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Philippe Le Brech, la bible du foot amateur !

Depuis près de 30 ans, le photographe, connu comme le loup blanc chez les amateurs et les professionnels, répertorie et classe ses fiches sur les joueurs et les clubs, comme dans un dictionnaire. Ce travail d’orfèvre, il aimerait l’utiliser pour refaire un guide, comme le « DT Foot » dans les années 2000. Portrait d’un homme attachant, passionnant, qui a fait du championnat National son terrain de jeu favori.

Un jour, Philippe Le Brech a sonné à la porte du domicile de Denis Troch, à Saint-Germain-en-Laye. A l’époque, « C’était en 1999 je crois », Philippe remplissait déjà des fiches sur des joueurs et des clubs pour alimenter son « Guide du football ». Surtout, il savait que l’ancien coach adjoint d’Arthur Jorge au PSG (1991-94) et coach principal à Laval (1994-97) et au Havre (1997-89), consultant à la télé, était très féru de statistiques, de chiffres, de données en tout genre. Sans cette rencontre, le dictionnaire du football, le Quidfoot (le nom de la première édition), devenu ensuite le fameux « DT Foot » (DT pour « Denis Troch »), n’aurait pas vu le jour. Les deux hommes ont croisé leurs compétences et allié leur passion pour donner naissance à ce guide, ce dictionnaire, cette encyclopédie, cette bible, n’ayons pas peur des mots, ce livre de chevet indispensable. Une vraie mine d’or ! Au total, il y eut 7 éditions du DT Foot, entre 2000 et 2007. Du jamais vu à l’époque.

« J’ai connu Philippe avant le DT foot, rembobine Denis Troch, reconverti dans la préparation mentale, le coaching et le management, et qui a lancé l’application mobile « Parcours parenthèses » (*). Un jour, il est venu chez moi et il m’a dit « Voilà , je sais que tu es féru de statistiques », et c’est vrai que je faisais beaucoup de statistiques à l’époque, pour Canal, pour TPS, et il m’a présenté sa base de données, son annuaire; ça m’a intéressé et on a collaboré ensemble pour ce qui allait ensuite devenir le « DT foot ». Mais au départ, Philippe avait des données jusqu’en CFA (N2) mais moi, je lui ai dit qu’il fallait aller jusqu’en Division d’Honneur, puisque personne ne le faisait. On est parti sur ce délire. Ce fut un investissement total et un travail considérable de sa part et aussi de la part de mon épouse Odile et de Ludovic Billac, et ça a duré 7 ans. »

Le fameux « DT Foot », le dictionnaire du foot.

Quand on parle de bible, forcément, ça parle au journaliste Arnaud Tulipier, 24 ans de présence à France Football, la « vraie » bible du football, qui s’est intéressé de près au projet « DT Foot ». D’ailleurs, chaque année, il en commandait plusieurs exemplaires pour sa rédaction. « Philippe, je le connais depuis près de 30 ans ! Au départ, je l’ai connu via son associé de l’époque, Ludo Billac. J’étais encore à But! Ensuite, grâce au DT Foot, on s’est croisé sur les terrains, il me rendait visite à France Football, je l’ai trouvé attachant. C’est quelqu’un qui m’a touché. Il est débrouillard, il a un réseau de dingue, il connaît plein de monde. C’est un amateur de foot au sens pure du terme. Il connaît plein de monde. On s’est bien entendu, on avait des atomes crochus, et aujourd’hui, c’est un vrai ami. »

« Je suis perfectionniste »

A Rennes, chez lui, à son bureau, en train de mettre à jour ses fichiers.

Sans le DT Foot, Philippe Le Brech ne serait peut-être pas connu comme le loup blanc… encore que, même pas sûr ! Parce qu’à force de promener partout sa silhouette, toujours vêtu de son fameux chasuble « photographe », l’on s’est habitué à le voir, à lui parler, à l’écouter, à l’entendre s’exprimer, parce que, il faut bien le dire, le Parisien, qui vient de fêter ses 53 ans (le 9 janvier), a du caractère ! L’homme, un peu râleur et entêté – « Je suis perfectionniste, en fait » – cache une personnalité très attachante. Il est touchant, serviable et d’une grande générosité.

« Il a le coeur sur la main » poursuit Arnaud Tulipier, qui a lancé l’application « 90Football » (également disponible sur YouTube) après son départ du groupe Amaury. « Il rouspète si on ne lui demande pas un numéro ou une photo ! Il est comme ça, généreux. J’ai fait des reportages grâce à lui : je me souviens d’une vidéo avec tous les joueurs français finalistes de la dernière coupe du monde, dont les 3/4 sont passés par les équipes de France jeunes : on a pu récupérer toutes les photos d’eux quand ils étaient jeunes entièrement grâce à lui ! Si je n’avais pas eu cette matière première, je n’aurais rien pu faire. »

Et Tulipier de poursuivre : « Il a parfois des obsessions, alors je lui dis « calme toi », mais il est hyper-attachant, je l’aime beaucoup. Son caractère râleur est un petit vernis qui ne tient pas longtemps. Quand j’ai eu des coups de moins bien, il était là. Il est extrêmement généreux, bienveillant. Il n’y a pas beaucoup de gens comme lui. »

Laurent Pruneta, journaliste au Parisien (et collaborateur pour @13heuresfoot), raconte cette anecdote : « Quand ma maman est décédée en 2011, c’est lui qui a organisé une collecte auprès de mes collègues du Parisien qu’il connaissait bien, des patrons du restaurant japonais où on allait tout le temps, pour acheter un bouquet; ça résume l’homme. »

Un globe-trotter

Jérôme Bouchacourt, le rédacteur en chef du site « Footamateur.fr », qui fête ses 10 ans d’existence cette année, connaît bien l’énergumène : ils collaborent ensemble pour le site. « Philippe, il est parfois un peu chiant mais je l’aime beaucoup ! » résume-t-il. « On a appris à se connaître, à force de se rencontrer sur les terrains, parce qu’au début, ce n’était pas ça ! On collabore ensemble depuis le début de l’aventure « Footamateur.fr » ! On s’appelle quasiment tous les jours. Aujourd’hui, 90 % des photos du site Footamateur.fr sont les siennes. Je l’appelle « Le globe-trotteur du foot amateur » ! Il est incroyable, il appelle parfois d’autres acteurs du milieu du foot pour se déplacer avec eux sur un match ! La saison passée, pour le match de coupe de France entre Vire et Caen, il a pris un train pour rejoindre quelqu’un du Nord qu’il ne connaissait pas et qui allait au même match, et ensuite, ils y sont allés ensemble ! C’est un ours attachant, qui a le coeur sur la main. Il connaît tout le monde. Il met en relation des gens. Quand tu as besoin de lui, il est là, mais c’est vrai… quel caractère ! Je me souviens d’une scène à l’aéroport de Nice, en juin 2022, quand je suis allé avec lui à l’assemblée générale de la Fédération, on lui a fait vider tout son sac, il n’était pas content mais au final tout s’est bien passé ! »

Fan du Red Star

C’est vrai que Philippe Le Brech, qui a grandi à Saint-Ouen, fan de la première heure du Red Star, où il a même joué en poussins, pupilles et minimes – « Mais j’ai arrêté car je n’étais pas parmi les meilleurs et les horaires ne collaient pas avec l’école. En plus, je n’ai jamais compris pourquoi je jouais ailier gauche alors que j’étais droitier ! » -, possède un carnet d’adresses long comme le bras. Et il en fait profiter les autres.

Stéphane Delaveau, le directeur de l’agence de presse Lebourg (APL), spécialisée dans la diffusion d’informations à la presse quotidienne régionale, peut en témoigner : « J’ai connu Philippe il y a 25 ans quand le Red Star, à cause d’un problème de délocalisation, a quitté le stade Bauer pour aller jouer à La Courneuve. J’allais voir les matchs, je l’ai croisé, on s’est rencontré, et c’est lui qui m’a mis en contact avec la famille Lebourg, de l’agence de presse Lebourg. Au départ, j’étais pigiste, car j’avais mon travail à côté, et puis j’ai racheté l’agence au décès brutal de Monsieur Lebourg, son fondateur, et aujourd’hui, elle a 35 ans. Philippe, c’est quelqu’un d’entier, avec les qualités et les défauts qui vont avec. Il est parfois excessif, et confond rigueur et rigorisme ! Mais il te donne son amitié et sa confiance entièrement. L’agence APL fait des photos pour la Fédération Française de football sur les matchs des équipes de france jeunes, et c’est Philippe qui en fait une bonne partie. »

« Il a de vraies connaissances sur le football (Arnaud Tulipier). On se fait des quizz de temps en temps, je m’incline souvent ! Bon, il a quand même une mémoire très sélective : parfois, il ne se souvient pas d’un score de Ligue des Champions d’il y a 2 ans mais il va te ressortir des trucs très précis sur des anciens matchs de seconde zone ! Il est vintage ! »

Disquaire et vendeurs de cartes de collection de sports américains

Chez Philippe Le Brech, l’appareil photo n’a pas toujours été son meilleur compagnon. D’ailleurs, rien ne le prédisposait vraiment à s’orienter vers ce métier. Le garçon, qui aime répéter qu’il est né presque en même temps que PSG (lui en 1971, le PSG en 1970), a fait de la comptabilité en lycée professionnel (il a un Bac-Pro secrétariat-comptabilité) et plusieurs « petits » boulots, comme disquaire dans l’ancienne enseigne « Nuggets », vendeur de cartes de collections de sports américains dans un magasin du quartier des Halles, avec comme client le basketteur Joackim Noah, le fils de Yannick Noah, et également Christophe Drouvroy, l’actuel directeur des compétitions nationales à la Fédération !

C’est le « DT Foot » et sa rencontre avec Denis Troch qui a tout changé. « Je m’étais constitué un petit fichier sur le championnat National, c’était lors de la dernière saison à deux poules, en 1996-97, il n’y avait pas de guide pour cette division là, ça s’arrêtait à la Division 2. J’ai rencontré Ludovic Billac sur les terrains de la région parisienne, qui faisait des fiches lui aussi, et ensemble, on a créé une base de données. On a lancé un bouquin l’année suivante, « Le guide du football », par Sportfootball, aux éditions Arcadia. J’ai fait ça par passion. On l’a arrêté en 1999. Ludovic avait des appareils photos argentiques, il m’en a prêté un, et c’est comme ça que j’ai commencé à faire des photos de joueurs en portrait, pour alimenter la base de données. Et vers 2004/2005, je me suis mis au numérique. »

Entre-temps, donc, il y a eu cette rencontre avec Denis Troch : « Je le connaissais un peu car il avait joué au Paris FC et au Red Star, il a été coach adjoint au Matra Racing, et j’allais voir les matchs, j’allais aux entraînements. En fait, quand on a lancé DT Foot, au même moment, Amiens l’a contacté pour entraîner, du coup, c’est Odile, son épouse, qui a pris le relais, même si lui a gardé un oeil dessus. J’avais un CDI. La boîte s’appelait DT Sport International. Cela a duré de 2000 à 2007. Mais c’était compliqué, on ne gagnait pas assez d’argent. C’est dommage, parce qu’on était vraiment fiable, alors que sur Internet, il y a beaucoup de conneries ».

« Sortir un nouveau produit référence »

Ce qui est fou chez Philippe Le Brech, c’est que même si le DT Foot s’est arrêté en 2007, lui continue de remplir ses fiches et de faire ses photos d’équipes et de joueurs en portrait comme si de rien n’était ! Comme si l’activité n’avait jamais cessé ! Parce que, au fond de lui, il nourrit ce rêve : il aimerait que quelqu’un s’intéresse de près à ses précieuses archives et à sa multitude de données, afin, pourquoi pas, de sortir un nouveau produit référence. « Si demain quelqu’un met de l’argent, je dis OK, on pourrait faire un site web, en accès payant; ça me passionnerait de le refaire et en plus, j’ai vraiment de quoi alimenter ! Mais il faut des moyens. J’ai eu des contacts, mais il n’y a rien eu de concret. »

En attendant, il continue d’écumer les stades de football, essentiellement dans toute la partie Nord de la France, que cela soit pour son activité de prestataire ou bien enrichir ses fameuses fiches papiers : « Elles sont mises à jour et classées par club et ça prend un peu plus de place que les photos. J’ai plein d’archives. Et j’ai profité de la Covid pour tout bien trier, ranger, cataloguer, de la Ligue 1 au National 3, puis par Ligue, puis par pays pour le foot étranger, etc. »

Et c’est en cela qu’il peut paraître un peu agaçant pour certains, car il fait fi des codes et des règles « pas toujours utiles » qui ont cours dans le milieu du foot. « Philippe, c’est est un futé ! Il est partout et nulle part, c’est un zébulon, poursuit Denis Troch; Il est plein de bon sens, malin. Il connaît énormément de monde, il est débrouillard et efficace. Il n’est pas envahissant, mais juste présent. »

Un sacré tempérament

C’est pour ça qu’il n’est pas rare de le voir tenir une discussion animée mais toujours dans le respect, avec, par exemple, un responsable com’ d’un club, un officiel ou un agent de sécurité, car avec lui, ce n’est jamais « Halte là, on ne passe pas ! » Philippe a sa version sur le sujet : pour lui, cela dépend des clubs et de la manière dont ils accueillent les gens. « Ya des clubs où certains responsables de la communication ou de la sécurité, à qui on octroie un pouvoir, se prennent pour des rois et t’imposent tout et n’importe quoi sans que tu aies ton mot à dire. On ne peut pas discuter avec eux. Déjà, les personnes qui travaillent à la communication, qui ne répondent pas au téléphone ou qui ne rappellent jamais, ça m’énerve : pourtant c’est leur boulot, ils bossent à la CO-MMU-NI-CATION mais en fait, ils ne communiquent pas ! »

On vous l’a dit, un sacré tempérament ce Le Brech. Et un sacré débrouillard aussi : le système D, il connaît par coeur. Pour se rendre sur un stade, tous les moyens sont bons avec lui, du moment, surtout, qu’il arrive à bon port sans dépenser ce qu’il n’a pas. Et surtout, il a un sens du détail comme personne. Maniaque ? « Il a une démarche presque monacale, renchérit Arnaud Tulipier; il est capable de faire beaucoup de kilomètres juste pour aller faire remplir des fiches à des joueurs, juste pour les mettre à jour ou prendre une photo parce que le joueur a changé de coupe de cheveux ! Je me souviens que Denis (Troch) avait parfois du mal à boucler son « DT foot » et me disait qu’il bossait avec deux malades, son épouse Odile et Philippe, parce qu’il manquait toujours un truc, une photo d’un joueur, et comme Philippe est jusqu’au boutiste, il voulait toujours la dernière photo, la plus récente. C’est ça qui est incroyable avec lui. Il a une exigence du détail et une implication que d’autres, qui ont pourtant plus de moyens financiers, n’ont pas. Pour toutes ces raisons-là, ce qu’il fait est très respectable et estimable. Il est dans ces détails là. Il continue le « DT Foot » alors qu’il n’existe plus, qu’il y a plus de maison d’édition, mais il veut avoir les fiches de tous les joueurs. Philippe, c’est le gars qui a le plus de numéros de téléphone en France dans le foot ! Pour ça, il est précieux. Il a une vision du foot un peu romantique, qui fait du bien, à la fois nostalgique et puriste au sens noble du terme. »

L’art du système D

« Il est exceptionnel et très débrouillard, ajoute Jérôme Bouchacourt ! Quand il se déplace, il prend le train, il prend Blablacar, il fait du stop, c’est le système D poussé à son paroxysme ! »
Ce soir, il sera, comme souvent, au bord d’un terrain, pour le match Red Star – Orléans, à Bauer, en championnat National. Son championnat. Celui qu’il préfère. Il aura son appareil photo, comme d’habitude. Il en profitera peut-être pour mettre d’autres personnes en relation ou pour rendre des services. « Philippe, c’est un gars, il va donner sa chemise pour toi, il va se mettre en quatre toi, conclut Arnaud Tulipier; Une fois, il m’a eu une accréditation au stade de France pour un match de coupe du Racing, alors que je n’avais pas pu l’avoir avec France Football. Il connaît tellement de monde…! »
Ce réseau, il espère l’utiliser aussi pour mieux gagner sa vie. Car il ne le cache pas, ce n’est pas toujours évident financièrement : « C’est dur, lâche-t-il. Je suis prestataire régulier pour la Fédération Française de football, via l’agence APL, et ponctuellement, je fais des piges pour les journaux. C’est pour ça que je minimise les frais au maximum quand je me déplace. Je fais ça par passion, Et bien, je suis ouvert aux propositions ! »

Et, accessoirement, Philippe collabore pour 13heuresfoot ! Alors, merci Philippe !

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Philippe Le Brech, du tac au tac

Il paraît que tu as déjà entraîné ?
Oui (rires) ! J’ai coaché l’équipe du Parisien dans deux tournois de « Five », et on a gagné les deux tournois, dont la première fois contre Canal +, coaché par Pierre Menès.

Comment es-tu devenu photographe ?
Par hasard et par nécessité. C’est devenu passionnant grâce au numérique, qui facilite pas mal de choses.

On dit que tu es une référence dans le foot amateur, d’ailleurs la paire Emmanuel Moine – Vincent Magniez le répète souvent lors des retransmissions des matchs de National sur FFF TV (vidéo)…
Référence, c’est un bien grand mot, car je n’ai pas la reconnaissance financière qui devrait normalement en découler. Mais je fais mon travail avec passion et application. Oui, ils disent que je suis une légende du National.

Vidéo : le soir où la paire Magniez-Moine a dit de Philippe qu’il était une légende !

Pourquoi préfères-tu le foot amateur au foot pro ?
Parce que, jusqu’au National, c’est du foot, après, pour moi, c’est du business, même si ça commence aussi à le devenir en National, par la force des choses, car il y a de plus en plus de clubs pros qui descendent à cause de la nouvelle réforme. Mais en National, il y a encore l’amateurisme du championnat.

Avec Didier Deschamps et Hervé Renard.

Meilleur souvenir de photographe ?
Le match Reims – Amiens, à la dernière journée en Ligue 2 (le 20 mai 2017), quand Emmanuel Bourgaud a marqué à la 96e et envoyé les Picards pour la première fois de la saison en Ligue 1. J’ai eu des frissons comme rarement, alors que, pourtant, je n’ai pas plus d’affinité que ça avec Amiens, mais c’est toute la situation qui a fait que… Tous les matchs étaient terminés, Lens pensait qu’ils étaient barragistes, c’était la dernière journée, la dernière seconde… C’est tout un contexte. Je ressens encore des trucs rien qu’en en parlant. C’était un scénario improbable. On ne le vit qu’une fois. C’était irréel. J’avais l’impression d’être déconnecté, d’être dans un monde parallèle. En plus, j’avais fait la photo de l’équipe d’Amiens avant le coup d’envoi et celui qui a marqué, Bourgaud, n’est pas dessus, car il était remplaçant !

Sa photo préférée : l’île Louet, au large de Carantec, en baix de Morlaix.

La photo dont tu es le plus fier ?
Ce n’est pas une photo de foot, c’est celle que j’ai en couverture sur ma page Facebook et encadrée dans mon salon.

Une photo de foot marquante ?
Le 26 février 2014, Nice gagne 7 à 2 à Roudourou face à Guingamp. Ce soir-là, l’Azuréen Carlos Eduardo met un quintuplé. Voir autant de buts d’un seul joueur n’était plus arrivé depuis Tony Kurbos avec Metz en avril 1984 (il avait marqué 6 buts lors du succès 7-3 face à Nîmes) ; le lendemain du match Guingamp-Nice et les jours suivants, j’ai les photos d’Eduardo dans tous les quotidiens et hebdomadaires sportifs. Il y a même eu des photos dans la presse Brésilienne ! La plupart des photographes étaient en face, côté Guingamp. J’étais au bon endroit au bon moment.

Pire souvenir ?

L’année où Les Herbiers va en finale de la coupe de France, je suis au match Auxerre – Les Herbiers (8e de finale, en février 2018), sous la neige, et mon boîtier tombe en panne au bout de 10 minutes… Je suis resté quand même car après je devais rentrer en covoiturage à Paris. J’ai passé presque tout le match à faire les photos avec mes yeux ! Quelle frustration ! Mon téléphone, lui, n’était pas assez bien pour faire des photos utilisables. ! Depuis ce match, j’ai toujours au moins un autre appareil dans le sac. J’ai un autre souvenir : c’est lors d’un match Angers – Caen en L2 (septembre 2017), quand Billy Ketkeophomphone se blesse gravement, juste devant moi, j’ai la photo… qui passe le lendemain en pleine page de l’équipe.

Zoom ou téléobjectif ?
Les deux ! J’utilise le 80-200 et aussi le 70-200, le 24-70, le zoom, le télé, tout dépend de mes besoins en fait.

Couleur ou noir et blanc ?
Couleur !

Argentique ou numérique ?
Numérique, forcément ! On voit tout de suite le travail que l’on a fait.

On te parle encore du DT Foot ?
Oui, ça arrive régulièrement, et j’aimerais bien que ça reprenne.

Premier souvenir de match avec le Red Star ?
C’était quand le Red Star jouait en Division 4, saison 1980-81, contre Raismes je crois. C’est le premier match qui me viens à l’esprit.

Premiers souvenirs de football ?
Ce sont les multiplex à la radio, lors des soirées de championnat fin 70 début 80, la Coupe du Monde Argentina 1978, les matchs de Coupe d’Europe de Bordeaux, Saint-Etienne, Nantes… et aussi les matchs de Division 2 du Stade Français avec, la même saison, ceux du Red Star, à Bauer en D3, car les deux clubs se partageaient le stade cette saison-là.

Le stade où tu aimes bien travailler ?
Dans des stades lumineux. Mais je préfère travailler en diurne, et dans des stades où je suis bien accueilli.

Le stade où tu n’aimes pas travailler ?
Dans les stades où la lumière est pourrie ! Et où l’accueil n’est pas top : aujourd’hui, ça devient un peu n’importe quoi, on ne peut plus rien faire ! En 2019, j’étais en vacances en Irlande avec ma femme Joëlle et il y avait la phase finale de l’euro U17. Je me suis dit « tiens, pourquoi ne pas aller sur un match de l’équipe de France, faire des photos pour la FFF ? ». L’organisation a été super sympa, j’ai obtenu une accréditation sans aucun problème, l’accueil était top, tout était dans la bienveillance. En France, c’est tout l’inverse, on n’est que dans le négatif, dans la répression, c’est fatiguant et usant. On a pas mal de leçons à apprendre des autres pays.

Les stades « compliqués » ?
Dans les clubs où certains responsables communication ou responsables de la sécurité à qui on octroie un pouvoir se prennent pour des rois, t’imposent tout et n’importe quoi sans que tu aies ton mot à dire. On ne peut pas discuter avec eux. Les gens de la communication qui ne répondent pas ou qui ne rappellent jamais, ça aussi, ça m’énerve : ils bossent à la CO-MMU-NI-CATION mais ne communiquent pas et pensent tout connaître !

Combien de photos par semaine ? Par an ?
Par an, entre 100 000 et 130 000, je fais une bonne centaine de matchs, ça va vite.

Combien de photos par match ?
Ça dépend, ça peut monter jusqu’à 1500 ou 1600, mais ça peut être aussi 600 ou 700.

Combien de kilomètres par an ?
Là aussi, ça dépend, mais j’en fais beaucoup moins qu’avant. Une année, j’ai pris une voiture de location pour la période estivale, j’ai fait 20 000 kilomètres, j’étais allé partout !

Le meilleur accueil ?
On est souvent mieux accueilli chez les amateurs que chez les pros où, couramment, ils délèguent au syndic de presse et là, c’est « tu te démerdes ! » En plus, certains syndics n’ont pas forcément les aptitudes pour gérer les médias.

Entraîneurs préférés ?
Y’en a plein, ceux avec qui je discute, qui sont contents de me voir, certains qui étaient joueurs avant. Ceux qui ont vraiment la même passion du football et qui pourraient passer des heures à débattre sur ce sujet.

Une idole de jeunesse ?
Je n’idolâtre personne mais j’aimais bien Pelé, que j’ai rencontré deux fois et qui m’a fait une dédicace personnalisée.

Un président ?
J’aimais bien Loulou (Louis Nicollin, président de Montpellier), il n’avait pas sa langue dans sa poche, c’était un personnage.

Avec la coupe de France

Des amis ?
Arnaud Tulipier, Christophe Pollet (le papa de Valère Pollet, ancien joueur de Calais, Lille B, QRM, Red Star, actuellement à Furiani en N2), Fred Cochez, qui a été recruteur à Sochaux et qui est recruteur Grand Nord pour Montpellier maintenant, je l’ai connu lorsqu’il entraînait au Red Star. Et aussi Benoît Datin, dont je vous conseille le site web http://www.deux-zero.com c’est une mine d’info, notre est un peu dû au hasard mais elle devait se faire.

En dehors du foot, tu fais quoi ?
J’aime bien sortir avec ma femme, cuisiner, aller au cinéma (principalement pour voir des films français dont l’emblématique « Coup de Tête » qui est ma madeleine de Proust »). Les block-busters américains où il y de la violence pendant 1h30 ne m’intéressent pas. La saga « Star Wars », elle, est à part. J’aime bien regarder des séries : dernièrement j’ai découvert « Astrid et Raphaëlle » qui met en lumière l’autisme, et « l’Art du Crime », une série policière décalée. Ted Lasso, une série atypique sur le foot. J’aime écouter de la musique (années 70-80, Pop-Rock Disco et variété francophone). J’aime aussi faire des quiz (avec Arnaud Tulipier par exemple !), me détendre en profitant du soleil breton qui est bien plus souvent là que la pluie comme la mauvaise croyance populaire le prétend !

Le milieu de la photo ?
Dans l’ensemble, ça va, c’est juste que les anciens, t’as l’impression que tu vas leur bouffer leur pain, ils ne sont pas très ouverts mais il y en a de moins en moins et je commence à en faire partie (sic) alors j’essaie de ne pas être comme cela et d’avoir de la bienveillance et de l’écoute envers mes confrères et surtout mes consœurs qui ne sont pas toujours bien appréciées car le foot en général reste un milieu très macho. Un exemple ? Il y a près de 5 ans, lors d’un quart de Finale de Coupe de France, il y avait au moins 20 ou 30 photographes et j’ai été le seul à parler avec une jeune femme qui débutait dans la photo de foot, mais qui avait déjà une longue expérience dans un autre sport. Depuis, avec le temps, on est devenu amis (c’est un peu « ma fille de photo ») et elle collabore parfois avec moi.

Le milieu du foot ?
Y’a le milieu amateur et le business à partir de la Ligue 2.

Ton championnat préféré ?
Le National, c’est celui que je connais le mieux, je le couvre depuis des années, et c’est le plus indécis.

Rennes ou Saint-Ouen ?
Rennes, pour la qualité de vie. Saint-Ouen pour le stade jusqu’à maintenant mais qui prochainement suite à la reconstruction totale ne sera plus le mythique Stade Bauer.

Tes clubs préférés ?
1. Le Red Star. 2. Le Racing. A l’étranger, Liverpool, le Flamengo de Rio, des clubs pour lesquels j’ai une affection particulière. Dans d’autres sports, il y a les Los Angeles Lakers au basket et les San Francisco 49ers au foot américain.

Une rencontre ?
Oui, Il y en a pleins mais surtout celles qui m’enrichissent humainement. Hors football, c’est bien sûr celle avec ma femme, Joëlle, que j’ai rencontré il y à déjà 13 ans. On habite à Rennes… quand je ne suis pas aux quatre coins de l’Hexagone !

Une info insolite ?
Je suis présent à l’image dans un film sur le football ( »United Passions: La Légende du Football », qui raconte l’histoire de la FIFA) aux côtés de Gérard Depardieu (Jules Rimet), Tim Roth (Sepp Blatter) et Sam Neil (Joao Havelange) !

Vous le reconnaissez ? Il est à gauche de la coupe.

Pour finir, des anecdotes ?
Là aussi j’en ai plein dont certaines avant d’être acteur du milieu ! Une fois, j’ai demandé à Guy Roux si je pouvais monter dans le bus de l’AJ Auxerre avec eux, pour aller au Parc des Princes, c’était pour un match face au Matra-Racing. J’étais abonné. Eric Cantona était assis juste devant moi et au fond du bus les frères Boli mettaient l’ambiance. J’étais allé à leur hôtel à Neuilly-sur-Seine. Une autre fois, j’ai fait chauffeur avec ma petite Saxo (qui n’était pas jaune !) pour Stéphanie Frappart ! En fait, je l’ai vu à un arrêt de bus, je l’ai emmené à Argenteuil. Elle venait d’arbitrer un match à Fleury-Mérogis où j’avais fait des photos. Il m’est aussi arrivé quelque chose de rare sur un match de Ligue 2, lors de la saison 2017-2018 ; j’étais le seul photographe au Mans, pour le match Quevilly-Rouen / Bourg-en-Bresse/Péronnas : à ce niveau-là, ça ne m’était jamais arrivé !

J’ai aussi le souvenir d’une soirée en boîte de nuit avec l’équipe corpo de Montpellier, j’avais même ramené des joueurs dans ma Fiat Panda au petit matin après une nuit bien animée, Castro, Fontaine… Et puis, à Toulouse, en 1994-1995, j’étais le seul supporter du Red Star au Stadium : placé au-dessus du kop toulousain j’étais l’unique spectateur à crier ma joie au moment du but victorieux du Red Star ! Ce jour-là, il n’y avait eu aucun déplacement organisé ! Je me souviens aussi avoir rempli la feuille de match pour un amical entre Clermont et l’UNFP, dans les années 2000 ! J’ai aussi pris le bus avec les supporters de l’AJ Auxerre, pour un match de Ligue des Champions à Madrid, face au Real de Mourinho et Cristiano Ronaldo : je pigeais pour Le Parisien à ce moment-là, et avec un rédacteur, on faisait un reportage « inside ».

Et il y en a une qui, avec le recul, est assez incroyable : ça s’est passé après la finale de la Coupe de France entre le Racing Paris 1 et Montpellier (2 juin 1990). Je me suis retrouvé dans les entrailles du Parc des Princes à errer et visiter les lieux. Au détour d’un couloir, j’ai croisé Loulou Nicollin se promenant avec la Coupe de France qu’il ne lâchait pas d’un pouce même pour une photo, et je suis rentré dans le vestiaire parisien et là, seul et suspendu au porte-manteau, se trouvait l’un des nœuds-papillon rose que les coéquipiers de Pascal Olmeta avaient porté pour rentrer sur le terrain à l’instar des rugbymen victorieux du bouclier de Brénus au même endroit une semaine plutôt. Sur le moment, je n’ai pas évalué l’ampleur de ce que je récupérais mais par la suite j’ai compris que c’était un objet collector de la Coupe de France. Une des plus belles pièces de ma collection, car assez insolite. D’ailleurs, quand je peux avoir un maillot, je préfère celui d’un club en Coupe de France à celui d’un ténor du foot en Champions League. Si certains ont des maillots ou d’autres objets liés à cette iconique compétition, je serai enchanté de les recevoir !

Texte : Anthony BOYER – aboyer@13heuresfoot.fr – Twitter @BOYERANTHONY06

Photos : Remerciements à Pauline Carré, Clotilde Briand, Lisa Paquereau, Blanche Voisin, Amandine Noël, Bernard Morvan, Ombeline Eppe, Clémence Hesdin.

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