Place forte du football normand, l’USFF a vécu ses plus belles heures dans les années 90, lorsqu’il évoluait en National 1, l’ancêtre du National, et brillait en coupe de France, avant de vivre des heures beaucoup plus difficiles. Aujourd’hui, le club, tombé en Régional 3 et tente de se reconstruire, malgré de nombreux écueils.
Un passé riche et glorieux, parsemé de rebondissements, de hauts et de bas, de constructions, de chutes, de reconstruction. Voilà résumée l’histoire de l’US Fécamp, l’un des doyens des clubs normands, fondé en 1903.
C’est dans la décennie 90 que les plus belles pages de son histoire ont été écrites. Nous sommes un peu avant, dans les années 80. Fécamp est un club important, qui joue en Division 3 (de 1984 à 1993), un niveau élevé pour une ville de cette ampleur, de moyenne importance (environ 20 000 habitants).
C’est avec l’arrivée de l’emblématique Jacky Colinet à la tête de l’équipe fanion que « surperforment » ensuite ceux que l’on surnomme les « Mephistos ».
Pourtant en proie à de grosses difficultés financières, le club, tout proche du dépôt de bilan, est « sauvé » par les résultats sportifs et cette fabuleuse montée en National 1 en 1993, année de la création de ce nouveau championnat, intercalé juste derrière les deux divisions professionnelles (D1, D2) et la Division 3, qui deviendra le National 2 (ou CFA).
Des épopées mémorables
Le National 1, c’est l’acte de naissance d’une génération qui marque à jamais l’histoire du club et dont certains sont aujourd’hui des témoins privilégiés à l’USFF. C’est le cas de Laurent Droniou, joueur « fondamental » de l’US Fécamp de 1985 à 2001, de retour dans « son » club depuis 4 ans au poste d’entraîneur de l’équipe seniors féminine, où évolue notamment sa fille.
Surnommé « Ti bob », il est présent lors de tous les succès fécampois de la période faste, qui voit le club étoffer son palmarès de manière conséquente : trois « Coupes » de Normandie (1990, 1992 et 1993) et surtout des épopées mémorables en coupe de France, avec trois participations aux 16es de finale en 1991, 1995 et 1997. « J’ai joué trois 16es de finale de la Coupe de France en six ans contre Nantes, Châteauroux et le PSG, ce sont de très bons souvenirs, c’était quelque chose d’incroyable, raconte Laurent Droniou, qui n’a rien oublié de l’engouement suscité par Dame Coupe; Et puis c’étaient des matchs exceptionnels avec un engouement de la ville, c’était incroyable ! On déplaçait 10 000 ou 12 000 personnes pour des affiches délocalisées au Havre, à Deschaseaux ».
C’est vrai que Fécamp a eu la chance de disputer l’une de ces rencontres face au Paris-Saint-Germain sur la pelouse du HAC (0-2, le 8 février 1997) !
Marqué par cette historie d’amour avec l’épreuve reine, « Ti bob » ne peut cependant s’empêcher de parler d’un moment inoubliable, l’accession en National 1 : « Pour moi, le souvenir le plus mémorable, c’est la montée en National 1. » Un échelon que Fécamp fréquente pendant 4 ans, avant de descendre en CFA en 1997.
Des personnalités marquantes
« Les joueurs qui m’ont marqué, c’est Pascal Pain, qui a fait les beaux jours du Havre avec cette accession en Ligue 1; il est venu finir sa carrière chez nous, c’était vraiment un joueur hors pair, se souvient Droniou au moment d’évoquer quelques-uns de ses anciens coéquipiers. Et puis je peux ajouter aussi Robert Malm, qui commente aujourd’hui les matchs sur beIN Sports. Il arrive chez nous en provenance de Lens je crois, et après il est parti à Brest où il est devenu professionnel ».
De nombreux autres joueurs « marquants » ont porté la tunique rouge et noire. « Les joueurs de club », comme les appelle Laurent Droniou : « Je pourrais en citer plein, Fabrice Zurita, Franck Vincent, « La Mouche » le surnom de Frédéric Demouchy. »
On pourrait rajouter à cette longue liste ceux du Havrais Aldo Angoula, qui a commencé à Fécamp avant de connaître la L1 (Evian Thonon Gaillard) et la L2 (Boulogne, Châteauroux), Olivier Davidas (Le Havre, D1) au début des années 2000, Jean-Marc Sibille (Beauvais, Wasquehal, L2) ou encore Jean-Pascal Mignot (Auxerre, L1).
Jacky Colinet, l’architecte et l’instigateur
Mais s’il est un nom qui ressort à l’évocation de cette période faste, c’est bien celui de Jacky Colinet.
D’abord joueur, il devient en 1988 l’entraîneur principal de l’équipe première, poste qu’il occupe jusqu’en 2001 et son départ à Boulogne-sur-Mer. C’est l’architecte, l’initiateur, l’homme de base. Et il reste dans les mémoires de tous les Fécampois comme celui capable de sublimer son équipe, de tirer le meilleur de chaque joueur, d’insuffler une véritable culture de la gagne.
« Jacky, c’était un autodidacte qui n’avait quasiment aucun diplôme et qui a fait monter le club en National ! Un véritable entraîneur de club » témoigne Laurent Droniou (Jacky Colinet est décédé en 2012 à l’âge de 58 ans).
Le président de l’époque, Claude Pollet (1970-2001), a lui aussi marqué le club de son empreinte. Il était reconnu pour sa très grande implication, son sens du travail.
Une recette très efficace
Deux éléments ont rendu cela possible. Le premier, la longévité de ce groupe majoritairement composé des mêmes joueurs depuis plusieurs années, qui se connaissaient parfaitement et avaient développé un véritable esprit de camaraderie. Le club s’appuyait sur des valeurs bien ancrées : « L’amitié, le dépassement de soi, l’humilité, poursuit « Ti bob »; parce qu’on se souvenait tous d’où on venait et on savait se remettre en cause. On s’entendait bien et on avait un super esprit d’équipe, on était soudé. Il y avait une vraie cohésion. »
Il insiste : « Ces valeurs, évidemment, nous ont permis de nous dépasser puis d’atteindre les objectifs qu’on croyait impossibles à atteindre. On était une équipe vraiment très soudée capable de se battre les uns pour les autres ».
Le second élément, c’est bien entendu Jacky Colinet. Un homme capable de bonifier et d’optimiser les qualités de ses joueurs qu’il connaissait par cœur : « Avec Jacky, on avait un super entraîneur qui nous permettait de nous dépasser. Il savait parfaitement utiliser les points forts de chaque joueur ».
Un club rattrapé par la réalité
Après le passage de cette génération dorée, il a fallu se reconstruire du côté des « Mephistos », avec une quantité de départs à l’aube du XXIe siècle. Le renouvellement n’a pas été suffisamment qualitatif et quantitatif pour redynamiser le club. Laurent Droniou revient sur la longévité et la continuité, des notions qui ont disparu : « À l’époque, dans mon équipe, la plupart des joueurs a joué 8 à 10 saisons tous ensemble. Il y avait de quoi construire. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, la moitié de l’équipe part chaque année ».
Le football moderne pousse les joueurs à réaliser des choix de carrière différents et pour un club comme Fécamp, cela devient complexe de mettre en place un projet viable. « C’est difficile de construire quand ça change tout le temps ».
Un engouement qui retombe, un soutien financier insuffisant, le club n’avance plus. Pire, il recule. Et les infrastructures deviennent problématiques : « Aujourd’hui, on a un demi-terrain synthétique pour toutes les équipes, les autres terrains ne sont pas en bon état, les installations, les vestiaires tout ça, c’est compliqué. C’est difficile d’avoir des ambitions quand on n’a pas d’installations ».
Un frein pour pour la progression des équipes et pour le développement de ce club familial où l’amitié, la convivialité, le plaisir de partager et de se retrouver restent des priorités. Un club qui a envie d’avancer mais dont les moyens mis à disposition sont limités, et en pleine phase de reconstruction après une chute en mai dernier en Régional 3.
Repartir de l’avant
Cette saison, l’USFF est repartie sur de nouvelles bases. Un nouveau président, Sébastien Renault, est arrivé avec des ambitions élevées. Il succède à Sylvain Guérin. L’entraîneur de la R3, Johann Jamet, ancien joueur du club à la fin des années 90, passé aussi par Bois-Guillaume et Dieppe, a quant à lui la volonté de très vite remonter en R2.
Les autres formations ont également de beaux défis à relever. L’équipe réserve, pensionnaire de Division 2 de district, entend jouer les premiers rôles. Une troisième équipe seniors a également vu le jour.
Sous la houlette de Laurent Droniou, l’équipe féminine seniors à 11 poursuit son développement et fait déjà très belle figure, avec les valeurs fécampoises que l’ancien joueur tente d’insuffler : « Ce que je transmets aux filles, c’est de se faire plaisir, mais aussi l’humilité, se rappeler que dans le foot, rien n’est jamais gagné ». Des éléments qui font écho à la période dorée et aux mots d’ordre de Jacky Colinet. Le dépassement de soi, la passion, la solidarité et l’esprit d’équipe sont des éléments qui comptent pour les fans de longue date.
Un club tourné vers la formation et la jeunesse
Depuis plusieurs années, le club met l’accent sur la jeunesse et sur la formation des enfants de la région : « Le but est de former des éducateurs et de faire jouer les jeunes » affirme Laurent Droniou, lui-même éducateur réputé depuis une vingtaine d’années.
Il rappelle même les notions fondamentales qu’un éducateur se doit de transmettre : « Le travail, ça c’est une évidence, l’entraînement, la confiance en soi et puis surtout le plaisir. Le plaisir de jouer après les années covid ».
Aujourd’hui, toutes les catégories sont représentées, souvent avec plusieurs équipes, des U6-U7 jusqu’aux U18 régionaux. Et l’USFF n’hésite pas à élargir son champ d’activités : quatre joueurs de moins de 18 ans se sont envolés pour la Coupe du Monde de tennis-ballon en Turquie !
L’accent est aussi mis sur la promotion des activités pour les plus jeunes avec des stages pendant les vacances où le lien entre l’USFF et le HAC est mis en avant. Les deux clubs historiques sont très proches et ont notamment partagé la carrière de plusieurs hommes importants du football normand.
C’est le cas de Victor Lekhal, qui est né puis a grandi à Fécamp avant de rejoindre, très jeune, le HAC, où il est désormais le capitaine et un pilier du leader de Ligue 2, et de David Martot, né à Fécamp, qui a connu une carrière pro au Havre avant de la conclure au club fécampois, où il est devenu entraîneur (jusqu’en 2021).
Aujourd’hui, le souhait de l’USFF reste de faire grandir et d’accompagner un maximum de jeunes fécampois sous les couleurs rouges et noires et de retrouver, petit à petit, la route du succès.
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