan Reale / SC Sète / @_bykitsu

Entraîner, tu y pensais quand tu étais plus jeune ?
Pas trop. J’étais très timide, introverti. Je me souviens qu’à Nîmes, Olivier Dall’Oglio, que j’ai eu en jeunes et en réserve, me sondait parfois sur la manière de jouer et à Orléans, où j’ai fait 20 matchs sur 38 et donc où je n’étais pas un cadre, l’entraîneur Yann Lachuer venait parfois me sonder, parce que j’avais une réflexion sur le jeu. Je m’intéressais au « foot ». C’est devenu viscéral à partir du moment où j’ai entraîné les jeunes à Aigues-Mortes.

Quelle est l’ambition du club de Sète, qui a vécu une liquidation judiciaire en 2023 ?
J’avais déjà connu une liquidation à la fin de la saison quand j’avais joué à Sète. Aujourd’hui, c’est le Sporting, parce que le club a changé de nom dans les documents mais on a encore du mal à l’appeler comme ça, on dit encore le FC Sète 34 tellement c’est ancré ici ! C’est le même club. Maintenant, je vais essayer de leur rendre la confiance. Il y a un projet ici qui est très-très clair, mais avant de parler de foot, d’objectifs, il faut remettre le club sur de bons rails, ça veut dire avec des bons éducateurs, avec une image des jeunes qui change, avec les bonnes personnes à la tête du club, avec de la stabilité humaine. Je vois des gens qui oeuvrent pour leur club, et uniquement pour leur club. Ceux qui sont en place sont fondamentalement amoureux de leur club. Le président (Bastien Imbert-Crouzet) est un Sétois, on a beaucoup de gens du cru. Ils vont oeuvrer pour que le club redore son blason, et pas que sportivement. Les jeunes sont descendus de division, il y a une catégorie manquante, mais là, on n’est que sur les premiers mois du nouveau projet, c’est trop tôt…

« On se doit de jouer le haut de tableau »

Avec Luzenac contre l’US Orléans du regretté Emiliano Sala. Photo Philippe Le Brech

Sportivement, après un bon départ (3 victoires et 1 nul), l’équipe de R2 vient de perdre son premier match à Saint-André-de-Sangonis (2-1) : la montée est-elle l’objectif fixé ?
On ne m’a pas demandé de monter cette année. On a reconstruit un effectif après beaucoup de départs, on a mis en place des nouvelles idées de jeu, mais cela ne se fait pas en quelques semaines. Maintenant, on se doit de jouer de jouer le haut de tableau, d’essayer de se mêler à la lutte. Tu sais, ici, c’est un peu comme à Nîmes : quand tout va bien, c’est le rêve de vivre dans ces villes-là, avec cette ambiance sudiste, et puis tu as les aléas, ces liquidations judiciaires, qui sont propres au sud.

Quel type de jeu prônes-tu ?
Pour moi, le meilleur moyen de gagner, c’est de maîtriser son sujet, de prendre les choses en mains, de dominer territorialement dans la tenue du ballon. J’aime que mon équipe soit joueuse, cohérente. Ce n’est pas une question de division. La seule chose qui n’est pas négociable, c’est la grinta, et ça, je trouve que ça se perd dans le foot, alors qu’il la faut. Il faut avoir la passion et le feu en soi si on veut exister. J’essaie d’inculquer ça, c’est dur. J’essaie que mon équipe soit à mon image. J’avais la grinta, ça m’a aidé. J’aime jouer à 3 derrière, mais si j’ai basculé vers ce système il y a quelques années, c’est parce que j’avais les joueurs pour. Et tant que c’est possible, je m’y tiens. Mais système de jeu ne veut pas dire principe de jeu. Tu peux avoir des mêmes idées de jeu, que tu sois en 3-5-2 ou en 4-3-3. A contrario, tu peux être sur un même système dans deux clubs différents et avoir deux manières de jouer différentes. Les principes de jeu sont pour moi plus importants.

En termes de spectateurs, ça se passe comment cette année ?
On a fait 500 ou 600 personnes en coupe de France contre une R1 (Fabrègues, qualification 2-1 au 3e tour avant une élimination au 4e tour à … Saint-André-de-Sangonis, 2-1). Sinon, en championnat, on a un petit peu de monde au stade, mais il n’y a jamais eu non plus énormément de monde au Louis-Michel. Quand je jouais en National, on avait fait une belle année, il y avait 1000, parfois 1500, mais 1500 au Louis-Michel, c’est comme quand il y a 5000 ou 6000 aux Costières alors qu’il y a près de 20 000 places. Mais l’engouement est possible ici.

Romain Canales, du tac au tac

Sous le maillot de Beauvais. Photo Philippe Le Brech

Meilleur souvenir sportif ?
Il y en a plusieurs ! Ce sont mes premiers matchs en pro aux Costières avec Nîmes. Quand tu es jeune, que tu rêves de ce moment et que tu y arrives… C’est une belle émotion. Réussir dans son club formateur, dans un club avec une histoire comme celle-là, c’est un rêve éveillé, surtout au début. Plus tard, on en prend la mesure.

Ton premier match en Une à Nîmes ?
J’avais 19 ans, j’étais rentré deux minutes, c’était à l’extérieur, en fin de saison, à Dijon. L’entraîneur, c’était Patrick Champ, qui avait pris l’équipe pendant quelques semaines. C’est important mais pas aussi important que quand je me suis imposé comme titulaire, là ça comptait vraiment, je débute les matchs, je sens que j’ai une carte à jouer pour ma future carrière. Mais le coach qui m’a réellement lancé, c’est Régis Brouard. Maintenant que je suis entraîneur, je m’en rends compte, mais à l’époque, il était jeune entraîneur, en National, il avait la pression, il avait aussi sa carte perso à jouer, et malgré ça, il me fait jouer 16 ou 17 matchs sur la phase aller, avant que je ne me fasse opérer à Noël, alors que je suis encore sous contrat amateur. C’était une grosse marque de confiance, d’autant que Nîmes à l’époque avait de grosses ambitions et recrutait en conséquence, mais il a lancé un jeune du club. C’est grâce à lui que j’ai pu signer un contrat de 3 ans. Il m’a lancé et a cru plus que d’autres en ma capacité à jouer en pro.

Ton poste de prédilection, milieu défensif ?
Jusqu’à 17 ans, je n’avais jamais joué milieu défensif, c’est quand même fou ! Je jouais ailier droit, mais je ne débordais pas forcément et je manquais de puissance, j’étais plutôt un faux ailier, qui repiquait dans l’axe, qui était plus dans la conservation. Olivier Dall’Oglio m’a fait passer 6 quand j’étais en 19 ans Nationaux. Dall’Oglio… Encore un super-entraîneur que j’ai adoré et qui m’a permis de progresser énormément. J’ai adoré ce poste parce que j’aimais combiner, avoir le ballon plutôt que de faire des grandes chevauchées sur l’aile, je faisais partie des joueurs polyvalents. J’ai oscillé entre 6 et 8 sans aucune préférence : d’ailleurs, même encore aujourd’hui, je ne saurais pas dire si je préférais tel ou tel poste.

Sous la tunique de l’AS Beauvais Oise. Photo Philippe Le Brech

Pire souvenir sportif ?
En fait, on s’en rend compte quand cela arrive. Ce n’est pas quand on est remplaçant ou quand ça ne passe pas avec un coach, mais ce sont les blessures. A 26 ans, à Beauvais, je fais une excellente saison, j’ai beaucoup de contacts pour jouer plus haut, et je me blesse pendant un an et demi… A tel point que j’ai même hésité à mettre un terme à ma carrière. J’ai gardé le cap, je me suis soigné, mais c’était très long. Mais le wagon, lui, est passé. Heureusement, les contacts que j’avais noués lors de mes précédentes saisons m’ont permis de signer avec Yann Lachuer à Orléans, toujours en National. Lachuer, c’est encore un coach marquant, mais la blessure d’un an et demi m’a freiné dans mes ambitions personnelles. J’ai continué à jouer après mais je n’ai plus jamais… Tu sais, les clubs, ils savaient que j’étais resté blessé pendant longtemps, donc voilà. Et puis la remise en route est plus dure à 27 ou 28 ans qu’à 22 ou 23 ans. Cette blessure m’a fait mal aussi parce que tous les jours, en me levant le matin, je n’avais pas la possibilité de faire ma passion, de faire ce que j’aimais.

Quelle était la nature de cette blessure ?
J’avais mal à la cheville de manière récurrente. On arrivait en fin de saison avec Beauvais. J’avais des débris d’os à l’intérieur. On me l’a nettoyée, on m’a dit que cette intervention était l’histoire de trois semaines, mais j’ai eu des complications post-opératoires qui n’avaient rien à voir avec la blessure. C’était des douleurs sur toute la jambe. Cela a été dur à accepter. J’ai eu des centaines de rendez-vous, j’ai consulté des spécialistes… C’est la vie d’un footballeur. Mais quand on se soigne et que l’on rejoue, ça rajoute de la fierté.

Donc Paul Pogba ne retrouvera pas l’intégralité de ses moyens à Monaco ?
Je ne pense pas, il est encore plus âgé, et l’intensité est beaucoup plus importante. Il va rejouer, je n’en doute pas, mais est-ce qu’il va faire un match toutes les trois semaines, est-ce qu’il va faire 15 matchs dans la saison ? Il va avoir du mal, même si je lui souhaite pas.

Combien de buts marqués dans ta carrière en seniors ?
(Il compte) J’ai dû en marquer une quinzaine entre le championnat et la coupe de France. Mais à Nîmes, je n’ai pas marqué, j’étais encore trop timoré (rires), je me concentrais sur l’essentiel.

Ton plus beau but ?
J’en ai mis un sympa à Libourne-Saint-Seurin, en National, avec Sète.

Le but de Romain à Libourne (avancez jusqu’à 4 minutes et 15 secondes )

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Je ne sais pas l’expliquer. Comme beaucoup d’enfants, on a dû me mettre un ballon entre les pieds, l’école, le papa, les matchs à la télé, voilà, ça ne s’explique pas. Mon père jouait en amateur, il m’a poussé, sans plus.

Sous le maillot de Luzenac. Photo Philippe Le Brech

Tes qualités et tes défauts sur un terrain ?
Je n’avais pas d’immenses qualités, mais j’étais plutôt complet. J’étais capable aussi bien d’attaquer que de défendre. J’avais beaucoup d’activité, j’étais endurant, je pouvais être au départ des actions ou un peu plus haut, je jumpais, je frappais, mais je n’avais pas une qualité meilleure qu’une autre. Pour passer un cap, il me manquait la puissance. Après, entre le joueur que j’étais à 20 ans et celui que je suis devenu à 30 ans, c’était différent : au début, j’étais beaucoup dans l’effort, ensuite j’étais plus « intelligent », c’est la beauté du foot, d’apprendre. Dans la lecture de l’espace et des choix de situation, l’intelligence est très importante. Je l’ai compris un peu plus tard.

Que t’a-t-il manqué pour jouer en Ligue 2 ?
D’abord, il y a eu un souci de temporalité. Je suis à Nîmes en National et on monte en Ligue 2 (en 2008), je suis sous contrat, mais je sais que je ne vais pas être utilisé, le club me le dit, donc je romps ma dernière année et je pars à Sète, toujours en National. Il y a bien eu Arles-Avignon, qui montait en Ligue 2 aussi, qui m’a contacté mais là, c’est moi qui n’ai pas accepté, et j’ai senti que le club de Beauvais voulait faire de moi un joueur qui compte. Et puis cette blessure est arrivée au moment où j’ai des contacts pour aller plus haut. J’avais la Ligue 2 qui me tendait les bras. Je ne vais pas citer les noms des clubs… Il m’a aussi manqué la puissance, comme je l’ai dit, la régularité dans les performances aussi, que j’ai trouvée plus tard, la consistance. Toutes ces qualités, aujourd’hui, il faut les avoir à 22 ou 23 ans, pas à 25 ou 26. Je suis quand même fier d’avoir pu exister dans ce championnat National qui était très-très athlétique.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Il y en a deux, mais j’étais dans la plénitude de mes qualités et de ma confiance lors de ma première saison à Beauvais, c’est inexplicable, je ne perdais pas un ballon, je tirais de loin et ça faisait but, j’étais en pleine confiance. C’était la suite logique de ma saison à Sète où, déjà, j’avais pris confiance, où j’étais un joueur cadre. À Beauvais, j’avais tous les regards sur moi.

Avec Luzenac. Photo Philippe Le Brech

Un regret quant à un choix de carrière ?
Est-ce que quelqu’un d’ambitieux a le droit de refuser un club comme Arles-Avignon qui montait en Ligue 2 à ce moment-là, où l’entraîneur était aussi un Sudiste (Michel Estevan). Arles avait fini 3e de National mais je voulais être un joueur et pas un remplaçant, parce que j’aimais tellement ça, j’aimais tellement transpirer. J’ai hésité… et Arles-Avignon est monté en Ligue 1 à la fin de la saison suivante. C’est un regret qui n’en est pas un puisqu’à Beauvais j’ai fait ma meilleure année. C’est juste un regret par rapport à l’ambition. Cela devait se passer comme ça.

Quand tu étais petit, tu rêvais de jouer dans quel club ?
Nîmes. Et ça a été fait. Je vais avouer quelque chose : je ne suis jamais allé aux Antonins. Et entre mon départ de Nîmes en 2008 et le déménagement aux Antonins (fin décembre 2022), j’ai dû aller trois ou quatre fois au stade des Costières. Je suis trop nostalgique… Mais j’entends beaucoup de choses positives sur l’ambiance des Antonins, un peu à l’anglaise. Je connais de loin Mickaël Gas, l’entraîneur de l’équipe de N2. Je vais y aller, je ne sais pas quand, mais je vais y aller.

Un coéquipier marquant ?
J’aimais beaucoup les « anciens » quand j’ai démarré à Nîmes, il n’y en a plus trop des « vieux » comme ça dans les vestiaires, des joueurs qui te guident, et moi, j’ai eu la chance d’en avoir, je pense aux Stéphane Beyrac, Jean-Marie Pasqualetti, Nicolas Rabuel, Allann Petitjean, Cédric Horjak… J’aimais beaucoup jouer aux cartes avec eux, j’avais les yeux émerveillés. C’est une époque qui était cool, ça envoyait du bois à l’entraînement mais ça ne se plaignait pas, ça ne pleurait pas. Avoir été accepté par ces joueurs-là, cela a été un plaisir pour moi. Après, il y a des capitaines qui m’ont marqué, je pense à Romain Rambier à Sète, qui diffusait une grinta naturelle. Mais il y en a plein d’autres… Comme Matthieu Ligoule à Orléans, un taiseux, qui ne se plaignait jamais, qui travaillait dans l’ombre, qui avait ce souci du collectif. On habitait à côté, on faisait la route ensemble. Il était exemplaire. Je ne le vois pas souvent. J’ai toujours aimé les joueurs exemplaires et c’est ce que j’essaie d’inculquer à mes joueurs, cette exemplarité.

Avec l’US Orléans. Photo Philippe Le Brech

Le joueur avec lequel tu avais le plus d’affinités dans le jeu ?
Julien Valero. On s’est rencontré à Nîmes lors de ma dernière saison, on a signé ensemble à Sète puis à Beauvais, donc on a partagé pratiquement quatre années ensemble, avec tout ce que cela comporte. Sur le terrain, on jouait à 5 mètres l’un de l’autre et effectivement, sans savoir pourquoi, il y a des joueurs avec qui tu penses la même chose techniquement au même moment, ce sont des sensations cool à vivre.

Le joueur que tu aimerais revoir ?
Je dirais Romain Faure, avec qui j’ai joué à Orléans. C’était une perle dans les vestiaires, très gentil, très marrant. Il était devenu mon ami, malheureusement, avec le temps, les coups de fils sont plus espacés… Tu me donnes l’idée de le recontacter. Il y a aussi des Christophe Meirsman, des Ritchie Makuma à Beauvais…

Le coach le plus marquant ?
Régis Brouard, c’est une évidence. Quand tu as des joueurs qui, à l’époque, touchent des 7 ou 8000 balles en National et qui signent dans un club comme Nîmes où l’ambition est de monter, et que, à côté, tu as un jeune comme moi, avec un contrat amateur, sur le terrain… Je ne sais pas si tu mesures le degré de confiance… Régis Brouard, il regardait qui était le meilleur pendant la semaine d’entraînement. Il était persuadé que j’en faisais partie et il m’a fait jouer. Il m’a envoyé au feu. Il y a aussi Frédéric Remola à Sète, quelqu’un de très différent, un nounours, avec lui, c’est l’humain avant tout. Très pragmatique, très simple dans son coaching. Ce monsieur-là m’a fait jouer tous les matchs, alors que je ne jouais plus à Nîmes. C’est Omar Belbey et Grégory Meilhac (deux anciens joueurs de Nîmes), qui l’ont connu à La Pointe Courte, à Sète, qui lui ont parlé de moi. Remola, il a un peu sauvé la deuxième partie de ma carrière. J’ai prévu de le revoir. Je n’oublie pas non plus Olivier Dall’Oglio, que j’ai eu en jeunes à Nîmes puis un peu plus tard en réserve. Quand tu vois sa carrière ensuite… J’aimerais bien parler de foot avec lui. Je ne l’ai jamais recroisé.

Avec l’équipe de Luzenac en National. Photo Philippe Le Brech

Le coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Non, je n’aime pas ça… Je vais te dire, ma plus belle année de joueur, à Beauvais, je l’ai disputée avec le coach avec lequel j’ai eu le moins d’atomes crochus, mais je n’ai rien contre lui, c’est juste que tactiquement, on n’avait pas la même vision du foot. Tu verras qui c’est en recherchant (Alexandre Clément, Ndlr). Et pourtant c’est ma meilleure saison et de loin, tout ce qu’il me demandait de faire, je le faisais, je respectais les consignes.

Combien d’amis dans le foot ?
Il y a Benjamin Oliveras, Yann Jouffre que j’ai perdu de vue, et bien sûr Florian Fedèle, qui était mon adjoint à Mende.

Un coéquipier qui t’a impressionné ?
Yann Jouffre. Je m’entraînais avec lui quand j’avais 15 ou 16 ans. Quand je l’ai vu toucher la balle la première fois, je me suis dit « Lui c’est fort », il avait quelque chose en plus. Il a fait une carrière ensuite. Sinon, en seniors, j’ai joué en National avec des Joffrey Cuffaut et des Brice Jovial, qui sont allés au-dessus ensuite. J’ai joué contre Sadio Mané qui était à Metz en National mais ce jour-là, ce serait te mentir que de dire que… J’ai affronté Valbuena quand il jouait à Libourne Saint-Seurin et aussi Ngolo-Kanté quand il était à Boulogne. Franchement, je n’avais pas deviné qu’il deviendrait un tel joueur mais déjà, à l’époque, en terme d’intensité, ouf… Il était dur à suivre.

Avec l’AS Beauvais Oise en National. Photo Philippe Le Brech

Un président marquant ?
A Sedan, il y avait Gilles Dubois, un monsieur charmant, il y avait une proximité avec lui. Il aimait Sedan et ça se voyait.

Une causerie marquante ?
Je n’en ai pas une précise. Il y avait celles de Frédéric Remola à Sète. C’était le sud, il savait détendre l’atmosphère. Il y avait celles de Régis Brouard, j’avais les yeux écarquillés quand je l’écoutais parler. J’ai compris l’importance de bien préparer son match et l’importance de rentrer sur le terrain gonflé à bloc.

Une consigne de coach que tu n’as pas compris ?
Quand je suis à Beauvais, on est en 8e de finale de la coupe de France contre le Sochaux de Martin, Perquis, Dalmat, Boudebouz, Richert, j’estime que l’on n’a pas préparé ce match comme l’événement le demandait. Cela n’arrive pas à tout le monde de battre une Ligue 1. Cette année-là, on avait une super-équipe, on avait de la puissance, de l’intelligence, de la technique. Pour faire l’exploit, bien sûr qu’il faut être agressif, hargneux, mais il faut aussi savoir ce que tu vas faire sur le terrain et à quel moment le faire.

Avec l’US Orléans. Photo Philippe Le Brech

Des manies, des rituels, des tocs ?
Je parlais de la préparation des matchs avec un de mes joueurs dernièrement. A 20 ans, il me fallait tel slip pour tel match, j’embrassais ma bague avant le match, plein de choses comme ça, qui comptent au final. J’étais très-très pro, très concentré. Et puis, après, quand tu as 25 ou 30 ans, je pouvais rigoler 30 secondes avant le match dans les couloirs sans que cela ne m’empêche de bien jouer. Il n’y a aucune bonne solution. Il faut faire un mix, sans sortir du cadré établi par le coach, je pense aux portables notamment. Mais après, tu as le droit d’être relâché plutôt que fermé.

Un maillot échangé ?
Un jour, Nicolas Raynier, qui jouait à Amiens, m’a demandé mon maillot après un match, cela m’avait fait plaisir. Entre sudistes ! Mais on n’avait pas tant de maillots que ça à donner, parce qu’on les payait. J’ai échangé le maillot du match à la fin au Parc des Princes avec Mario Yepes, en coupe de France, quand on a joué avec Nîmes (3-0, 32e de finale, le 7 janvier 2007). Je me souviens de ce match parce que c’était le premier de Marcelo Gallardo. J’ai fait un autre 8e de finale, avec Orléans.

Une phrase que tu aimes prononcer ?
Je me souviens que quand j’étais jeune joueur, je voyais des phrases au tableau, je comprenais le sens mais pas la profondeur… J’en ai des dizaines, parce que j’aime beaucoup les citations, la littérature, la poésie. « On n’a que ce que l’on mérite ! »

Le SC Sète évolue cette saison en Régional 2. Photo Alan Reale / SC Sète / @_bykitsu

Tu étais un joueur plutôt…
Hargneux, joueur et, sans prétention, intelligent.

Tu es un entraîneur plutôt…
Passionné, exigeant et humain.

Une idole de jeunesse ?
Marcel Dib. Va savoir pourquoi ! La chevelure, la grinta… Et j’aimais Monaco quand j’étais jeune. Vers l’adolescence, j’aimais un joueur comme Eric Cantona. Des joueurs de caractère mais humain. Plus tard, Iniesta, Messi…

Loisirs ?
Dernièrement, je me suis mis au padel à Sète et je me suis inscrit dans une salle de sport pour retrouver un peu la ligne. J’avais besoin de refaire de l’exercice. L’an passé j’ai eu quelques ennuis de santé, j’ai fait un malaise vagal au volant, au printemps. J’ai eu les cristaux à l’oreille interne, quand ça t’arrive, ça fait flipper. Le boulot, le foot, le boulot… j’ai exposé en plein vol. J’ai fait un burn out. Heureusement, j’étais à 500 mètres de la maison. Cela m’a fait un peu peur. Je me suis rendu compte qu’il fallait reprendre les bonnes bases.

Le club de Sète ?
Sète, c’est un peu comme Nîmes, Marseille, c’est volcanique, il y a beaucoup de hauts et de bas. C’est un club passionné, inspirant, qui n’est pas à sa place, avec une identité forte, une histoire, mais trop de montagnes russes.

Ligue Occitanie / Régional 2 (poule A) – samedi 15 novembre, à 18h : ES Pays d’Uzès – SC Sète, au stade Louis-Pautex.

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  • Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
  • Photos : Philippe LE BRECH et SC Sète / Alan Reale / @_bykitsu
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