Nourredine El Ouardani : « Je suis un homme de club, fidèle »

Installé à Tours depuis 2013, où il a un peu tout connu avec le TFC, l’actuel entraîneur de l’équipe de National 3 revendique ses attaches corses, où il s’est ouvert au monde du football, à Sartène puis à Propriano. Portrait.

Il incarne la fidélité, une valeur de plus en plus rare dans le foot moderne. Après avoir évolué puis entrainé en Corse à Sartène puis à Propriano après la fusion des deux clubs, Nourredine El Ouardani (44 ans) a rejoint Tours à l’été 2013. Il y a tout connu, des U17 à la Ligue 2 en passant par les U19, le National 3 et le Régional 1. Après de gros déboires sportifs et financiers, des relégations sur le terrain et administratives, le club a été autorisé à monter en National 3 après un nouveau feuilleton estival. Le Tours FC reprend le championnat demain (dimanche) à Châteauneuf-sur-Loire. L’occasion de retracer le parcours de son entraineur.

« J’ai tout appris du foot corse »

C’est l’auteur de Colomba Prosper Mérimée qui l’a écrit : « Sartène est la plus corse des villes corses ». C’est dans ce village typique d’un peu plus de 3 200 habitants que Nourredine El Ouardani a grandi et a ses racines. « J’ai tout appris du foot corse », reconnait l’entraineur âgé de 44 ans.

Il n’avait que 16 ans quand il a été lancé en Division d’Honneur dans le club de ville natale par Dominique Morabito, ancien joueur de Division 1 et Division 2 à Nice, Dunkerque ou Tours. « Je luis dois beaucoup », estime El Ourdani, qui évoluait au poste de latéral gauche. « A l’époque, la DH Corse était très médiatisée, elle était très suivie par les journaux locaux, ça donnait vraiment des matchs acharnés », se souvient-il. « La Corse, c’est l’esprit méditerranéen. C’est une vraie terre de foot de passion. Il n’y a pas beaucoup de moyens mais on y trouve de vrais valeurs comme la solidarité, la détermination et l’esprit de famille. J’ai gardé tout ça en moi. Je conçois le foot d’abord comme une aventure humaine. J’ai affronté des joueurs corses emblématiques comme Jean-Louis Leca ou Yannick Cahuzac à leurs débuts. »

A côté du terrain, il travaillait dans la grande distribution, chez Casino, l’un des partenaires du club de Sartène. Seule « infidélité » à son club de toujours, une saison en 2004-2005 avec la réserve de l’AC Ajaccio sous la direction d’Olivier Pantaloni. A L’ACA, il a aussi croisé Walid Regragui, qui vient d’être nommé à la tête de la sélection du Maroc. « Le Maroc est aussi très important pour moi. Walid, je suis allé le voir à son hôtel avant un match récemment. Il n’a pas changé, il est resté le même, humble. C’est ce genre de valeurs que j’aime partager. »

Avec Propriano, où il a entamé sa carrière d’entraîneur-joueur.

S’il garde « un magnifique souvenir de cette année à Ajaccio », il était vite revenu sur ses terres sartenaises. Le club a fusionné avec Propriano, une petite ville distante d’une quinzaine de kilomètres. A 28 ans, il devient entraineur-joueur de l’équipe évoluant en Division d’Honneur. Une vocation. « A 18 ans, j’entrainais déjà des poussins. J’ai toujours eu l’âme d’un leader sur le terrain, je parlais beaucoup, je replaçais. »

Deuxième de DH Corse derrière la réserve de l’AC Ajaccio, Propriano réussit l’exploit de monter en CFA 2 en juin 2011. « Une grosse performance pour un petit village de 3 000 habitants », lance El Ouardani qui a stoppé sa carrière de joueur à 33 ans avec cette accession. « C’était compliqué de cumuler les deux en CFA 2. J’ai décidé de me concentrer sur le coaching. »

Mais l’aventure du CA Propriano à l’échelon national ne dure qu’une saison. 13e à 4 points de la réserve de Nice (premier non-relégable), il retrouve la DH Corse.

« Le coup de fil de Jean-Luc Ettori pour aller à Tours »

A l’été 2013, « Nourré », qui a passé ses diplômes d’entraineur, s’apprête à repartir pour une nouvelle saison à la tête du CA Propriano. Mais un coup de téléphone de Jean-Luc Ettori, va bouleverser son existence. L’ancien gardien des Bleus au Mondial 1982 en Espagne vient d’arriver comme président-délégué au Tours FC (L2) repris par l’homme d’affaire corse Jean-Marc Ettori (aucun lien de parenté).

« C’est le hasard des rencontres, explique El Ourdani. Il faut savoir que je collaborais depuis deux ans avec Jean-Luc. Il avait pris sa retraite en Corse et était devenu directeur sportif bénévole de Propriano. Tous les deux, on avait noué une belle relation. Il m’a vraiment beaucoup apporté. Donc, on doit être aux alentours du 15 juillet et il m’appelle pour me proposer le poste d’entraineur des U17 de Tours. Je devais me décider rapidement puisque la saison démarrait 15 jours plus tard. Je savais qu’avec mon BEF, je pouvais avoir des opportunités ailleurs qu’en Corse. C’était un peu brutal, je n’avais jamais quitté mon Île à part pour les vacances, mais je n’ai pas beaucoup hésité et je me suis lancé dans le grand bain. »

Neuf après, il est toujours à Tours. « C’est certes le même club mais j’y ai tout connu : les U17, un intérim en Ligue 2, les U19, la fin du professionnalisme et un poste d’entraineur de l’équipe première en N3 et R1. Au delà du foot, Tours est une ville tranquille où il fait bon vivre. Avec ma famille, on s’y sent bien. »

« Un maintien en L2 puis une finale de Gambardella »

Lors de la saison 2004-2005, avec la réserve de l’AC Ajaccio.

A son arrivée, Tours a l’accent corse avec le président Jean-Marc Ettori, Jean-Luc Ettori mais aussi son ancien entraineur à l’AC Ajaccio, Olivier Pantaloni, qui dirige l’équipe de Ligue 2.

Sur le terrain, il y a aussi Andy Delort, également connu à l’AC Ajaccio et qui terminera co-meilleur buteur de L2 (24 buts) lors de la saison 2013-2014. « Au centre de formation, Gilbert Zoonekynd qui, c’est encore un hasard, avait aussi entrainé Propriano et Cyril Carrière, le frère d’Éric, m’ont beaucoup aidé et appris. »

Mais la situation sportive de Tours se dégrade peu à peu. Jean Luc Ettori s’en va au bout de deux ans. Alexandre Dujeux, Marco Simone et Fabien Mercadal se succèdent sur le banc en L2. Le 17 février 2017, l’équipe est dernière. Le président Jean-Marc Ettori fait alors appel à Nourredine El Ouardani comme entraineur intérimaire à la place de Fabien Mercadal.

Sans l’indispensable BEPF, il est associé à Zoonekynd, officiellement nommé entraineur principal. Mais dans les faits, c’est bien le Corse, entraîneur général, qui est numéro 1. « Au départ, ça devait être un intérim de dix jours. Le premier match, on a perdu 4-2 à Strasbourg. Mais ensuite, les résultats ont été assez bons avec des nuls contre Troyes et au Gazélec Ajaccio. J’ai pu m’appuyer sur des joueurs comme Bouanga, Selemani ou Bennacer. »

Tours enchaine dix matchs sans défaite et sort de la zone rouge. El Ouardani est, lui, nommé meilleur entraineur de L2 du mois de mars 2017 par le site spécialisée Ma Ligue 2. « Quand je suis arrivé, plus grand monde ne croyait au maintien, même dans le club. Est-ce que j’ai eu peur ? Non. Ce que j’ai voulu, c’est me prouver à moi-même que je pouvais mettre en application mes principes à une équipe pro. Ce sont les principes de jeu que j’avais en étant gamin, à base de possession, de jeu court, de bloc très haut », expliquait-il à l’époque.

Après le maintien (16e), il est logiquement conforté à son poste, même s’il n’a pas le diplôme. Mais le début de saison 2017-2018 est catastrophique avec deux points en 11 journées. Le 15 octobre 2017, il est écarté de son poste. Il retourne à la formation chez les U19. Une saison marquée par un drame avec le décès d’un de ses joueurs, Thomas Rodriguez, dans son lit du centre de formation du Tours FC, mais qui s’est achevée par une finale de la Coupe Gambardella au stade de France, une première dans l’histoire du club. Mais Tours s’incline face à Troyes (2-1).

« Il y a eu un acharnement contre Tours et son président »

Après la relégation de L2, Tours enchaîne par une deuxième descente en N2 en 2019. Mais le club est épinglé par la DNCG et rétrogradé administrativement en National 3. « Le président m’a proposé de reprendre l’équipe. J’ai eu des moments de doutes mais ma première réflexion a été de me dire que je devais faire remonter le club. »

Sur le terrain, tout se passe bien. Tours termine 1er de son groupe de N3 en 2019-2020 après l’arrêt des championnats en mars. La DNCG lui refuse la montée pour raisons financières. Le pire est encore à venir. Après une saison écourtée pour cause de coronavirus, la Commission régionale de contrôle des clubs (CRCC) de la Ligue Centre-Val de Loire rétrograde Tours en Régional 1 en juillet 2021. « Moi, j’avais toujours l’espoir que ça reparte. Je suis un homme de club, de projets, et j’avais décliné d’autres propositions pour rester à Tours. Mais avec cette rétrogradation, on a pris un coup derrière la tête, surtout que le club avait fait des efforts sur le plan financier pour redresser la situation. Ça a été difficile à accepter. Mais il fallait déjà reconstruire une équipe. On a réussi à garder des cadres comme Jules Goda, Benjamin Tisson, Antoine Peron ou Manu François qui nous ont fait confiance malgré la déception. »

En Régional 1, Tours fait la course en tête. Mais la saison est rythmée par les procédures et les passages au tribunal de commerce. Représentant des salariés du Tours FC, Nourredine El Ouardani est au cœur des différents épisodes. « Moi, j’ai une carapace, donc j’arrive à gérer tout ça, surtout avec le temps. Mon objectif était de préserver mes joueurs même si ça parlait beaucoup autour de nous. »

Premier, Tours doit monter en National 2. Mais la CRCC refuse encore la montée. « J’ai encore passé des vacances compliquées. Là, ça commençait à faire beaucoup. On avait vraiment l’impression d’un acharnement de la CRCC contre Tours et son président Jean-Marc Ettori. »

Personnage clivant, le PDG de Corsicatours s’est mis beaucoup de personnes à dos. « C’est mon président, j’ai des relations franches avec lui, on a des échanges de président à entraîneur en toute humilité. A un moment, il a peut-être été maladroit dans sa com’. On lui collé une étiquette et son image à été faussée. Mais il s’est toujours accroché pour sauver le club, il y a mis de l’argent et c’est louable. »

Après l’acception du plan de sauvetage présenté par Jean-Marc Ettori devant le tribunal de commerce, la montée sportive a été validée par la commission d’appel de la DNCG le 12 juillet dernier. Un soulagement. « J’aimerais qu’on parle juste de foot maintenant, conclut Nourredine El Ouardani. On est revenu à la case départ comme en 2019. Moi, j’attache beaucoup d’importance aux relations humaines. C’est ma 10e saison à Tours, ma fidélité va dans ce sens : on va l’attaquer avec détermination et ambitions. Le cadre est attractif, il y a un beau stade, des structures qui ne sont pas celles d’un club de N3. Comme je dis souvent: on ne vient pas à Tours pour jouer la montée, on doit jouer la montée. »

Nourredine El Ouardani du tac au tac

Première fois dans un stade ?
Bastia – Monaco à Furiani en 1985.

Meilleur souvenir de joueur ?
La saison 2004/2005 avec la réserve de l’AC Ajaccio. Une équipe devenue un bande d’amis.

Pire souvenir de joueur ?
La relégation avec le CA Propriano en PHA lors de la saison 2002/03.

Première sur un banc de touche ?
J’ai commencé en tant qu’entraîneur-joueur. Du coup, je n’étais pas sur le banc ! Je vais donc dire le premier match en CFA2 avec Propriano contre Chambéry lors de la saison 2011-2012.

Meilleur souvenir d’entraîneur ?
J’en ai 3 : la montée avec Propriano en CFA 2 lors de la saison 2010-2011, mon premier match sur le banc en Ligue 2 avec Tours à la Meinau contre Strasbourg le 21 février 2017, et la finale de Gambardella avec Tours face à Troyes (défaite 2-1) au Stade de France en mai 2018.

Pire souvenir d’entraîneur ?
Le début de saison 2017/2018 après le maintien en L2 acquis deux mois auparavant. Je me suis retrouvé impuissant face à la difficulté d’avoir des résultats positifs. Mais avec le recul, cette période a été très enrichissante dans ma construction.

Le joueur qui t’a le plus marqué ?
Ismaël Bennacer. J’ai eu la chance de l’avoir sous mes ordres à Tours en 2017. Il était prêté par Arsenal. C’est un gros travaileur au quotidien avec une grande humilité.

Le joueur le plus fort que tu as affronté ?
Teji Savanier.

Ton style de jeu ?
Ma philosophie, c’est plutôt d’avoir le ballon. Enfant, quand on jouait au foot, c’était pour avoir le ballon et j’ai gardé ça en tête ! Tout joueur joue au foot pour avoir le ballon.

Un club ?
Le Milan AC.

Un coach ?
Carlo Ancelotti.

Un stade ?
Furiani à Bastia. Le premier stade où j’ai assisté à un match pro.

Une équipe de légende ?
Le Milan AC de Maldini avec Gullit, Van Basten.

Une ville, un pays ?
Ma ville, Sartène. Comme pays, la Corse, car c’est un pays pour moi. Et le Maroc.

Tes amis dans le milieu du foot ?
Des anciens coéquipiers ou entraîneur comme Dominique Morabito et Olivier Pantaloni. Jean-Luc Ettori, même si on n’est pas de la même génération, est aussi devenu un vrai ami à qui je dois beaucoup.

La différence entre le milieu du foot amateur et le milieu pro ?
Bizarrement, je trouve qu’on se prend plus au sérieux chez les amateurs que chez les pros. Mais je trouve qu’il y a plus de passionnés chez les amateurs.

Activités pratiquées en dehors du foot ?
J’essaye de passer du temps avec mes enfants, vu que le foot me prend beaucoup de temps.

Dimanche 28 août 2022, à 15h, National 3 (J1) : Châteauneuf-sur-Loire – Tours FC

Textes : Laurent PRUNETA / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr

Twitter : @PrunetaLaurent

Photos : Tours FC