Le président du FC Villefranche Beaujolais, qui entame sa 6e campagne en National, parle de tout, avec son chauvinisme assumé et son franc-parler : esprit beaujolais, beau jeu, Ligue 2, Ligue 3, infrastructures, le métier de coach, le milieu du foot, l’actualité, les dossiers sensibles, l’histoire… Le tour d’horizon est large.
Un peu plus de 70 heures. C’est le temps passé par le FC Villefranche Beaujolais à la place de leader, entre vendredi soir et lundi soir. Une première pour le club du Beaujolais qui n’avait, même épisodiquement, jamais occupé ce fauteuil depuis son accession en National en 2018. « L’événement » a duré trois jours, le temps que le Red Star, au sortir d’un succès 1 à 0 à Martigues, ne vienne doubler les Caladois.
C’est anecdotique, comme le dit la formule consacrée. C’est surtout significatif d’un club aux 550 partenaires (!) qui aligne les bonnes saisons, ou qui parvient à transformer les mauvaises en moyenne, à l’image de la précédente, passée pendant les 3/4 du championnat dans la charrette pour finalement terminer à une impensable 6e place ! C’est ça le National !
A l’aube de la 5e journée, qui verra les joueurs du nouvel entraîneur Romain Revelli et de son adjoint Jérémy Berthod se déplacer vendredi à Dijon, le FCVB est là où il veut être, tout au moins le plus haut possible, loin des six dernières places de nouveau promises à la relégation en fin de saison.
Président depuis 2010, Philippe Terrier (58 ans) entame sa 14e croisade à la tête de son club avec toujours autant d’enthousiasme, même si l’on sent parfois poindre un peu de lassitude dans ses propos, notamment lorsqu’il s’agit d’évoquer le dossier des infrastructures ou encore le milieu du foot rongé par un certain égoïsme.
Un nouveau groupe de travail validé par le ComEx
Non, le National, ça n’arrive pas qu’aux autres ! Le National, ça arrive à des « petits » clubs, on l’a vu dans le passé avec Luzenac, Pacy-sur-Eure, Roye, et plein d’autres encore, qui ont connu cet échelon. Le National, ça arrive aussi aux « gros » comme Sochaux, Nancy, Dijon, pour ne citer que les exemples récents, et l’on y a aussi vu, ces quinze dernières années, Troyes, Metz, Reims, Guingamp, Strasbourg, Bastia, etc.
Le National, ça peut arriver à tout le monde. C’est pour ça que Philippe Terrier ne comprend pas pourquoi la majorité des clubs de Ligue 2, d’une part, soit contre la création d’une Ligue 3 professionnelle, ni pourquoi la Fédération ne chérit pas un peu plus l’élite de ses compétitions nationales. Il le répète : dans le football, on n’a pas d’ami, c’est chacun pour soi.
Mais le président du FCVB a un allié : Gilbert Guérin. Le président d’Avranches, dix saisons d’affilée de National au compteur, série en cours, demeure le porte parole des clubs amateurs de National. Tous deux vont représenter les clubs d’une seule voix lors d’une nouvelle commission validée en juillet par le Comité exécutif de la FFF. Une commission, sorte de groupe de travail, pilotée par Pascal Bovis, le président du FC Fleury (N2), dont le but est de trouver des pistes d’amélioration pour les clubs de National, N2 et N3.
Le dossier de création d’une Ligue 3, véritable arlésienne, sera sans doute à l’ordre du jour. Verra-t-elle le jour ? Et si oui, dans quelles conditions et selon quel cahier des charges ? En attendant de pousser les discussions plus loin dans le but d’attribuer, peut-être, un statut pro au National, le président du FCVB a tapé la discute avec 13heuresfoot et parlé, avec chauvinisme et l’esprit beaujolais, du FCVB, ce club qu’il chérit tant !
« Si vous voulez voir du beau jeu, vous savez où aller ! »
Président, remontons le temps : pourquoi êtes-vous à la tête du club ? Et pourquoi avoir accepté ce poste voilà maintenant 13 ans ?
Avant tout parce que je suis attaché à ma ville. Je suis né à Villefranche. J’ai toujours suivi le club, depuis gamin, et je me souviens notamment d’une épopée, quand Villefranche était monté en Division 2.
C’est vrai que peu de gens le savent, mais le club a joué en D2 lors de la saison 1983-1984…
Oui, et d’ailleurs, j’avais deux copains de classe, Jean-Pierre Favre et Jean-Claude Pinat, qui jouaient dans l’équipe, donc automatiquement, on suivait leurs exploits le week-end ! Ensuite, quand j’ai vendu mon entreprise, je me suis retrouvé avec beaucoup de temps libre, donc je n’ai pas hésité à en consacrer au club, notamment pour tous les jeunes inscrits.
En D2, Villefranche jouait déjà au stade Armand-Chouffet ?
Oui ! Vous avez vu, il n’a pas tellement évolué d’ailleurs depuis ! C’est assez incroyable. C’est pour ça que l’on est assez atypique en France. On a de grosses difficultés pour faire progresser nos installations.
« Je choisis mes entraîneurs en fonction de ça »
En 2010, donc, vous vendez votre entreprise, et vous voilà au club !
J’y suis entré un peu par hasard, oui. L’histoire, c’est que j’étais un partenaire historique du club, avec mon nom sur les maillots, Terrier, et chaque année, Jean Gachon, le président, passait me voir pour récupérer la « cotisation » et il me demandait toujours de le rejoindre au sein du Conseil d’administration. C’était tellement de temps que je ne pouvais pas mais lorsque j’ai vendu mon entreprise, il est vite revenu me voir et m’a dit « Je crois que maintenant tu as un petit peu de temps », alors j’ai accepté. Malheureusement, Jean Gachon est tombé malade avant de décéder (en octobre 2011). C’est comme ça que tout a commencé.
Du coup, c’est votre 14e saison à la tête du club…
Oui, comme président, mais je n’y ai jamais joué ! J’ai joué au foot quand j’étais pupilles et minimes dans un club voisin, mais j’ai eu un grave accident de voiture; du coup, pour moi, le foot s’est arrêté là. Ensuite, j’ai longtemps été un partenaire du club, via mon entreprise, Terrier, que j’ai vendue donc : j’étais sponsor maillot. Elle employait environ 500 personnes et 1000 sur la France. Cette entreprise de tôlerie/chaudronnerie est devenue une boîte italienne (Solustil).
La qualité de jeu, c est la culture du club ?
De toute façon, je choisis mes entraîneurs en fonction de ça. C’est mon critère principal. Tout le monde peut dire qu’il y a du beau jeu à Villefranche. Dans la région, si vous aimez le foot et si vous voulez voir du beau jeu, vous savez où vous devez aller !
C’est vrai que le FCVB a la réputation de développer un beau football…
Oui, on développe un très beau jeu, parce que sans vouloir critiquer, mais entre un match de Villefranche en ce moment et certaines affiches de L1… Moi je pense que c’est mieux de payer sa place 7 euros pour venir à Villefranche, d’avoir sa bière pas chère et sa saucisse pas chère, de retrouver les copains, de passer un bon moment. C’est plus sympa,je trouve, de venir se régaler à voir notre jeu plutôt que de s’emmerder dans d’autres endroits. Grâce à ça, on a de plus en plus en monde au stade, grâce aux bons résultats aussi sous l’ère Alain Pochat et sous l’ère Hervé Della Maggiore. On parle de plus en plus de nous dans la région, donc les gens viennent au stade.
« L’esprit Beaujolais, notre plus grosse qualité »
C’est combien, le budget de fonctionnement du club ?
Pour l’association et la SAS, on est à 3,3 millions d’euros de budget, mais on a une grosse partie pour l’asso, c’est de l’ordre de 40-60 (40 % pour l’asso), parce que, je prends souvent mes décisions en réfléchissant aux gens qui ont crée le club il y a près de 100 ans (le FCVB a été fondé en 1927) : dans nos statuts, il est bien indiqué « développer l’apprentissage du sport, notamment du football ». Je veux respecter cette règle. On est donc un des seuls clubs à avoir autant de salariés-éducateurs pour une association. Quand on voit les résultats que l’on obtient chez nos jeunes, cela veut dire que le travail paie. Nos 17 ans sont en Nationaux, nos 18 ans sont en R1, ils pourraient viser le niveau national mais cela couterait cher aussi … Toutes les autres équipes sont au plus haut niveau régional. J’ai vraiment une équipe d’éducateurs exceptionnelle, et ils ont aussi la chance d’avoir un vrai emploi. Il n’y a pas beaucoup de clubs qui font ça pour leurs éducateurs.
C’est quoi, la force du club ?
C’est d’appartenir à une petite ville très chauvine. On est tous derrière le FC Villefranche Beaujolais, on aime la Calade, on aime le Beaujolais, on se bat pour le maillot, c’est ça notre plus grosse qualité. C’est « l’esprit beaujolais ».
Ce chauvinisme dont vous ne vous cachez pas, ça vient d’où ?
C’est peut-être historique ! C’est peut-être parce qu’à Villefranche, qui est une ville d’affranchis, les seigneurs de Beaujeu (tiens tiens, « Beaujeu », « beau jeu »…), dont le Beaujolais tire son nom, du nom de l’ancienne capitale du Beaujolais, voulaient une ville pour se préserver des attaques des seigneurs de Lyon, donc ils ont crée Villefranche pour ça. Est-ce que c’est resté dans nos gènes ? Je ne sais pas. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui encore on veut se préserver des Lyonnais et continuer à défendre notre image.
« Je compte tout »
De l’extérieur, le FCVB donne l’image d’un club « riche », qui a des moyens : vous le comprenez ?
Ce n’est pas que l’on a des moyens, c’est que l’on compte tout ! Je passe beaucoup de temps au club, je n’ai pas de comptable, je n’ai pas de secrétaire, c’est moi qui gère tous les papiers. Déjà, on n’a pas de dépense administrative. Les 2/3 de notre budget sont représentés par nos entreprises. Donc je fais attention à tout. Par contre, on a 25 000 euros du département et 8000 euros TTC de la Région Auvergne Rhône-Alpes, alors que les clubs en face de nous ont entre 300 000 euros et parfois 1 million… Je ne sais pas d’où ça vient, c’est un truc que je ne m’explique pas : comment certains clubs peuvent-ils toucher 1 million et nous seulement 30 000 euros ?
Vous travaillez là-dessus ?
Franchement, je ne veux pas m’user avec ça. On a des entreprises qui nous aident, qui sont là. Si les politiques n’ont pas compris que s’occuper des jeunes, c’est le plus important pour nous… Quand je vois tout ce que l’on fait pour eux… Et quand je vois l’argent qui est dépensé par la Région par ailleurs, franchement, ça ne m’intéresse pas. Que la Région ne se fasse pas de souci : ses 30 000 euros qu’elle nous donne, on les utilise comme il faut, et ils vont bien à nos jeunes. Mais on mériterait tellement plus !
« Nos infrastructures, c’est la honte »
C’est quoi l’avenir du club : végéter en National, décrocher la Ligue 2 ou intégrer l’hypothétique Ligue 3 ?
Aujourd’hui, on peut rester longtemps en National vu comment on est organisé. Pareil, si on continue à faire du beau jeu, si on continue à avoir régulièrement 2 000 personnes au stade, on sait survivre. Par contre, si on n’a pas de nouvelles installations, on sera obligé de jeter l’éponge. Trouver 550 partenaires qui nous aident comme ils nous aident, les recevoir dans des conditions pareilles, il n’y a qu’en Calade que l’on peut voir ça ! Les gens sont adorables, mais il va arriver un moment où ils vont me dire, « Ecoute, Philippe, on te soutient, on sait ce que le club fait, mais on ne peut pas continuer dans ces conditions-là ». Ce qu’on vit à Villefranche, c’est exceptionnel, c’est la honte.
Concernant les infrastructures, il existe pourtant un projet, non ?
Il y un projet à Chouffet mais aujourd’hui, il y a quelqu’un qui a découvert que la zone était inondable, enfin… C’est tellement ridicule qu’il vaut mieux ne pas en parler ! On nous dit depuis deux ans que la zone va être rendue non-inondable, mais depuis deux ans, il n’y a eu aucune avancée. C’est le désastre. Franchement, j’espère qu’on va réussir un coup de dingue, qu’on va monter en Ligue 2, et qu’on sera obligé de jouer ailleurs pour montrer que… Sauf que si le boulot avait été fait, on n’en serait pas là. On parle d’un National qui va devenir une Ligue 3 : à un moment, si on n’a pas du tout évolué, je sens bien que la Fédération Française de football va nous dire « Ecoutez Villefranche, vous êtes bien gentil, mais vous n’avez pas les infrastructures, vous n’allez pas descendre sportivement mais administrativement, parce que vous ne répondez pas aux critères ». Et ça, c’est ce qui nous pend au nez.
« La Ligue 3 ? Je n’ai pas vu de projet concret »
La Ligue 3, vous êtes pour ?
Je n’ai aucune opinion car je n’ai jamais vu de projet concret. Je sais que beaucoup de clubs qui étaient en Ligue 2 ont voté contre et aujourd’hui ces mêmes clubs sont en National, du coup, ils ont retourné leur veste et sont tous pour la Ligue 3 ! C’est ça le gros problème du football : chacun regarde où il est à l’instant T et oublie qu’il peut monter ou descendre. Certains clubs n’ont pas été raisonnables en votant contre la Ligue 3. Parce que quand on voit ce qui se passe dans les autres championnats européens, la D3 est professionnelle, donc, pour moi, ça me semblerait être du bon sens. Maintenant, une commission va être lancée par la Fédération pour travailler sur le sujet; j’ai été intégré dans ce groupe, donc j’espère qu’on aura des bonnes nouvelles. Avec Gilbert Guérin, le président d’Avranches, on représentera les clubs de National. Regardez aujourd’hui, en National, il y a 9 clubs pros et 9 amateurs, et les règles ne sont pas du tout les mêmes : on veut tuer tous les clubs amateurs ou quoi ? Il y a trop d’écart entre eux et les clubs pros, or ils jouent dans la même compétition, donc c’est assez compliqué.
Votre meilleur souvenir de président ?
C’est le match contre le PSG en coupe de France (6 février 2019), en 8e de finale (élimination 0-3 après prolongation), ça reste un souvenir extraordinaire. Ce n’était que du bonheur. On était là pour savourer le moment. En plus, on avait l’aide de l’Olympique Lyonnais pour toute l’organisation, ce qui fait que l’on a bien pu se consacrer au match, pas comme quand on jouait à Chouffet où tout le monde est sur le pont et même le président, qui vérifie que tout se passe bien; là, j’étais installé dans le siège de Jean-Michel Aulas et je regardais le match, je savourais, c’était vraiment sympa !
Votre pire souvenir ?
(Il réfléchit) Je n’ai pas connu de descente, mais je dirais lors de la saison 2017-2018, quand on joue le match de la montée en National chez nous, contre Schiltigheim, à la dernière journée, et qu’il y a un individu qui pénètre sur la pelouse avec un cutter (l’événement s’est produit à la 25e minute de jeu, le FCVB était mené 1 à 0, avant de s’imposer 4 à 1, ce qui a provoqué la colère du FC Annecy, concerné lui aussi par l’accession). Là, j’ai un moment de panique, je me demande ce qu’il se passe : on est monté quand même mais il y a eu une interruption de 5 minutes durant laquelle on se pose beaucoup de questions car cela aurait pu mal se se terminer. Les joueurs avaient été obligés de rentrer aux vestiaires. On n’est pas président d’un club de foot pour gérer des problèmes pareils.
« Aparicio, Jasse, Sergio, les emblématiques »
Le joueur emblématique du FCVB, c’est qui ?
Cela remonte au vieilles années, c’est Antonio Aparicio, celui qui a le plus marqué le club (Aparicio a évolué au club de 1981 à 1984 avant de jouer en D1 au Portugal et de devenir international). Après, il y a eu un « régional » qui a beaucoup marqué le club parce que c’était notre capitaine pendant longtemps, Maxime Jasse (aujourd’hui membre du staff technique à Mâcon, en National 2), il vient à tous les matchs. Aparicio, lui, habite au Portugal mais il est déjà repassé au club, il est venu dire bonjour, c’était sympa. Mais aujourd’hui, s’il y a un nom qui revient sans cesse dans la bouche des Caladois, c’est celui de Rémi Sergio.
Le coach emblématique du FCVB, c’est qui ?
Tous les coachs ont leur particularité. Je vais vous dire : je trouve dommage que cela soit difficile de faire un cycle de 3 ans avec un coach. Mais c’est comme ça. Maintenant, pour répondre à votre question, je pense à Alain Pochat, qui était haut en couleur : son amour de la gagne, c’était chouette à voir, et sa causerie pour le match du PSG en coupe de France demeure emblématique. Son discours avait été exceptionnel. Aujourd’hui, on a Romain Revelli, qui a un peu un profil à la Alain Pochat. C’est sympa quand vous avez un coach qui a du jus. Albert Falette (entraîneur de 2010 à 2012) était fantastique par sa joie de vivre et sa capacité à s’intégrer auprès des partenaires ou des bénévoles, il était adoré dans le club. Mais parfois, il y a des qualités qui deviennent des défauts…
« Je me mets souvent à la place des coachs »
Alain Pochat, vous l’aimiez bien, et pourtant ça s’est mal fini…
Oui, ça s’est mal fini, parce que peut-être que l’on était en fin de cycle (entraîneur du FCVB de 2017 à janvier 2021, Pochat avait été licencié pour faute grave après un match face au FC Annecy, occasionnant 8 matchs de suspension). Je me mets souvent à la place des coachs : Alain est ambitieux, il a raison de l’être. Il voulait une montée en Ligue 2 dans un club où il y a des touts petits moyens, où on fait beaucoup trop de choses, où c’est très fatigant, et je pense qu’au bout de quelques années, on est usé, et que parfois, on a des comportements qui sont compliqués à gérer pour un président, c’est tout. On a eu un gros incident, je ne pouvais pas me permettre de le laisser passer, c’est dommage, c’est la vie.
Avec Hervé Della Maggiore (coach de février 2001 à juin dernier), l’histoire s’est terminée en queue de poisson en juin dernier : dans le journal Le Patriote, il a lancé quelques griefs à votre encontre…
Non mais attendez, les coachs, quand ils disent à un joueur « On ne veut pas te garder », ils n’ont pas de problème pour le faire, mais quand un président leur dit, « C’est fini, tu es en fin de contrat, on ne te renouvelle pas », alors pour eux, c’est plus dur à entendre. Moi je pense que Hervé Della Maggiore a fait du super-boulot chez nous, parce qu’on a vécu deux barrages et on s’est maintenu dans une saison où il y avait six descentes. Par contre, je pense que ce métier est tellement usant qu’il était fatigué, qu’il en avait marre de coacher et que ce n’était plus son objectif premier. C’est ce que je ressentais. Et puis je ne vais pas lui dire en avril, alors que l’on n’est pas encore sauvé, « Allez, faut que tu prennes une année sabbatique parce que tu as besoin de te reposer », non ! Bon, après, il est allé à Bourg, et vous avez vu, il n’a pas pris l’équipe.
« Revelli est dans l’échange, j’adore ça ! »
Vous avez dit que le nouveau coach, Romain Revelli, vous rappelait Alain Pochat…
Pour en revenir à Romain, bien sûr que quand on démarre par des bons résultats, comme là, c’est plus facile pour un coach. Mais je vais vous dire, franchement, la vie d’un coach, c’est très compliqué, et ça tient à peu de choses. Romain est quelqu’un qui est tourné vers la communication. Il m’explique beaucoup de choses, parce que je ne suis pas un spécialiste du football, il le voit bien, il vient me parler de lui-même. Il est dans l’échange et j’adore ça; depuis Albert Falette, c’est la première fois que j’ai un coach qui m’explique les choses sans que je lui demande, il me raconte comment s’est passée la semaine, pourquoi il a pris telle ou telle décision, c’est génial, et ça me plaît !
Le match référence sous votre présidence ?
Y’en a eu quand même pas mal ! Je me souviens d’un math contre Cholet en National (en 2020), on perdait 2 à 0 et on gagne 3-2 à la dernière minute ! D’ailleurs, on vient de refaire presque la même chose cette année contre la même équipe (lors de la 2e journée de National, le FCVB s’est imposé 2 à 1 dans le temps additionnel face à Cholet, le mois dernier !).
Le pire match du FCVB sous votre présidence ?
Contre la réserve de l’OL avec Albert Falette, je crois que c’était le premier match de la saison, chez nous, je ne sais plus si on en avait pris 6 ou 7, c’était compliqué, ouaip… (défaite 6 à 0 le 13 août 2011, journée 1).
Votre plus grosse fierté de président ?
C’est d’être monté en National avec Villefranche, d’avoir construit un club qui parvient à survivre à ce niveau malgré nos infrastructures et malgré la taille de la ville (37 000 habitants). Ce qui est exceptionnel, c’est que l’on a 550 partenaires. On a la chance d’avoir tous les industriels caladois derrière nous. Ici, il n’y a pas de grosses entreprises, mais tout le monde est là pour nous aider et fait l’effort pour que l’on continue à vivre et à faire un peu vibrer notre région.
Avez-vous un modèle de président ?
Le seul qui a réussi vraiment, c’est Jean-Michel Aulas. S’il y en a dont on peut dire qu’il a réalisé de grandes choses dans le foot, c’est lui.
« Beaucoup de présidents vont jeter l’éponge »
Votre plus grosse erreur de président ?
(il réfléchit longuement ) Des erreurs de recrutement peut-être… Après, ces erreurs-là, on les fait ensemble, je ne suis pas seul, il y a des choix qui ont été faits, je me sens autant impliqués que le coach, par exemple, parce que ces choix, on les fait à deux. Après, tout le monde en fait, des erreurs de recrutement. Mais je dirais plutôt de mal avoir géré la non-montée en Ligue 2 l’été dernier contre Bordeaux, parce qu’on s’est fait voler; on voit bien aujourd’hui que l’histoire de Bordeaux et la DNCG a fait jurisprudence. Cette année, tout le monde a joué sur ce qui s’est passé l’été dernier, et tout le monde s’est sauvé par rapport à la DNCG… Peut-être que j’aurais dû être plus agressif et aller en justice, mais je suis là pour le plaisir, pour le foot, pour les jeunes, pas pour faire un procès à tout le monde : c’est loin de l’esprit que je veux mettre dans ma mission, donc ça ne m’a pas intéressé.
Pourtant, il y a eu un procès avec Alain Pochat…
Oui, mais non, ça s’est bien terminé.
Votre plus grosse colère de président ?
Oui, je m’en souviens, c’était à Avranches, il y a deux saisons : on fait 1-1, on menait 1 à 0, on jouait encore la montée directe et ce soir-là, on a vu deux équipes en pantoufles, sans aucune envie, ni d’un côté, ni de l’autre. Il nous a manqués 2 points en fin de saison, pour accéder directement en L2, je sais où on les a perdus. Avec ces deux points-là, cela nous aurait évité de faire les barrages. C’est la seule fois que je suis rentré dans le vestiaire, enfin, non, c’était aussi arrivé en Coupe de France du temps d’Albert Falette. Après le match d’Avranches, les joueurs n’étaient vraiment pas bien en sortant des vestiaires, j’avais vraiment été agressif, en colère. Ils avaient poussé le bouchon un peu loin. Ils m’ont fait la gueule pendant 2 ou 3 jours mais après ça, ils ont gagné les cinq derniers matchs et on est allé aux barrages.
Vous êtes un président plutôt…
Je laisse l’entraineur gérer le sportif. J’aime vraiment mes joueurs, ils savent qu’ils peuvent me demander n’importe quoi, je suis toujours là pour essayer de leur rendre des services. Après, je suis un bon vivant, j’aime passer du temps avec les spectateurs et les partenaires, pour avant tout prendre du plaisir à être au match.
L’affaire de Bordeaux en 2022 : si c’était à refaire ?
J’irais voir des avocats spécialisés… Je n’en sais rien en fait, je ne suis pas sûr que je ferais différemment, il faut rester à sa place, on est Villefranche aussi, mais bon, dans un monde normal, cela ne doit pas exister ce genre de choses. Tout le monde m’a dit « Si cela n’avait pas été Bordeaux, mais un club normal, Villefranche aurait été en Ligue 2… » Bon, ok, mais c’est quoi un club normal, c’est quoi un club pas normal ? On est une association sportive ou une association financière ? Je me le demande. Moi, il me semblait que l’on disputait un championnat de foot, pas un championnat des millions d’euros.
Tout ce qui se passe dans le foot, ça vous déçoit ?
Je pense que, tout en haut, ils ne sont pas conscients du travail que l’on effectue en National. Quand je vois qu’aujourd’hui, le salaire d’un grand joueur de foot représente plus que le budget annuel de tous les clubs de National, il y a de quoi se poser des questions, non ? Avec le salaire d’un joueur, tu fais les salaires des 500 joueurs de notre championnat. Y’a un truc qui ne colle pas. Je pense qu’il y a beaucoup de présidents de National et de National 2 qui vont jeter l’éponge dans les années qui viennent; franchement, quand j’en parle avec eux, ils me disent tous la même chose, que c’est trop dur, que c’est compliqué.
Un club de coeur ?
Quand j’étais gamin, c’était Saint-Etienne, parce que je suis de la génération des Verts. Rocheteau, ça a été mon idole ! Après, ça a été l’OL, quand il y a eu la grande époque des années 2000, et maintenant, c’est Villefranche, et uniquement franchement !
Le milieu du foot, en quelques mots ?
C’est plutôt pas bien beau… Il ne faut pas compter avoir des amis.
« Comme Bernard Tapie, j’ai appris… »
Pour terminer, les barrages d’accession en L2, manqués en 2021 et 2022, sont-ils digérés ?
Forcément, ça restera toujours un gros échec, mais bon, ce furent aussi des moments extraordinaires, car on ne pensait pas non plus en arriver là. Cela veut dire que le coach, l’équipe, le club, ont bien bossé. Tout le monde a fait ce qu’il fallait pour emmener l’équipe au plus haut. Mais rater deux fois les barrages, c’est dur quand même. La Ligue 2, même pour une année, ne serait-ce que pour prendre le statut professionnel, ça serait quand même quelque chose d’extraordinaire !
Vous vous y êtes vu, pourtant, lors du premier barrage, après le succès 3-1 à l’aller contre Niort ?
Comme pour Bernard Tapie après sa première finale de Coupe d’Europe, j’ai beaucoup appris après ce match de Niort…
Vous avez appris quoi ?
J’ai appris qu’il fallait se méfier de l’euphorie qu’il pouvait y avoir après un match aller où on gagne 3-1, où on croit que c’est fini. On a laissé traîner les joueurs en ville… Voilà, Villefranche a les qualité de se défauts, tout le monde nous félicitait, c’était l’euphorie. On ne pouvait plus acheter le pain ou le journal sans que l’on ne nous tombe dessus et que l’on ne nous félicite, sans que l’on ne nous dise que c’était fait, qu’on allait monter… Et on est parti en car à Niort au match retour en ayant déjà gagné le match… Y’avait les scolaires, les politiques, tout le monde nous acclamait, tout le monde se prenait en photos devant le car, alors qu’on aurait mieux faire de partir trois jours avant, de mettre les joueurs au vert, afin de rester concentré sur les 90 minutes qui restaient à jouer (Niort s’est imposé 2-0 au retour et a conservé sa place en L2). Quant au deuxième barrage, j’ai moins de regrets, Quevilly Rouen était plus fort que nous.
Texte : Anthony BOYER / aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : FCVB et DR
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