L’ex-entraîneur de Châteauroux et Sedan, qui veut se débarrasser de son étiquette de « sauveur », retrace sa carrière et ses expériences, et évoque aussi son attachement à Grenoble, sa ville, et au GF38, son club.
Par Augustin Thiéfaine / Photo Philippe Le Brech
Jeune grand-père de 53 ans, Olivier Saragaglia s’est prêté au jeu de l’interview le jour de la naissance de sa petite-fille, sans langue de bois, sans filtre. L’une des plus belles journée de sa vie pendant laquelle l’ancien entraîneur de Grenoble, Sedan et Châteauroux notamment, est revenu sur sa rocambolesque carrière professionnelle, bouleversée par des parcours plus mais surtout moins heureux. Des épisodes qui ont forgé le destin d’un entraîneur se muant régulièrement en pompier de service. Un rôle qu’il ne veut plus connaître aujourd’hui.
Ce sont pourtant des trajectoires qui ont permis le développement d’un entraîneur empathique, proche de ses joueurs et qui se débrouille toujours pour obtenir des résultats même dans des situations où il n’a aucun moyen, parfois même aucun joueur !
Acteur de la reconstruction à Grenoble
Acteur de la reconstruction du Grenoble Foot 38, sauveur du statut professionnel de La Berrichonne de Châteauroux, il fût aussi à deux doigts de radicalement changer le quasi-funèbre destin de Sedan avant que le club ne prenne le triste chemin du championnat de Régional 3, en 2023.
Stratège et tacticien, il a tout connu à tous les niveaux. Du CFA 2 (National 3 aujourd’hui) à la Ligue 2, cet ancien défenseur de Grenoble, Châteauroux et du Red Star, s’est révélé, forgé au fil de ses aventures.
Libre de tout contrat aujourd’hui, il est dans l’attente de nouvelles épopées, de projets plus sains et dans lesquels il pourrait s’épanouir et exprimer son plein potentiel sans galère. Rencontre avec un coach qui aime le football pour le meilleur et pour le pire.
Interview
« Je ne vis pas avec les regrets »
Olivier, pour évoquer votre parcours, il faut revenir quelques années en arrière. Chronologiquement, c’est toujours à Grenoble que tout a commencé. Une ville particulière pour vous. Le GF38 a beaucoup compté et vous a aussi révélé : quel regard portez-vous sur le club aujourd’hui ?
J’ai un lien particulier avec Grenoble déjà parce-que j’y suis né. Au niveau footballistique, j’y ai fait mon parcours en centre de formation. J’y ai joué en professionnel et c’est là où j’ai fait mes débuts en tant qu’entraîneur. En tout, ça représente plus de 30 ans de ma vie. Forcément, ça créé un lien fort et puis c’est ma ville, c’est vrai qu’elle ne bénéficie pas d’une bonne réputation, comme Marseille par exemple. Mais comme les Marseillais, les Grenoblois sont heureux dans leur ville. Il y fait assez bon vivre en-dehors de la criminalité.
J’y ai tout connu : les joies de la Ligue 1, de formidables années que ce soit chez les pros ou à la formation, jusqu’à la descente aux enfers (Ndlr : le GF 38 avait déposé le bilan en 2010, chutant de la Ligue 1 au CFA2). Une période où j’ai été à la base de la reconstruction puisque c’est moi qui ai repris les rênes du sportif quand on est reparti en CFA2 (National 3).
Aujourd’hui c’est toujours un club qui continue de se reconstruire, il manque quand même des infrastructures pour envisager plus que la Ligue 2. Il n’y a plus de centre de formation agrée et le centre d’entraînement a beau être amélioré, c’est insuffisant. L’étape suivante de leur projet avant d’envisager la Ligue 1 serait le centre de formation. En jeunes, il n’y a que les U17 qui sont en Nationaux et ils ne sont montés que cette année, et la réserve est en Régional 1.
En tout cas, aujourd’hui c’est un club qui est sain financièrement, ce qui n’était pas le cas dans mes années grenobloises. Chaque année, le « GF » passe sans encombre à la DNCG. J’espère qu’ils ont tiré des enseignements de tout ce qu’il s’est passé et qu’on ne verra plus ce genre de situations car j’ai connu ça aussi avant en tant que joueur (rétrogradation à l’issue de la saison 1992-1993) et en tant qu’entraîneur. C’est un club qui a connu beaucoup de difficultés financières. Depuis la remontée, c’est super bien géré.
Pouvez-vous nous revenir sur vos souvenirs de joueur à Grenoble ?
Mes années en tant que joueur (1988-1993) ont été extraordinaires. C’était le tout début des centres de formation, donc ce n’était pas structuré comme ça l’est aujourd’hui. On était une quinzaine de joueurs sous contrats et le vendredi on était répartis dans les catégories où on jouait. Mais les quinze, on s’entraînait ensemble au quotidien. Par exemple, j’ai eu la chance de jouer avec Youri Djorkaeff.
Vous avez signé votre premier contrat pro à Grenoble…
Signer pro dans sa ville, c’était quelque chose qui représentait beaucoup pour moi. Après ma carrière, je bascule dans le métier d’entraîneur, j’ai été responsable de la préformation pendant trois saisons puis j’ai entraîné les 16 ans nationaux pendant trois saisons aussi.
Ma dernière aventure au centre, cela a été trois ans avec l’équipe réserve. En tout, cela représente neuf années passées au centre. On n’avait peu de moyens mais on bossait super bien avec des personnalités très compétentes comme Bernard Blaquart (ancien entraîneur de Nîmes notamment entre 2015 et 2020) qui était directeur du centre, il y avait Patrick Cordoba, Arnaud Genty (ancien gardien de but du club et actuel entraîneur des gardiens du GF38), Michaël Diaferia (actuel préparateur physique du GF38) et on a formé de supers joueurs. On alimentait chaque année l’équipe première avec des garçons d’un très très bon niveau.
« J’allais faire le commercial »
Grenoble ne s’est pas reconstruit en un jour, quel rôle avez-vous joué ? C’est, en fait, le véritable point de départ de votre carrière d’entraîneur principal.
On savait qu’on aurait les moyens de basculer du CFA 2 (N3) au CFA (N2) dès la première année. On avait pris le temps de reconstruire une équipe avec une base de Grenoblois, de joueurs issus du centre de formation qui n’ont pas voulu partir après le dépôt de bilan, il y avait Manu Pérez, Brice Maubleu (gardien et capitaine du GF38 aujourd’hui), Selim Bengriba (capitaine à l’époque), Hugo Cianci, que des joueurs qui ont fait une carrière ensuite. Ça a été plus compliqué pour retourner en National, cela demandait plus de moyens et des moyens, on n’en avait pas.
Finalement, on loupe la montée deux fois (en 2013, 3e derrière Strasbourg et en 2015, 2e derrière Béziers). Une première fois alors qu’on était en tête à trois journées de la fin et on nous a retiré quatre points sur tapis vert juste avant de recevoir Strasbourg ! La deuxième fois on termine à un point de Béziers (en 2014, le GF38 avait aussi fini 3e derrière Marseille-Consolat et Rodez). Ça été des belles saisons où on avait même sorti l’OM en 32e de finale de Coupe de France, c’était frustrant parce qu’on méritait de monter (Ndlr, en 2015-2016, avec Jean-Louis Garcia sur le banc, le GF38 finira une fois encore 2e derrière Lyon-Duchère, avant de monter en 2017 !).
C’est à partir de là que j’ai décidé d’arrêter avec le GF38, parce que je voulais voir autre chose. Honnêtement, c’était fatigant parce que l’année où j’ai repris, j’étais seul avec mon staff (Arnaud Genty et Michaël Diaferia). A côté, il n’y avait plus d’entraîneur chez les jeunes, il n’y avait plus de joueurs, c’était compliqué. Il manquait de tout. Les salariés étaient partis, il n’y avait plus rien. J’avais même plusieurs casquettes à ce moment là, j’allais faire le commercial, j’essayais d’aller chercher de l’argent, je négociais avec les politiques pour qu’ils nous aident. C’était tout sauf simple mais on y arrivait quand même.
Au dernier match de la saison 2014-15, ça a forcément été douloureux d’apprendre le résultat de Béziers et tout de suite à l’issue de notre match, j’ai annoncé aux dirigeants que je ne repartirais pas la saison suivante. J’avais besoin de souffler et malgré les fabuleux moments, c’était des années éprouvantes.
Vous arrivez ensuite pour la première fois en tant qu’entraîneur à Châteauroux, approchez la Ligue 2 aussi. C’est un club dans lequel vous avez réussi lors de votre premier passage !
On était en National et le club avait l’obligation de monter en Ligue 2 pour ne pas perdre son statut professionnel. A ce moment là, je n’avais pas le diplôme pour entraîner les professionnels donc j’étais arrivé en qualité d’adjoint. A sept journées de la fin on était 7es. Dos au mur, les dirigeants décident de se séparer de l’entraîneur principal (Michel Estevan) et me donnent l’équipe pour tenter de remonter. On fait une série incroyable avec sept victoires ! On finit premiers et champion (2016-2017). Mission accomplie, mais je redeviens adjoint la saison suivante parce-que je n’avais toujours pas les diplômes et j’assiste Jean-Luc Vasseur puis Nicolas Usaï (quatre saisons au total). Avec Vasseur, ça c’était plus ou moins bien passé, il revenait d’un échec à Reims où il s’était fait un peu savonner la planche par son adjoint donc il ne me faisait pas trop confiance. En plus, vu que j’avais fait la montée, il me craignait un peu. A tort, parce-que je ne suis pas ce style d’entraîneur.
« On nous a convoqués un 1er janvier pour nous licencier … »
Avec Nicolas Usaï, vous avez a contrario vécu un magnifique chapitre. C’est une personne avec qui vous restez encore lié aujourd’hui ?
Nicolas Usaï, c’est quelqu’un avec qui j’ai gardé des liens très forts. C’est devenu un ami. Déjà, c’est un très bon entraîneur mais aussi une personne extraordinaire. J’aime avoir beaucoup d’autonomie dans mon travail et avec lui c’était un pur binôme, il m’a tout de suite mis à l’aise en m’expliquant qu’il voulait qu’on fonctionne ensemble. La cohésion, ce n’est pas un gage de réussite, mais c’est essentiel pour l’obtenir. On parle souvent de la cohésion de l’équipe, mais celle du staff est tout aussi importante. Avec un bon état d’esprit, forcément, on a plus de chances d’avoir des résultats positifs et avec Nico c’était le cas.
Ça a été deux années très fortes. Avec très peu de moyens on arrivait à maintenir l’équipe, on fonctionnait bien et les joueurs le ressentaient. J’ai travaillé dans son sens, on avait le même discours et il me laissait de temps en temps faire les causeries d’avant match. Alors qu’on était 12es avec trois points d’avance sur le premier relégable, les Saoudiens ont investi dans le club et sont arrivés, ils ont changé tout le staff. Ils nous ont convoqué un 1er janvier pour nous licencier. A la fin de la saison ils ont fini bon dernier en ne remportant plus qu’un seul match. Ils ont vraiment fait un bon choix…
Que pensez-vous de l’omniprésence des fonds d’investissements dans le football moderne ? Ils sont devenus les lignes de vie et de mort de clubs d’un sport, qui, à la base, est populaire…
Ça peut fonctionner parce qu’on a besoin de fonds. Aujourd’hui, on le voit, les clubs sont en difficulté donc ils ont besoin d’argent pour vivre et pour exister : c’est le nerf de la guerre. Si un fond d’investissement arrive, comme avec les Saoudiens à Châteauroux et qu’ils mettent les bonnes personnes pour gérer, ça peut fonctionner. Le problème, c’est que dans cet exemple, ils n’ont pas spécialement mis les bonnes personnes aux postes à responsabilités. Ça avait été aussi le cas à Grenoble avec les Japonais. Ils sont arrivés, ils ont mis beaucoup d’argent, ça a permis de construire un stade, de monter en Ligue 1, mais à un moment donné, ils se sont trompés sur leurs choix de personnalités pour gérer l’aspect sportif. S’ils ne mettent pas des gens compétents sur le sportif, ils le paient cash. Je ne suis pas contre l’arrivée de fonds étrangers, c’est eux qui nous font vivre dans beaucoup de clubs mais il faut juste mettre les bonnes personnes aux bonnes places.
Ressentez-vous des regrets ou une forme de mépris envers le choix des Saoudiens de tout bouleverser à Châteauroux ?
Je ne vis pas avec les regrets. C’est l’un de mes traits de caractères, je ne regarde jamais derrière. Je me sers de ces expériences pour évoluer, pour progresser parce qu’on apprend toujours des bonnes comme des mauvaises situations, mais pas de regrets. Je crois au karma, et les choses se passent comme elles devaient se passer. Ça m’a permis de signer à Sedan. Je pars le 1er janvier de Châteauroux et je signe le 25 janvier ans les Ardennes. Le président de l’époque, Marc Dubois, avait fait le maximum pour que je sois intégré à la formation BEPF, ce que n’avait pas fait les dirigeants de Châteauroux avant. Cela m’a permis d’avoir mon diplôme et aujourd’hui de pouvoir entraîner. C’était donc un mal pour un bien, j’ai vécu à Sedan des années extraordinaires ensuite.
« On aurait pu sauver Sedan »
Justement vous avez passé presque deux saisons sur le banc du CS Sedan Ardennes, en National, avant de connaître le traumatisme de la relégation administrative à l’été 2023. Pouvez-vous revenir sur ces années ?
En tant qu’entraîneur d’une équipe première, c’est honnêtement les plus belles années que j’ai passées. C’est un club qui compte beaucoup dans sa région, il n’y a qu’à voir la saison passée en Régional 3, il y avait plus de 2 000 personnes au stade, c’est juste incroyable !
Il y avait tout pour réussir et construire quelque chose de bien là-bas. J’ai rencontré un club avec des supporters passionnés, qui suivent leur club, qui n’ont pas beaucoup de moyens : il faut savoir qu’il y a un taux de chômage énorme à Sedan et pourtant ils font l’effort de prendre des abonnements chaque année. Nous aussi, on avait peu de moyens en interne et pourtant on a fait deux très belles saisons en National (NDLR : Sedan termine deux fois 6e du championnat).
On parlait de regrets avant, ça aurait pu continuer à Sedan et on savait qu’il nous fallait deux ou trois joueurs supplémentaires pour pouvoir accéder à la Ligue 2. Je pense sincèrement qu’on aurait pu le faire, on était sur une super-dynamique avec un groupe intéressant, une ville et une région derrière nous. Il y a un réel engouement derrière ce club. C’est une ville qui mérite d’avoir au moins la Ligue 2, ne serait-ce que pour les structures. Il y a un super centre d’entraînement notamment. Ils ont tout. Même si ça méritait un coup de rafraîchissement et quelques modifications, la base était là et le stade était super aussi.
Il y a l’histoire du club avec cinq finales de Coupe de France et deux succès, quinze ans en Ligue 1, c’est vraiment un club qui compte dans le football français. En étant là-bas, on s’aperçoit que dans des petites villes comme celle-là, où il n’y a pas forcément une grosse marge financière derrière, s’il n’y a pas d’investisseurs extérieurs qui arrivent, c’est compliqué de survivre. L’argent est réellement le nerf de la guerre. Sans argent, et même s’il y a un passé, c’est la catastrophe. Même s’ils sont montés en R2 cette saison, il a quand même fallu repartir depuis le Régional 3… On a vu Sochaux qui s’en est sorti grâce au retour de Jean-Claude Plessis, à un ministre qui est intervenu; Sedan est une zone un peu plus sinistrée, c’est 15 000 habitants et un taux de chômage très élevé avec très peu d’entreprises dans les Ardennes. Sochaux l’a échappé belle. Aujourd’hui c’est Bordeaux. On en revient aux soucis de gestion. Les moyens, ils les avaient et au final, Sedan, pour 2 millions d’euros de déficit, a dû déposer le bilan alors que d’autres clubs étaient ou sont dans le rouge pour plusieurs dizaines de millions d’euros. On aurait pu sauver Sedan, mais apparemment ça n’intéressait pas grand monde de venir s’installer dans les Ardennes.
On n’aurait donc pas laissé sa chance à Sedan ?
Je pense que la chance qui a été laissée à Nancy et Sochaux l’année dernière, on ne l’a effectivement pas laissée à Sedan. Tout s’est passé très très vite. En une semaine, quinze jours maximum, on nous avait rétrogradé en National 3. On ne nous a pas laissé le temps de trouver les moyens de nous en sortir. Je n’ai aucune idée de ce qui explique la rétrogradation en Régional 3. Je pensais qu’ils repartiraient au moins au niveau de la réserve, c’est à dire en R1. Je ne connais pas le dossier complet mais la décision de la Régional 3 a été très sévère.
« À Châteauroux, ils m’ont savonné la planche »
Après cet épisode, vous retournez à La Berrichonne la saison dernière, cette fois en tant qu’entraîneur principal …
Retourner à Châteauroux, ça a été le choix du coeur. Honnêtement, je ne sentais pas les choses, je savais que ce serait compliqué mais Monsieur Denisot (Michel Denisot, l’ancien président) a su me convaincre. Avec le recul, je me dis à tort… je ne voulais pas laisser ce club dans une situation catastrophique car c’est un club qui m’a aussi beaucoup donné en tant que joueur et entraîneur. Je voulais rendre la pareille et je l’ai fait avec succès puisqu’on a réussi à maintenir le club sportivement malgré des conditions vraiment difficiles. Ça a été une saison très difficile sur tous les aspects, sportif et financiers.
Avril dernier, vous avez été licencié à 3 journées de la fin de la saison. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
En fait, tout a fonctionné. Il faut savoir qu’on est reparti le 17 juillet avec trois ou quatre semaines de retard sur notre préparation et sans joueurs. En une semaine, il a fallu recruter une douzaine de joueurs et continuer après le début du championnat parce qu’on n’était pas suffisamment nombreux, le tout avec très peu de moyens car notre marge salariale était très faible mais on a réussi à construire une équipe avec une bonne dynamique au départ et des joueurs enthousiastes.
Physiquement, ils ont puisé parce-qu’ils manquaient de préparation, on peut aussi ajouter quelques blessures qui nous ont bien fait défaut. Personnellement, je n’avais pas d’adjoint donc je faisais toutes les séances tout seul. A la trêve, le nouveau président (Benjamin Gufflet, Ndlr) qui a repris le club me demande ce qu’il faut pour améliorer les choses et je lui réponds « un adjoint, c’est la base ». Mais il n’y avait pas les moyens pour le faire. Je fais donc venir Antoine Sibierski qui était mon agent à l’époque et Antoine avait décidé de venir gratuitement avec une chambre au centre de formation pour donner un coup de main, c’était tout à son honneur. Ce que je ne savais pas à ce moment-là, c’est que le recruteur du club avait déjà proposé le nom d’Antoine au président et qu’ils avaient été en lien direct sans que je ne le sache…
Bon, dans un premier temps, l’arrivée d’Antoine m’a fait du bien et m’a permis de prendre du recul et de mettre en place un nouveau système. Grâce à cela, on a eu une série de résultats qui nous a fait sortir de la zone rouge. On a été dans les trois premiers du championnat sur la phase retour. Le problème : c’est à trois journées de la fin quand on reçoit Epinal, il manque quelques joueurs, on passe à travers et on perd à la maison. À ce moment-là, le président décide de mettre Antoine en entraîneur principal alors qu’il ne nous manquait qu’un seul point à prendre pour être définitivement maintenu. Je suis licencié alors qu’on est 11e et que nous ne sommes pas relégables.
J’ai ensuite appris que c’était manigancé depuis un moment. Les personnes que j’avais intégré au club, parce qu’ils voulaient vraiment mettre un pied dans le club, et pour qui je m’étais battu, m’ont savonné la planche. C’est l’envers du décor de ce métier, on n’a pas toujours affaire à des personnes très honnêtes. Encore une fois, pas de regrets. Ça m’a permis de changer d’agent déjà (rires), et de découvrir les personnes que j’avais en face de moi. J’aime faire confiance aux gens, j’ai beaucoup d’empathie, je suis honnête et si je veux dire « merde », je le dis, mais c’est pas le cas de tout le monde… »
« Mon souhait est de connaître la Ligue 1 »
Quel regard portes-tu sur ce que tu as accompli en tant qu’entraîneur ?
Ce que je constate, c’est que je n’ai pris que des clubs en difficulté. Je mets de côté ma période d’entraîneur en centre de formation remplie de succès. Je me rends compte que je m’en suis finalement plutôt bien sorti à chaque fois et je pense que je peux dire que sportivement, j’ai accompli de grandes choses avec très peu de moyens. C’est un peu la raison pour laquelle je suis sans club aujourd’hui. J’ai, depuis, refusé des projets qui sont dans le même style que Châteauroux et Sedan. Je respecte ces clubs mais j’en ai un peu marre de ces situations. J’ai envie d’entraîner des clubs un peu plus structurés, un peu plus sains, où je pourrais totalement me concentrer sur mes fonctions et je veux prendre le temps de faire le bon choix. Je suis sûr de mes valeurs et de ce que je peux apporter.
Il y a une chose très simple, quand j’étais entraîneur de la réserve de Grenoble à l’époque où l’équipe première était en Ligue 1 : si le club avait continué à cette époque-là en professionnel, j’aurais été propulsé. C’était écrit. J’aurais pu avoir le destin de Régis Le Bris (Lorient) de Didier Digard (Nice) ou de Pierre Sage (Lyon). Malheureusement, ça s’est passé différemment et pour que je puisse entraîner en Ligue 1 ou en Ligue 2, ça passera par la montée d’une équipe de National ou de Ligue 2 et il faudra que je prouve certaines choses. J’estime avoir les compétences pour mais je n’ai pas encore eu cette opportunité-là et je n’ai pas envie qu’on me mette dans une catégorie de club du style « Saragaglia, c’est un entraîneur qui va pouvoir sauver, qui va pouvoir reconstruire. » J’ai envie de passer dans une autre catégorie.
Pourriez-vous « rêver » d’entraîner Grenoble en professionnel ou visez-vous autre chose ?
Quand j’ai repris Grenoble après le dépôt de bilan, mon rêve c’était d’enchaîner les montées et retrouver le niveau professionnel. Grenoble m’a beaucoup donné et je pense avoir rendu à ce club. On a créé beaucoup de choses. Mais pourquoi pas ! Si je pouvais être l’entraîneur qui ramène le GF en Ligue 1 ce serait un aboutissement pour moi. Je ne vais pas non plus en faire une fixette, si Grenoble réussit ça avec un autre entraîneur, je serai leur premier supporter, j’irai les voir au stade. J’espère connaître la Ligue 1 et si ce n’est pas avec Grenoble, ça sera avec un autre club. L’histoire serait belle en tout cas.
Olivier Saragaglia, du tac au tac
Une devise ?
« Je parle avec mon cœur, je juge avec mes yeux ». J’ai beaucoup d’empathie pour les gens et encore plus pour mes joueurs. Je leur parle avec mon cœur, mais par contre après, sur le terrain, je juge avec mes yeux.
Un sportif ou un footballeur qui t’inspire ?
Mon sportif préféré, c’est Michael Jordan. Je me levais la nuit pour regarder les matchs des Bulls alors que je ne suis pas un passionné de basket, mais lui, c’est un sportif extraordinaire. Sa détermination et sa résilience sont inspirantes, il restait toujours compétitif. Je suis admiratif de tous les gens qui ont du talent, Quelle que soit la discipline.
Meilleur souvenir sportif ?
La finale de la Coupe Gambardella avec Grenoble. Paradoxalement, on l’avait perdu contre Brest (3-1 en 1989-1990), on était une bande de potes du centre de formation, on était allé jusqu’au bout et c’était une aventure extraordinaire. Cette finale symbolise toute l’aventure.
Le pire ?
C’était avec Grenoble, mon dernier match en Division 3 (saison 1992-1993) avant que je ne parte à Châteauroux. On reçoit Lyon La Duchère et il fallait qu’on gagne pour monter en Ligue 2. Pour eux, le nul suffisait et on fait 0-0. Finalement, ils ne sont pas montés car il y a eu une suspicion de matchs arrangés et ils avaient des soucis financiers. Nous, on était censés être repêchés et on ne l’a pas été car le club a déposé le bilan (Ndlr : à l’issue de cette fameuse saison 1992-1993, Lyon Duchère sera reversé dans le nouveau championnat National, dont c’est la création, tandis que Grenoble est interdit de National et « rétrogradé » en National 2).
Un match de légende ?
Italie-Brésil en 1982, j’avais 11 ans. L’Italie gagne 3-2 grâce à un triplé de Paolo Rossi et il fallait une victoire pour se qualifier en demi-finale (NDLR : ancien format de la Coupe du Monde avec des poules de trois équipes). C’était exceptionnel, je me souviens que Thierry Roland avait dit « Les Brésiliens jouent en bleu ce soir ». J’ai des origines italiennes et ça m’avait marqué parce que j’étais enfant. Mon père, qui est né en Italie et qui est immigré italien, avait pleuré après le match.
Et ton match référence sur le banc ?
Quand on a sorti l’OM de Marcelo Bielsa en Coupe de France avec Grenoble (3-3 ap, 5-4 tab, en janvier 2015). Ils étaient premiers et invaincus en championnat et nous, petite équipe de CFA, on gagne aux pénaltys alors qu’on était menés 3-2. On égalise à la dernière seconde des prolongations, c’était la folie au stade des Alpes. Il y avait une euphorie exceptionnelle.
Choisissez un stade et pourquoi celui-ci ?
Le stade Charles-Berty et le stade des Alpes, à Grenoble, le stade Gaston-Petit à Châteauroux, le stade Bauer au Red Star et le stade Louis-Dugauguez à Sedan. Charles-Berty, c’est l’ancien stade de Grenoble et c’est là où j’ai fait mes débuts en tant que professionnel. On était jeunes à l’époque et jouer en lever de rideau, ça mettait une pression énorme de jouer sur le stade des grands, des pros. C’est le stade qui m’a vu démarrer. On était d’une génération différente, mais on allait voir les pros jouer et notre objectif, c’était d’être avec eux sur le terrain. Ils nous intimidaient. Mon premier match, lorsque j’avais foulé la pelouse, ça avait été une émotion énorme. Le stade était pourri, mais de pouvoir y jouer, ça donnait l’impression que c’était Bernabeu !
Un geste technique préféré ? Le tacle. J’étais un joueur assez dur, mais réussir à tacler et récupérer le ballon sans faire faute, ça reste un geste technique.
Un public qui t’a marqué ?
En tant qu’entraîneur, c’était Sedan, Dugauguez. Sinon c’est le public de San Siro lors d’un Milan-Marseille. Il y avait 80 000 personnes, ça te donne des frissons.
Une approche tactique particulière ?
J’ai pour réputation d’être un entraîneur défensif alors qu’on prend beaucoup de buts et qu’on en marque aussi pas mal. Mais je vais répéter ce que Frédéric Hantz (ex-entraîneur de Bastia notamment) disait : « le football, c’est un sport très simple, mais le problème, c’est qu’on a tendance à le compliquer ». Personnellement, j’aime aller dans la simplicité, j’ai un projet de jeu et un système qui me tient à cœur (4-3-3 pointe basse). On reste tributaire des joueurs, donc on s’adapte à eux. On n’est pas Guardiola qui, lui, prend des joueurs qui correspondent à son système. Nous, on adapte nos systèmes aux joueurs qu’on a. Tout le monde veut faire comme lui, mais pour le faire, il faut avoir les joueurs. Mon travail, c’est de faire en sorte que l’adversaire ne vienne pas dans nos 30 mètres, et que nous, on puisse aller dans ceux de l’adversaire. C’est dans cette zone que se joue le football, avant, c’est de la préparation. Je laisse des libertés à mes attaquants et j’ai plus de rigueur sur la défense.
L’univers du football en deux mots ? C’est un sport fabuleux, rempli de valeurs, mais qui malheureusement est souvent géré par des gens qui n’en n’ont pas trop…
La saison où vous avez pris le plus de plaisir ? En tant que joueur, c’était 1990-1991, on était monté de troisième en seconde division avec Grenoble en gagnant notre dernier match contre Endoume au Vélodrome (0-2). On était une bande de minots, en face il y avait Anigo, Spinosi, De Falco… ils nous mettaient pas mal de pression. C’était un peu la belle histoire cette saison-là.
Texte : Augustin Thiéfaine / Twitter : @gus_tfn
Photos : Philippe Le Brech
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