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Pascal Leno : « Même ma famille ne sait pas combien j’ai galéré »

Surnommé « Griezmann » lorsqu’il jouait en 1ère division en Guinée, Pascal a dû surmonter beaucoup de difficultés depuis son arrivée en France en 2016. Mais il s’est accroché. Il a été l’un des acteurs des exploits successifs de Linas-Montlhéry (N3) en Coupe de France. Une deuxième famille qu’il vient de quitter pour Thonon Evian Grand Genève (N2) qui débute le championnat ce samedi face à Cannes.

Photo Thonon Evian Grand Genève

De l’Essonne à la Haute-Savoie, Pascal Leno (26 ans) vient d’effectuer le grand saut. Après 4 ans à Linas-Montlhéry (N3), l’attaquant arrivé en France en 2016 en provenance de Guinée a signé un contrat fédéral de 2 ans avec Thonon Evian Grand Genève (National 2) pour continuer à poursuivre son rêve : signer un contrat pro un jour.

Son histoire est celle de beaucoup d’Africains venus tenter leur chance en France. Des mauvaises rencontres, des galères à tous les niveaux, mais une détermination sans faille qui l’a poussé à ne jamais abandonner.
Linas-Montlhéry l’a aidé a améliorer son quotidien en dehors du terrain et les exploits successifs en Coupe de France l’ont aidé à se faire connaître. Pour 13HeuresFoot, il a déroulé longuement son parcours un peu cabossé.

En Guinée, il était surnommé Griezmann

Son histoire a débuté à Kissidougou, au sud de la Guinée. Pascal Leno était surnommé « Griezmann » lorsqu’il s’est révélé à 17 ans en 1re division avec le Soumba FC de Dubréka, un club situé à une soixantaine de kilomètres de la capitale Conakry. « Un supporter m’a donné ce surnom, car j’étais généreux dans l’effort et efficace devant le but, sourit-il. Les supporteurs ont continué à m’appeler comme ça et ça m’est resté. Ils trouvaient qu’on avait des ressemblances dans le jeu. J’aime bien Griezmann mais quand il a joué au Barça, qui est mon équipe préférée, je préférais Messi. »

En 2016, à 19 ans, il décide de tenter sa chance en France. « C’était exactement le 21 mai 2016 », se souvient-il. Son arrivée dans l’Hexagone avait débuté par un rendez-vous manqué. Son président à Soumba, devenu son tuteur et agent, lui avait obtenu un essai au Havre (Ligue 2). Mais il était arrivé en retard par rapport à la date prévue. « Le Havre ne m’a pas gardé, regrette-t-il. Comme j’ai de la famille dans le coin, je me suis retrouvé dans l’Essonne et j’ai signé dans un petit club, Arpajon. »

Sept ans loin de la Guinée

L’équipe évoluait en 1re division de district, l’équivalent de la… 10e division. Grâce à ses prestations et son efficacité devant le but (une trentaine de réalisations), il réussit à effectuer un essai à Sénart-Moissy (N3) qui s’avère concluant. Ses huit buts en 2017-2018 ne permettent pas d’éviter la descente du club seine-et-marnais en R1. « A ce niveau, c’était difficile de se faire remarquer, surtout quand on ne connaît pas grand monde comme moi », reconnaît-il.

A cette époque, son quotidien est compliqué, administrativement et financièrement. « En arrivant en France, je pensais que ce serait plus facile. Je ne m’imaginais que ce serait aussi compliqué et que j’aurais autant d’épreuves à surmonter. Mais tout ça m’a rendu plus combatif. Malgré tout, je ne regrette pas d’être venu. Celui qui ne connaît pas mon histoire ne peut pas comprendre combien j’ai galéré… A ma place, beaucoup auraient lâché. Mais je n’ai jamais abandonné et je ne me suis jamais découragé. Je n’ai pas le choix. Je dois tout donner pour ma famille, et me battre tous les jours pour l’aider. Je suis l’aîné, il faut que je montre l’exemple. »

Sa situation ne lui pas permis de rentrer chez lui en Guinée pendant de longues années. Il n’a pu retrouver les siens en revenant en Guinée qu’il y a seulement quelques semaines, sept ans après son arrivée en France…

Une nouvelle famille à Linas-Montlhéry…

Sa signature à Linas-Montlhéry en 2019 lui avait permis de trouver « une nouvelle famille ». « Je me suis rapidement épanoui ici car c’est un club familial. Ils ont toujours été là pour moi, c’était réconfortant car j’étais assez timide. Je ne parlais pas beaucoup et n’avais pas beaucoup amis en dehors du foot.»

Le club lui avait trouvé un petit appartement. Ses journées débutaient dès 5h30 du matin. « Je faisais des livraisons, j’essayais de me débrouiller », explique Leno qui s’est fait un nom sous le maillot de Linas-Montlhéry où il s’est imposé au point de porter le brassard de capitaine. Il a séduit tout le monde par son humilité, sa gentillesse et son sens du collectif et du travail.

Si la montée en National 3 en 2020 (après l’arrêt des championnats pour le Covid) lui a permis de découvrir le niveau supérieur, c’est bien grâce à la Coupe de France qu’il s’est révélé.

… et des exploits en Coupe de France

Le club Essonnien a en effet réalisé trois épopées sur les quatre dernières saisons avec un 32e de finale en 2020 et 2023, et un 16e de finale en 2022 ! Une régularité exceptionnelle pour un club de ce niveau.
Le 5 janvier 2020, Linas-Montlhéry, alors en Régional 1, qui avait éliminé deux clubs de N3 (La Flèche, Evreux), avait affronté le PSG en 32e de finale devant 15 000 spectateurs au stade de Bondoufle. Un souvenir inoubliable malgré la défaite 6-0.

Ses plus beaux exploits, le club entrainé par Stéphane Cabrelli les a réussi lors de l’édition 2021-2022 avec les éliminations de Dunkerque (Ligue 2, 1-0) au 7e tour puis Angers (Ligue 1, 2-0) en 32e de finale. Contre Angers, Pascal Leno a été décisif en inscrivant les deux buts du match. « Je me les suis souvent repassé mes deux buts, sourit-il. Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir battre une équipe de Ligue 1. »

Vidéo / son doublé face à Angers :

Son doublé a fait le tour de la Guinée. « J’avais reçu beaucoup de messages du pays, notamment de ma famille. C’était une fierté pour eux de me voir à la télé. » L’aventure s’était arrêtée en 16e de finale face à Amiens (Ligue 2) après un scénario incroyable. Mené 0-3, Linas-Montlhéry avait arraché une séance de tirs au but en revenant à 3-3. Mais le club du 91 s’était incliné 7-6 lors des penaltys.

« C’est magnifique ce qu’on a fait ! »

La saison dernière, Linas-Montlhéry a éliminé (2-1) le Paris 13 Atletico (National). Pascal Leno avait ouvert le score. En 32e de finale, ses coéquipiers et lui s’étaient offerts une nouvelle belle fête face à Lens (Ligue 1) devant 10 000 personnes à Bondoufle. Malgré une belle prestation, ils ont encaisssé deux buts en fin de match signés Seko Fofana (72e) et Florian Sotoca (77e). « On aurait préféré jouer chez nous dans notre stade habituel comme contre Dunkerque, Angers ou Amiens, regrette Pascal Leno. Ce match contre Lens reste un mauvais souvenir car il y a eu la grave blessure de Tom Bouvil. Sur nos trois aventures en Coupe, c’est la deuxième qui restera comme mon meilleur souvenir avec mon doublé contre Angers. Mais c’est magnifique ce qu’on a fait. On a fait connaître le club de Linas-Montlhéry à toute la France. Collectivement, on a construit aussi quelque chose de beau. On s’est toujours donné à fond. »

Thonon Evian Grand Genève pour viser plus haut

En juin dernier, la saison s’était achevée sur une grosse déception pour Pascal Leno, auteur de 13 buts. Avant-dernier en janvier au moment d’affronter Lens, Linas-Montlhéry avait effectué une belle remontée et avait joué la montée en N2 jusqu’au bout. « A la fin, nous et Aubervilliers, on a perdu plein de points. C’était bizarre, on avait l’impression que personne ne voulait monter. Mais aujourd’hui, ce sont eux qui sont en National 2. J’ai été vraiment déçu et touché de ne pas monter. Cela aurait été magnifique. Mais on n’a pas fait ce qu’il fallait. »

L’avant-centre, qui avait arrêté de travailler en dehors du foot depuis l’année dernière, avait repris l’entrainement avec Linas-Montlhéry et devait repartir pour une 5e saison. Mais il a finalement signé la semaine dernière un contrat fédéral de deux ans à Thonon Evian Grand Genève FC, en National 2. Longtemps sans agent, il est désormais représenté par l’agence Golazo. « Après les matchs de Coupe de France, j’avais eu quelques échos que des clubs me suivaient mais sans rien de vraiment concret au final, regrette-t-il. J’avais pourtant l’impression d’avoir tout fait pour me faire remarquer. Mais le monde du foot est parfois bizarre… ».

A Linas-Montlhéry, certains n’ont pas apprécié son départ. « J’espère qu’ils vont me comprendre. Ça ne changera rien à ce que je pense d’eux. Ils ont fait tellement pour moi… Je ne pourrai jamais l’oublier. Je remercie du fond du cœur le président Mickaël Bertansetti, je lui en serai toujours reconnaissant. Dans la vie, c’est l’homme qui fait homme. Personne ne peut réussir sans l’aide de quelqu’un. J’ai eu la chance de le trouver sur mon chemin. Mais le moment était arrivé pour moi de titiller le niveau supérieur et de tenter un nouveau défi. Je commence à prendre en âge. A 26 ans, c’est un peu ma dernière chance. Je vais découvrir une autre région aussi après 7 ans en Ile-de-France. C’est aussi un challenge. Le coach Bryan Bergougnoux attend de moi que je marque des buts. Thonon Evian Grand Genève est un club ambitieux. J’espère monter avec eux. »

Quand il se retourne sur son parcours, Pascal Leno se dit « fier ». « Mon chemin n’a pas été facile. Même ma famille n’a jamais su les galères que j’ai connues. Mais elle m’a toujours encouragé. Moi, je n’ai jamais oublié d’où je venais et j’ai aussi essayé de l’aider en envoyant un peu d’argent même si c’était dur pour moi. Tout cela était mon destin, je devais passer par là… Je suis venu en France pour signer un contrat pro. C’est mon rêve de gosse et j’y crois toujours. Je reçois beaucoup de message de soutien du pays. Porter le maillot de la Guinée serait extraordinaire. Mais pour ça, il faut que je joue au moins en National ou en Ligue 2. »

Pascal Leno du tac au tac

Le meilleur souvenir ?
Mon doublé contre Angers en 32e de finale de la Coupe de France (2-0, le 19 décembre 2021). Et bien sûr aussi les matchs de Coupe de France contre les équipes pros, PSG, Dunkerque, Amiens, Lens.

Le pire souvenir ?
Je ne suis pas quelqu’un qui se retourne dans le passé. Les mauvaises choses que j’ai vécues, je me dis que c’était mon destin. Si je dois ressortir un évènement négatif, je dirais notre non-montée en N2 cette saison.

Combien de buts marqués ?
Entre la R1 et le N3, certainement plus de 50 depuis 2017 (NDLR: 34 en N3). Mais je ne suis pas quelqu’un qui compte. Après chaque saison, je remets les compteurs à zéro et je passe à autre chose. Je sais donc juste que j’en ai mis 13 la saison dernière et que j’ai terminé 3e buteur de la N3 Ile-de-France.

Votre plus beau but ?
Je pense que c’est le 2e conte Angers en Coupe de France. C’est sur une contre-attaque où j’étais parti du milieu de terrain. Issa Cissé a récupéré le ballon et lancé Tom Bouvil sur le côté. Il fait un centre tendu et moi je me jette pour couper au premier poteau. En championnat, c’est contre Le Blanc-Mesnil lors de la 1ère journée la saison dernière. Sur une touche, je me soulève le ballon du gauche, je me retourne et j’enchaine direct par une volée du gauche.

Le geste technique préféré ?
Le contrôle-poitrine.

Le joueur le plus fort contre qui vous avez joué ?
L’équipe du PSG en Coupe de France. Mbappé, Icardi et Neymar n’étaient pas là. Di Maria, Verratti et Marquinhos étaient restés sur le banc. Mais il y avait Cavani qui nous a mis un doublé. Celui qui m’a le plus impressionné ce soir-là, c’est pourtant Julian Draxler. Je l’avais trouvé trop fort. Je ne comprends pas pourquoi il ne jouait pas trop au PSG. On avait un peu parlé sur le terrain et je lui avais demandé son maillot. Je l’ai toujours avec moi. C’est le seul joueur à qui j’ai demandé le maillot. Contre Angers et Lens, je n’ai rien demandé.

Le coéquipier le plus fort avec qui vous avez joué ?
Il y en a beaucoup. Mais c’est avec Issa Cissé à Linas-Montlhéry avec qui j’avais le meilleur feeling sur le terrain.

L’entraineur qui vous a marqué ?
Patty Badjoko. C’est le premier coach qui m’a donné ma chance en N3 à Sénart-Moissy. Je venais de District et il m’a fait passer un essai. Sans lui, je n’en serais peut-être pas là. J’avais peu de clubs sur moi. Lui m’a fait confiance et il m’a vraiment apporté quelque chose.

Le président qui vous a marqué ?
Forcément Mickaël Bertansetti. C’est plus qu’un président pour moi. Ça dépasse le cadre du foot. J’ai passé des Noël avec lui et sa famille. Je lui dois tout. Je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour moi. Il m’a énormément aidé.

Vos meilleurs amis dans le foot ?
Issa Cissé. On était toujours ensemble et en communication. On va garder le contact. Il a signé à Sainte-Geneviève (N3) cette saison.

Vos modèles dans le foot ?
Pascal Feindouno. Pour toute une génération de joueurs guinéens, c’est notre modèle. Il nous a vraiment inspiré.

Le club qui vous fait rêver ?
En Afrique, on supporte beaucoup l’OM et Saint-Etienne. Moi, c’est Saint-Etienne car Pascal y a joué. Mon rêve absolu serait de porter moi aussi un jour le maillot vert. En Europe, mon équipe préférée c’est le Barça

Vos occupations en dehors du foot ?
Je reste tranquille à la maison, à me reposer et à m’entraîner. Quand on n’avait pas de séance à Linas-Montlhéry, je m’entretenais tout seul pour garder le rythme. Ici, à Thonon Evian Grand Genève, mon rythme de vie va changer. On s’entraîne le matin alors qu’à Linas, c’était le soir. Je vais enfin pouvoir vivre presque comme un pro.

Si vous n’aviez pas été footballeur ?
Le foot a toujours été ancré en moi. C’est pour ça que j’ai fait tous ces sacrifices et accepté de vivre autant de moments compliqués. Mais si j’étais resté en Guinée, j’aurais certainement été militaire. Gendarme, comme mon père.

Texte : Laurent Pruneta / Twitter @PrunetaLaurent

Photos : Facebook et Thonon Evian GG

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