Inaugurée en 1968, la grande tribune du stade de Penvillers, à Quimper (Finistère), sera détruite à la fin de cette année. Pour toute une génération de « footeux » qui a suivi les hauts et les bas du Stade Quimpérois, c’est un mythe qui s’effondre. Juste quand le nouveau club, le Quimper Kerfeunteun FC, se reconstruit.
J’ai 10 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 10 ans et le stade de Penvillers, à Quimper (29), a été inauguré pour remplacer le vieux stade de Kerhuel et accueillir le Stade Quimpérois, qui joue alors en CFA, en 1968. J’ai 13 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 13 ans et je grimpe en rêvant les marches d’un escalier de béton montant vers la lumière des projecteurs qui viennent d’être installés aux quatre coins du stade de Penvillers pour éclairer les nocturnes du Stade Quimpérois en National (nouvelle Division 2).
Pierre Garcia, Georges Peyroche et la Division 2
J’ai 13 ans et des étoiles plein les yeux. Encore un pallier. Les marches sont aussi hautes que l’impatience est grande. A l’intérieur de la grande tribune, l’escalier tourne et s’ouvre soudain, comme par magie, sur la scène et le spectacle qui brille de mille feux dans la nuit : la pelouse est plus verte, les joueurs plus grands et plus forts, le match plus extraordinaire.
J’ai 18 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 18 ans et je perds 3 à 0 en lever de rideau à Penvillers. C’est la coupe Gambardella. Je joue à l’AS Ergué-Armel, mon club de quartier à Quimper, et on est tombé avec mes copains face au grand stade « Q » des Lachivert, Bosser (Jean-Pierre, dit « Bobosse », qui marquera dix ans plus tard, avec Brest, un but des 60 mètres à Olmeta), Bideau, Reiller, Louarn…
Il y a des milliers de spectateurs au match. Pas pour le nôtre. Pour celui qui suit. Le Stade Quimpérois rejoue en Division 2 et a ses plus belles années devant lui malgré quelques retours en D3. Les entraîneurs se succèdent. Robert Dewilder a remplacé Marcel Mao, Jean Brélivet et Joël Le Bris suivront. Puis Marc Rastoll, Jacky Castellan, Wlodzimierz Lubanski, Pierre Garcia et Georges Peyroche qui sort de 6 saisons de Division 1 au Paris Saint-Germain. Quand même !
La Division 1 en ligne de mire
J’ai 30 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 30 ans et le Stade Quimpérois, où mon pote Michel Clément s’occupe de l’accueil et du bien-être des arbitres, est devenu le Quimper Cornouaille FC après avoir failli déposer le bilan.
Mais la montée en Division 1 est en ligne de mire. J’ai trente ans et Quimper joue un quart de finale de Coupe de France, en match aller et retour, contre Metz (saison 1987-88). Victoire 1-0 (but de Didier Monczuk) à l’aller devant 10 000 spectateurs à Penvillers. J’ai 30 ans et je suis à Saint-Symphorien pour le match retour : défaite 5-0.
Mais le meilleur est pour la fin. Le chant du cygne avant le dépot de bilan. Pierre Garcia est revenu aux affaires et le Quimper Cornouaille va jouer un 16e de finale de la Coupe de France la saison suivante contre le grand Olympique de Marseille de Jean-Pierre Papin et de Karl-Heinz Förster avant d’échouer aux portes de la Division 1 (4e) avec Michel Ettore, Manuel Abreu, Stéphane Gilet, Robert Barraja, Philippe Mahut, Florent Philippe, Jean-Luc Sokal, Jean-Philippe Viala, Jean-Yves Francini, Lucien Goadec, Didier Jaffrès, Jean-Luc Ribar, Zivko Slijepcevic, José Souto, Eugène Ekéké ou Fabrice Picot.
Pascal Laguillier, l’actuel entraîneur-adjoint de Stéphane Le Mignan à l’US Concarneau (National), faisait aussi partie de l’équipe: « Je n’avais que 20 ans, j’étais le petit jeune dans une équipe où il y avait de vrais bons mecs comme Florent Philippe, Stéphane Gilet, Jean-Philippe Viala, Michel Ettore ou Robert Baraja. C’était vraiment top. » Avant le flop…
Le Penvillers de Riyad Mahrez
Car c’était le début de la fin. J’ai 32 ans et le Quimper Cornouaille FC va repartir en Division 3. Le statut professionnel est condamné à court terme, même si Raymond Kéruzoré redonnera un peu d’espoir dans le nouveau National 1 à deux poules (1993-1997). Un nouveau dépot de bilan suivra et le Stade Quimpérois 2000 (nouvelle appellation) repartira en DSR (Régional 2). Il y aura bien des remontées au niveau national (CFA 2 et CFA) et les débuts, ici à Penvillers, d’un certain Riyad Mahrez, mais le retour en DH (Régional 1) sonne le glas du « Stade Q » qui fusionne en 2011 avec l’Etoile Sportive de Kerfeunteun.
J’ai 53 ans. Je sais que ce n’est pas vrai mais j’ai 53 ans et le Quimper Kerfeunteun FC est né. Le temps d’un 6e tour de Coupe de France suivi d’un maintien en DH (R1) et le nouveau club quimpérois subit des relégations successives et se retrouve à un niveau équivalent au R3.
Eric Gaillard : « Il y a quelque chose à faire »
Mais à la question des années 80, « qu’est-ce qui est noir et blanc qui monte et qui descend », le QKFC vient de répondre en reprenant l’ascenseur dans le bon sens: de D1 en R3 pour l’équipe réserve et du R2 au R1 pour la première. « C’est le début d’un challenge réussi. J’espère que le club va continuer à grandir. Quand tu débarques dans une grande ville comme Quimper, avec un tel passé de foot, tu sais qu’il y a du potentiel et qu’il y a quelque chose à faire. Et même si on n’aura pas de U18 cette saison, avec les jeunes aussi, ça se remet en route, certains jouent maintenant en équipe une. A Penvillers, on ne sait pas trop ce que ça va donner avec les travaux, mais pour l’instant, on peut toujours s’entraîner sur le terrain d’honneur en herbe », détaille Eric Gaillard, le coach de la remontée en Régional 1. Un début de renouveau qui va correspondre à la destruction des tribunes de Penvillers à la fin de l’année.
Après avoir vibré aux cris des supporters, la vieille tribune va vibrer sous les coups des engins de démolition : naissance, vie et mort d’un stade. Mon pote Michel Clément l’a précédée la semaine dernière et a été incinéré ce mercredi. Adieu mon ami. J’ai 64 ans. Et je sais que c’est vrai.
Texte : Denis Vergos / Twitter : @2nivergos /