Depuis son départ en retraite l’an passé, l’ex-entraîneur de Clermont Foot, qui a aussi marqué les Chamois Niortais de son empreinte, profite de sa famille et va souvent voir les matchs de Chauray, en N2. Dans ce long entretien, il revient notamment sur son parcours, ses relations avec son fils Johan, qu’il a entraîné, et sur sa dernière saison en Auvergne, en Ligue 1, la plus difficile de ses 45 ans de carrière.
Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Photos : 13HF et Clermont Foot

Making of. Ce samedi 13 septembre, le FC Chauray accueille le FC Montlouis en National 2. « Cholet-Montlouis ? Mais c’est quel niveau ça ? » Chauray ! Pas Cholet ! Et oui, c’est en National 2 mon bon monsieur ! Un match entre clubs promus. Il y a des curieux. Il y a des habitués. Il y a des journalistes. Et il y a Pascal Gastien. L’ancien entraîneur de Clermont Foot est, comme souvent, venu en voisin. Après que le natif de Rochefort, en Charente-Maritime, a pris sa retraite, en juin 2024, après 7 saisons en Auvergne (quatre en Ligue 2, trois en Ligue 1), il est « rentré » chez lui, dans les Deux-Sèvres, à Saint-Maxire, à 15 minutes en voiture de Niort et de Chauray.
Au stade municipal (et champêtre) de Chauray, Pascal Gastien, qui fêtera ses 62 ans mardi 2 décembre, est connu comme le loup blanc. Il est proche du club et notamment de l’entraîneur, Fabrice Fontaine : les deux hommes se sont connus aux Chamois Niortais. Dans un récent reportage consacré au FC Chauray, Fontaine louait les qualités de l’ancien joueur de l’OM, de Nice, de Châteauroux et de Niort bien entendu, avec qui il a vécu une sacrée épopée dans les années 80, passant de la Division 4 à la Division 1 !
Ce jour-là, à Chauray, il pleut ! Ce qui n’empêche pas Pascal Gastien d’être debout, le long de la main courante. Il serre beaucoup de pinces. Il discute avec tout le monde. Il est, comme à son habitude, simple et ultra-abordable. Le coup d’envoi est à 18 heures mais il a prévu de partir avant la fin pour être devant sa télé à 20 h sur BeIn : car Johann, son fils, joue avec Clermont contre Saint-Etienne ! Et il ne veut pas manquer ça. D’ailleurs, il ne manque aucun match de Clermont ! En milieu d’après-midi, Pascal Gastien est allé voir jouer son petit-fils qui évolue avec les U17 de l’Avenir 79, un club qui regroupe quatre communes (Villiers-en-Plaine, Saint-Maxire, Saint-Rémy et Sciecq). Un samedi au bord des pelouses, en somme !
Il est 20 h. Le match se termine à Chauray. C’est le dernier corner pour Montlouis, qui tente d’égaliser (2-1). Pascal Gastien est encore au stade, devant le petit portail d’entrée. Il passe sa tête au-dessus des spectateurs amassés devant la buvette pour voir la dernière action. Il va rater le début du match de Ligue 2, mais qu’importe, il a le coeur léger : Chauray a gagné !
Pascal Gastien : « J’ai une âme de formateur »

Votre meilleur souvenir de joueur ?
C’est la montée en Division 1 avec Niort (en 1987). Un moment assez incroyable, avec plein de monde dans les rues, à la mairie. Il y a aussi le titre de champion avec l’OM et la coupe de France (1988).
C’est vrai que Niort, c’est marquant : c’est un peu votre club formateur…
Plus ou moins. C’est quand même à Angoulême que j’ai été formé et où j’ai effectué mes premiers matchs en pro, en Division 2 à l’époque, avec l’attaquant Hervé Florès notamment. J’avais 17 ans et demi, donc ça date un petit peu ! Ensuite, les Chamois Niortais m’ont accueilli très jeune, à 18 ans, quand j’ai eu une très grave blessure à Angoulême. C’est pour ça que Niort, c’est une émotion particulière pour moi.
« À 18 ans, je pensais que le haut niveau, c’était fini ! »
Pire souvenir de joueur ?
La fracture de la jambe que j’ai eue avec Niort contre Marseille, à Marseille, l’année de la D1. Derrière, ça a été compliqué à tous les niveaux. La douleur… Mon pied était derrière ma jambe, c’était vraiment tout arraché. J’ai toujours gardé une raideur à la cheville, ce qui a fait changé ma statique. C’est ce qui explique qu’après, j’ai souvent été blessé, alors qu’avant ça, jamais, hormis mon souci à Angoulême. En fait, j’ai non seulement perdu une jambe ce jour-là mais j’ai aussi perdu un futur en quelque sorte… J’ai pu rebondir mais tout de suite senti que j’avais perdu pas mal de choses.
Vous parliez d’une autre blessure à Angoulême ?
Je me suis retrouvé paralysé, mais vraiment paralysé, à ne plus pouvoir bouger dans un lit, pendant 6 mois. Je me suis réveillé un matin comme ça. J’avais un staphylocoque. Quand vous avez 18 ans, vous vous posez mille questions. Mes parents aussi. C’était un moment très compliqué. Je ne savais pas si j’allais pouvoir rejouer au football. C’est pour ça que je suis parti à Niort, en Division 4, parce que je pensais que le foot de haut niveau, c’était fini. A Niort, on m’a trouvé un boulot. Et puis j’ai eu cette chance d’être dans le bon club au bon moment, on est monté en D3, en D2 et en D1 !
Gilles Gaudin, Guy Latapie, des personnages marquants

Avant d’aller à Angoulême, où avez-vous joué ?
J’ai commencé à Port-des-Barques, à côté de Rochefort. Le club existe toujours. D’ailleurs, j’y suis allé récemment. J’ai eu la chance d’avoir des éducateurs assez extraordinaires, et c’est pour ça que je suis devenu coach. A Port-des-Barques, il y avait monsieur Gilles Gaudin. Il a réussi à faire entrer à l’INF Vichy trois joueurs la même année ! C’est quelque chose quand même. A l’époque, l’INF, c’était le top au niveau français. C’est dire… Ensuite, j’ai rencontré monsieur Guy Latapie à Angoulême en sports-études au lycée Marguerite de Valois. Monsieur Latapie m’a enseigné les principes de jeu, les mêmes que j’ai aimé faire pratiquer à mes joueurs après. Il a marqué tous les joueurs qu’il a pu rencontrer (1). Malheureusement, il est décédé (en février 2021) et j’ai été très affecté. On était resté en contact, bien sûr. Depuis, on fait un match chaque année en sa mémoire et là, on va fêter les 50 ans de la section sports-études à Angoulême en mai prochain.
1. Guy Latapie était un découvreur de talents. Il dirigea la section sport-études de 1977 à 2001 avec un titre de champion de France en 1983. Il a vu passer de futurs pros comme Fabrice Poulain (Monaco), Eric Guérit (Nice, Bordeaux), Gaëtan Charbonnier (Auxerre), Eric Deletang (Lorient, Monaco), Nicolas Bastère (Toulouse, Cannes) et Pascal Gastien.
Avez-vous conservé des liens avec le club d’Angoulême ?
Non. Mais j’y suis retourné l’an dernier, en coupe de France, quand ils ont accueilli Clermont, où joue mon fils, Johan. J’ai donné le coup d’envoi avec Corinne Diacre. Dans le temps, la D2 jouait à côté, à Chanzy, qui est devenu le stade de rugby, et nous, les jeunes, on jouait au stade Lebon.
Premier match en pro en D2 à 17 ans et demi
Votre premier match en pro ?
C’était à Angoulême, en Division 2, mais je ne me souviens pas contre qui. Attendez, je crois que c’était Angoulême-Dunkerque (octobre 1981). Non, ça c’était ma première titularisation. Mon premier match, c’était Angoulême/Stade Français, en juillet 1981, j’étais entré à la fin. C’était il y a un siècle !
Vos qualités et vos défauts sur un terrain, c’était quoi ?
J’étais quelqu’un de très endurant, et techniquement, c’était tout à fait correct. J’avais aussi la vision du jeu. Je courais beaucoup. Sinon, je manquais de vitesse et de puissance.
À Niort, avec Patrick Parizon, Abedi Pelé…

La saison où vous étiez dans la plénitude de vos moyens ?
Certainement avant ma fracture de la jambe, quand on est monté de Division 2 en Division 1 avec Niort. On avait tous fait une énorme saison, comme on n’en vit qu’une seule fois. On rentrait sur le terrain en étant quasiment sûr de ne jamais perdre. Au niveau du jeu, c’était extraordinaire. Collectivement, c’était très bon, et c’est ce que j’ai toujours essayé de reproduire, de copier, d’améliorer, après. C’est Patrick Parizon, qui habite toujours près de Niort, qui a mis ce jeu en place. Avec lui, on a eu un ressenti extraordinaire, une sérénité, avant, pendant et après les matchs. On savait ce qu’on avait à faire et ce que l’on allait faire. Et puis on avait aussi Abedi Pelé avec nous, ce qui nous a bien aidés aussi ! J’ai rencontré ensuite dans mes stages de formation d’entraîneur des personnes comme monsieur Filho (Ndlr : Joaquim Francesco Filho, ancien formateur à l’INF Vichy et à l’INF Clairefontaine), qui s’occupait de la préformation à Clairefontaine, et il me disait qu’ils étudiaient le jeu que l’on pratiquait à Niort !
Un joueur perdu de vue que vous aimeriez bien revoir ?
J’aimerais bien revoir Philippe Gladines, avec qui on s’entendait bien. On ne s’est quasiment plus jamais revu depuis Niort. Je ne sais pas ce qu’il est devenu.
Un coéquipier marquant ?
C’est quand même Abedi Pelé. Il arrivait d’Afrique. On l’a accueilli. Je me souviens d’un épisode : on est allé en stage à Font-Romeu et il n’avait jamais vu la neige. Il avait les yeux écarquillés. Et puis il faut le dire, c’était un très-très bon coéquipier.
Un club où vous avez failli signer ?
Il y a eu Auxerre et Metz, et je crois PSG : lorsque l’on est monté en Division 1 avec Niort, le club parisien a fait une offre pour Abedi (Pelé) et moi. Mon club n’a pas accepté.
« À Nice, on ne parlait pas de football »

Une erreur de casting dans votre carrière, un choix que vous regrettez ?
Je n’ai pas de regret. Après Niort, je suis allé à l’OM quand même ! Puis à Nice, où cela a été beaucoup plus difficile, notamment financièrement, avec le départ du maire de l’époque, Jacques Médecin, qui aidait beaucoup le club. On est descendu administrativement en Division 2 avec Nice et cela a été un moment compliqué pour moi mais surtout pour le club. En plus, il y avait tout un tas de gens qui tournaient autour du club, qui voulaient le racheter… Un an avant d’arriver à Nice, je suis champion de France, je gagne la coupe de France, et là, je me retrouve dans un club où l’on ne parlait plus du tout de football…
Du coup, votre passage à Nice, qui dure 4 ans tout de même, reste mitigé ?
Oui. Même si on a crée des liens, comme avec Jean-Philippe Mattio, que j’ai souvent recroisé quand il recrutait pour l’OGC Nice, avec Jules Bocandé, malheureusement décédé, Jean-Philippe Rohr… Il y avait des « caractères » dans cette équipe. Et il y a quand même eu ce match historique avec Nice, en barrage D1/D2 contre Strasbourg, pour ne pas descendre… C’est un moment marquant, c’est sûr. On avait Carlos Bianchi comme entraîneur, avec qui j’ai toujours gardé le contact. D’ailleurs, pour mon BEPF, je suis allé en Argentine à Boca Juniors dans le cadre de mon stage, et Carlos m’a accueilli comme son fils : un souvenir magnifique. Mais son année d’entraîneur à Nice avait été extrêmement difficile pour lui : je pense que je n’avais jamais vu un entraîneur aussi fatigué, parce qu’on avait un groupe de joueurs extrêmement fatigants… Mais ce dernier match contre Strasbourg au stade du Ray était fabuleux, avec notamment un Milos Djelmas qui n’avait quasiment pas joué de la saison parce qu’il était souvent blessé : le coach lui avait demandé de jouer pour le club, et même si c’est Roby (Langers) qui a marqué les buts, pour moi, c’est Milos lui qui a fait la différence le temps qu’il a pu jouer, c’est à dire une heure, car je pense qu’il ne pouvait pas faire plus. Mais quel joueur extraordinaire ! On avait quand même de très-très bons joueurs, comme Marco Elsner, avec qui j’étais très ami : j’ai côtoyé son fils sur le banc (Elsner a entraîné Amiens en Ligue 2), ce fut un moment particulier là aussi. Voir le fils de Marco, 30 ans après, dans des conditions comme ça, c’est particulier.
Dans le journal L’Equipe l’an dernier, vous aviez dit que vous souhaitiez retourner en Argentine : du coup, vous y êtes allé ?
Toujours pas. Mais j’ai le projet d’y aller, de découvrir ce pays d’une manière générale.
Un président marquant quand vous étiez joueur ?
Bernard Tapie.
Un entraîneur perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Ça s’est toujours bien passé avec mes entraîneurs, je les ai revus, Victor Zvunka, Patrick Parizon… En fait, je suis surtout peiné par le décès de Guy Latapie. C’était une personne importante pour moi.
Vos souvenirs de coach maintenant : on commence par le meilleur…
Il y en a deux ou trois. La montée avec Niort de National en Ligue 2, à la dernière journée, au Gazelec Ajaccio, sachant qu’eux étaient certains de monter (en 2012). On a gagné 1 à 0 avec un but de Jimmy Roye sur penalty. C’est un grand moment, important sur le club, qui retrouvait le statut pro après être descendu jusqu’en CFA quelques années plus tôt (en 2009). Et bien sûr la montée de Clermont de Ligue 2 en Ligue 1 (en 2021), un moment particulier, parce qu’on l’a vécu ensemble en regardant un match qui nous permettait, en cas de résultat favorable pour nous, de monter sans jouer, mais je ne me souviens plus du match… C’était Toulouse – Pau je crois. Toute l’équipe, tout le staff, étaient là. C’était fantastique. Un moment rare dans une vie de coach.
« J’avais hésité à prendre la suite de Corinne (Diacre) »

Votre pire souvenir d’entraîneur ?
La descente avec Niort de Ligue 2 en National, quand le président Jacques Prevost m’a demandé de finir la saison et d’essayer de se maintenir, j’étais entraîneur au centre de formation à l’époque. Mais cela n’avait pas marché (Ndlr : en janvier 2005, alors que les Chamois Niortais sont lanternes rouges, il avait remplacé Vincent Dufour pour les 17 derniers matchs de la saison avec un bilan de 4 victoires, 6 nuls et 7 défaites). Cela avait été dur parce que Niort est un club particulier pour moi, avec des gens à l’intérieur particuliers aussi pour moi, avec qui je vivais au quotidien. Descendre en National représentait beaucoup de problèmes pour le club. Ensuite, j’ai repris l’équipe quand le club est descendu en CFA (en 2009). Et là, on a fait un parcours extraordinaire, avec deux montées et une 5e place je crois en L2.
La saison où vous avez pris le plus de plaisir sur le banc ?
L’année de la montée avec Clermont en Ligue 1. Footballistiquement, ça m’a incontestablement rappelé la saison quand j’étais joueur avec Niort, quand on est monté en D1. Tout était clair, tout était limpide. On avait une certaine plénitude dans notre jeu. C’était la saison du Covid, et malheureusement, nos supporters n’ont quasiment pas vu ça, mais au niveau du jeu, on a fait quelque chose de bien.
« J’ai senti que quelque chose m’échappait »
La saison où vous avez pris le moins de plaisir ?
Ma dernière saison sur le banc avec Clermont (2023-2024, descente en Ligue 2). J’avais décidé d’arrêter un an avant, j’avais prévenu mes dirigeants. Donc tout était clair. Mais je n’ai pas du tout aimé ce qui s’est passé à l’intérieur du groupe. Cela a été une saison très difficile, comme je n’en avais jamais vécu. Mes collègues m’avaient souvent dit que c’était difficile de gérer des joueurs, des hommes, mais moi, je n’avais jamais ressenti cette difficulté jusqu’à cette dernière année, où là, je l’ai vécu, et cela a été compliqué à vivre, parce que j’ai senti que quelque chose m’échappait dans la gestion du groupe.
Après coup, n’était-ce pas une erreur d’avoir annoncé avant le début de la saison que c’était votre dernière ? Et ne pensez-vous pas avoir fait l’année de trop ?
La saison de trop, je ne sais pas, mais c’était peut-être une erreur de l’annoncer. Je voulais être honnête avec mes dirigeants, afin qu’ils puissent anticiper la suite. Pour moi, ce n’était pas la saison de trop, on venait de finir 8e de Ligue 1, ce qui est extraordinaire pour nous, quelque chose d’incroyable, on était dans une très bonne dynamique, mais bon, des choses se sont passées…
Aviez-vous un modèle d’entraîneur ?
Patrick Parizon m’a marqué au niveau du jeu, incontestablement, et Carlos Bianchi au niveau de la gestion d’un groupe, du management, et après, j’ai toujours aimé ce que pratiquait Nantes, le jeu de mouvement; quand j’étais petit, je regardais le jeu de Barcelone, de l’Ajax Amsterdam, c’est ce jeu-là qui me plaît et que je voulais transmettre.
« Mon limogeage de Châteauroux m’a blessé »
Pendant votre carrière de coach, aviez-vous d’autres aspirations, comme celles d’entraîner dans un club plus huppé par exemple ?
Pas spécialement. Ce sont les opportunités qui ont fait que. Au départ, à Clermont, j’étais parti pour faire une carrière comme directeur de centre, tout simplement, et ça me plaisait beaucoup. D’ailleurs, j’ai beaucoup hésité à prendre l’équipe première quand Corinne (Diacre) est partie en équipe de France (fin août 2017). D’autant que cela ne s’était pas très bien passé pour moi à Châteauroux peu de temps avant, quand j’avais pris l’équipe en Ligue 2, mais je me suis fait virer (Pascal Gastien avait été nommé entraîneur de La Berrichonne en Ligue 2 en juillet 2014 avant d’être évincé en février 2015). Je fais partie du comité directeur de l’UNECATEF (le syndicat des entraîneurs), on a un MasterClass « Rebondir », on est en plein dedans là ! À Clermont, on a remis en place un centre de formation né d’un projet formidable avec les rugbymen, et je me retrouve du jour au lendemain avec les pros, et ça se passe pas mal : donc le terme « rebondir » est vraiment bien approprié pour les entraîneurs.
Vous avez plus une âme d’entraîneur ou de formateur ?
Une âme de formateur certainement.
Quand on regarde votre CV, on voit que vous avez toujours travaillé…
Oui, mais je suis resté au chômage pendant un an après mon limogeage de Châteauroux. Je suis parti à Clermont en février de l’année suivante (en 2016).
Ce limogeage à Châteauroux, vous l’avez vécu comment ?
Ça m’a blessé. Le club venait d’être repêché en Ligue 2 peu de temps avant le début du championnat. J’ai commencé les entraînements avec 12 joueurs. C’était très-très compliqué. J’estimais, même si on était derniers ou avant-derniers, que l’on était en train de remonter la pente, que notre jeu ressemblait enfin à quelque chose. Et à ce moment-là, pour des raisons qui les regardent, les dirigeants me virent en février. Un moment difficile. En plus, j’avais joué dans ce club, on était monté en D1 (en 1997). Je connaissais beaucoup de monde.
Une rancoeur ?
Envers certains un petit peu.
Êtes vous rancunier en général ?
Non, je ne pense pas, sauf envers quelques personnes. La pire des choses que l’on puisse dire à un entraîneur, c’est qu’on vous vire parce qu’il faut faire plaisir aux supporters, parce que, par rapport à eux, il faut que l’on fasse quelque chose, sans avoir de véritables raisons, si ce n’est les résultats bien sûr, je ne suis pas fou, hein ! Mais c’est la pire chose que j’ai pu entendre, parce qu’on a bossé comme des malades, et c’est ce qu’on m’a dit à Châteauroux : « Je te vire parce qu’il faut faire quelque chose. On a rien à te reprocher. Mais c’est comme ça ». Pour un entraîneur, c’est difficile à vivre.
« Joueur, j’étais râleur, entraîneur, ça n’a pas changé ! »

Un joueur que vous avez entraîné qui vous a marqué ?
J’ai beaucoup aimé entraîner Jimmy Roye (aujourd’hui entraîneur adjoint au Stade Lavallois en Ligue 2). Il réfléchissait sur le jeu, sur le football. Il faisait partie des joueurs qui représentent le jeu que l’on voulait mettre en place, avec Jason Berthomier aussi, qui a fait une saison extraordinaire l’année où on est monté en Ligue 1. Ce ne sont pas des joueurs hypers connus mais ils pensent foot, ils ont un cerveau foot. Après, j’ai entraîné des bons joueurs : lors de la dernière saison, il y avait « Max » Gonalons, il dégage quelque chose de fort.
Entraîneur, le président marquant ?
Cela dépend dans quel sens (rires) ! On va garder le positif : Claude Michy à Clermont. Je souhaite à tous les entraîneurs d’avoir un président comme lui. Même s’il dit qu’il ne connaît pas le foot, il connaît très bien le sport, c’est un ancien sportif, il sait ce que l’on peut ressentir. J’ai passé des années magnifiques avec lui.
Avez-vous eu le temps de nouer des amitiés avec un entraîneur adverse ?
C’est difficile, mais je pense avoir toujours eu des bons rapports avec mes collègues même si parfois j’étais chiant sur le banc de touche, mais de là à nouer une amitié solide, pas spécialement.
Vous étiez « chiant » sur un banc, mais vous l’étiez déjà sur un terrain quand vous étiez joueur…
J’étais râleur, oui, ça n’a pas changé. Compétiteur, mais râleur après les arbitres, mais très rarement après l’entraîneur adverse ou le staff. Parfois, avec les arbitres, je dépassais clairement les bornes, et quand je rentrais chez moi après les matchs, je me disais « Je me prenais pour un fou, ce n’est pas possible ! ». Parce que j’avais toujours ce sentiment d’injustice sur le banc. Quand vous êtes à Niort, Châteauroux ou Clermont, ce n’est pas quand même pas la même chose que quand vous êtes à Marseille, si vous voyez ce que je veux dire. J’ai joué à Niort puis à Marseille, j’ai vu la différence. À Niort, je prenais beaucoup de cartons, à Marseille jamais. Il y a tout un tas de choses quand même… Après, je sais faire mon autocritique : je n’étais pas très fier de ma manière d’être.
« Après Clermont, des clubs pros m’ont appelé »
Depuis votre arrêt à Clermont, avez-vous reçu des propositions pour « replonger » ?
Oui, des clubs pros m’ont appelé après. À Niort, il y a eu ce dépôt de bilan des Chamois (en avril dernier), et des clubs environnants, sachant que j’étais rentré dans la région, m’ont sollicité. J’étais fatigué par ma dernière année à Clermont déjà. Et je pense que je n’étais pas prêt à me lancer dans un projet sans connaître les personnes, en plus, je suis parti de Niort il y a une dizaine d’années, je redécouvre un peu l’environnement.
Qu’est-ce qui vous manque le plus dans le foot ?
La compétition ne me manque pas, les entraînements ne m’ont pas manqué du tout pendant un an, le foot ne m’a pas manqué pendant un, je me contente d’aller voir jouer mon petit-fils et aussi d’aller aux matchs de N2 à Chauray, c’est parfait. Mais là, l’entraînement me manque un petit peu, d’être avec les joueurs, créer des séances, faire des séances… En fait, c’est le jeu qui me manque, pas la compétition.
Qu’est-ce qui ne vous manque pas ?
Je vous l’ai dit, j’ai passé quasiment 40 ou 45 ans dans le foot pro, avec l’impression de n’avoir passé que des bonnes saisons, j’ai fait des rencontres magnifiques, à tous les niveaux, que cela soit des joueurs, des administratifs, des dirigeants, et je n’ai eu que cette dernière année, à Clermont, qui a été difficile. Mais une seule année sur 40 ou 45, c’est pas mal quand même.
« J’ai beaucoup aimé travailler avec mon fils »

En replongeant dans les fiches techniques, on a trouvé trace de quatre matchs avec vous sur le banc et votre fils Johan titulaire dans l’équipe en face… Qu’est-ce qui est le plus difficile : affronter son fils ou l’entraîner ?
J’ai eu très très peu de problème avec lui à l’entraîner. Je ne pense pas lui avoir fait de cadeau, j’ai essayé d’être juste. Les dirigeants de Clermont souhaitaient le faire venir, pas moi. Parce que j’avais peur que cela pose problème. J’ai mis les choses au point avec les autres joueurs, que j’ai rencontrés, en leur disant « Voilà comment on fonctionne (…) à la maison, on ne parle jamais de vous, vous pouvez faire ce que vous voulez, on ne parle jamais du club », je ne voulais pas le mettre en porte-à-faux vis à vis d’eux, et on a toujours fonctionné comme ça, de manière honnête, et si on n’a pas eu de problème, c’est en grande partie grâce à Johann, parce qu’il paraissait être un titulaire indiscutable, et c’est toujours beaucoup plus facile quand c’est comme ça. Mais j’avais des garde-fous dans mon staff, qui étaient capables de me dire « On pense qu’il vaut mieux faire jouer un autre joueur » même si en général, c’était plutôt l’inverse. On est parti sur ce fonctionnement et il a tenu parole par rapport à ses coéquipiers. Tout était clair. Il était hors de question que je lui pose des questions sur « Comment ils vivent ? Comment ça se passe ? Est-ce qu’ils sont sortis ? Est-ce que ceci ? Est-ce que cela ? » Non. Rien. On a toujours avancé ensemble comme ça. J’ai beaucoup aimé travailler avec Johan, il nous a beaucoup apportés et finalement cela n’a pas été une mauvaise idée de le faire venir à Clermont ! C’était l’idée de Philippe Vaugeois, qui recrutait pour nous et qui a été très bon pendant toutes ces années, il ne faut pas l’oublier, il a été l’un de des facteurs très importants de notre réussite. Mais quand j’ai joué contre lui, honnêtement, je n’en tenais pas particulièrement compte. J’étais focus sur mon équipe. On a, tous les deux, bien géré la situation. C’est peut-être un regret d’ailleurs sur ma dernière saison, parce que s’il m’avait dit certaines choses, cela aurait évité bien des problèmes à mon avis, mais c’est tout à son honneur. On en a parlé, mais après, et j’ai su un petit peu tard ce qui se passait à l’intérieur du groupe la dernière année. Mais trop tard.
Vous allez voir des matchs dans votre région ?
Nantes et Angers, c’est un peu loin. Je vais voir quasiment tous les matchs de Chauray à domicile en N2, et les matchs de mon petit-fils. Je ne suis pas encore allé voir le nouveau club, Chamois Niortais Saint-Flô, en R2, mais j’y vais samedi, parce qu’il y a la présentation d’un livre sur les chamois Niortais. En plus, ils jouent contre le club dans lequel j’ai débuté comme éducateur, Saint-Liguaire. J’y ai entraîné les U18 dans le cadre du passage des mes diplômes, et j’y avais fini ma carrière de joueur en DH. C’était ma première expérience comme entraîneur. Récemment, je suis allé voir le match délocalisé à René-Gaillard entre Chauray et les Girondins de Bordeaux, en National 2. C’était un moment particulier. Il y avait entre 5 et 6000 personnes. J’ai vu des anciens joueurs que j’avais eus au centre de formation de Niort. Il y avait un peu de nostalgie, forcément, mais ça montre aussi qu’il y a un potentiel à Niort, où les gens aiment le foot.
« René-Gaillard, Gabriel Montpied… Les deux stades les plus… »
Vous êtes sur la couverture du livre consacré aux Chamois !
Il y a même deux livres qui sont sortis ! Ce vendredi, à la mairie de Niort, un autre livre est présenté, il y aura Patrick Parizon, Philippe Hinschberger (Ndlr : une séance de dédicaces aura lieu en présence des auteurs du livre paru en octobre dernier « Chamois Niortais – un siècle d’histoire », en présence des auteurs Bruno Ahime et Christian Bonnin; un autre ouvrage a été consacré au Chamois Niortais, paru également en octobre dernier, écrit par le journaliste Emmanuel Roux et le supporter Fabrice Liaigre), et samedi, au match, il y aura d’anciens joueurs, comme Jean-Paul Ribreau, Jacky Belabde et d’autres peut-être, on va se revoir, ça va être sympa !
Comment occupez-vous votre temps ?
J’ai arrêté pour ma famille. Mon père est décédé. Ma mère est à l’Ehpad et ce sont mes deux soeurs qui se sont occupées d’elle, donc je pense que c’est à moi de prendre ma part, et ça me fait plaisir d’être avec ma mère. Mes beaux-parents vieillissent aussi. Ce sont des facteurs qui ont fait que j’ai pris la décision d’arrêter.
Pour finir : le stade René-Gaillard ou le stade Gabriel-Montpied ?
Récemment, j’étais à Clermont, on parlait des stades de foot, et je disais aux gens que ces deux stades, René-Gaillard et Gabriel-Montpied, étaient les deux plus pourris de Ligue 2 ! Donc voilà ma réponse ! Bon, à Clermont, avec les travaux, ça va ressembler à quelque chose, mais avant d’avoir cette nouvelle tribune, c’était quand même triste. Quant au stade René-Gaillard, je pense que, dans mes cartons, j’ai des projets de plans de nouveau stade à Niort qui datent d’il y a 15 ou 20 ans ! Je me demande même si ce n’est pas moi qui ai encore la maquette !



- Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
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