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Patrick Bel Abbes (District des Alpes) : « Ce qui m’intéresse, c’est le dialogue ! »

A la tête du District qui regroupe les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, le président entend répondre aux nombreuses problématiques des clubs dans une région où les spécificités sont multiples.

Patrick Bel Abbes a deux passions : le ballon rond et les règlements généraux de la Fédération Française de football : « C’était mon livre de chevet ! ». Une passion telle qu’il a appris ce « code du football » par coeur, pendant que ses copains, eux, lisaient France football ou LEquipe !

C’est comme ça que cet ancien joueur de niveau départemental dans son village, à Rosans, puis à Serres et à Laragne, dans les Hautes-Alpes, a pu intégrer une commission a sein de l’instance départementale, avant de devenir, en janvier 2020, un président très apprécié du District des Alpes.

Ce cadre commercial dans une entreprise de… blanchisserie (rien à voir avec le ballon !) passe beaucoup de temps sur les routes, « trop de temps même ! », et profite parfois de ses moments au volant pour gérer les problèmes, par téléphone. « Les problèmes ». Car, de son propre aveu, « être président d’un District, c’est 95 % de soucis et 5 % de plaisir ».

Quand Gap jouait en National et Manosque en CFA…

Il faut donc être un peu « fou » pour occuper un tel poste où les satisfactions sont très rares, à moins qu’il ne faille tout bonnement « être passionné ». Oui, ça doit être cela. La passion. Dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans les Hautes-Alpes, les deux départements qui composent le District des Alpes (depuis 1983), la passion n’a pas de division. Du moins, elle n’a pas de « grande » division : la meilleure équipe seniors, Gap, évolue en Régional 2, l’équivalent de l’ancienne Division d’Honneur Régionale.

Il est loin le temps où l’EP Manosque, avec son redoutable et puissant avant-centre Pierre Manfredi, jouait les trouble-fête en CFA (le National 2 d’aujourd’hui), et où le Gap HAFC accédait au National, à l’issue d’une saison 2009-2010 mémorable.

Malgré une mission maintien réussie sur le terrain par Patrick Bruzzichessi en 2010-2011, le club, qui a reçu dans son petit stade municipal des adversaires comme Strasbourg, Bastia, Amiens, Guingamp, Rouen, Cannes, Niort, Beauvais, Orléans, Créteil, Paris FC, Rodez ou encore Gueugnon, fut rétrogradé administrativement en CFA avant d’être placé en liquidation judiciaire en janvier 2013 et contraint de repartir en première division de District. Grandeurs et décadences.

Les belles années gapençaises, notamment la décennie 2000-2010, n’auront cependant pas été veines pour tout le monde : elles auront au moins mis en lumière le football de haut niveau dans un département où le ski est roi, quand il y a de la neige évidemment, et il y en avait plus souvent, à l’époque, en hiver, au point de devoir reporter de nombreuses rencontres. Une habitude, une tradition même, là-bas.

Grimandi, Theréau, Mercadal, les ambassadeurs

Elles auront aussi permis de voir éclore certains joueurs passés par Gap comme Belkacem Zobiri (Louhans-Cuiseaux, Amiens, Cannes, Sétif), Romain Ciaravino (Istres, Amiens, Laval), et surtout Gilles Grimandi (Arsenal) et un certain Cyril Theréau (Angers Charleroi, Chievo Verone, Fiorentina), que l’entraîneur alpin Fabien Mercadal, alors coach du Gap HFC, était allé déniché à Laragne, en Division d’Honneur. Ce même Fabien Mercadal qui, selon les dires de son président de l’époque, était trop jeune pour entraîner le club de la Préfecture des Hautes-Alpes, en CFA. Sans doute pour cela que, derrière, le natif de Manosque a exporté ses compétences à Dunkerque (CFA, National et Ligue 2), Tours (L2), Paris FC (L2), Quevilly Rouen (L2) et même Caen (Ligue 1) !

« C’est vrai qu’il y a 15 ans, et même 20 ans, on avait deux équipes en CFA, avec Manosque et Gap, se souvient Patrick Bel Abbes; malheureusement, ce n’est plus le cas, les mécènes sont partis, parce que c’est toujours la même chose : l’argent, c’est le nerf de la guerre. Aujourd’hui, Gap est remonté en Régional 2, c’est l’équipe la plus « haute » en termes de niveau. Et à Manosque, y’a une bonne génération de jeunes de 17 et 18 ans qui, je l’espère, permettront à l’équipe seniors de retrouver le niveau régional. »

Des objectifs sportifs plus mesurés

Difficile, cependant, d’envisager mieux aujourd’hui, tant le football a changé, tant les budgets ont augmenté, tant l’argent a bouleversé les codes : « Au niveau du District, on aimerait avoir une équipe seniors en Régional 1 dans un premier temps, voire en National 3, mais ce sera très difficile d’aller en National 2 ou en National. »

Aujourd’hui, Patrick Bel Abbes, l’homme fort du football dans les Alpes, passe l’essentiel de son temps libre au district, à Sisteron, et de manière bénévole. Avant les bureaux, il a tâté du terrain : « J’ai été joueur et puis je suis devenu dirigeant, et j’ai aussi été entraîneur-adjoint à Laragne jusqu’en 2005. J’ai arrêté car j’avais du mal avec la mentalité des jeunes joueurs. Comme je connaissais bien les règlements généraux de la FFF, « Jeannot » Rei-Rosa, l’ancien secrétaire général du District des Alpes, m’a fait rentrer à la Commission des statuts et règlements et m’a nommé délégué départemental au début, puis je suis passé délégué régional et aujourd’hui délégué national A ».

Il n’est donc pas rare de croiser Patrick Bel Abbes sur les pelouses du championnat National, l’antichambre de la Ligue 2 : « Je vais à Bourg-en-Bresse vendredi contre Martigues (ce soir, NDLR). En moyenne, j’officie sur trois rencontres de National par mois, auxquels il faut ajouter des matchs de Coupe de France; par exemple, dernièrement, j’étais délégué au match Toulon (N2) – Aubagne (N2) en coupe. Et quand il y a des équipes professionnelles engagées en coupe de France, on est délégué adjoint. »

« En National, c’est très tendu cette saison »

Alors, monsieur le délégué, comment ça se passe cette saison en championnat National ? « C’est tendu, c’est très tendu même, du fait des six descentes… C’est aussi le retour que j’en ai de la part des clubs ».

Et oui, tendu, ça, on avait remarqué, entre un arbitrage qui distribue les cartons à gogo, des matchs aux couteaux, des coachs qui valdinguent au moindre faux pas de leur équipe et des dirigeants qui dépensent sans compter pour sortir de cette compétition hybride, l’exercice 2022-2023 ne ressemble à aucun autre. Et va laisser des traces… Et ce n’est pas fini, rebelote la saison prochaine !

Après avoir appartenu au District de Provence puis de Rhône-Alpes-Provence, le District des Alpes, qui regroupe donc les deux départements du 04 et 05 (Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes), ne pèse peut-être pas bien lourd à l’échelle nationale, mais n’en demeure pas moins très actif. « Notre District regroupe 6 000 licenciés (dont 60 % de jeunes) et représente 45 clubs. C’est vrai que l’on est petit, mais il y a plus petit que nous encore, comme l’Ariège je crois, il faudrait vérifier ! Mais je suis très fier de représenter le District des Alpes, parce que je suis Alpin, je suis né dans un village de 400 habitants, Rosans, dont le nom vient des roses d’ailleurs… »

« Avec les clubs, on est dans le dialogue »

Quand on lui demande à quoi sert un président de District, Patrick Bel Abbes a cette réponse à la fois surprenante et terriblement révélatrice : « Mon rôle ? En fait, je ne sers à rien, je suis juste là pour régler les problèmes. »

Bon, il exagère un peu, le successeur de Gérard Capello (il a pris la suite en 2020). Car être président, c’est donner des directions, avoir une vision : « Quand j’ai été élu à la tête du District en 2020, j’ai moi-même choisi mon équipe pour travailler à mes côtés. Je me suis entouré de compétences. Et j’ai la chance d’avoir une équipe de salariés qui travaille, qui prend du plaisir et je prends aussi du plaisir à échanger avec eux. »

Sa vision de l’instance ? « Mon objectif, c’est d’essayer de redonner le District aux clubs. J’ai appartenu à l’ancienne équipe, et sans vouloir polémiquer, je trouvais que le District n’était pas assez présent auprès des clubs. Donc nous, on en a fait notre leitmotiv : on souhaite se rapprocher des clubs au maximum. C’est la raison pour laquelle nous avons instauré des réunions de secteurs, en divisant le District en quatre : secteurs Nord, Centre, Centre 04 et Sud 04. On essaie de s’y rendre plusieurs fois, en début et en fin d’exercice. Ces réunions permettent de se rencontrer, d’échanger, de se parler. Là, on est vraiment dans le dialogue. Alors parfois ça se passe bien, parfois moins bien mais ce n’est pas grave, tant que le dialogue est instauré. On vient juste de finir nos premières réunions, on en a enchaînées quatre en quatre semaines. »

« Pour avancer, il faut être désintéressé »

Aux côtés du président de la Ligue de Méditerranée, Eric Borghini (à gauche)

On comprend mieux, dès lors, pourquoi Patrick Bel Abbes, qui se targue de connaître (presque) tout le monde, d’être joignable – « Mon portable, tous les présidents de clubs l’ont ! » -, de miser sur la proximité et l’échange, assure être à ce poste « juste pour régler les problèmes ». Car évidemment, ces réunions de secteurs ont servi à les soulever : « Les clubs en ont profité pour exposer leurs problématiques, pour dire ce qui ne va pas, mais aussi ce qui va ! Souvent, cela tourne autour de la logistique, des moyens. Par exemple, à la demande des clubs, l’an passé, en Division 3 de District, où il n’y avait que onze équipes engagées et deux poules, ils ont validé en assemblée générale le passage à une poule unique, sauf que, victime du succès, on est passé à 16 équipes ! Mais ce n’est pas grave, tout le monde est content de jouer chaque week-end, même s’il y a plus de contraintes. Et on ne déplore pour le moment aucun forfait ! « .

Membre de droit du comité de direction de la Ligue de Méditerranée eu égard à son statut de président du District des Alpes (au même titre que Michel Serre – Grand Vaucluse -, William Pont – Var -, Edouard Delamotte – Côte d’Azur -, et Erick Schneider – Provence -), Patrick Bel Abbes entretient également d’excellents rapports avec Eric Borghini, l’homme fort de la Ligue : « Avec Eric, on a de vraies bonnes relations, des relations privilégiées. Avec lui, le dialogue est permanent. Il connaît tous les rouages du football. Quand j’ai besoin de son appui, je l’appelle. Personnellement, je ne fais pas de politique, cela ne m’intéresse pas, car je pars du principe que pour avancer, il faut être désintéressé. »

Une convention avec le parquet de Gap contre la violence

Et parce qu’un président, « c’est 95 % d’emmerdements et 5 % de plaisir », Patrick Bel Abbes évoque à nouveau une difficulté : la violence dans les stades. Ou plutôt… autour des stades.

Car le phénomène a changé : « Alors, jusqu’à présent, on était un peu épargné dans le 04 et le 05, mais là, je ne sais pas si ce sont les effets secondaires de la Covid ou quoi, ou la frustration de ne pas avoir vu de football pendant des mois, mais depuis, on a des soucis en dehors des terrains. On s’est rapproché des deux parquets, et il se trouve qu’au parquet de Gap, on a la chance de connaître quelqu’un, Florent Crouhy, qui n’est autre que le procureur de la République, et à qui on fait directement remonter les incidents. Je peux vous dire que, derrière, selon la gravité des faits, ça va très vite, les dossiers sont en haut de la pile. On a d’ailleurs passé un projet de convention, signé en juin dernier, en compagnie de l’UNAF Provence (Union nationale des arbitres de football), lors de l’assemblée générale du District, projet dans lequel on met en place des fiches de signalement en cas de soucis en dehors des terrains. L’idée, c’est de mettre en relation directement le parquet avec les différents acteurs du football. Avec le parquet du 04, on a aussi un accord de principe, on n’a pas encore finalisé la convention, mais cela concerne toujours des problèmes en dehors des terrains. Car lors des réunions de secteur, les clubs nous ont fait remonter leur manque de pouvoir face à ces situations avec les parents ou les supporters. Mais cette violence autour des terrains, ces bagarres, on s’aperçoit que, malheureusement, c’est le reflet de ce qui se passe dans les stades au plus haut niveau depuis quelque temps, avec tous ces incidents intervenus récemment. »

En quête de partenaires

Pour terminer avec le chapitre « problèmes », il y a la superficie. Pas celle du terrain, non, celle qui sépare l’un des clubs les plus « hauts » à l’un des plus « bas » : « La grandeur des deux départements, c’est là encore une problématique, on a une équipe de Vinon-sur-Verdon, par exemple, qui est distante de 200 kilomètres de Briançon par exemple. Pour un district, c’est énorme. Et il y aussi le climat : en décembre, en janvier, il neige dans le Nord du 05… enfin, j’espère, on espère tous qu’il va neiger, donc on ne joue plus pendant cette période. Ce sont des spécificités. »

Du côté des bonnes nouvelles, le district des Alpes pourrait prochainement compter sur l’arrivée de nouveaux partenaires : « Ce matin, on a rencontré, j’espère, un futur « gros » partenaire. On est constamment en recherche dans ce domaine. Quand la nouvelle gouvernance est arrivée, on a su qu’on aurait moins d’aide de la part des collectivités donc on a mis en place une commission partenaires et pris une personne en apprentissage pour s’occuper de ce secteur : là, on en est à 35 000 euros d’aides de la part de partenaires, contre zéro avant. Actuellement, on discute, on négocie avec deux gros partenaires potentiels. Ces rentrées d’argent, ces aides, cela permettrait, par exemple, d’aider les clubs et les jeunes notamment : on n’avait pratiquement plus de détections. On est passé de une à quarante-deux détections (300 jeunes concernés), ce qui a permis de voir des gamins intégrer le pôle Espoirs d’Aix-en-Provence. On a aussi mis en place des sélections départementales, on envoie aussi des jeunes à des tournois régionaux, nationaux voire internationaux. Tout cela, ça a un coût. C’est pour ça qu’on a besoin d’aides. »

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : District des Alpes