Le président du FC Fleury 91 (National 2 et D1 Arkema) évoque les projets du club de l’Essonne qu’il dirige depuis 35 ans et qui est aux portes du National après être parti de la 4e division de District ! Surtout, il livre sa vision du football et donne des axes de développement.
L’événement est suffisamment rare pour être signalé. Samedi 29 avril dernier, on joue la 26e journée de National 2, dans la poule B. Dans cinq matchs, la saison sera terminée. Les trois premiers du classement, qui se tiennent dans un mouchoir de poche et passent leur temps à se « chiper » le fauteuil de leader, vont chacun s’incliner ! Epinal à domicile face à la réserve de Reims (0-4). Bobigny (FC 93) à Saint-Maur-Lusitanos (4-1) et le FC Fleury 91 à Besançon (1-0). Une première dans cette saison où l’on attendait également Créteil à la fête mais les « Béliers » ont lâché prise assez tôt. Si bien que la lutte pour l’unique accessit en National se résume à un mano a mano entre Fleury, Bobigny et Epinal.
2 points d’avance à 3 journées de la fin
A trois journées de la fin, ce sont les joueurs de l’Essonne qui sont les mieux placés, avec 2 points d’avance sur le FC 93 (Bobigny-Bagnolet-Gagny) et 3 sur les Vosgiens. Quid du classement final, le 3 juin ? Bien malin qui peut le dire.
Devancés d’un tout petit point la saison passée après un exercice pourtant remarquable (20 victoires, 5 nuls et 5 défaites, 65 points), les joueurs de l’emblématique président Pascal Bovis n’avaient cependant pu empêcher Paris 13 Atletico d’accéder en National (66 points, 20v-6n-4d).
Une fois la déception évacuée, le FC Fleury 91 Essonne s’est remis dans le bain : cette fois, malgré deux défaites au mois d’avril (à Saint-Quentin et à Besançon), les « Rouge et noir » ont toujours leur destin en mains : « Que les trois premiers aient perdu en même temps, cela ne me surprend pas, commente le président, à la tête du club depuis 1987; Les équipes se tiennent. Regardez, dans notre poule, du 6e au 14e , il y a très peu d’écart (5 points). Tous les matchs sont « à la vie à la mort », ce sont comme des matchs de coupe où ça se joue à rien, et ça va être comme ça jusqu’en fin de saison. Il ne reste plus que 3 matchs, ça peut basculer, on le sait. »
« Il doit y avoir un vrai travail de fond »
Pragmatique, Pascal Bovis ? Plutôt, oui. Et si l’accession venait à nouveau à lui échapper, il prendrait la chose avec philosophie. Son argumentation est béton : « Si on ne monte pas cette saison ? Non, ce ne serait pas une déception, poursuit celui qui est issu du milieu de la natation et plus particulièrement du water-polo; Bon, au départ, quand on prend la présidence d’un club, on est comme tout le monde, on est en quête d’absolu. C’est vrai qu’au début, je voulais gagner, je m’arrachais les cheveux, mais finalement, je crois qu’il ne faut pas chercher cette quête, ni celle du résultat, mais une quête de fond. C’est ce que on « met dedans » qui compte. Si on monte « à l’arrache » comme certains clubs le font, ça ne sert à rien. Il doit y avoir un vrai travail de fond. Il faut bien sûr être des compétiteurs, mais pour moi, la montée en National, c’est juste la cerise sur le gâteau. Elle ne sert à rien si on n’a pas fait le gâteau avant. Il faut avoir des principes. Après, ça viendra tout seul. Et si ça vient pas là, ça viendra à un autre moment. On a un très bon état d’esprit dans l’équipe, y’a un fonds de jeu, y’a une bonne ambiance et une âme dans le club : je préfère avoir une équipe avec une âme en N2 que sans âme à l’étage supérieur avec des mercenaires. On sait qu’à Fleury, on a des valeurs. Ici, les gens prennent du plaisir et sont là pour longtemps. C’est important. Vous savez, en N2, on est déjà à un très haut niveau. Si on le franchit le cap, tant mieux, et ensuite, à nous de nous inscrire dans la durée. Et là, il n’y a pas d’école : regardez cette saison, Martigues a peu recruté et figure en tête en National; d’autres ont recruté et font aussi une belle saison, d’autres non. Il n’y a ni règle, ni vérité. »
Structures, infrastructures et sportif
Le message est clair. Et pondéré. Pascal Bovis n’entend pas accéder en National juste pour y accéder, façon de parler. Le plus important, ce sont les fondations.
Il répète inlassablement le même triptyque : structures, infrastructures et sportif. Les trois volets indissociables d’une éventuelle promotion. « Fleury n’est ni une mégalopole ni une grosse ville, il n’y a que 10 000 habitants. Alors en matière d’infrastructures, on fait avec ce qu’on a. On se débrouille. On y arrive. Et on essaie toujours d’améliorer les choses. Surtout, on n’a jamais mis le toit ni la charpente avant les fondations ou les murs. C’est pour ça qu’on n’est pas pressé de monter. Il faut structurer le club pour que, le jour où on monte en National, on ne redescende pas. Il ne faut pas précipiter les choses. Beaucoup sont montés et redescendus. Il faut être très vigilant là-dessus. »
Le PDG du groupe Bovis, une boîte familiale spécialisée dans les transferts et déménagements industriels ainsi que la manutention lourde, fondée par son papa en 1977, et dont il a pris la succession en 1988, à l’âge de 26 ans seulement (il en a 61 aujourd’hui), fait preuve d’un discours à la fois ambitieux et réaliste.
Il sait la difficulté de ce championnat National. « Il est très dur et l’année prochaine, il sera encore plus dur, ce sera quasiment une Ligue 2 bis… Quand vous voyez que Nancy lutte pour ne pas descendre avec un budget énorme comparé à d’autres clubs… Il faut avoir conscience de ça. Récemment, je suis allé voir Orléans contre Bourg-en-Bresse, je suis allé voir Paris 13 Atlético aussi, parce que c’est important de se rendre compte des niveaux de structures et d’infrastructures, du niveau sportif. Mais bon, pour l’instant, on est en National 2… Il faut déjà que l’on monte. »
« Une réforme intéressante si le National passe pro »
S’il qualifie le National et le National 2 de « durs », ce n’est pas seulement en raison du niveau sportif. C’est aussi pour la nouvelle réforme qui fait tant parler. Et sur le sujet, il a un avis tranché : « Cette réforme est assez nécessaire en National 3 parce qu’il ne fallait pas que ce championnat devienne une super DH. En revanche, elle est assez sévère pour le N2. Que l’on resserre l’élite, pourquoi pas à partir du moment où les clubs y trouvent des intérêts économiques et sportifs, et à partir du moment où le National passe pro et devient rattaché à la LFP. J’attends de voir. Mais si ce n’est pas le cas, alors ce serait mieux d’avoir une pyramide avec 8 poules de N3, 4 poules de N2 et deux poules de National : le 8-4-2, ça me paraît plus équilibré. Parce que cette réforme va faire des malheureux. Il y a quand même 1300 contrats fédéraux et avec les staffs ça fait entre 1500 et 1800 emplois directs… Il ne faut pas que cette restructuration limite les emplois directs, idem pour les arbitres, il y aura des matchs en moins à arbitrer. Je le répète, la réforme peut être intéressante à condition que le National passe pro, sinon je n’y vois pas un grand intérêt. »
Et quand on lui rétorque que le 8-4-2 existait déjà il y a 30 ans au début du National et que la création de la Ligue 3 est loin d’être acquise, voilà sa réponse : « Pour la Ligue 3, comptez sur moi pour revenir à la charge si le National ne passe pas pro ! Quant au 8-4-2, parfois, certaines choses étaient mieux avant (rires) : ce que faisaient les anciens n’étaient pas dénués de bons sens, dans le sport comme dans d’autres domaines, comme la construction. Mais bon, cette évolution des championnats nationaux, c’est fait c’est fait ! »
« Tout est prêt en cas d’accession »
Pour le chef d’entreprise et mécène du club, tout est prêt en cas d’accession. Mais il refuse toujours de mettre la charrue avant les boeufs. De s’enflammer. « Le club est bien armé si jamais on monte. Tout est carré, que ce soit les structures, les infrastructures et le sportif, on est prêt. On a deux stades homologués pour le National (le complexe Gentelet et le stade Bobin à Bondoufle). Le National, ce serait un beau challenge, mais ça l’est déjà en National 2. On verra ce qui se passe. Bien sûr que c’est excitant d’aller jouer dans des beaux stades, au Mans, à Châteauroux, à Orléans, à Sedan, sur des pelouses impeccables, dans une compétition beaucoup plus intense, beaucoup plus intéressante. On va essayer d y aller, on verra. »
S’il se veut prudent, c’est aussi parce qu’il a encore en mémoire l’exercice précédent, bien sûr, et parce qu’il mesure le chemin parcouru de son club, depuis qu’il en a pris la présidence, il y a 35 ans. Et c’est vrai que le club, fondé en 1970, devenu le FC Fleury 91 en 2015 (en remplacement de US Fleury-Mérogis), est passé de la 4e division de District au National 2, et de 5 à 50 équipes ! Et grâce à son équipe féminine de Division 1 Arkema, il a su placer Fleury sur la carte de France et faire (presque) oublier sa célèbre prison !
Mieux encore, l’équipe entraînée par Fabrice Abriel, l’ancien joueur du PSG, de l’OM et de Nice – notamment – s’est rapprochée des deux ogres que sont PSG et Lyon, avec une 4e place au classement (3e la semaine dernière avant la défaite face à Montpellier) et, peut-être, une participation à la Ligue des Champions à venir…
Un dirigeant très engagé
Surtout, ce sont les grands projets et les grandes idées qui animent ce dirigeant, également porte-parole des clubs de D1 et D2 à la commission du football féminin, présidée par Jean-Michel Aulas, et représentant des clubs nationaux à la Ligue de Paris/Ile de France : « En ce qui concerne mon rôle à La Ligue de Paris IDF… J’ai droit à un joker ? Je ne suis plus vraiment invité aux réunions depuis que j’ai dit ce que je pensais au président… Mais ce n’est pas un souci. Je travaille comme représentant des clubs nationaux avec la FFF, mais au niveau de la Ligue, non, je n’ai pas d impact. En revanche, à la commission du football féminin, mon engagement est concret. Il y a 10 membres. Je représente les clubs « dits » amateurs mais en fait, on travaille tous ensemble, on essaie de faire avancer le foot féminin. Mais là, au moins, je peux m’exprimer clairement et directement. Je pense c’est nécessaire. Plus généralement, il faut qu’il y ait des présidents de clubs dans les instances du football, parce qu’aujourd’hui, les instances sont très institutionnalisées, avec des représentants de « ceci » ou de « cela ». Il y a beaucoup de gens mais peut-être pas assez de personnes qui sont confrontées à la réalité du terrain, à la réalité de la vie d’un club au quotidien, or ça me semble important, car on amène des idées et on soulève les problèmes concrets. Il faut que la Fédération Française de football soit connectée au terrain et pour ça, il n’y a rien de mieux que les présidents qui vivent ça au quotidien. Attention, je dis ça, mais à la commission du football féminin, on est écouté, c’est un vrai travail d’équipe. Elle a une grande expérience et puis Jean-Michel Aulas, son président, nous fait aussi bénéficier de la sienne. Depuis 5 ou 6 ans, on a fait un pas de géant, il y a eu de grosses avancées, il faut continuer. »
« Il faut travailler les uns pour les autres »
Titulaire d’une maîtrise d’anthropologie (étude de l’être humain sur tous les aspects), Pascal Bovis, très attaché à l’océan indien et à « son » île, Madagascar, a pris une décision importante le mois dernier : il a élargi les fonctions de Fabrice Abriel, promu « directeur du football », et a confié la direction technique du club à Christophe Horta, ancien manager général des équipes de France militaires. « Je pense que Fabrice (Abriel) peut nous apporter encore plus que ce qu’il nous apporte déjà, explique Pascal Bovis; c’est pour ça qu’on l’a nommé à ce poste-là. C’est un travail de tous les jours, tourné à 80 ou 90 % vers les féminines, mais on a le projet de centre de formation, donc avec lui, on va gagner du temps, parce que je pense qu’il sait bien ce que c’est. Il sait ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire. Fabrice a aussi une activité support-conseil au niveau du National car là on a des gens qui n’ont pas encore une grande expérience. Par exemple, je suis très content de ce que fait l’entraîneur, Habib Boumezoued, ça fait longtemps qu’il est au club, il a déjà entraîné les jeunes, les filles, et il a une marge de progression… On a tous une marge de progression. Il faut travailler les uns pour les autres. »
Formation oui, vedettariat non
En évoquant le centre de formation, Pascal Bovis pose là l’un des axes de développement des prochaines années de son club, dont il a une vision bien précise : « Si j’avais un modèle de club a suivre, ce serait un club qui se sert de son centre de formation et où il n’y a pas de vedettes. Ce serait un club où c’est d’abord le sportif qui prime avant l’économie, même si cette dernière reste importante. Ce que je veux dire, c’est que cela ne m’intéresse pas de prendre un joueur qui va vous faire vendre des maillots. Moi, je préfère le foot-spectacle, avec des joueurs qui nous apportent quelque chose au niveau de la mentalité et du jeu. Le sport, ça doit être notre moteur. L’économie doit être notre gouvernail, mais pas la finalité, juste un outil, même s’il ne faut pas faire n’importe quoi. Or il y a beaucoup de clubs qui font l’inverse et ça dénature le sport. Le foot, c’est avoir la meilleure équipe possible et les meilleurs résultats sportifs possibles, avec la contrainte budgétaire que vous avez, faire vibrer les spectateurs. C’est un spectacle. On n’est pas là pour faire du business même si on doit avoir des compte fiables, solides. On n’est pas là pour acheter un joueur et faire notre plus-value, même si à un moment donné cela peut arriver, mais ce n’est pas du tout le but de départ. » Et d’avouer : « Jaime beaucoup Auxerre ».
La vision du football de ce fan de l’OGC Nice se décline d’ailleurs dans son projet club. « Oui, j’aime bien Nice, ce n’est pas loin de la région de ma famille, à Châteauneuf-de-Grasse ! D’ailleurs, quand j’ai pris la présidence de Fleury, on jouait un peu dans les couleurs du FC Rouen, hauts rouges avec shorts blancs et chaussettes rouges, j’ai fait évoluer les couleurs, on est passé en Rouge et noir, comme Nice, même si on joue plutôt en blanc. »
« Il ne peut pas y avoir deux familles et un seul monde »
Ce projet-club, il le détaille : « Fédérer beaucoup plus le département de l’Essonne autour de deux locomotives, la D1F et le N2M. Il faut créer notre centre de formation mixte. Ensuite, travailler, franchir encore un cap sportivement, que cela soit avec les filles ou avec les garçons et travailler avec la FFF afin que la formation effectuée par les clubs amateurs soit reconnue et valorisée au niveau national alors qu’elle est reconnue à l’international, et ça, ce n’est pas normal. Les droits à la formation (de 12 à 23 ans) n’ont pas été revus depuis 1984. C’est un souci. Parce que 5000 euros, c’est rien. Les gamins ne se forment pas tout seul… Pendant que des millions d’euros sont brassés à côté, nous, les amateurs, on ne touche presque rien alors qu on a formé les minots, que du travail a été effectué en amont. La formation, c’est le poumon des clubs. Si on veut continuer à effectuer ce travail, il faut qu’on incite les clubs à améliorer leur formation, car c’est bon tout le monde : c’est bon pour la sélection nationale, pour les clubs pros et ça sera bon pour les clubs amateurs à condition que l’argent soit mieux réparti. Il ne peut pas y avoir deux familles et un seul monde. On a l’impression, sur ces thèmes de fond, qu’on ne prend pas suffisamment conscience de tout cela. D’ailleurs, en National 2, comme en National, on est sur la même ligne de fracture entre le monde amateur et le monde pro. »
« Je suis là pour donner un sens, une direction »
Autre axe de développement : la dépendance financière. Pascal Bovis est un mécène mais aussi un passionné, « Heureusement, sinon… mais ce n’est pas facile ! On connaît bien les championnats de District pour y avoir joué, les championnats régionaux, on a des gens qui sont là depuis très longtemps au club, on essaie de faire en sorte que le club soit moi dépendant par rapport à cela… cela fait aussi partie des objectifs du club. »
Passionné, donc, et très occupé, forcément aussi. Gérer une entreprise de 1400 salariés et diriger un des plus grands clubs français en termes de licenciés ne sont pas des choses simples : « Avoir des journées chargées comme les miennes, c’est la seule solution pour avancer ! Après, que ce soit dans mon entreprise ou dans le club, on est bien structuré. Je n’ai pas besoin d’être tous les jours au club même si j’ai des contacts au quotidien, même si je prends des décisions chaque jour. Le but, c’est que ces structures ne dépendent pas que d’un homme. Moi, je suis là pour donner un sens. Une direction. Mais c’est un travail commun. »
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Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot et @BOYERANTHONY06
Photos : FC Fleury 91
Photo de couverture : Philippe Le Brech