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Nicolas Garrigues (Hyères) : « Je suis clivant et je le resterai ! »

Arrivé en N2 dans les bagages de Mourad Boudjellal, le nouveau président du club varois (58 ans) s’est construit tout au long d’une carrière professionnelle couronnée de succès mais aussi d’échecs. Ce chef d’entreprise, Aveyronnais d’origine, au franc-parler et au caractère bien trempé, a déjà remué le stade Perruc. Ce n’est sans doute pas fini !

C’est sans doute parce que nul n’est prophète en son pays que Nicolas Garrigues, le nouveau président du Hyères 83 FC – depuis avril dernier – n’est pas à la tête du Rodez Aveyron Foot. Le chef d’entreprise a beau être né dans la préfecture de l’Aveyron, y avoir forgé sa réputation et dégusté le meilleur aligot du pays, y avoir connu la réussite tôt mais aussi l’échec, lorsque ‘il a voulu prendre en mains le club (à deux reprises), il a, à chaque, fois été refoulé. « La première fois, c’était il y a 28 ans, le club était en National 1, raconte cet ancien handballeur; j’étais ailier-droit, parfois arrière-droit ou même demi-centre. J’ai joué de benjamins jusqu’en seniors N1 à Rodez avant de présider le club pendant 2 ans. J’ai aussi joué à Montpellier en D2. Mais j’ai toujours rêvé d’être président d’un club de foot. Certainement à cause des références que j’ai eues, comme Bernard Tapie, que j’ai rencontré une fois… Le mélange avec le foot plaît à toutes personne qui aiment le business, les affaires, l’entrepreneuriat. Mais j’ai reçu une fin de non recevoir à Rodez. J’étais amer. J’ai tenté de recontacter le club en 2019, mais je n’ai pas non plus été reçu. C’est comme ça. Depuis, j’ai échangé avec le président Pierre-Olivier Murat, j’essaie d’entretenir les bonnes relations. Il faut le reconnaître, ce qu’il fait au RAF, c’est fabuleux. C’est une vraie réussite. S’ils sont en Ligue 2 de manière pérenne, c’est bien qu’il y a de bons dirigeants. J’avais aussi rencontré Grégory Ursule (manager général du RAF), je lui avais dit que je trouvais anormal qu’un Aveyronnais, certes un peu clivant, ne soit pas reçu. C’est vrai, clivant je le suis, je le serai et je le resterai, et si ça ne plaît pas, tant pis. »

« Quand je suis parti à Montpellier, j’étais un peu le paysan… »

Le business. Les affaires. L’entrepreneuriat. Le sport. Voilà le nouveau monde de Nicolas Garrigues qui connaît très rapidement le succès avec sa première boîte spécialisée dans la formation et le recrutement, des notions de « service » assez éloignées des valeurs ruthénoises : « Je suis petit-fils de paysan et fier de l’être. C’est de là que viennent mes valeurs de travail. Les Aveyronnais sont de toute façon très travailleurs et chez eux, le mot « vacances » ne fait pas trop partie de leur vocabulaire ! »

Nicolas Garrigues grandit à Rodez où son père, qui disparaît au même âge que le sien aujourd’hui (58 ans), est chef d’entreprise. Il baigne dans ce monde à la fois rural et entrepreneurial : « J’étais fier et aussi j’avais un peu ce complexe, parce que, quand je suis parti faire mes études à Montpellier, j’étais le paysan, au sens péjoratif du terme. Cela a été une force pour moi car je ne me sentais pas plus con qu’un autre. En revanche, c’est vrai qu’à Rodez, on est moins branché fringues, on est moins bling-bling, et c’est peut-être pour ça que j’ai voulu travailler dans des secteurs d’activités très éloignés de ce que l’on pouvait trouver en Aveyron. »

La réussite puis l’échec

Très tôt, la réussite arrive. Il a 24 ans. Très tôt, l’échec le rattrape. Il a 30 ans. « J’ai eu un incident de parcours. J’ai déposé le bilan. Quand ce genre de chose vous arrive en France, on vous dit que vous avez le sida, la peste et le choléra (sic), et après pour rebondir, se refaire un réseau, c’est compliqué, parce qu’on est estampillé « loser ». Ce n’est pas parce qu’un chef d’entreprise dépose le bilan une fois dans sa vie qu’il est un salaud. C’est parce qu’il y a eu des mauvais choix. A 24 ou 25 ans, tout me réussissait et d’un coup, je suis devenu un voyou, un « sulfureux » ou je ne sais quoi. On ne parle jamais de la manière dont un chef d’entreprise doit digérer un échec, parce qu’il n’a aucune défense, aucune protection, il est caution de tout, et encore, il ne sait pas toujours ce que ça veut dire que d’être caution. Il n’est pas préparé à ça. Cette expérience a été très difficile, j’ai même pensé au pire. »

« Je suis blindé à mort »

Dire que cet épisode l’a marqué est un euphémisme. Il est même encore un peu à vif quand il en parle aujourd’hui. D’ailleurs, il a songé à écrire un bouquin sur ce thème.*

« Si j’avais la plume, j’écrirais un livre parce que le taux de suicide chez les chefs d’entreprise est l’un des plus élevés. Ils se retrouvent d’abord dans la lumière, puis ils deviennent des pestiférés. Il faut un sacré mental. Près de 30 ans après, on m’en parle encore… Après, voilà, je me suis aussi reconstruit grâce à ça, j’ai pris des coups, je suis blindé à mort. »

Cette première expérience lui sert pour la suite de son parcours professionnel, non plus en France, mais en Espagne, à Valence, où il réside toujours. « J’ai fait des erreurs, des mauvais choix stratégiques, mais je n’avais peur de rien puisque tout ce que je faisais, ça marchait, et on me le disait sans cesse ! J’avais un melon « comme ça ». Un jour on me disait « Pourquoi tu ne fais pas de la politique ? » Un autre jour « Pourquoi tu ne reprends pas le club de foot de Rodez ? »… Ensuite, les mauvaises langues sont allées dire que je suis parti vivre à Valencia pour me cacher alors que j’y suis allé parce qu’un de mes amis pouvait m’héberger et parce que j’étais ruiné, au fond du trou. Voilà la vérité. On m’a tellement reproché d’être un chef d’entreprise bling-bling que je ne veux pas reproduire la même chose aujourd’hui. C’est pour ça que j’aime bien la mentalité des Etats-Unis, de l’Espagne, de ces pays où les chefs d’entreprise sont respectés, pas comme en France où, après un échec, vous êtes un loser. J’ai eu la chance d’en parler avec d’autres chefs d’entreprise, dont une fois avec Bernard Tapie. Vous savez, beaucoup ont connu des échecs, mais ne le crie pas sur tous les toits. Idem pour moi, même si, maintenant, cela remonte, je m’en fiche un peu, j’ai 58 ans, je n’ai tué personne ».

Aujourd’hui, Rodez est derrière lui. Sauf le club, bien calé devant, dans la première moitié de tableau en Ligue 2. Et si cela pouvait servir de modèle pour le Hyères 83 FC ? « Je rêverais de les affronter en coupe de France ! Je le dis, je n’ai aucune amertume vis-à-vis d’eux. Cela fait maintenant 28 ans que je suis parti de Rodez ».

Le tennis pour rebondir

L’équipe de Hyères 83 FC version 2023-2024 en National 2.

Pour rebondir, Nicolas Garrigues s’est appuyé sur ce qu’il connaît le mieux : l’entreprise et le monde sportif. « J’ai donné plus de 16 000 heures de cours de communication et de vente dans des entreprises, donc j’avais un certain savoir-faire : des entreprises ont fait appel à moi, ça m’a permis de continuer à vivre, de rebondir. Je suis intervenu auprès de forces commerciales, pour leur apprendre à vendre et à avoir un mental à toute épreuve en cas d’échec. Je me suis toujours appuyé sur le monde sportif, parce que j’aime ça. Je crois beaucoup aux relations publiques, au marketing. C’est pour ça que le Hyères 83 FC est axé là-dessus et que j’en suis fier. Partenaire, ça ne veut pas dire juste faire un chèque, sinon ça ne sert à rien; ça veut dire animer, travailler derrière. Ce qui est important, c’est le retour sur investissement. Je râlais souvent à cause de mes partenariats au rugby à Aurillac ou à Albi, ou au handball à Montpellier, où je pestais contre les cacahuètes ou le Perrier chaud, alors que c’était cher : finalement, mon entourage m’a dit, « tu nous gonfles, si tu n’est pas content, tu n’as cas le faire ! ».

Et Nicolas Garrigues l’a fait. Il a créé Arena Events, une boîte d’événementiel pour les entreprises. Tout est parti de plusieurs rencontres. Dont une avec le tennisman Henri Leconte, avec lequel il organise des matchs exhibitions. « Et c’est reparti comme ça ! Cela m’a beaucoup apporté. J’ai vu, dans des lieux de prestige comme Roland-Garros ou Monte-Carlo, que ce n’était pas que l’argent qui faisait faire des choses intelligentes. Je ne suis pas un grand créatif, mais j’aime bien piocher des idées et les bonifier. »

« J’ai mis 20 ans pour me refaire la cerise »

A Arena Events, l’activité repose sur la création d’événements sportifs et de conventions pour les entreprises dans le monde entier : « Elles font appel à nos services afin d’aller sur des événements, pour faire de la relation publique (RP) et du business avec leurs clients. On travaille par exemple avec le Real Madrid, Liverpool et le Bayern de Munich. On apporte notre savoir faire d’organisateurs. » Elle repose aussi sur les déplacements sportifs d’équipes professionnelles, comme avec Montpellier Hérault en rugby : « On va bientôt travailler avec l’USAM Nîmes au handball également ».

A mesure que Nicolas Garrigues se reconstruit – « J’ai mis 20 ans pour me refaire la cerise » -, son envie de « reprendre » un club grandit. En 2019, une opportunité se présente. C’est à Istres, un club de National 3 qui a longtemps connu la Ligue 2 et même la Ligue 1. « Cela s’est fait par l’intermédiaire de Manu Amoros, qui est consultant dans mon entreprise. A Istres, j’ai été reçu par tout le monde, mais quelque chose m’a frappé : là-bas, on n’a eu cesse de me parler des mauvaises expériences des autres repreneurs. J’ai senti qu’ils étaient intéressés par mon profil, mais en y allant par étape. En fait, au départ, ils voulaient que je sois une sorte de directeur commercial mais à 54 ans, j’avais autre chose à faire. Mais j’ai appris des choses. J’ai compris pendant l’audit la difficulté d’un club de foot hors norme. J’ai vu une montagne en face de moi, avec notamment tout le secteur sportif, les agents… Waouh ! J’avais fait trois rendez-vous à Istres et mon téléphone ne faisait que de sonner, on me proposait tel ou tel joueur ! Là, je me suis dit « C’est quoi cette histoire ? » Pour tout dire, je ne me suis pas senti d’y aller seul, en compétence, intellectuellement et financièrement. J’ai lâché l’affaire, ce qui est assez rare chez moi. »

« Avec Mourad Boudjellal, ça a matché »

Pour le foot, ce n’est que partie remise. Son désir de rencontrer des personnages atypiques, lui, est toujours aussi… brûlant. Et ça tombe bien, il croise la route d’un patron tout aussi brûlant ! « Mourad Boudjellal faisait partie des personnages emblématiques pour moi, un exemple de réussite et de parcours atypique, un personnage clivant donc j’adore, mais je ne le voyais que par les médias. J’avais lu son bouquin, bref, j’avais envie de le rencontrer. Et par le fruit du hasard, cela a pu être possible, par l’intermédiaire d’un avocat, ancien directeur général d’un club de rugby. On s’est vu lors d’un dîner, en septembre ou octobre 2019. Mourad était en train de vendre le RC Toulon. Je lui ai parlé de mon parcours, et ça a matché entre nous. »

« L’attelage Boudjellal-Garrigues peut faire flipper »

Evidemment, celui qui se considère comme un homme hyperactif et s’ennuie rapidement en vacances parle football avec l’ancien homme fort du Rugby-club Toulonnais. « Mourad Boudjellal m’a dit qu’il voulait prendre le club de foot de Toulon, où le président, Claude Joye, ne voulait pas vendre ou alors à un prix qui faisait que… Puis, on s’est intéressé à l’Atlético Marseille, pas longtemps, hein… Et aussi à l’AS Cannes. On a rencontré le maire de Cannes, David Lisnard, la présidente, Anny Courtade : on a été, je dois dire, très bien reçu. Cannes, cela avait une vraie cohérence avec mon activité dans l’événementiel. Mais ça ne s’est pas fait. Après, je peux comprendre que l’attelage Boudjellal-Garrigues puisse être flippant, car on est hyper clivants tous les deux, et ça peut faire flipper une municipalité. Mais là encore, j’ai beaucoup appris avec madame Courtade. Le truc, c’est qu’elle voulait rester au club, sans vraiment rester, je me serais encore retrouvé super-directeur-commercial avec Mourad en directeur délégué, bref, quand la possibilité de reprendre le club de Hyères, un club bon enfant, avec une gestion de père de famille, s’est présentée en 2021, là, ça ne me posait plus aucun problème d’être le numéro 2 avec Mourad en numéro 1. C’est même un deal que j’ai accepté : Mourad pour s’occuper de l’aspect sportif et institutionnel, moi pour la partie développement et commerciale. »

153 partenaires à Hyères

Mourad Boudjellal.

Création d’une société commerciale pour gérer l’équipe fanion de National 2, nouvelle appellation, le club de la cité des palmiers change de dimension. Et, surtout, il est scruté de près. Sur le plan sportif, ce n’est pas terrible. L’équipe est loin de ses ambitions d’accession en National et lutte pour le maintien. En revanche, sur le plan « commercial », c’est une vraie réussite, avec 153 partenaires. « J’ai été en formation accélérée, avec un « monstre » comme Mourad, dans le bon sens du terme ! Et puis, toutes les « conneries » qu’on a faites au début, on les a faites ensemble. Moi, je dirai toujours « on ». Mais on a vachement construit. Ces deux premières saisons m’ont permis de découvrir le monde du foot, et j’en ai certainement encore beaucoup à apprendre. Sur un plan marketing et commercial, on a multiplié par 14 le chiffre d’affaire du sponsoring, on a repeint le stade, on a fait des tentes, on fait du VIP, etc. Je n’ai pas peur de le dire, on a un réceptif niveau Ligue 2. Le plus beau compliment que j’ai reçu, c’est quand le maire, Jean-Pierre Giran, a dit, en me voyant, « Voilà celui grâce à qui il faut être à 18 heures au stade le samedi » !

Attirer plus de spectateurs

Si le volet « business » fonctionne bien au Hyères 83 FC, avec entre 180 et 300 personnes en VIP, qui restent après le match, le club doit maintenant s’attacher au volet « populaire » et à l’autre tribune, en face, pour attirer plus de spectateurs. Parce qu’à Hyères, la culture foot n’est pas énorme. « Avec une politique tarifaire incitative que l’on a mise en place, on progresse, avec déjà 700 à 800 personnes par match. On est parti de pas grand-chose et là, on fait déjà 300 ou 350 entrées payantes, c’est pas mal. On fait venir les jeunes des alentours au stade, gratuitement, avec leurs parents, et après, si ça peut leur donner le goût de revenir, d’acheter des places, c’est gagné ! On a entre 120 et 180 enfants qui viennent à tous les matchs. Après, on sait aussi que c’est lié aux résultats sportifs. Quand a joué contre Andrézieux ou Alès, y avait 800 personnes dans le stade, donc c’est pas mal. Je n’ai pas peur de le dire, c’est grâce à mon travail et au travail que l’on a mis en place que l’on a 153 partenaires en 4e division, que l’on fait quasiment un million d’euros de chiffres d’affaires en partenariat, alors que la moyenne en National 2 c’est 245 000 euros. Si on y arrive, c’est que l’on doit être meilleur que les autres. En revanche, on n’a pas le droit à l’échec sportif. Parce que des partenaires s’usent, et nous aussi, on s’use. »

2021-2023 : un échec sportif

En juin 2021, quand Mourad Boudjellal est arrivé à la tête du club varois, distant de Toulon de 10 kilomètres, tous les projecteurs se sont tournés vers lui : un homme d’une telle influence, avec une telle réputation et une telle aura médiatique, sûr que ça n’allait pas passer inaperçu !

La venue de l’ancien homme fort du RCT s’est accompagnée d’une grande ambition et de grands moyens, du moins, des moyens plus importants que la moyenne en National 2. Ce qui, évidemment, n’a pas manqué de susciter jalousie, curiosité et … convoitise. La signature, par exemple, de l’ancien international Marvin Martin, qui sortait de deux saisons quasi blanches en Ligue 2 à Chambly (10 matchs au total dans l’Oise), a fait jaser. Son salaire aussi. « Pour moi, Marvin Martin n’a pas été embauché comme joueur, mais comme un outil de marketing, rétorque Nicolas Garrigues; même s’il avait un salaire plus élevé que la moyenne, c’était notre tête de gondole. Malheureusement, sportivement, cela a été un échec cuisant. Dans son esprit, Mourad voulait refaire le coup de Wilkinson avec le RCT… Mais il y a eu plein d’échecs aussi avec des joueurs pas connus, je pense à Doucouré ou Célestine, des mecs qu’on a surpayés pour les faire venir de l’étage au-dessus. Mourad a pensé que Mollo et eux allaient nous faire monter, mais ça ne marche pas comme ça. A la fin de notre première saison, j’ai été à l’origine de la non-reconduction du coach Hakim Malek, pour plein de raisons. Pourtant, tout le monde me disait « C’est super, il nous a maintenus en N2″… Tu parles, oui, il nous a maintenus avec un budget de malade, et en recrutant 4 ou 5 joueurs en janvier, tout ça pour finir 7e ! »

Avril 2023. Nouveau coup de tonnerre. Mourad Boudjellal se retire, avant même la fin de « sa » deuxième saison au club. Il cède la présidence à Nicolas Garrigues mais reste actionnaire (tous deux détiennent 45 % du club). « On a réfléchi aux raisons qui ont fait que l’on n’a pas réussi lors de nos deux premières saisons, poursuit Garrigues; l’une des mes exigences, c’était que Mourad reste à mes côtés, car il est d’un super conseil, d’une grande élégance : il faut voir la manière dont il m’a passé le pouvoir. Le problème, c’est que son discours avec le monde de la 4e division du foot, cela ne passait pas. Les joueurs s’en fichaient de lui, ils ne pensaient qu’aux salaires. Je le voyais, mais je n’étais pas le patron. Quand on arrivait quelque part, les gens disaient « C’est le club de Boudjellal »… Et à partir du moment où il s’est mis en retrait, fin avril, j’ai décidé de tout. Maintenant, si ça marche, ça sera grâce à l’entraîneur et aux joueurs, et si ça ne marche pas, je le prendrai pour moi. Aujourd’hui, Mourad continue de venir aux matchs, il est beaucoup plus détendu. Nous avons un lien d’associé, un lien d’amitié. On a le même projet. Il me laisse travailler. Pour l’instant, les résultats sont là, même si je sais que c’est fragile : on est qualifié pour le 7e tour de la coupe de France, on a des chances d’être au 8e tour où l’on pourrait retrouver Le Puy (N2) chez nous pour une place en 32e de finale, et en championnat, on est 1er ex-aequo avec Cannes et Le Puy (après 9 journées). »

« Alès, je l’ai en travers de la gorge »

Karim Masmoudi, le coach de la N2.

Voilà maintenant près de 2 ans et demi que Nicolas Garrigues est au Hyères 83 FC. Il a eu tout le loisir de découvrir un nouveau milieu et ce championnat de National 2. Voilà ce qui en ressort : « C’est vachement physique. C’est un monde semi-pro, qui se rapproche beaucoup plus du milieu pro que du milieu amateur, pour la plupart des clubs. Ce qui est fatigant, c’est que le meilleur ne gagne pas tout le temps. Du coup, j’ai des taux de frustration bien plus élevé que des taux de plaisir. Tout à l’heure, on parlait de mon parcours professionnel : un dirigeant un peu fébrile mentalement, qui n’a pas fait du sport un peu de haut niveau et qui ne comprend pas un vestiaire, ce sera difficile pour lui… Et puis, au foot, il n’y a pas de logique : ce n’est pas parce qu’on affronte les trois derniers (Chamalières, Toulouse, Bourgoin-Jallieu) que l’on va prendre 7 ou 9 points – l’entretien a été réalisé avant la venue de Chamalières (1-1) et le déplacement à Toulouse (1-1) – cela ne marche pas comme ça. L’an passé, on est les seuls à avoir perdu à Sète. Quand je vois qu’on va gagner 6 à 0 à Thonon Evian cette saison, que Thonon gagne facilement à Alès, et que nous, on perd à domicile contre Alès… Alès, je l’ai en travers de la gorge, et puis, en face, c’était l’entraîneur que je n’ai pas conservé (Hakim Malek)… Quand on est dirigeant, ce qui est fou aussi, c’est qu’on a l’impression qu’on joue notre vie sur un poteau, sur un penalty non sifflé. Là, il y a vraiment un truc qui me dépasse : en N2, il y a des enjeux financiers, des clubs pour la plupart présidés par des chefs d’entreprise, et voilà qu’on se retrouve avec un arbitre de 23 ans qui n’a pas la VAR et des arbitres de touche qui n’osent surtout pas prendre d’initiative de peur de faire basculer un match, et nous, dirigeants, on se retrouve chaque samedi en terreur (sic) sur une erreur… Le pire, c’est que je ne les trouve pas mauvais les arbitres, mais ils font des erreurs « de confort », parce que c’est flippant. A Hyères on est gentil, le public est sympa, bon voilà… »

« Ce serait une déception de ne pas monter en National »

Sortir du National 2. Telle est la prochaine étape sportive. « Le National ? Oui ce serait une grosse déception de ne pas monter. Après, il ne faut surtout pas le dire (ironique) mais oui, on veut être dans les 2 ou 3 premiers, susciter la curiosité du public et des partenaires, prendre du plaisir. Je sais bien que la moitié des clubs veulent monter, mais bon, il faut monter cette année parce qu’en National, il n y aura plus que 3 descentes l’an prochain. J’ai peur que, si on ne monte pas, il y ait un risque d’usure de la direction aussi, on ne sait pas. Maintenant, je pense qu’on a le groupe pour monter, on verra fin novembre où on en est, mais fin novembre, je risque de dire on verra fin décembre ! Il faut prendre des points face aux équipes de bas de tableau, pour rester dans les premiers. Grasse, par exemple, ça fait quatre ans qu’ils veulent monter, et ils échouent pour un point, pour trois points : nous, on a un avantage, on a échoué pour beaucoup ! On n’a pas eu cette frustration de dire « pour un point » ou « pour trois points ». Les regrets, on ne connaît pas ! Les penalties, on ne connaît pas ! Quant à l’équilibre de l’arbitrage dont j’entends parler depuis que je suis dans le foot, et bien je ne l’ai toujours pas vu !!! Et si jamais on va en 64e de finale de coupe contre Le Puy à la maison, ou bien lors du dernier match de championnat pour Noël, le 16 décembre, j’offrirai un spectacle gratuit d’équilibre au stade, comme ça après on ne me parlera plus d’équilibre ! Je ferai venir le funambule Nathan Paulin, champion du monde de Slackline, je l’ai déjà fait, à Béziers à Caen. Ce qu’il fait, marcher sur un fil de 2 centimètres… Waouh… à côté, footballeur, c’est rien. A Arena Events, d’ailleurs, le slogan de la boîte, c’est « Des séminaires équilibrés » !

« Protecteur, passionné, travailleur »

Avec l’un des partenaires du club, Intermarché Hyères, représenté par M. et Mme Simone.

S’il se définit comme un président plutôt « protecteur de mon groupe, passionné, travailleur », Nicolas Garrigues avoue ne pas avoir de modèle : « On a chacun notre style, même si je pense que tout président qui est chef d’entreprise essaie de reproduire un peu ce modèle, basé sur la confiance, la protection des salariés. Si je vois une défaillance sur la confiance, le ressort est cassé. Je prends plaisir à voir mon groupe, je tiens mes engagements. Avec moi c’est « Il dit, il fait » ! Je vais voir tous les matchs, à l’extérieur ou à la maison, et aussi en coupe, ça me rassure d’y être et j’espère que ça apporte une petite pression positive supplémentaire aux joueurs. Et puis au moins comme ça on ne me raconte pas de conneries, puisque j’y étais ! Et comme je pense avoir un minium de capacité de compréhension, je me fais ma propre analyse. Quand je débriefe avec le coach, Karim Masmoudi, le lendemain, j’ai vu ce qu’il s’est passé, donc c’est plus facile. »

Depuis le début de saison de ce nouvel exercice 2023-2024, il n’a raté qu’un seul match, contre … Martigues, en amical ! « On avait perdu ! » Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il se régale, et il espère que ses joueurs aussi ! Surtout, il a opéré un profond bouleversement par rapport à l’an passé : « J’ai considérablement réduit le groupe. C’est la plus grande décision que j’ai prise. Elle n’a pas été facile à prendre, notamment pour le coach : car on se sent plus à l’aise quand on a plus de joueurs à disposition. Là, je me suis basé sur mon vécu de handballeur : quand on fait trop de déçus, ce n’est pas possible, sauf à s’appeler Kurzawa à Paris par exemple. Mais quand tu prends 1500 euros par mois, que tu ne joues pas, que tu ne vas pas rester, ça pose problème dans l’esprit du joueur. C’est une stratégie qui est bonne si on n’a pas de suspendus ou de blessures. »

La fin de saison dira si tous ces changements ont porté leurs fruits. « Il y a une solidarité encore meilleure qui peut s’instaurer, afin d’aller, tous ensemble, chercher quelque chose. L’idée, c’est d’aller chercher une récompense commune ». En disant cela, il ne pense pas qu’à l’accession. Il pense aussi à la prime de fin de saison : « Je ne pense pas que l’on court plus vite parce qu’on a une prime et j’ose espérer que ce n’est pas ça qui fait gagner des matchs. Je pense plutôt que la prime doit être la récompense du travail bien fait ».

Recueilli par Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : Hyères 83 FC / Houssam Seghir et Sabrina Del Castillo

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