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Nicolas Usaï : « Le foot est le reflet de notre société »

L’entraîneur de Nîmes Olympique (Ligue 2), en déplacement ce soir à Quevilly Rouen, évoque à la fois sa carrière de joueur, essentiellement  construite en National, et celle d’un entraîneur professionnel à Istres (adjoint en National et en L2), Marseille-Consolat (Nat), Sedan (N2), Châteauroux (L2) et, depuis janvier dernier, chez les Crocodiles.

C’est dans le bus menant du côté de Rouen que Nicolas Usaï, l’entraîneur du Nîmes Olympique, a accepté de se prêter au jeu du tac au tac hier pour 13heuresfoot.

A la veille de mener ses troupes contre Quevilly Rouen Métropole (11e journée de Ligue 2 BKT ce soir à 19h), le coach nous a fait le plaisir de revenir, à travers de nombreuses questions, sur sa carrière de joueur et aussi celle de coach.

Depuis 2018, Nicolas Usaï (48 ans) a troqué son étiquette d’entraîneur de National pour celle d’entraîneur de Ligue 2 : la Berrichonne de Châteauroux fut d’ailleurs le premier club a lui faire confiance au poste d’entraîneur principal dans le monde professionnel (il avait déjà été adjoint à Istres en Ligue 2). Depuis janvier 2022, il est à la tête du Nîmes Olympique (il avait remplacé Pascal Plancque).

Le natif de Marseille, formé à l’OM, où il a d’ailleurs côtoyé un certain Olivier Echouafni, qu’il retrouvera ce soir sur le banc adverse au stade Robert-Diochon, évoque ses débuts, sa relation au Sud, les hommes qui ont balisé son parcours, sa vision du National, qu’il a très longtemps côtoyé (il a joué à à cet échelon à Cherbourg, Angoulême, Alès, Istres ou encore Valenciennes), et parle de son métier.

Le genre d’échange toujours enrichissants, invariablement passionnant. Et avec le sourire en prime !

Nicolas Usaï, du tac au tac – partie I (le joueur)

« Le National, c’était mon niveau, tout simplement »

Quel est votre meilleur souvenir sportif en tant que joueur ?
Mes années de formation à l’OM. Quatre années qui sont vraiment un très bon souvenir. Mais aussi ma saison en National à Angoulême. J’étais allé au club en reculant, et j’y ai passé une super saison, que de bons souvenirs.

Votre pire souvenir sportif ?
La non-montée avec Istres en 1995-96. On joue la montée toute la saison, et on nous avait retiré quatre points sur tapis vert à quelques journées de la fin.

Le club ou l’équipe où vous avez pris le plus de plaisir ?!
Le FC Istres ! Car j’y ai joué cinq ans, et ensuite, j’y suis revenu pour entraîner.

Le club où tu n’aurais pas dû signer ?
Pas de regrets. J’arrive sur mes 50 ans donc il faut arrêter d’avoir des regrets ! Sincèrement chaque aventure a été enrichissante, tant sur le plan sportif que sur le plan personnel. Parce qu’en National, on ne gagne pas forcément bien sa vie, on part avec sa famille, il y a cet exode, c’est toujours enrichissant sur le plan humain.

Un stade et un club mythique qui vous a marqué pendant votre carrière ?
Le stade Bollaert à Lens.

Un public qui vous a marqué ?
Il y en a trois. Le public des Costières. Quand je suis venu aux Costières avec Istres, c’étaient toujours des matches bouillants. Les trois ambiances les plus chaudes que j’ai connues dans ma modeste carrière en National, c’est à Nîmes donc, c’est Furiani à Bastia, et c’est Mezzavia, face au Gazélec Ajaccio.

Un club où vous avez failli signer ?
J’ai failli signer dans plusieurs clubs. D’ailleurs au Gazélec Ajaccio, en tant que joueur puis comme entraîneur; ça, ça reste un regret. Et un autre club où j’ai failli signer, c’est à Louhans-Cuiseaux, avec à l’époque Philippe Hinschberger comme entraîneur. Et j’ai failli signer aussi à Dijon, ça ne s’est pas fait, je ne sais pas pourquoi ! Philippe Hinschberger, c’est quelqu’un avec qui on s’appelait pendant la période de confinement, une très bonne personne humainement.

Un coéquipier avec qui vous vous entendiez bien en dehors du terrain ?
Oui, il y a plusieurs personnes que j’ai rencontrées pendant ma carrière qui sont devenues des proches. Madjid Adjaoud, l’entraîneur adjoint de Sedan, Miguel D’Agostino, l’entraîneur adjoint de Mauricio Pochettino, avec qui j’ai a joué à Angoulême, que j’ai encore eu la semaine dernière au téléphone. Après j’ai eu des tas de partenaires avec qui j’ai passé des bons moments, comme David Romo à Cherbourg, qui est devenu un de mes meilleurs amis. Le football, c’est ça aussi, une aventure humaine.

Le coéquipier qui vous a le plus impressionné, qui était au-dessus de la mêlée ?
Julien Féret. A Cherbourg en National. Il était d’une finesse technique… Il était jeune, il sortait du Stade Rennais, il était venu à Cherbourg quand on était en National, c’était avec Patrice Garande comme entraîneur. J’adorais ce joueur. Il jouait couloir gauche, je jouais latéral gauche, c’était un vrai plaisir de jouer avec lui.

Qui est le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Naby Keita (aujourd’hui à Liverpool, ndlr, passé par Leipzig, notamment). C’était à Istres. Il était arrivé à Istres à 16 ans, du Mans, sans papiers, un joueur de talent.

C’est sûr que quand vous dédoubliez, la balle arrivait dans les pieds lors des montées !
Ah oui, là c’était propre !

Passons du coup aux adversaires, celui qui vous a le plus impressionné ?
Sans hésitation, Franck Ribéry, contre Brest, en National. Je l’ai croisé, j’ai joué deux fois contre lui. Il était déjà au-dessus, le joueur qu’on connaît. Avec beaucoup de caractère.

Un coéquipier perdu de vue que vous aimeriez revoir ?
Il y en a quand même pas mal… Mais je dirais Patrice Scrimenti au VAFC. C’était un joueur qui jouait à Valenciennes depuis des années, mais c’était aussi un sudiste, qui avait été adorable pour m’accueillir moi et ma famille. Je n’oublie pas la gentillesse de Patrice.

Une causerie de coach marquante qui vous vient en tête ?
Je n’en ai pas une en tête précisément. Mais les causeries de René Le Lamer à Istres. Il avait un paper-board de 30 pages. C’était quelqu’un de très carré.

Une anecdote de vestiaire que vous n’avez jamais racontée ?
Ouh là, il y a des horreurs ! Donc il y a des choses que je ne pourrai jamais raconter ! J’ai le souvenir d’une anecdote dans le vestiaire, ma première année à Istres, avec Madjid Adjaoud, on avait un tout petit salaire, on habitait à Marseille, et on faisait les allers-retours. Et généralement, quand on jouait à l’extérieur et qu’on avait décrassage, on dormait dans le vestiaire ! Une fois on a été réveillés par le coach le lendemain qui arrivait… Il nous a dit « mais qu’est-ce que vous faites-là ?! » et on a été obligés d’avouer qu’on dormait tout le temps sur les bancs du vestiaires en déplacement.

Autre truc de vestiaire, est-ce que vous aviez des rituels, des tocs ?
Ouais, c’était même trop avec le recul, avec l’âge… Si j’en vois un faire autant que ce je faisais, je l’envoie chez un psy pour être suivi quoi ! Je faisais toujours pareil. C’étaient les mêmes choses, les veilles de matches, les repas, le coucher, l’heure du coucher, la préparation, le rituel des crampons, c’était même trop, j’en devenais esclave, je m’en suis aperçu avec le recul.

Quelles étaient vos qualités et vos défauts sur un terrain ? Quel joueur étiez-vous ?
Je n’avais pas de très grandes qualités sur le plan technique, par contre j’étais assez teigneux, assez méchant. J’avais le sentiment de me transformer, mais tout simplement parce que j’étais conscient que je n’avais pas des qualités supérieures aux autres. J’étais un besogneux quoi, un besogneux qui était conscient de la chance qu’il avait de vivre de sa passion. Il fallait en « mettre ». De temps en temps j’en « mettais » peut-être un peu trop. Et j’ai pris pas mal de cartons !

Qu’est-ce qui vous a manqué pour jouer en L2 (il a joué en National toute sa carrière, à Cherbourg, Angoulême, Alès, Istres ou encore Valenciennes) ?
J’aurais pu jouer en Ligue 2 à Toulon, par exemple. Mais sincèrement, le National, c’est un très bon championnat et je suis fier d’y avoir joué 10 ans, et si j’y ai joué autant, c’est que c’était mon niveau, tout simplement.

Un match de légende qui vous a donné la passion du football ?
La finale de la Ligue des Champions 1993, Marseille contre le Milan AC, à Munich !

Vos idoles de jeunesse ?
Diego Maradona, j’en suis fan. Et puis mon modèle absolu c’était Éric Di Meco, tout simplement car j’ai grandi à l’OM, avec la génération des minots, et que j’allais voir au stade.

Quelle est votre plus grande fierté en tant que joueur ?
Si j’ai pu être le coach que je suis aujourd’hui, c’est aussi grâce au National. Partir, l’aventure humaine, ne pas avoir de gros salaires… Par contre, on s’enrichit sur le plan humain. Je pense que l’entraîneur que je suis aujourd’hui s’est passionné à travers le championnat de National.
Ma plus grande fierté sincèrement, c’est je n’étais pas destiné à vivre du football comme joueur. J’ai été formé à Marseille, j’étais accroché à ce club, et je voulais simplement rester au club pour entraîner les jeunes de l’OM. Et donc, finalement, j’ai pu jouer en National. Ce dont je suis fier c’est l’abnégation que j’ai eue pour rester ne serait-ce qu’à ce niveau-là, ce qui m’a permis aussi de passer mes diplômes d’entraîneur, et devenir entraîneur. Le truc, c’est que je prends plus de plaisir dans ma vie d’entraîneur que de joueur. C’est plus important pour moi. Le sentiment que j’ai, c’est que ma vie de joueur, ça a été simplement une chrysalide pour devenir l’homme que je suis aujourd’hui.

Nicolas Usaï, du tac au tac – partie II (le coach)

« Consolat a été très important pour moi ! »

Avec Marseille-Consolat, il a terminé 4e en National en 2016, à 1 point de la Ligue 2. Photo Philippe Le Brech

Votre meilleur souvenir sportif en tant que coach ?
La montée avec Istres en Ligue 2. C’était ma deuxième ou troisième année comme coach, lors de la saison 2008-2009 ! Sur le plan humain, c’était un bon souvenir.

Votre pire souvenir ?
La non-montée en Ligue 2 avec Marseille Consolat (en 2015-2016, le club marseillais a terminé 4e après avoir longtemps figuré dans le trio de tête, à 1 point du 3e, Amiens, promu).

Un stade et un club mythique qui vous a marqué pendant votre carrière ?
Bollaert, quand j’y suis allé avec Châteauroux.

Le club où vous avez pris le plus de plaisir ?!
Eh bien c’est avec Consolat. Tout simplement car c’est un club qui a été très important pour moi dans ma trajectoire. On était dans le dur, dans le très très dur. Pareil, j’ai rencontré des gens importants pour moi, et même si la cicatrice de la non-montée ne partira jamais, ça reste une aventure magnifique. Consolat, ce n’est même pas un quartier, c’est une cité. C’est que des bons souvenirs. J’ai fait des rencontres magnifiques là-bas. Consolat, c’est un stade qui donnait mal à la tête aux adversaires, adossé à l’autoroute, avec un terrain pas terrible. C’est un club qui avait une grosse signification pour beaucoup de personnes.

Photo Nîmes Olympique

Le club que vous rêveriez d’entraîner ?
Sincèrement je suis très très bien à Nîmes. Mais le club que je rêverais d’entraîner, ce n’est pas difficile de le trouver… C’est Marseille !

Le club où vous n’auriez pas dû signer ?
Aucun !

Le club où vous avez failli signer ?
J’ai eu des entretiens avec Quevilly Rouen et Grenoble, l’année dernière, juste avant de signer à Nîmes.

Qui est votre modèle de coach ?
Comme beaucoup de monde, je suis admiratif des très grands coaches : Jurgen Klopp, Pep Guardiola… Après il y en a qui sont inspirants, je vais reparler de René Le Lamer à Istres qui m’a beaucoup marqué, José Pasqualetti, avec qui j’ai travaillé, mais le truc avec les entraîneurs c’est qu’on ne peut voir que la partie immergée de l’iceberg. La façon dont ils jouent. On n’est pas dans leur intimité. Quand je passais mes diplômes, j’ai beaucoup aimé Mauricio Pochettino à Tottenham, sa relation avec son staff, avec beaucoup de chaleur humaine. Et puis il y en a un que j’aime énormément, c’est Marcelo Bielsa.

Un président qui vous marqué ?
Bertrand Benoît à Istres, aujourd’hui décédé. Et à Consolat, Jean-Luc Mingallon.

Un coach perdu de vue que vous aimeriez revoir ? 
Hervé Goursat, à Angoulême.

Un coach que vous n’avez pas forcément envie de recroiser ?
Non… Au moment où j’ai été joueur, il y a un coach que je ne pouvais pas encadrer, mais avec le recul et maintenant que je connais le métier, je me rends compte que j’étais un petit con.

Le coach le plus connu de votre répertoire ?
Patrice Garande. Et mon tuteur au BEPF, Philippe Montanier. Je crois qu’on échange au moins une fois par semaine. Un coach capital pour moi, une personne très compétente, très humaine, qui est pour moi une source d’inspiration.

Vous êtes un coach plutôt… 
Responsabilisant. Je pars du principe qu’il faut faire confiance au groupe. Je suis aussi exigeant, bienveillant… Mais c’est difficile de parler de soi. Après, ce que je sais, c’est que j’ai une vraie passion pour ce métier-là, pour le métier d’entraîneur, le fait de manager un groupe de personnes aux ambitions diverses et variées.

Quelle est votre philosophie de jeu, votre style ?
De manière utopique, la possession. Mais il y a une chose importante, c’est le rapport de force, la confrontation avec l’adversaire. Chaque entraîneur fait également avec les moyens qu’il a.

Votre match référence avec vous sur le banc ?
Peut-être avec la Berrichonne, contre Lens. Malheureusement, quinze jours après, Philippe Montanier se fait débarquer. On gagne 3-2.

Pour conclure, le milieu du foot, en deux mots ?
C’est un reflet de la société. Avec du bon, du mauvais, des rencontres diverses et variées. C’est aussi un microcosme, où moi je me sens très bien. Certains critiquent ce milieu, car il paraît un peu opaque, mais on y rencontre des très belles personnes, d’autres moins.

Samedi 8 octobre 2022, Ligue 2 BKT (11e journée) : Quevilly Rouen Métropole – Nîmes Olympique, à 19 heures, au stade Robert-Diochon.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photos de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech, DR et Nîmes Olympique