Plus de 50 coachs virés de la Ligue 1 au National 3 !

Jamais les présidents n’avaient autant remercié de techniciens que depuis cette saison ! La réforme des championnats n’est pas étrangère à ce phénomène devenu presque monnaie courante. Raymond Domenech, le président de l’Unecatef, le syndicat des entraîneurs, monte, une fois encore, au créneau.

 

L’humeur de Jean-Michel Rouet

« Une réforme aux (trop) lourdes conséquences »

C’est l’une des conséquences majeures de la réforme en cours des championnats nationaux : à sept journées du terme, 80% des clubs de National (6 descentes) et de National 2 (5 descentes par groupe plus les deux plus mauvais 11e) sont toujours concernés par la relégation !

Avec tous les enjeux sportifs et financiers qui en découlent, la très grande majorité des matches va donc avoir lieu sous très haute tension, sur le terrain comme dans les tribunes, avec une pression maximale mise sur les arbitres, souvent jeunes et parfois inexpérimentés à ce niveau, notamment en N2.

Etait ce bien nécessaire ? L’objectif officiellement déclaré de la réforme par les responsables fédéraux est une meilleure compétitivité des championnats.

L’argument laisse sceptique. Il n’y aura plus que 48 clubs de N2 en 2025 (trois groupes de seize) alors qu’au même quatrième échelon de la hiérarchie il y en a 90 en Espagne, 97 en Allemagne et 162 en Italie ! Le football de ces pays là est-il inférieur au nôtre ? Évidemment pas. Il n’y a certes que 24 clubs en D4 anglaise (League Two) mais il s’agit d’un championnat professionnel à poule unique…

Le pire est pourtant devant nous. Lors de la saison prochaine, le National 2 perdra encore un tiers de ses effectifs !!!! Il y aura en effet cinq relégations pour chacun des quatre groupes (ramenés à 14 clubs) plus le plus mauvais neuvième. Rapporté à la Ligue 1, cela signifierait 6 ou 7 relégations et on imagine aisément le tollé outragé que cela susciterait dans l’élite.
Curieusement, en France, la réforme de la FFF est presque passée comme une lettre à la poste, peut-être parce que les clubs n’en mesurait pas exactement la portée quand elle a été décidée.

Aujourd’hui, elle est là et elle terrorise les clubs menacés de déclassement : les Vannes, Chartres, Louhans Cuiseaux, Moulins Yzeure, Andrezieux-Bouthéon et même Toulon pourraient être éjectés d’un niveau qu’ils fréquentent depuis très longtemps. Et si le championnat s’arrêtait aujourd’hui, il n’y aurait plus que cinq réserves professionnelles en N2 !
Plus grave encore, en 2025, 76 clubs auront été rayés des championnats nationaux, de la Ligue 1 au National 3*. C’est à dire 76 entraîneurs poussés dehors, pour beaucoup vers le chômage, et au moins autant d’entraîneurs adjoints, d’entraîneurs de gardiens, de préparateurs physiques… Au moment même où, funeste incohérence, on n’a jamais autant formé de techniciens.

On ne parle même pas des entraîneurs qui seront encore beaucoup plus nombreux à perdre leur job en cours de saison – déjà 53 cette saison de la Ligue 1 au National 3 (64 si l’on y ajoute le Régional 1) selon l’Unecatef, le syndicat des entraîneurs**- poussés dehors par des présidents effrayés par la perspective d’une relégation lourde de conséquence.
Et où iront se recaser ces centaines de jeunes, non conservés par les centres de formations et qui jusque là trouvaient en National, N2 ou N3 des alternatives acceptables et un moyen de continuer à vivre de leur passion ?

Les employeurs se feront de plus en plus rares, et pour un grand nombre d’entre eux, ce sera direction les championnats régionaux … ou la case Pôle Emploi.

Bref, le football français est en train tout simplement d’organiser un chômage de masse, et ça laisse pantois.

*La réforme des championnats :

  • Ligue 1 : de 20 à 18 clubs dès la saison 2023-2024
  • Ligue 2 : de 20 à 18 clubs dès la saison 2023-2024
  • En 2025-2026 : un groupe de National (ou Ligue 3) de 18 clubs, trois groupes de National 2 de 16 clubs (soit 16 clubs en moins) et huit groupes de National 3 de 14 clubs (soit 56 clubs en moins).

*L’Unecatef a fourni une liste peut-être non-exhaustive du nombre d’entraîneurs virés depuis le début de la saison 2022-2023, sans être tout à fait certaine que, pour le Régional 1, celle-ci soit à jour. Cette liste est à découvrir ci-dessous.

INTERVIEW

Raymond Domenech : « L’Unecatef a le cul entre deux chaises »

Et si Cris, l’entraîneur de Versailles, devenait le 12e entraîneur remplacé cette saison en National, en cas de nouveau revers de son équipe vendredi à Saint-Brieuc ? Ne riez pas, c’est très sérieux.

L’on ne souhaite évidemment pas à l’ancien entraîneur du Mans (cette saison également) d’être viré une seconde fois en neuf mois, mais avec ce championnat National, complètement fou, et avec ces présidents, complètement affolés à la moindre anicroche, permettez-nous d’envisager ce scénario.

Unique dans les annales, cette saison 2022-2023 l’est à coup sûr. Selon l’Unecatef, le syndicat des entraîneurs, 64 techniciens ont été virés, remerciés, remplacés, appelez-ça comme vous le voulez, depuis les premières journées des championnats de la Ligue 1 jusqu’au Régional 1. L’Unecatef met cependant un bémol sur le sixième niveau (R1), où les données sont plus incertaines.

C’est donc du jamais vu, et cela témoigne de la précarité de ces postes, de la difficulté du métier et aussi d’une politique de l’urgence menée par des présidents qui prennent peur dès le deuxième faux pas d’affilée. La réforme des championnats nationaux est évidemment l’une des explications à cette flambée des coachs virés : rendez-vous compte, en National, Sedan et Cholet, respectivement 6e et 7e avec 38 points à 7 journées de la fin, ne sont qu’à 5 points du 13e, Bourg-en-Presse/Péronnas, premier relégable. Il y a un mois encore, Sedan et Cholet lorgnaient le haut de tableau…

Aujourd’hui, il n’existe quasiment plus de « ventre mou ». Tout le monde, ou presque, joue quelque chose. L’exemple de la poule D de National 2 est éloquent : entre le 4e, Saumur, et le 12e, Andrézieux, il n’y a que 4 points d’écart !!! C’est simple, dans cette poule, 13 des 16 équipes sont concernées par la descente tandis que les 3 premiers, Les Herbiers, Bergerac et GOAL FC, se disputent l’accession en National (les trois clubs se tiennent en 2 points).

Président depuis 2016 de l’Unecatef, le syndicat des entraîneurs professionnels et amateurs, qui compte selon les saisons entre 800 et 1000 adhérents, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France, Raymond Domenech, a accepté de répondre à nos questions autour du thème de « La valse des coachs », qui continue puisque pas plus tard que lundi dernier, trois techniciens ont encore été remerciés, deux en Ligue 2 (Philippe Hinschberger à Amiens et Omar Daf à Dijon) et un en National 2 (Eric Rech à Toulon). Qui sera le prochain ?

13 heures foot : L’Unecatef, que vous présidez, a communiqué le chiffre de 64 entraîneurs limogés depuis le début de saison, de la Ligue 1 au Régional 1 : qu’est-ce que cela vous inspire ?
Raymond Domenech : On n’a réellement fait le décompte que depuis cette saison, alors que les saison précédentes, on ne s’en tenait qu’aux divisions les plus élevées, Ligue 1, Ligue 2, et on ne parlait pas trop des entraîneurs des niveaux en dessous. Là, on a « globalisé ». Le chiffre est important, c’est vrai. Il signale une fragilité de ce poste et une impatience des dirigeants qui s’imaginent qu’à chaque fois qu’ils vont virer quelqu’un, ils vont en trouver un autre qui va faire des miracles; OK, ça arrive de temps en temps, et c’est bien ça le problème, car y’en a certains qui réussissent, mais ce n’est pas la règle en général. Souvent, le « fonds » de l’équipe est là, ça reste toujours compliqué.

Cette saison, vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a une énorme refonte des championnats : n’est-ce pas aussi l’une des causes de ces licenciements. On voit des présidents prendre peur…
Avec cette réforme, l’objectif est de resserrer l’élite. Il faut essayer de créer des championnats avec des équipes solides, qui ont toutes les capacités à exister dans leurs championnats respectifs. Dans 2 ou 3 ans, tous les clubs qui seront en National (ou en Ligue 3 si ce championnat voit le jour, Ndlr), auront, pour la plupart, évolué en Ligue 2, donc l’idée c’est de le professionnaliser. On va perdre environ 70 clubs dans les championnats nationaux amateurs (72 en N2 et en N3, Ndlr). C’est ce passage-là qui est compliqué, car ça fait beaucoup, mais ce n’est pas notre idée. Quand on nous a donné la réglementation, on s’est dit qu’il allait y avoir beaucoup d’entraîneurs en souffrance. Nous, on subit la réforme de la même manière. On espère que ça va vraiment professionnaliser la profession d’entraîneur, et pas la mettre en péril, c’est plutôt comme ça que je le vois, plutôt qu’un émiettement sur plusieurs divisions. Mais tout ça, on ne le sait pas encore : on verra quels seront les effets de cette réforme sur les joueurs, sur les championnats, sur les entraîneurs, sur les encadrements, les staffs, les préparateurs athlétiques, les analystes vidéo, les entraîneurs des gardiens, etc., puisque l’impact va bien au-delà du simple entraîneur.

« Un coach viré = un coach qui va trouver une place »

Avec la professionnalisation du National, est-ce la fin aussi de belles histoires ? La fin du rêve pour certains « petits » clubs ?
En général, les clubs qui accèdent en National sont solides, organisés, avec des gens compétents; c’est pas la bande de copains qui arrivent comme ça, il y a une structuration en amont.

Cette saison, en Ligue 1, on a des exemples édifiants de changements réussis avec les arrivées de Will Still à Reims, de Michel Der Zakarian à Montpellier, de Didier Digard à Nice et même d’Eric Roy à Brest. Ce n’est pas une bonne publicité pour l’Unecatef…
C’est vrai qu’avec Didier et Michel, on a deux exemples de coachs arrivés en cours de saison qui réussissent, qui ont transformé l’équipe, même à Brest aussi, avec Eric (Roy) qui a redonné de l’espoir, donc ça peut arriver, mais, encore une fois, pas systématiquement. En général , il y a un effet immédiat, et après ça retombe. Mais nous, on est mal placé au niveau du syndicat : un entraîneur viré, cela veut dire qu’un autre va trouver un emploi, va lui prendre la place. Que peut-on dire ? Ce sont les dirigeants qui choisissent et nous, à l’Unecatef, on a un peu « le cul entre deux chaises ». Je n’interviens que quand celui qui prend la place de l’entraîneur viré n’a pas de diplôme : là, c’est le rôle du syndicat. Le reste du temps, que peut-on dire au club ? Bravo ? Au lieu d’en payer un seul vous allez en payer deux ?

« Jean-Pierre Cailllot est à côté de la plaque »

Vous parliez de Didier Digard : récemment, dans une interview sur Canal +, vous avez pointé du doigt Will Still et Didier Digard, qui n’ont pas leur diplôme, et les amendes que paient les clubs pour qu’ils puisse s’asseoir sur le banc à chaque match de Ligue 1 (25 0000 euros), une somme selon pas assez élevée et pas assez dissuasive selon vous…
Je suis content que vous ayez associé les deux noms, car on a eu l’impression que je faisais une fixette sur l’un plutôt que sur l’autre… Mais ce n’est pas une « sortie » contre eux, mais contre un système qui permet ça. L’exemple de Didier Digard est extraordinaire : c’est la DTN et la Fédération qui lui permettent d’entraîner en Ligue 1, et quand il est arrivé en Ligue Europa Conference, il n’a pas pu s’asseoir sur le banc, car il n’était pas inscrit en formation, alors que son club a eu deux mois pour se mettre à jour. L’UEFA a des mesures bien plus draconiennes. Moi, je dénonce le système pour protéger les entraîneurs mais ce n’est pas le syndicat qui impose les règles. C’est la Fédération.

Le président de Reims, Jean-Pierre Caillot, vous a répondu à sa manière après votre sortie contre Will Still…
Il a répondu à côté de la plaque. Il n’a pas dû écouter toute mon interview, car j’ai été bien plus critique envers la situation de Didier Digard qui lui, n’était pas encore inscrit à la formation, que pour celle de Will Still, qui, lui, était inscrit; s’il avait écouté l’interview en entier, il aurait relativisé tout ce que j’ai dit. Mais ce n’est pas grave, j’ai l’habitude.

« Je lutte contre les coups de poker »

Hormis dénoncer, quels sont les leviers de l’Unecatef ?
On n’a pas d’autre moyen de pression, on n’est pas un organe statutaire. On est là pour défendre les entraîneurs diplômés. Didier (Digard), quand il était entraîneur du centre de formation de Nice, il pouvait être syndiqué, on aurait pris en charge tous les problèmes qu’il aurait pu avoir à ce niveau-là, après, il prend un nouveau poste, sans avoir la compétence, et ça marche, tant mieux pour lui et aussi pour nous, ça fait un renouvellement : il faut qu’il s’inscrive, y ‘a une loi, qui est établie par la Fédération. C’est un minimum. Avec l’UEFA, y’avait même pas d’amende, puisqu’il n’avait pas le droit d’être sur le banc. Point barre. Donc quelque part, il faut souligner le fait que la Fédération laisse l’opportunité à de jeunes entraîneurs, temporairement, d’essayer, de voir : avec Didier, c’est un coup de poker. Ils l’ont essayé pendant quelques matchs, ils ont cherché quelqu’un et puis comme ça marchait bien, ils ont un peu attendu, et après, voyant que le coup de poker fonctionnait ils le gardent jusqu’à la fin de la saison. Mais moi, je lutte contre les coups de poker, car ça met les clubs en danger. Il a eu cette opportunité en France, il n’aurait pas pu l’avoir dans aucun autre pays du monde : on devrait plutôt souligner la possibilité qu’on a dans notre pays d’accéder, de grimper à travers les opportunités, sans avoir le diplôme.

Souvent, c’est une économie aussi pour les clubs, qui préfèrent payer des amendes…
C’est vrai qu’il y a un aspect financier aussi pour le club : il en profite pour le payer moins que le salaire minimum prévu par la charte puisqu’il n’a pas le diplôme. C’est un avantage pour le club à qui ça revient moins cher. C’est bien pour ça que les amendes, qui vont dans le budget de la Ligue Nationale, devraient être beaucoup plus chères pour être dissuasives. C’est d’ailleurs un vrai problème, car c’est budgétisé dans les clubs, alors que les amendes sont aléatoires.

En fait, il n’y a que dans le football que l’on voit ça…
Le vrai problème, c’est quand l’entraîneur viré est remplacé par un entraîneur qui n’a pas le diplôme ou qui a un diplôme non requis pour la compétition dans laquelle il officie. Là, ça rentre dans notre champ de compétence. On défend l’effort fait pas ceux qui ont passé des diplômes car cela coute de l’argent, du temps, et ceux-là ont fait tous les efforts, contrairement à ceux qui sont mis en place et qui débarquent, parce qu’ils sont copains avec un président ou un agent ou qu’ils ont été adjoints et qu’ils sont « biens » avec les joueurs. Mais quelque part, pour moi, y a une forme d’injustice. On en revient toujours à la même chose : y-a-t-il beaucoup de métiers ou ça se passe comme ça ? Non ! Est-ce que l’on accepte qu’un étudiant en 5e année de médecine ouvre son cabinet à la place du médecin ? Non ! On est dans une situation où le diplôme n’est pas une garantie de compétence mais il est une garantie de formation. On travaille là-dessus, on défend ça.

Avec les présidents, ne peut-il pas y avoir plus de communication avec l’Unecatef ?
Quand un président a mis son argent personnel, bon, qu’est-ce qu’on peut dire ? C’est leur choix. C’est comme dans une société, il peut virer son DG et en prendre un autre. Dans la mesure où il le paye. Dans la mesure où celui qu’il prend à les compétences pour occuper le poste, nous, on n’a rien à dire là-dessus. C’est juste plus douteux quand un président est salarié, mais qu’il subit une pression énorme d’un fonds d’investissements par exemple; on voit des présidents-salariés qui sont virés d’ailleurs. Eux aussi sont sur des sièges éjectables.

« Il fallait montrer que l’Unecatef existait »

N’y-a-t-il pas non plus beaucoup trop d’entraîneurs étrangers ?
Le terme « beaucoup » est excessif; cette année, on a Marseille, Lille, Monaco, Reims, c’est une illusion de s’imaginer qu’on a beaucoup d’entraîneurs étrangers. Les Anglais, en comparaison, en ont beaucoup plus que nous. On ne le souligne pas assez.

A titre personnel, qu’est ce qui vous a poussé à candidater pour la présidence de l’Unecatef en 2016 ?
Je pensais qu’il y avait besoin de plus de représentativité. Il fallait montrer que l’Unecatef existait. Les compétences étaient là, parce que la structure fonctionnait bien, mais on manquait de visibilité et comme Joël (Muller, son prédécesseur) a eu envie de passer à autre chose, et que je faisais partie du comité, le passage s’est fait naturellement. Le poids que l’on a, c’est celui d’être écouté, d’avoir accès aux médias, et quand on est un syndicat, c’est nécessaire. On ne peut pas juste être dans le bureau, même si y a des gens qui y sont pour traiter les dossiers, bien entendu. Il faut aussi montrer qu’on est là.

C’est un rôle de représentation en quelque sorte ?
Je ne suis pas là que pour ça, je vous assure que je fais beaucoup de réunions, j’essaie d’être un peu partout, mais il y a ce besoin d’éclairage supplémentaire. Dans un syndicat, on le voit bien, on parle plus du président de la CGT ou de la CFDT que du syndicat lui-même, parce qu’il est le représentant, celui qui doit identifier, on en a besoin : Guy Roux, Joël Muller et José Arribas ont symbolisé le syndicat pendant des années. Il y a des gens qui vous représentent, qui vont dans des commissions pour défendre les intérêts de la profession; l’Unecatef est là pour représenter tous les entraîneurs, de tous niveaux, dans les instances, dans les commissions internationales, nationales, régionales, etc. Il est présent et discute de toutes les problématiques de l’entraîneur. Il a une vraie fonction syndicale et cela représente quelque chose.

« Réunir tous les entraîneurs, c’est compliqué, mais il y a l’AG pour ça… »

Lors de l’AG, en 2019.

Dans nos colonnes, Alain Pochat, l’ex-coach de Bourg-en-Bresse, en National, regrettait qu’il n’y ait pas plus de rassemblements d’entraîneurs, que l’Unecatef avait peut-être les moyens d’organiser un grand rassemblement…
Tous les entraîneurs disent la même chose quand ils ne sont plus en poste, et quand ils sont en poste, c’est compliqué de les réunir, parce qu’ils ont la tête dans le sac. Entraîneur, c’est un métier particulier, et quand on se retrouve seul, souvent, on a plein d’idées collectives. Le programme des DMVE (Dix mois vers l’emploi), que l’Unecatef a mis en place, c’est un peu ça, on en rassemble quelques-uns, que l’on accompagne, pendant un an. Après, pour le grand rassemblement, on a l’assemblée générale*, avec des intervenants, tous les ans : mais sur 800 adhérents, y’en a 100 qui viennent, donc voilà… Je sais bien que ce n’est pas évident de trouver une date pour tout le monde. D’ailleurs, même la DTN n’arrive pas à faire des recyclages groupés comme ça se faisait avant en Ligue 1 ou Ligue 2.

« Les présidents devraient passer par l’Unecatef plutôt que par les agents »

Vous parliez du « DMVE », c’est quoi exactement ce programme ?
Le DMVE (Dix mois vers l’emploi) est un programme inauguré en 2004 : à l’époque, Francis Smerecki et la DTN avaient initié cela et mis en place un programme commun de dix mois pour les entraîneurs qui n’avaient pas de poste, car rien n’était prévu pour eux. Il fallait les rassembler, ils étaient une vingtaine par an en général, et ça perdure. La base, c’est de recréer le lien et de les relancer.Car souvent, ils se retrouvent seul du jour au lendemain. On a travaillé là-dessus, via des rassemblements, pour recréer du lien et leur recréer du réseau; pour ceux qui sont passés dans cette formation, à 80 % ils ont retrouvé des clubs, car ils avaient repris confiance et recréé des compétences. C’est une très bonne idée.

Est-ce que l’on vous consulte parfois, pour donner votre avis sur un coach par exemple ?
Je passe toujours par le syndicat : on a une liste, on la donne et ils choisissent. Moi, je fais juste le lien. Mais ça arrive de temps en temps qu’on m’appelle bien que les présidents passent le plus souvent par les agents, ce qui est un tort. Ceux qui sont inscrits au syndicat, ils sont « fichés », y’a leur CV, leur parcours, tout. Si les présidents le demandent, on leur fournit la liste.

L’éviction de Corinne Diacre ? « Le procédé est discutable »

Raymond Domenech et Franck Haise, l’entraîneur du RC Lens.

Récemment, on a vu avec l’équipe de France féminine qu’une fronde de quelques joueuses pouvaient occasionner le limogeage de l’entraîneure, Corinne Diacre : que pensez-vous de la méthode ?
Ce n’est pas nouveau, sauf qu’avant, cela se faisait en interne. Mais maintenant, avec les réseaux sociaux, ça se fait de manière plus visible. J’ai connu plein de clubs où des joueurs décidaient de l’avenir de leur entraîneur, d’ailleurs, on le voit dans certains clubs où, tout d’un coup, des joueurs qui paraissaient être des morts vivants avec un entraîneur sont devenus des bombes atomiques avec l’entraîneur suivant. La différence dans votre exemple, c’est que les joueuses l’ont dit publiquement et là le danger est fort car l’image que ça donne, effectivement, c’est ça, c’est qu’elles ont tout pouvoir sur l’entraîneur. Comment va faire le nouvel entraîneur ? Il va falloir qu’il leur plaise, parce que sinon, elles diront qu’elles ne veulent pas de celui-là non plus, c’est compliqué (l’entretien a été réalisé 24 heures avant la nomination de Hervé Renard, Ndlr). Des difficultés entre coach et joueurs, ou entre coach et joueuses, ça arrive, c’est toujours arrivé, mais que, officiellement, les joueuses l’annoncent publiquement et que l’instance leur donne raison, c’est très délicat : là, on a ouvert la porte à tous les excès, à toutes les possibilités. C’est le procédé qui est discutable. C’est un vrai problème. Wendie (Renard), avec toutes les qualités qu’elle a, elle aurait dû ou pu le faire autrement.

« Entraîner en N3 ou en L1, ce n’est pas le même métier »

On a l’impression, également, qu’il n’y a pas beaucoup de turn-over, que ce sont toujours un peu les mêmes coachs qui passent d’un banc à un autre, on ne voit pas arriver beaucoup de jeunes techniciens…
Non, je ne pense pas que cela soit le cas, on voit des nouvelles têtes justement, des jeunes, comme Digard, Still, donc, et aussi Stephan, Le Bris. Vous ne pouvez pas dire qu’il n’y a pas de renouvellement, c’est une fausse idée : au contraire, le renouvellement des jeunes entraîneurs existe. Après, le jeunisme, c’est bien jusqu’à un certain niveau. Ces dernières années, y’a eu des jeunes qui sont apparus. Mais voir « des nouvelles têtes », ça c’est votre truc, à vous, les journalistes. C’est comme avec Didier Deschamps en équipe de France : il est champion, vous voulez quoi de plus ? Pourquoi mettre une nouvelle tête ? Cela me met en colère. Le président de M6 est compétent, il est là depuis 40 ans, pourquoi vouloir changer juste sous prétexte qu’il faut changer ? Si les gens sont compétents, ils restent.

En National 3 ou en National 2, il y a de très bon coachs, pourquoi ne pas les « essayer » plus haut : là encore, peu d’entre eux ont leur chance…
Mais est-ce qu’ils ont le diplôme ? Non ? Ceux qui ont le diplôme peuvent y accéder, pour les autres, ça va être compliqué, c’est logique, il y a des échelons à gravir, il faut performer. Je prends l’exemple de Christophe Pélissier, il est devenu entraîneur en Ligue 1 en gravissant les échelons, comme Guy Roux et Gérard Houllier aussi à l’époque. Entraîneur, c’est un métier de rêve, mais il n’y a que 20 postes en L1, 18 en Ligue 2, 16 en National, c’est normal que ce soit l’élite de la profession qui y officie : sinon, comment un président justifierait-il de prendre un entraîneur, aussi compétent soit-il, en National 2 ou en National 3 ou dans un centre de formation, qui a certes fait ses preuves à son niveau, mais qui n’a rien justifié au niveau professionnel ? Entre le National 3 et le haut niveau, y’a beaucoup d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte, ce n’est pas tout à fait le même métier.

* L’assemblée générale de l’Unecatef se tiendra lundi 22 mai 2023 à partir de 8h30 à l’auditorium de la FFF au 87 Boulevard de Grenelle – 75015 Paris.

Recueilli par Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr ou contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06 et @13heuresfoot

Photos : Unecatef

La liste des coachs virés (saison 2022-2023) de la L1 au N3

Liste communiquée par l’Unecatef

Ligue 1 : 12 changements
Lyon : P. Bosz (L. Blanc) / Auxerre : JM Furlan (Ch. Pelissier) / Brest : M. Der Zakarian (E. Roy) / Reims : O. Garcia (W. Still) / Montpellier : O. Dall’Oglio (R. Pitau puis M. Der Zakarian) / Troyes : B. Irles (P. Kisnorbo) / Angers : G. Baticle (A. Bouhazama puis A. Dujeux) / Strasbourg : J. Stephan (M. Le Scornet puis. F. Antonetti) / OGC Nice : L. Favre (D. Digard).

Ligue 2 : 6 changements (dont 1 volontaire)
Niort : S. Desabre (départ volontaire / Rui Almeida / B. Simondi / Rodez : L. Peyrelade (D. Santini) / Nîmes : N. Usaï (F. Bompard) / Dijon : Daf (P. Dupraz) / Amiens : P. Hinschberger.

National : 11 changements
Saint-Brieuc : D. Santini (K. Mokeddem); Paris 13 Atletico : J.-G. Wallemme (V. Bordot puis P. Moreira); Le Mans : Cris (R. Ray); Versailles : Y. Chibi (Cris); Châteauroux : M. Chabert (M. Flachez); Orléans : X. Collin (N. Usaï); Nancy : A. Cartier (B. Pedretti) / Dunkerque : R. Revelli (M. Chabert); FBBP01 Bourg-Péronnas : A. Pochat (J.L. Ancian intérim puis P. Moulin).

National 2 : 9 changements (dont un volontaire)
Bourges 18 : L. Di Bernardo (W. Prunier); Alès : S. Saurat (H. Malek); Chartres : J.-P. Papin (départ volontaire puis P.-Y. David); Colmar : J. Guerra/A. Bey (J.-G. Wallemme); Vannes : P. Talmont (T. Palmier); Andrézieux : A. Marcantei (J. Clément); Fréjus/Saint-Raphaël : C. Paquillé (J. Faubert); Granville : S. Didot (O. Cahoreau); Toulon : E. Rech (T. Bertin).

National 3 : 15 changements
Changé : A. Denis (K. Garnier puis L. Even) / Rousset : F. Amzar (N. Abdelali) / Dives : M. Chevreau (J. Le Pen) / Quétigny : B. Gilles (D. Clerval) / Feurs : O. Jurine et N. Chargui (F. Amghar) / Fougères : P.-Y. David (Th. Rébillon) / Libourne : F. Vallade (S. Adoue) / Saint-Nazaire : R. Lequilliec-B. Riailland (L. Duarte) / Le Havre Mont-Gaillard : J. Maheux (D. Dillain) / FC Balagne : D. Cvetkovic (N. Huysman) / Poitiers : X. Dudoit (G. Penoty) / Grand Quevilly : D. Fouquet (R. Colinet et M.Ben Zdira) / Limonest : N. Pinard (R. Reynaud) ; Haut-Lyonnais : R. Reynaud (R. Dedola et S. D’urbano).