Revenu en Bourgogne l’an passé, le défenseur de 36 ans retrace sa carrière, dont il a programmé la fin, en juin 2026. Le vice-capitaine dijonnais, qui a connu la Ligue 1 (un peu) et la Ligue 2 (beaucoup), notamment à Brest, Auxerre et surtout Niort, dévoile les traits de sa personnalité. Entretien avec un garçon sensible, fédérateur, empathique, bavard et qui garde toujours le sourire !
- Par Augustin THIEFAINE / Photos Vincent POYER (DFCO) et 13HF
- Reportage à Dijon, durant la préparation estivale, avant la journée 1 de National (succès 2-1 du DFCO à Orléans).
« Je suis un enfant de Nouvelle-Aquitaine, et sans les Chamois Niortais, je n’aurais jamais été footballeur. C’est mon club, je lui dois tout. J’y ai passé ma vie de mes 15 à 25 ans, puis, à nouveau 18 mois avant que le club ne coule. C’est grâce aux Chamois que j’ai pu avoir la vie que j’ai aujourd’hui et continuer de pouvoir vivre de ma passion tous les matins. »
Cette passion, elle se ressent dans sa façon de prononcer ses mots. Du haut de ses 36 ans, Quentin Bernard s’est confié à l’aube de sa dernière saison dans le monde professionnel. De Niort à Dijon en passant Brest et Auxerre, le défenseur conserve un certain recul et se satisfait de chaque expérience vécue.
Latéral gauche puis défenseur central

Latéral gauche de formation, c’est désormais en charnière centrale que s’épanouit le vice-capitaine dijonnais aux côtés du solide Elydjah Mendy, avant de raccrocher les crampons au printemps prochain. Au moment de se remémorer ses aventures et de se confier, l’émotion est toujours palpable dans la voix du Poitevin – il est né à Poitiers, dans la Vienne -, mais Charentais d’adoption. L’exemple le plus criant est sans doute la triste actualité niortaise, dont il ne s’est jamais éloigné ces derniers mois. Une actualité soldée par la pure et simple disparition de son club formateur, lors de la saison du centenaire (2024-2025).
Aujourd’hui, les Chamois ont fusionné avec l’UA Niort Saint-Florent et vont se débattre en Régional 2 après des décennies dans l’antichambre de l’élite du football français (et même une saison en Division 1 en 1987-88). Une disparition indigeste pour l’ancien capitaine, pour qui l’identité et l’honneur ont été bafoués ces derniers mois.
Derrière son histoire, son parcours et ses aventures, on découvre surtout en Quentin Bernard un amoureux du sport et du ballon rond. Une personnalité simple, accessible, extravertie, bavarde et émotive. Le numéro 5 du DFCO a accepté de revenir sur sa carrière sans langue de bois, avec humour, en insistant avant tout sur le rôle prépondérant de sa famille dans ses choix sportifs, dans ses choix de vie. Sa joie de vivre et sa sensibilité, qu’il ne cachent pas, rappellent que les footballeurs sont avant tout des gens normaux. Des humains soumis à une pression et une attention constante, emplis de réflexion et d’émotion. Retour dans le temps.
Interview : J’ai toujours mis le « nous » avant le « je » !
« Mes premiers doudous, c’était des ballons ! »
« La passion est familiale. Dès que j’ai su marcher, j’étais aux bords des pelouses. Mes premiers doudous étaient des ballons ! Mon père était gardien de but au niveau départemental et mes cousins jouaient en Régional. Le foot, c’est un socle familial qui fait que, depuis que je suis né, j’entends parler de l’OM ou de Saint-Étienne avec des proches qui sont de fervents supporters. Ma grand-mère était dirigeante dans un petit club près de Poitiers, l’Entente Sportive Beaumont Saint-Cyr, mon grand-père y était bénévole. Finalement, j’ai tapé dans mes premiers ballons à 5 ou 6 ans à l’ES Buxerolles. Il y avait du foot presque tous les jours. J’avais match le samedi, mes cousins aussi, mon père le dimanche, les entraînements. Quand je sortais de l’école, c’était tout le temps « foot ». C’est un ancrage fort. »
« Je savais que je voulais en faire mon métier »

C’est dans cet environnement familial de mordus que Quentin grandit et met le ballon rond au milieu de son quotidien. Chez les Bernard, le football ne se suit pas, il se vit. Et c’est au fil du temps que ses talents vont se révéler.
« Ma grand-mère a une place très spéciale dans ma vie. Elle m’a transmis des valeurs à travers le sport et pour la vie en général aussi. C’est elle que j’ai suivi. Quand j’étais gamin, elle m’a offert mes premiers stages chez Jean-Michel Larqué l’été. C’est elle qui m’a incité et donné envie de faire ça. Peut-être qu’on va me prendre pour un fou, mais après ces stages, je savais que je voulais en faire mon métier. Je n’avais que 9 ou 10 ans. Je ne connaissais pas le milieu, mais j’ai pris goût au fait de faire que du foot chaque jour de la semaine. C’est ta passion. À ce moment-là, tu n’as pas d’arrière-pensée. Tu te lèves le matin, tu manges des Chocapic, tu vas jouer. C’était la Coupe du Monde, donc on la simulait aussi. C’était le kiffe. Puis tu te dis « Pourquoi cela ne pourrait pas être ton job plus tard en fait » ? »

« Après Buxerolles, je suis allé à Châtellerault puis à 13 ans, je suis rentré au Pôle Espoirs à l’IFR de Châteauroux (un centre de préformation). Tu vas au collège tous les matins, mais tu t’entraînes aussi tous les jours comme les pros. Le week-end, je jouais à Châtellerault. À la fin de ce cette période, à 15 ans, on a tous signé dans des clubs professionnels (Monaco, Montpellier, PSG…). La génération 89 avec moi, ce sont des Karim Aït-Fana (MHSC et champion de France en 2011 avec Montpellier), des Dominique Malonga (Monaco)… Avec ma famille, on a fait un choix : il y avait Rennes, Lens et les Chamois sur les rangs. Des trois, Niort était le seul club qui prenait toute ma formation en charge et j’avais un contrat junior, je touchais 500 euros. C’était le choix du coeur et de la raison puisque c’est à une heure de chez mes parents. À 15 ans, tu ne te vois pas aller à l’autre bout de la France. Tu as envie de rester avec ton frère, ta soeur et tes parents. L’histoire a duré 10 ans. Ça a été très enrichissant. C’était un club très familial. À l’époque ils étaient en Ligue 2 et possédait l’un des meilleurs centres de formation de France (années 2010). Il n’y avait que des gars du coin. Durant mes années niortaises, on a été champions presque chaque année. À 16 ans on a fait les play-off contre Saint-Étienne, Rennes ou Monaco. On n’était que Niort quoi… À 18 ans (en 2007), on perd en demi-finale de Gambardella contre Sochaux (1-1, 4-5 tab), le futur vainqueur. On avait fière allure contre les meilleurs clubs de France. »
« Tours, Orléans, Niort, le triangle des Bermudes de la Ligue 2 ! »

« Encore aujourd’hui, Niort reste le club qui a le plus de présence en Ligue 2. Jouer au stade René-Gaillard, pour nous, c’était un kiffe parce que c’est un stade pourri (rires !). Pour les adversaires, c’est une galère monstre. Il n’y a pas d’ambiance, c’est champêtre. Nous, on avait un surplus de motivation parce qu’on jouait des grosses équipes et elles, elles venaient en se disant, « Oh la la, Niort c’est de la m****, on va se faire froisser ». Avec Tours et Orléans, à l’époque, c’était le Triangle des Bermudes de la Ligue 2. »
Après quatre années, le jeune produit du centre de formation niortais porte enfin le maillot de l’équipe première mais dans un contexte imprévu. En 2008, alors engagé en National, les Chamois tendent vers une remontée rapide en Ligue 2. Mais le club de la préfecture des Deux-Sèvres ne remporte aucun match de championnat lors des trois premiers mois de la saison. Pire, la mauvaise dynamique continue : en fin de saison, après un ultime match nul contre Pacy-sur-Eure (0-0), son sort est scellé. Pour la première fois depuis 1970, Niort doit en passer par la case CFA (N2). Une relégation qui signe la fin de l’ère professionnelle du club et l’oblige à reconstruire un effectif. Cet effectif, Quentin Bernard, qui a participé à 8 matchs de National cette saison-là, et les jeunes du centre de formation en feront partie.
« À 18 ans, c’est un peu l’âge charnière. Soit tu es pro, soit tu ne l’es pas. Alors que je dois signer mon premier contrat professionnel, je suis appelé en sélection nationale. Je me dois d’en parler car le papa et la mamie ont une fierté éternelle sur cette chance que j’ai eu de porter ce maillot. Mais en deux semaines, je passe de la sélection (il fut international U18 et U19) à la CFA. À cette époque, l’équipe première connaît un cataclysme avec la descente en CFA. C’était paradoxal. La mission c’était soit le club remontait dans les deux ans, soit c’était la mort. Le directeur du centre de formation, Pascal Gastien, était en même temps coach de la réserve. C’est sous son aile, avec les jeunes de la génération Gambardella et du cru niortais, qu’on a réussi à remonter en Ligue 2 en 3 ans et à s’y stabiliser. La mission est accomplie puis ma première histoire avec le DFCO débute. »
« On a une histoire avec Dijon ! »

En fin de contrat en 2015, le défenseur a des envies d’ailleurs. Il souhaite franchir un palier dans sa carrière et se donner un nouveau souffle malgré une proposition de contrat de son club formateur. Il s’engage finalement pour 2 ans avec le DFCO après 7 saisons sous le maillot ciel et blanc. C’est son premier transfert, sa première traversée de l’Hexagone. Son premier vrai chamboulement. « J’avais 25 ans et c’est mon premier départ de chez moi, de ma région. On traverse la France. Je dis « on » parce que madame a toujours eu son mot à dire dans nos choix. Ça n’a pas été évident de la motiver, on vivait proche de l’océan et proche de nos familles, et là on doit tout quitter du jour au lendemain. C’était un choix payant car pour la première saison (2015-2016), on monte de Ligue 2 en Ligue 1. Le club avait déjà connu l’élite (2011-2012). C’est un souvenir gravé à vie pour de multiples raisons : l’ambiance au sein de l’équipe, dans le club et le fait qu’on soit solidaires entre le staff (Olivier Dall’Oglio était l’entraîneur dijonnais à cette époque) et les joueurs. On ne faisait qu’un. Pour une première expérience hors de chez toi, tout était à l’unisson et tu montes en Ligue 1. C’était incroyable ! Sur le plan personnel, tout n’a pas été rose sportivement. J’ai joué 25 matchs, mais je m’étais blessé aux ligaments croisés. D’un autre côté, c’était génial parce que ma famille était dans les tribunes. Pour le dernier match, j’avais dû acheter 50 ou 60 places ! On a fêté la montée au stade, on l’a aussi célébrée le lendemain dans une boîte, mes beaux-parents dansaient sur les tables, ma grand-mère était encore là à 5 heures du matin. C’était n’importe quoi (rires) ! C’est une anecdote dont on parle encore 10 ans après. On a une histoire avec Dijon. Chaque week-end, on avait du monde. Le samedi, il y avait le match et le lendemain on allait visiter les caves, ça fait un ancrage. C’est plus que du foot, c’est du partage. »
« Une aventure incroyable à Brest »

« Le premier coup de massue arrive lors de cette saison de Ligue 1 à Dijon. On monte avec tous les copains et on est un peu poussé vers la sortie dès le mois de juillet. Ce n’est pas par Olivier Dall’Oglio mais par le directeur sportif. Il m’a un peu dit « faut que tu te trouves un club, tu ne joueras jamais, on va recruter trois latéraux. » Sur le moment ça ne fait pas plaisir mais avec le recul, je le remercie. Grâce à ses mots pas très tendres, je vais vivre une aventure incroyable à Brest, dans le Finistère. Mais ça ne se fait pas tout de suite, parce que j’avais quand même envie de connaître la Ligue 1. Je me disais que cela serait peut-être la seule fois de ma vie que cela pourrait arriver. J’avais envie de m’accrocher à Dijon, de prouver au coach que j’avais le niveau. Je fais 6 mois un peu en intermittent du spectacle, puis je signe mi-décembre à Brest après plusieurs échanges avec Jean-Marc Furlan, entraîneur à l’époque et le directeur sportif Grégory Lorenzi. »
C’est donc après 7 matchs de Ligue 1 que Quentin Bernard quitte la cité des Ducs de Bourgogne pour rejoindre la ville la plus à l’ouest sur la carte de France, Brest, pendant l’hiver 2017. Sur les bords de l’océan Atlantique, il s’épanouit et retrouve une vraie place et du temps de jeu, à nouveau en Ligue 2. « Brest, ça a vraiment été la meilleure expérience de ma vie sur les plans humain et sportif mais aussi au niveau familial. C’est un endroit où je suis parti en vacances cet été. On a l’impression que c’est la maison alors qu’on n’y a passé que trois saisons. C’était des relations hors-foot avec des copains qu’on a encore aujourd’hui. Une façon de vivre qui nous correspond complètement. C’est une région magnifique par ses paysages, son atmosphère et sa qualité de vie et c’est l’endroit où mon premier garçon (Malo) est né. On a une petite part de Bretagne en nous. »
« Jean-Marc Furlan ? Un entraîneur extraordinaire ! »

« Sportivement parlant, j’ai fait une rencontre incroyable avec Jean-Marc Furlan… Je vais essayer de ne pas pleurer car il vit des heures difficiles. C’est un coach extraordinaire, une personnalité complètement en décalage avec le monde du foot actuel. Il a ses idées, ses principes. Il ne faut surtout pas le contredire ! On bossait comme des chiens, on voyait peu nos familles parce qu’il avait une idée en tête. Jean-Marc, c’est une histoire particulière dans ma vie de footballeur. Il a une place très importante dans la famille Bernard. Les Furlan et les Bernard, on est liés pour la vie. C’est ce gars-là qui m’a emmené à Auxerre. Il a fait en sorte que je n’ai pas d’autres choix que ça. L’AJA… C’est dur de parler de ça ici, dans cette salle-là, à Dijon (NDLR : en raison de la rivalité entre Dijon et Auxerre). Je me souviens aussi d’un match avec Brest où on prend un tarif, 5-1 ou 5-2, 4-0 à la pause et on sort sous les ovations du stade parce qu’on a peut-être fait la meilleure mi-temps de l’année. Tu te dis « Soit ils sont tous ronds comme des ballons en tribune, soit ils comprennent le foot, et c’était ça ». Francis-Le Blé, c’est un stade où il n’y a pas que des spectateurs. Il y a des connaisseurs. C’est aussi pour cela qu’il y a une ferveur. Les Bretons, c’est des fous. »
Auxerre : « Il y avait une pression à gérer »
« Après ça, on arrive à l’AJA. Historiquement, c’est certainement le plus grand club dans lequel j’ai joué. Il y a une histoire certes, mais il y a aussi Guy Roux. C’est une véritable institution ! L’Abbé Deschamps, j’en ai entendu parler dès que j’étais gamin parce qu’Auxerre, c’est un des plus grands clubs français. Sept ou huit ans avant qu’on arrive avec coach Furlan, ils étaient en Ligue des Champions. L’année avant notre arrivée, ils se battent pour ne pas descendre en National et terminent 17es (2018-2019). Ça a été très compliqué là-bas. Il y a eu le Covid. J’ai été très exposé aussi parce que j’arrivais avec une étiquette de « fils de l’entraîneur ». L’exposition, c’était par sa faute et la mienne. J’étais une cible pour les supporters, et pas que… même dans le club. Le coach s’appuyait beaucoup sur moi et ce n’était pas évident. Lors de ma troisième saison, on monte finalement en Ligue 1 et là, les souvenirs sont incroyables. Je me souviens de la 38e journée, on a dû mettre 45 minutes pour faire 200 mètres en bus. Les rues étaient bondées. On avait l’impression d’être en 1998. Je vais me faire taper sur les doigts, mais Auxerre, c’est une ville où il n’y a que le foot. Si t’enlèves l’AJA à Auxerre, à part Cadet Roussel (un huissier connu grâce à une chanson qui porte son nom, Ndlr) et le Chablis, qu’est-ce qu’il reste ? Et ça tu le comprends vite. Il fallait remonter en L1. Il y avait une pression à gérer. En 2021-2022, il y avait plein d’anciens brestois qui nous avaient rejoints, Mathias Autret, Gaëtan Charbonnier, Alexandre Coeff, Donovan Léon. Tout a roulé. C’était le football plaisir. Le stade était plein à tous les matchs et l’ambiance était incroyable. C’est un scénario hollywoodien. C’est l’année où il y a les barrages d’accession. On monte en Ligue 1 au match retour à Saint-Étienne, au stade Geoffroy-Guichard, à l’issue des penaltys. Il y avait déjà eu les penaltys contre Sochaux en play-off juste avant ! C’était notre année. Il y avait une osmose. Avec Mathias (Autret) et Gaëtan (Charbonnier), on est très proches. Nos enfants ont grandi ensemble à Brest et à Auxerre durant ces cinq années. On faisait le tour du stade avec eux. C’est aussi ce qui a marqué nos passages à l’AJA. C’est que, malgré la pression, c’est un club très familial. »
« Ma femme m’a fait revenir à Dijon »

« C’est notre vision du partage avec ma femme. On a fait des choix au niveau de ma carrière. On a privilégié l’aventure humaine à l’argent. J’ai toujours joué au foot pour vivre des moments incroyables, humainement et sportivement parlant. On a vécu des choses qu’on n’aurait jamais pu vivre sans le foot. J’aime le partage et j’ai un côté fédérateur auquel je tiens. Je pense que le footeux sans l’homme n’est rien, et l’homme sans le footeux non plus. Il y en a qui arrive à dissocier cela, pas moi. Partout où je suis passé, j’ai essayé de véhiculer cette image-là. Si on veut être bons sur le terrain, il faut vivre tous ensemble. Être en harmonie. Je n’ai jamais été le meilleur à mon poste dans tous les clubs où je suis passé, mais je n’ai jamais rien lâché et j’ai toujours cru en moi, mis le « nous » avant le « je » et si on a vécu grâce au foot toutes ces aventures, c’est avant tout grâce à ces valeurs. Je remercie mon entourage de m’avoir donné ces valeurs, m’avoir inculqué le partage et fait garder les pieds sur terre. Mes parents m’ont donné un cadre et c’est grâce à ce celui-ci que je joue encore au foot à 36 ans et qu’on va tenter de vivre une dernière saison incroyable avec Dijon. »
2025-2026 : la Der, avec le DFCO

« Sur le plan professionnel, c’est la fin. J’ai besoin de rentrer chez moi, de vivre avec mon frère, ma soeur, leurs enfants, d’avoir une vie au bord de l’océan avec les gens qui m’entourent. C’est une vie que nous n’avons plus depuis 10 ans et il faut rentrer dans le rang, trouver un vrai job. C’est un besoin. Quand on est revenu à Dijon il y a un an, on savait qu’on revenait pour 2 ans, peu importe la suite. On a laissé 1% d’incertitude, mais on a envie de rentrer chez nous. Ma femme m’a fait revenir à Dijon. Elle est un peu tombée amoureuse de tous les endroits où l’on est passé. C’est quelqu’un qui est très casanière et j’ai eu énormément de mal à la faire bouger. Si ça ne tenait qu’à moi, on serait parti de Niort bien avant mes 25 ans. Je pensais que si je voulais progresser et avoir la carrière que je voulais, il fallait partir plus tôt. Elle est kiné et elle faisait des études dans notre région natale, donc j’ai laissé faire. Moi je jouais en Ligue 2 avec mes copains dans mon club de coeur, j’étais content. Finalement, elle a pris goût aux voyages, aux déménagements. Revenir à Dijon l’année dernière a été le plus dur. On était chez nous, à Niort et je pensais finir ma carrière là-bas après les 18 mois que je venais à nouveau de passer aux Chamois. Quand tu as 35 ans, que tu dois encore traverser la France et que tu as deux enfants… Tu dois ramener tout le cirque à Dijon : la jument, le chien, le chat et les enfants. On ne partait pas comme on était parti à 25 ans la première fois. En août 2024, le DFCO m’appelle et je lui dis « On n’y va pas. Je ne veux pas être loin de vous. Je ne veux pas vivre six mois tout seul. » Et elle, elle me répond « Tu veux jouer au foot ? Ici, à Niort, le club, il est mort. Si tu veux continuer ta passion, on y va ! » Alors nous y voilà encore. Pendant six mois, j’ai vécu seul, sans elle, sans les enfants et les animaux, c’était compliqué. Tu t’entraînes, tu rentres chez toi, tu tournes vite en rond. C’était un choix assumé mais compliqué. Ils sont arrivés en janvier en me disant « On ne vient pas pour six mois ». Moi, j’avais des conditions à remplir pour rempiler pour cette année et je me suis démené pour qu’on puisse vivre encore 18 mois au haut-niveau. Aujourd’hui, je sais que c’est ma dernière saison et qu’il faut que j’en profite pleinement. »
« Il ne faut pas jurer que par la montée »

En se concentrant sur l’aspect sportif de cette nouvelle saison de National, le DFCO fait figure de prétendant à la montée finale avec Valenciennes, Sochaux et Caen. Si en interne la mission est assumée par les dirigeants, Quentin Bernard refuse de s’enflammer. Grâce à plusieurs recrues pendant l’été dont les attaquants Julien Domingues (Cannes), Alexis Ntamack (Grasse) et le revenant Julio Tavares, entre autres, les Bourguignons espèrent enfin conjurer la malédiction de la 4e place, leur classement lors des deux dernières saisons.
« Forcément, quand tu termines deux fois 4e, l’objectif c’est de se battre pour la montée. On l’a vu l’an dernier, entre une 3e, une 2e et une 5e ou 6e place, il n’y a pas grand-chose. Ce championnat est peut-être le plus dur de tous. Il y a toutes les contraintes du monde professionnel et presque aucun avantage. On joue pendant les trêves internationales. On va à Aubagne par exemple, sans leur faire offense, ils ont fait une saison magnifique l’an dernier, mais on a des déplacements types Ligue 1 ou Ligue 2 et dans le même temps il n’y a aucune retombée économique, comme avec les droits TV. Aller à Paris 13 Atlético, ce n’est pas évident non plus. Il y a des clubs historiques comme Sochaux, Valenciennes, Caen qui veulent se reconstruire et remonter aussi. Il y a des promus qui ont la dalle comme Fleury ou Le Puy. C’est un championnat particulier où soit il y a des vieux comme moi, soit il y a des jeunes qui montent et il faut en faire un mélange. Les clubs sont financièrement borderline et toutes ces conditions rendent le National difficile. Je sais que cela tient au président (Pierre-Henri Deballon) d’être promu. Parler de montée c’est bien mais c’est aussi, je pense, prendre le risque de mettre une pression sur un effectif très jeune cette année. On a envie d’être en haut, on va se battre tous les vendredis. Les dix premiers matchs sont importants et les dix derniers le seront aussi. Le premier peut perdre contre le dernier. Je tiens aussi à dire un petit mot sur Baptiste Ridira, notre coach (l’ancien coach de Saint-Pryvé-Saint-Hilaire en N2 est arrivé sur le banc du DFCO en juillet 2024). Il découvre le monde professionnel et il a un système de jeu bien à lui avec un 4-3-3 en losange particulier et il n’en changera pas. Quand on l’apprivoise bien, c’est hyper prometteur. Il a des convictions et c’est intéressant de bosser avec lui. Puisqu’il vient du monde amateur, il a une vision assez fraîche et ça fait du bien. »
« En France, on va dans le mur »

« Quand j’ai commencé dans le foot, il y a des anciens (Malik Couturier, Christophe Jallet, Vincent Durand ou Johann Chapuis), tout le cru des Chamois de l’époque, qui nous ont pris sous leurs ailes quand on était gamins. Ils ont eu la bonne attitude. Ils ont donné l’envie de progresser, de se battre pour eux, avec eux et j’essaie de faire passer ce message. Ce qu’on a fait de bien avec moi, j’essaie de le rendre aux jeunes. J’ai aussi fait des erreurs dans ma carrière, alors je les conseille sur les erreurs à ne pas faire dans ce monde de requins. Pour moi, en France, on va dans le mur. Je ne sais pas si c’est un suicide collectif, mais chaque année il y a plusieurs clubs qui coulent. Je vais prendre l’exemple de ma région. En Nouvelle Aquitaine, il ne reste qu’un seul club professionnel : c’est Pau. Il n’y a plus de Girondins, il n’y a plus de Chamois. Ce n’est pas pour des raisons sportives, c’est pour des raisons financières, pour une mauvaise gestion. Lopez, il a flingué Bordeaux, mais aussi Boavista au Portugal. Quand j’ai commencé le foot, je pensais qu’on bossait tous vers un intérêt commun et qu’il était important de montrer une bonne image de ce sport qui est incroyable, qui est vecteur de tellement de choses positives. Aujourd’hui, je suis un peu plus négatif. Il y a certaines valeurs dans lesquelles je ne me retrouve plus. Quand je dis que c’est ma dernière saison, c’est aussi pour ces raisons-là. J’ai l’impression de tellement être en décalage avec le monde dans lequel je vis, avec le foot actuel, je préfère passer mon tour et partir avec le sentiment du devoir accompli. Aujourd’hui, les valeurs sont bafouées dès qu’un billet de 500 se met sur la table, je ne m’y retrouve pas. Le foot business ne me correspond pas. Les joueurs du PSG, ils ont fait 70 matchs et étaient sur les terrains 52 semaines… et ça c’est le foot business. Ce monde me donne envie de tourner la page. Je pense que si quelque chose doit s’ouvrir pour moi ensuite, cela sera dans l’accompagnement des jeunes. Si ce n’est pas le foot mais l’ostréiculture à Oléron, ça peut être un kiffe aussi ! (rires) »
La disparition des Chamois Niortais, « un crève-coeur »

« Si quand on parle du foot français, le nom des Chamois n’est pas le premier à revenir. Pourtant, c’est quand même un bout de notre univers qui disparaît. Ils ont marqué l’histoire de la Ligue 2. Plus que le club, c’est une entité forte dans les Deux-Sèvres et dans la région dans sa globalité. Ceux à qui je pense ce sont les salariés, les bénévoles, les personnalités marquantes qui ont œuvré… le club allait fêter ses 100 ans. Depuis 2005 jusqu’à aujourd’hui, il y a tellement de monde qui a travaillé à faire vivre ce club dans le foot business, dans un univers qui ne lui correspond pas mais qui permettait de continuer d’avoir un centre de formation de qualité et une équipe professionnelle. Ce sont des Pascal Gastien, Philippe Hinschberger, Laurent Cadu, Franck Azzopardi (qui était mon modèle lorsqu’il était joueur et lorsqu’il a coaché la génération 89). Quand je suis revenu au club ensuite, c’était le coach adjoint. Ce sont ces gars-là qui ont donné quasi toutes leurs vies aux Chamois. Le club, c’était un peu leur bébé, et c’est eux qu’il faut féliciter et consoler. »
Alors que la liquidation des Chamois Niortais est intervenue en avril dernier, peu avant le centenaire, tous les regards ont convergé vers un homme : Mikaël Hanouna, qui a débarqué en octobre 2017. Cible de toutes les critiques, l’homme était directeur général du club avant que celui-ci ne coule définitivement. « Quand Mikaël Hanouna est arrivé, l’achat n’a pas été homologué par la fédération et le club avait été banni pour l’édition suivante de la Coupe de France… Son histoire avec les Chamois ne commençait déjà pas très bien. Ensuite, si on prend tous ses choix et qu’on les inverse, je pense qu’on serait encore vivant. Il a cumulé les mauvais choix, les magouilles. L’année Covid, les partenaires et sponsors ont versé des enveloppes et lui il les a gardées pour lui alors qu’il n’y avait plus de matchs. C’est une accumulation de choses qui font qu’à lui seul, il a coulé Niort. Il a coulé l’objet d’un partage entre générations. C’est un crève-coeur. Même en National, il y avait jusqu’à 5 000 spectateurs et on voyait deux à trois générations venir aux matchs. Les grands-pères et les papas ont connu le club en L2 et ils passaient le flambeau aux enfants en les emmenant au stade. Ils vivaient un truc qui ne peut se vivre que dans un stade de foot. Le foot en général fait vivre des émotions. On l’a vu avec le PSG cette année. C’est irrationnel. Les Chamois, au niveau local et régional, avaient cette capacité à être un vecteur de solidarité et de partage. Mikaël Hanouna a tué tout ça. J’espère que le club repartira sur des choses plus positives, plus saines, mais les Chamois niortais à cause de ce mec-là n’existeront plus. »
« Il faut sauver Chamy, la mascotte ! »

Le 1er août 2024, la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) décide de l’exclusion du club de toutes les compétitions nationales en raison des importantes dettes qui pèsent sur le club, à savoir plus de 3 millions d’euros. Le 15, la société dépose le bilan. Enfin le 10 septembre, le tribunal de commerce annonce sa liquidation. Le CNOSF (comité olympique) recommande que le club soit reversé en Régional 3 (le 8e échelon du football français). Une relance qui n’efface pas les menaces de disparition. Cette dernière est même évoquée début 2025 mais un nouveau projet va venir changer la donne : celui d’une fusion avec le second club Niortais, l’Union Athlétique Niort Saint-Florent (qui évolue en Régional 2). Les Chamois déclarent forfait et ne termineront pas la saison. Les deux entités se rapprochent au mois de mai 2025. Le 6e de Régional 2 change de nom et devient l’Union Saint Florent Chamois Niortais. Couramment appelé Saint-Flo, le club décide d’utiliser l’appellation Chamois Niortais Saint-Flo sur ses supports. Suite à la liquidation des Chamois, le patrimoine du club a été mis aux enchères. Quentin Bernard a décidé de revêtir une cape de super-héros pour sauver ce qui peut l’être. Sa cible prioritaire : Chamy. La mascotte du club. « J’ai été contacté par des supporters et d’anciens joueurs pour construire une petite cagnotte et récupérer le plus d’objets et de souvenirs matériels possibles. La mascotte, Chamy, ça me tient à coeur, pour mes enfants. Si on arrive à l’avoir, je la redonnerai au club. »
Quelques jours après notre entretien, il a remporté l’enchère pour la somme de 1 004 euros. « C’est une jolie fin pour notre mascotte qui va pouvoir reprendre sa place lorsque le championnat reprendra en R2. Des amis et anciens salariés ont aussi pu sauver quelques objets. L’avoir, c’est une petite fierté personnelle. On a sauvé un bout d’histoire des Chamois. »
Quentin Bernard, du tac au tac

Ton meilleur souvenir ?
C’est quand j’étais petit, parce que t’as pas ce sentiment de devoir te lever tous les matins pour devoir être meilleur que ton voisin de vestiaire, pour t’arracher, pour gagner ta vie. Quand c’est ton job, il y a des relations qui sont compliqués. Quand t’es gamin, je me souviens de tournois à l’Île de Ré avec mon petit club de Buxerolles. Tu pars deux jours, tu manges des frites entre les matchs, c’est le football plaisir. Cette idée du foot elle m’a suivi toute ma vie.
Le pire ?
La disparition des Chamois.
Un entraîneur marquant ?
Ils m’ont tous marqué positivement ou négativement. Positivement, je n’ai pas envie de n’en sortir qu’un, sinon il va avoir le melon (rires). Olivier Dall’Oglio ici, à Dijon, m’a beaucoup apporté. Jean-Marc (Furlan) m’a énormément apporté dans ma vie de footeux et dans ma façon d’aborder le métier avec ma vie d’homme. Christophe Pélissier à Auxerre m’a apporté parce-qu’il m’a piqué dans mon ego et ça m’a servi par la suite. A Niort, coach Hinschberger c’était génial aussi. Pascal Gastien, c’est pareil. Il me connaît depuis que j’ai 14 ans. Son fils, c’est mon meilleur ami. Les Gastien, ce sont ma deuxième famille. Pascal, il me pourrissait ! Il me dégommait parfois plus que mon propre père !
Un coéquipier qui t’as impressionné ?
C’est bizarre à dire et ça va l’étonner, mais je vais dire un gardien : Donovan Léon. C’est un nounours, on ne l’entend jamais mais il est trop fort. Il est incroyable en tous points de vue : humainement et sportivement.
Une personnalité que tu aimerais revoir et avec laquelle tu as perdu contact ?
Si j’ai perdu contact, c’est qu’il n’y a personne.
Un modèle ?
Mon père. Je vais essayer de ne pas pleurer. C’est mon exemple, mon idole. C’est un mec bien. Si mes enfants peuvent avoir la même image de moi que j’ai de lui, alors j’ai réussi ma vie.

Un joueur que tu as affronté et qui t’as marqué ?
Mbappé. C’est une rockstar. Il est incroyable. Il serait né dans une autre décennie ou dans un autre siècle, on lui aurait fait une statue. Aujourd’hui, on lui demande tellement alors qu’il ne reste qu’un humain. Le foot que je n’aime pas, c’est le fait qu’on va passer plus de temps sur des choses pas bien que sur ce qu’il fait d’incroyable. On est dans une société où l’on ne voit que le négatif et le foot est un multiplicateur x 1000 de la réalité de la société.
Une causerie marquante ?
Furlan. C’était en octobre 2018 à Brest, contre Lorient. Ce n’était pas une causerie collective, c’était individuel. Cette semaine-là, mon grand-père meurt, mon fils naît et en fait je n’avais pas envie de jouer. Le coach me dit « Si tu veux sortir au bout de cinq minutes, tu sors. Si tu fais le match, je serai fier de toi ». On gagne 3-2. Il y avait ma grand-mère au stade. L’ambiance était folle. J’ai craqué complet en fin de matchs et les émotions étaient décuplées.
Une saison marquante ?
La saison où on monte de National en Ligue 2 avec les Chamois. C’est l’année du renouveau. Pascal Gastien était coach, et on domine le championnat de la tête et des épaules. On va gagner au Gazélec Ajaccio sur un penalty. On remonte avec tous les copains, c’était génial à tous points de vue.
Choisis un stade : René-Gaillard, Gaston-Gérard, Francis-Le Blé, L’Abbé-Deschamps ?
Ce serait Le Blé. Notamment pour ce fameux Brest-Lorient dont je viens de parler et aussi pour un second match : celui de la montée en Ligue 1 avec Brest lors de la dernière journée en battant les Chamois.
Un toc ou rituel d’avant match ?
J’ai besoin de savoir que ma femme et mes enfants vont bien.
Ton geste technique préféré ?
La passe.

Ton dernier match en tribunes ?
L’anecdote, c’est que je n’ai jamais pris de carton rouge dans ma carrière. Par contre mon dernier match et ça j’y tiens, c’était à La Beaujoire avec ma femme et mes enfants pour les JO : Espagne-Nigéria chez les filles.
Ton plus gros défaut ?
Je veux toujours avoir raison.
Ta plus grande qualité ?
Je suis gentil.
Ton contact le plus célèbre dans ton répertoire ?
Mathias Autret. C’est pour placer mon copain !
Ton tatouage préféré ?
Ils ont tous une histoire mais mon tatoueur est l’un de mes meilleurs amis aussi. Il m’a tatoué et il a tatoué beaucoup d’invités le jour de mon mariage : c’est une Saint-Jacques.
Ton match de légende ?
Zizou, le 12 juillet 1998 : France-Brésil. J’avais 9 ans. On était toute la famille dans la pizzeria que mon oncle retapait. C’était un partage en famille.
Ce que tu détestes le plus ?
Les menteurs.
Niort était un club plutôt…
Un club de rêve !
Ta passion en-dehors des terrains ?
Passer du temps avec ma famille, avec mes deux fils. Il y a eu un Quentin Bernard avant d’être papa et un autre après. Être sur la plage à Oléron avec eux me fait rêver.
- Texte : Augustin THIEFAINE
- Photos : Vincent POYER (DFCO) et A. T. (13HF)
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