National / Grégory Poirier (FC Martigues) : « Je veux rester fidèle à mes valeurs »

Sensible, posé, réfléchi et d’apparence calme, le coach provençal cache en réalité une forte personnalité, des principes et des convictions. Portrait à coeur ouvert d’un garçon qui a réveillé Martigues et qui ambitionne de goûter au monde professionnel sur un banc.

Par Laurent PRUNETA – Photos Philippe Le Brech

À 41 ans, Grégory Poirier est un entraîneur qui monte. Pour la deuxième saison d’affilée, il joue les premiers rôles en National avec Martigues, une équipe à laquelle il a insufflé une vraie philosophie de jeu depuis son arrivée en 2021, en National 2. Une « patte Poirier » souvent saluée par ses adversaires. Après avoir vu sa carrière interrompue par plusieurs opérations, l’ancien milieu défensif continue de gravir les échelons après des expériences à Arles (jeunes et R2), Endoume Marseille (de R1 en N2), Saint-Malo (N2) et Sedan (N2). Il est aussi membre de la promotion 2023-2024 du BEPF. Pour 13heuresfoot, il est longuement revenu sur son parcours et décrit sa méthode, basée sur le plaisir du jeu et les valeurs humaines.

« Une fierté d’avoir été pro car je partais de loin »

Sa carrière de joueur l’a mené de La Rochelle (N3), sa ville natale, à Amiens (L2) en passant par Vergèze (N3), Arles (N3 à National) et Nîmes (L2). « C’est une fierté d’avoir été pro car je partais de loin. Mais ça a été au prix d’un gros mental et d’exigences car j’ai dû changer dans mon quotidien pour basculer dans le monde pro. » Quand il évoluait encore en N3 et N2, Grégory Poirier effectuait des études de management du sport à Montpellier. « Au final, j’ai eu une modeste carrière pro qui n’a duré que cinq ans (14 matchs de L2, 88 de National). Mais j’ai pu voir les deux mondes et les deux milieux. D’abord les amateurs puis les pros. Ça me sert aujourd’hui dans ma carrière d’entraîneur. »

S’il a participé à trois montées avec Arles, du N3 (CFA à l’époque) à la L2, il n’est pas conservé au moment où le club rejoint le monde professionnel en 2009 et devient Arles-Avignon. Son premier contrat pro, le milieu défensif le signe à Nîmes, avant de rejoindre Amiens pendant trois saisons. Mais en 2013, il doit stopper sa carrière à 30 ans. « J’aurais préféré continuer mais j’ai eu une double fracture déplacée tibia-péroné. Au total, j’ai eu quatre opérations de la jambe. J’ai eu une mauvaise consolidation. Quand on monte en Ligue 2 avec Amiens, je joue sous infiltration. Ils m’ont mis un clou de 30 cm dans le genou avec des vis. Je fais de l’arthrose. Le docteur Rolland me dit : « C’est la nature qui n’a pas pris à 100 %, il faut recasser l’os. » J’ai donc recassé. À chaque fois, il y a eu aussi une ablation de matériel ou un ajout. »

Les éloges de Giroud

Mais à son retour, il se rend bien compte qu’il n’est plus le même joueur. « Je n’ai jamais été un milieu très rapide. Mais j’avais perdu dans certains aspects athlétiques, au niveau de la vivacité, de la gestuelle. Avant ma double opération, je gagnais beaucoup de duels ariens. Je me souviens que lors d’un match de Coupe de la Ligue en 2011 contre Montpellier, Olivier Giroud m’avait dit « J’ai rarement vu un adversaire aussi bon de la tête. » Mais quand je suis revenu, je ne gagnais plus un duel… »

La décision d’arrêter s’impose donc à lui. « La médecine du travail m’a mis en inaptitude. J’avais mal même en montant l’escalier. Le médecin m’a dit « si vous continuez, un jour vous ne pourrez même plus jouer avec vos enfants dans le jardin… » Aujourd’hui, j’ai encore des séquelles et des douleurs. Je suis souvent blessé alors que je suis addict au sport et que j’adore jouer au Padel. »

« J’ai toujours su au fond de moi que j’avais plus d’aptitudes à entraîner »

S’il est cruel, l’arrêt de sa carrière sonne pourtant comme un soulagement. « J’ai toujours dit qu’après la naissance de mes enfants, les plus beaux jours de ma vie, c’était quand j’ai signé mon premier contrat pro à Nîmes et quand j’ai accepté d’arrêter de jouer. Ça a été une libération. J’ai accepté ma blessure car je savais que j’allais maintenant faire ce qui serait le mieux pour moi. »

Très tôt, Grégory Poirier avait en effet senti une vocation pour entraîner. « Ça va faire sourire car ça fait très Will Still (l’entraîneur de Reims, Ndlr)… Mais moi aussi, je m’enfermais dans le noir pour jouer à Foot Manager. J’ai toujours su au fond de moi que j’avais plus d’aptitudes à entraîner. Je n’avais pas de qualités fortes pour jouer en L1. Mais je savais les optimiser et faire jouer les autres. Plus jeune, j’ai toujours été sensibilisé à l’aspect tactique, comment occuper les zones, décrypter le jeu de l’adversaire. »

Retour à Arles pour la reconversion

C’est dans l’un de ses anciens clubs, à Arles, qu’il a débuté sa reconversion. « Je pense que je méritais d’avoir un contrat pro à Arles. Mais quand on est monté en Ligue 2, les nouveaux dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne me conserveraient pas. Le président historique du club, Patrick Chauvin, n’était pas d’accord avec cette décision. Il m’a dit, « Si un jour tu veux revenir, il y aura toujours une place pour toi ». »

À Arles, il est d’abord adjoint en U17 Nationaux. « Ça m’a permis de gérer ma jambe. J’ai fait un choix fort en enlevant le matériel qu’il y avait à l’intérieur. J’ai ensuite passé mes diplômes rapidement. »

Après avoir été entraîneur principal des U17, il est nommé – en 2016 – entraîneur de l’équipe première de l’AC Arles, qui est repartie en Régional 2 après la faillite d’Arles-Avignon. Son équipe fait la course en tête devant Istres, un club également passé par la Ligue 2 et en reconstruction. Mais au mois de mars, il décide de quitter le club. « Je n’avais pas de contrat et ça devenait trop difficile à gérer financièrement pour ma famille. Les dirigeants m’ont annoncé qu’ils ne pourraient pas me faire le contrat qu’ils m’avaient promis. Le club d’Endoume Marseille, en Régional 1, me proposait, lui, un contrat. J’avais bien sûr des regrets de ne pas valider la montée avec Arles. Mais on avait 18 victoires, 10 points d’avance quand je suis parti. On serait monté. »

« En toute humilité, je suis monté deux fois en un an »

Quand il arrive dans le club des quartiers ouest de Marseille, l’équipe est 6e. « Je faisais la route Nîmes – Marseille (240 km aller-retour) tous les jours. On m’avait dit, « C’est un club historique, tu n’es pas de la région, ça risque d’être difficile pour toi… » Mais en trois mois, on gagne 8 matchs sur 10 et on termine 2e derrière Cannes. On est promu en National 3. En toute humilité, je suis donc monté deux fois en un an. »

Avec Endoume, il connaît ensuite deux magnifiques saisons. « Quand on monte en N3, on joue le maintien. Je sais que ça va être compliqué. Humainement ça a été difficile, mais j’ai choisi de renouveler l’effectif pour pouvoir répondre à ce challenge. » Mais en fin de saison, Endoume termine premier de son groupe devant le SC Bastia, à peine tombé de Ligue 1 et liquidé l’année précédente. « On termine devant des équipes qui avaient beaucoup plus de moyens que nous comme Bastia, Cannes ou Aubagne. C’était exceptionnel, car vraiment inattendu. C’est aussi une fierté d’avoir pu révéler des joueurs à ce niveau. »

En National 2, Endoume termine ensuite 4e (saison 2018-19). « À la trêve, on s’était même pris à rêver à une 3e montée… Mais c’est Toulon qui monte. On a pu ramener des belles équipes comme Toulon ou Fréjus dans notre stade. J’ai vraiment passé deux saisons et demie magnifiques à Endoume, et avec des supers résultats. »

« Saint-Malo, une année moyenne, qui m’a beaucoup servi »

En juillet 2019, il met le cap sur la Bretagne avec un contrat de deux ans à Saint-Malo (N2). « Honnêtement, je m’attendais à avoir davantage de propositions. Il y a eu quelques approches mais pas tant que ça au final. Mais j’étais content d’arriver à Saint-Malo qui est un bon club à ce niveau. C’était une nouvelle expérience à tenter. »

Quand la saison s’arrête à cause du Covid, Saint-Malo est classé avec 8e avec un bilan équilibré (6 V, 6 N, 6 D). « L’année précédente, ils avaient terminé 11e. Il y avait moins de moyens pour la N2 car il y avait une équipe féminine en D2. Au final, ça a été une année moyenne qui m’a beaucoup servi pour la suite. J’ai toujours été dans l’auto-analyse. Je me suis demandé ce que j’aurais pu faire de mieux. Mais cette saison m’a permis de me réinventer et de me remettre en question. J’ai évolué dans ma philosophie de jeu. J’étais dans une région qui prônait avant tout le jeu. Cela m’a donc permis de peaufiner mon projet de jeu. »

« Une erreur de partir à Sedan »

Malgré l’année de contrat qui lui restait, Poirier choisit de répondre favorablement à la proposition de Sedan qui venait de rater la montée en National au profit du SC Bastia. « Ma famille était très bien à Saint-Malo et j’étais dans un club très sain. Avec le recul ça a été une erreur de partir à Sedan. Mais cette erreur, tout le monde l’aurait certainement fait… J’ai toujours été dans l’idée d’être ambitieux, de faire monter mes équipes et j’ai bien vu que ce serait compliqué avec Saint-Malo. Quand on a une proposition de trois ans de contrat dans un club historique comme Sedan avec des moyens pour monter, c’est difficile de refuser. C’est humain, on a tous envie de grandir. Mais ça m’a servi de leçon. Aujourd’hui, même avec une proposition comme ça, j’y réfléchirais à deux fois, notamment par rapport au cadre qui te permet de bien travailler. »

« À Sedan, j’ai été sali »

À Sedan, il a été écarté après sept matchs (1 V, 5 N, 1 D) alors que les championnats s’étaient de nouveau arrêtés. « Quand je suis arrivé, j’ai senti un club encore sous le choc d’avoir raté la montée après avoir été 1er presque toute l’année. Il y a beaucoup de supporters. Je sentais cette passion mais aussi une forme d’impatience. Je remplaçais aussi un entraîneur ardennais, ce n’est jamais évident. Sur les matchs, ça ne s’est pas joué à grand-chose, on a eu des poteaux. Après, j’étais en désaccord avec une personne décisionnaire au club. »

Grégory Poirier, qui passera au tribunal dans les prochaines semaines pour régler son litige avec Sedan – il a été licencié pour faute grave -, ne peut pas entrer dans les détails. Mais il est encore meurtri. « Je n’en veux pas au club de Sedan où j’étais bien. J’ai travaillé, j’ai tout donné mais certaines personnes ont choisi de me salir. Derrière leur décision, il y avait des enjeux familiaux et financiers pour moi. Bien sûr, on peut toujours faire mieux. Mais humainement, moi, je suis resté droit dans mes bottes et je peux me regarder dans un miroir. Je suis resté fidèle à mes valeurs. Je veux continuer à l’être dans ce métier, qui est très difficile et où on doit faire des choix. Je veux bien assumer mes responsabilités mais je n’accepte pas d’être sali en tant qu’homme. »

Accession en National avec Martigues

Après six mois de chômage, il est choisi pour succéder à Éric Chelle, parti à Boulogne-sur-Mer (National), sur le banc de Martigues (N2). Il ne signe que pour un an. « Djamal Mohamed, le directeur sportif, me connaissait par rapport à mes parcours avec Arles et Endoume. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir choisi ainsi que le président Alain Nersessian, malgré les bons profils qui se sont présentés car Martigues est un club attractif. Prendre un jeune entraîneur qui sortait d’une expérience difficile à Sedan, cela aurait pourtant pu les refroidir. »

Si le début de saison est poussif avec beaucoup de matchs nuls, le FC Martigues réalise une grosse deuxième partie de saison et est promu en National. « À un moment, on avait 11 points de retard sur GOAL FC mais on leur est passé devant. » Une nouvelle montée pour Grégory Poirier. « La saison suivante, en National, on s’attendait à un championnat difficile. Avec six descentes, on jouait le maintien. Mais on s’est positionné, 4e, 5e, et on a pris confiance. » À tel point qu’à trois journées de la fin, Martigues est en position de monter en Ligue 2. Mais il est rejoint par Nancy dans les dernières minutes à Turcan (1-1) puis s’incline contre toute attente chez le dernier, Borgo (3-0). La victoire lors de la dernière journée contre Versailles est juste un baroud d’honneur, Martigues termine 4e, à 2 points du tandem Concarneau-Dunkerque, promu en L2.

« A Borgo, c’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête »

« On est un peu isolé géographiquement et les déplacements ont vraiment été énergivores. On n’avait pas un effectif très large. En plus, sur la 2e partie de saison, on a beaucoup joué le lundi sur Canal +. Ce qui fait qu’on a souvent enchaîné le lundi et le vendredi. Pour un club amateur, ce fut compliqué à gérer. On avait joué Dunkerque et Concarneau en prenant 4 points sur 6. Ensuite, on est resté 18 jours sans jouer. C’est là qu’on perd la montée. On avait 3 points à prendre contre Nancy et Borgo mais on n’en prend qu’un seul… »

La défaite à Borgo a suscité de nombreuses rumeurs. « Les gens disent n’importe quoi. On a respecté cette équipe de Borgo et joué pour gagner. On n’avait pas pu travailler l’approche physique. Dans l’approche mentale, il y a aussi un truc qui n’a pas fonctionné. »
Ce soir-là, le coach de Martigues est tombé de très haut. « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête. Le lendemain de Borgo, j’étais à Clairefontaine pour les trophées du National où j’étais nommé parmi les trois meilleurs entraîneurs. Le lundi, je commençais le BEPF. Je me souviens être allé marcher seul dans la forêt à Clairefontaine. Je savais qu’on avait perdu la montée. Je ne voulais plus manger, je voulais tout arrêter… Mais je me suis vite repris. Aller au BEPF était une forme d’aboutissement pour moi. Je me devais de rester digne. Il restait le match de Versailles. Je me devais aussi de rester pro vis-à-vis de mon groupe, de mon club et d’y croire jusqu’au bout. »

« L’expérience de la saison dernière peut nous servir »

Un mois après cette terrible déception, la reprise de l’entraînement est entourée d’interrogations. « Je me demandais si on allait rebondir, comment le groupe, le staff, le club allait réagir ? Les gens me disaient « Tu as raté un truc exceptionnel, si tu arrives à te maintenir, ça serait déjà bien ». Mais on avait quand même réussi à garder 3/4 des joueurs. Le 1er juillet lors de la reprise, j’ai vu qu’on était tous contents de se retrouver. Cette journée m’a réconforté. J’ai senti qu’on était tous prêt à repartir, à se battre et à reprendre du plaisir. Je mets le jeu au centre de tout. Dans ces conditions, c’est forcément plus facile pour le coach et les joueurs de repartir. »

En coulisses, Martigues qui était fortement subventionné par la mairie, est passé sous pavillon américain en juin avec la création d’une SAS portée par le fonds d’investissement dirigé par Rob Roskopp et son épouse Lepa Galeb-Roskopp, représentés au quotidien par Columbus Morfaw, fondateur de Soccerlytics, société spécialisée dans l’analyse de données sportives. « Ce n’est pas ma partie mais on sent que le club est en mutation avec l’arrivée des Américains. Ça donne de la force et de la sérénité, on se sent moins exposé à une dangerosité. »
Malgré tout, le début de saison a été mitigé. « On avait créé des attentes. Il nous a manqué des joueurs, on n’arrivait plus à beaucoup marquer. Il a fallu trouver d’autres leviers, progresser défensivement. Et on est revenu. »

À 7 journées de la fin, Martigues, 3e, est toujours en course pour la Ligue 2, à 3 points seulement du 2e, Niort (entretien réalisé avant le succès du FCM face à Villefranche et la défaite de Niort au Red Star, Ndlr). « On espère être toujours là pour le sprint final des cinq dernières journées. Niort est devant, ils ont de l’avance et ils peuvent s’appuyer sur une grosse armada offensive. Nous, on a notre force collective et la connaissance du championnat. L’expérience de la saison dernière peut nous servir. »

« C’est une fierté que notre collectif soit réputé et remarqué »

Au-delà des bons résultats avec Martigues, Grégory Poirier s’est aussi fait remarquer par la qualité du jeu pratiqué par son équipe, qui fait l’unanimité chez les adversaires et observateurs du National. « C’est une fierté que ce collectif soit réputé et remarqué. À Arles et Endoume, j’avais construit mes équipes dans l’intensité et le résultat. Depuis Saint-Malo, j’ai changé de philosophie. Il faut prendre du plaisir à jouer, créer un collectif à travers des valeurs et du jeu. On est dans un football nouvelle génération avec un nouveau management. Avec mon staff, on essaye de se réinventer et de se renouveler. Avec les joueurs, on construit une relation exigeante en termes de performances mais en leur offrant un cadre de travail, un cadre humain où ils se sentent bien. Ils sentent les moyens à mettre dans le jeu et en même temps, ils apprécient notre compréhension sur le plan humain. Moi, j’essaye de mettre mes joueurs dans les meilleures conditions mentales. »

Sous contrat jusqu’en 2025 avec Martigues, Poirier, qui avec son BEPF pourra prétendre entraîner en L1 et L2, ne cache pas ses ambitions. « J’ai un profil d’avenir, je sais que je vais entraîner au plus haut niveau. Je suis plus fort depuis mes expériences à Sedan et à Saint-Malo. Mais je ne veux pas faire n’importe quoi comme quand j’ai quitté Saint-Malo. Ce que j’ai fait avec Martigues me réconforte dans ce que je mets en place. Je n’ai jamais changé. Bien sûr que je me remets en question. Je connais mes valeurs, je donne un sens à ce que je fais. Il y a la compétition que j’adore, mais aussi la relation avec le groupe, les gens avec qui tu travailles. Au quotidien, c’est extraordinaire. C’est de l’humain. Comme beaucoup d’entraîneurs, j’y mets des valeurs. La pire chose qui puisse t’arriver, c’est qu’on te salisse humainement, alors que tu a mis des valeurs dans ton management, que tu as tout donné. Mais ça t’apprend sur le monde du foot. Je préfère rester comme je suis car je sais que sur 10 fois, ça va marcher 8 ou 9 fois. Mais au moins je suis fidèle à ce que je veux mettre comme valeurs. »

Grégory Poirier, du tac au tac

« J’ai su me réinventer »

Meilleur souvenir ?
Mes montées. Celle avec mes U17 à Arles où on a gagné 23 matchs sur 24. Ensuite, celle de N3 à N2 avec Endoume Marseille après avoir été au coude à coude avec le SC Bastia. Et le parcours sur la durée avec Martigues.

Pire souvenir ?
En tant que joueur, mes nombreuses blessures. Comme coach, forcément la journée où on m’annonce que c’est terminé à Sedan. Tu rentres à la maison et ton fils de 8 ans te dit « Papa, tu n’es plus entraîneur de Sedan ? ». Forcément, tu fonds en larmes. Tu culpabilises car tu as fait déplacer ta famille, fait changer plusieurs fois d’école tes enfants… Bien sûr, c’est le métier qui veut ça. Mais à ce moment, je me dis « moi, je ne veux pas ça, je veux d’abord construire une famille » …

Un match référence ou un gros coup tactique ?
Plutôt que de sortir un match en particulier, je retiens d’abord que j’ai su me réinventer. Ça, j’en suis fier. Provoquer l’erreur de l’adversaire plutôt que d’attendre son erreur, ce n’est pas la même approche. J’ai eu des évolutions tactiques. À Endoume, je mettais un système en place par rapport à celui de l’adversaire. C’est pour ça que j’alternais entre le 3-5-2 et le 4-3-3. Aujourd’hui, ce que je retiens de mes expériences, c’est que je mets en place des choses pour qu’il y ait de la continuité et des repères. Mon projet de jeu culturel est plus fort que tout. Bien sûr que je vais essayer de savoir comment l’adversaire fonctionne, je vais essayer d’anticiper ses forces et faiblesses. Mais je veux aussi m’appuyer sur des valeurs refuges. Et le système, il l’est. Depuis 3-4 ans, j’ai une philosophie de jeu beaucoup plus joueuse qu’avant. J’ai aussi un projet de jeu très détaillé; mes adjoints, je sais les positionner sur des missions très claires dans le détail de ce projet de jeu. C’est une marque que je veux créer. Sans me prendre pour un autre, je veux créer une marque Poirier où l’équipe joue d’une certaine façon et avec des résultats.

Des modèles d’entraîneurs ?
J’essaye d’être le coach que j’aurais voulu avoir quand j’étais joueur, notamment sur le plan humain. J’ai essayé de prendre chez tous les coachs que j’ai connus. Je peux notamment ressortir Jean-Michel Cavalli à Nîmes, Francis de Taddeo et Ludovic Batelli à Amiens, et Michel Estevan à Arles. J’ai aussi eu Patrice Neveu chez les jeunes. Jean-Louis Saez, qui est actuellement directeur sportif de Montpellier, m’a, lui, sensibilisé sur les connexions dans le jeu.

Le joueur le plus fort que vous avez entraîné ?
Ismaël Bennacer, que j’ai eu avec les U17 à Arles. Il est aujourd’hui à l’AC Milan. Mais je ne vais pas tirer la couverture à moi. On était juste dans l’accompagnement avec lui. Il avait le mental et il aurait réussi avec n’importe quel coach. J’ai aussi entrainé Gaël Danic à Saint-Malo et j’entraîne Foued Kadir à Martigues, qui ont eu une belle carrière.

Quels joueurs avez-vous fait le plus progresser ?
On est toujours fier de sortir des joueurs et les voir au-dessus aujourd’hui. Je peux citer Oualid Orinel (Martigues) et Achille Anani (Red Star) que je vais chercher en R2 à Arles et en N3 à Aubagne où il ne jouait pas trop, quand j’étais à Endoume. ll y a aussi Yasser Balde que je relance en N2 avec Endoume et qui joue aujourd’hui en L2 avec Laval. J’ai aussi relancé Anthony Ribelin à Endoume. Zakaria Fdaouch, on va le chercher en N2 avec Martigues. Avec Dijon, il est maintenant devenu l’un des meilleurs joueurs de National et il jouera certainement en L2 la saison prochaine.

Avec le président du FC Martigues, Alain Nersessian.

Un président marquant ?
Pour moi, il est important qu’il y ait un triangle de confiance entre le président, le directeur sportif et le coach. Mais je ne suis pas naïf, non plus… Je sais que cette confiance peut s’étioler avec les résultats. Malgré ma mauvaise expérience à Sedan, j’ai toujours veillé à bien faire fonctionner notre trio. Si je ne devais ressortir qu’un président, je dirais forcément Patrick Chauvin à Arles. Il m’a changé en tant qu’homme. Je jouais en CFA2, je faisais mes études et je ne pensais pas arriver jusqu’aux pros et devenir entraîneur. Ensuite, je n’oublierais jamais qu’il m’a rappelé pour devenir éducateur à Arles quand j’ai été obligé de stopper ma carrière. J’ai beaucoup d’affection pour lui. Il a marqué tous ceux qui l’ont connu à Arles. Il disait toujours « je recrute des hommes avant de recruter des joueurs ». Il mettait les relations humaines au-dessus de tout, en plus de connaître le foot. C’est juste exceptionnel…

Vos amis dans le foot ?
J’en ai beaucoup. J’ai gardé beaucoup de relations avec mes anciens joueurs aussi, que ce soit d’Arles, Endoume, Saint-Malo et Sedan, même ceux qui ont arrêté le foot depuis. En National, je revois aussi beaucoup d’anciens sedanais. Chez les entraineurs, je suis proche de Fabien Pujo. On s’est croisé, affronté et chamaillé (sourire) lors des matchs Toulon – Endoume. Ensuite, « Fabio » m’a succédé à Saint-Malo. Et là, on passe le BEPF ensemble et on s’affronte en National. Globalement, il y a vraiment une super ambiance entre nous dans la promotion de cette année. Fabien, il est différent intrinsèquement de moi. Mais on arrive à beaucoup échanger et on s’enrichit mutuellement. Chez les coachs de National, j’apprécie également Karim Mokeddem, Habib Beye et Maxime d’Ornano que j’ai connu quand il était à Saint-Brieuc et moi à Saint-Malo. Il a des idées et une grande humilité. Il a fait un parcours extraordinaire en Coupe et en championnat.

Vos occupations en dehors du foot ?
Je passe beaucoup de temps avec mes enfants. Je ne peux pas remplir toutes les tâches du quotidien, surtout cette année avec le diplôme, mais l’éducation de mes enfants, je ne veux pas passer à côté. Ils m’ont suivi partout. On est une famille très soudée. Après, j’aime faire du sport, courir, taper la balle au padel… Mais quand mon corps me le permet. Sinon, je suis plutôt nature, j’aime bien me balader, à la mer ou à la montagne.

La Rochelle où vous avez grandi, le Sud où vous avez beaucoup joué et entraîné, le Nord ou la Bretagne ?
J’adore le soleil et le cadre de vie du sud. J’aime aussi l’humour du sud. Mais je ne me considère pas comme un vrai sudiste. J’ai des attaches partout en France. Je sais aussi m’adapter partout. J’ai aimé la mentalité à Saint-Malo et à Sedan ou Amiens quand je jouais. En tant qu’entraîneur, c’est vrai que j’ai eu des résultats et des montées avec des clubs du sud mais je veux aussi prouver plus tard que je peux aussi réussir dans d’autres régions.

Les réseaux sociaux où vous êtes bien présent sur Instagram, c’est important pour vous ?
À la base, je n’étais pas très réseaux. Mais ils font partie du monde d’aujourd’hui. J’ai appris à travailler avec eux. Il y a des gens qui nous suivent mais on n’a pas toujours le temps d’échanger. Il faut savoir partager des émotions. Quand je suis parti en stage à l’AC Milan en décembre, j’ai fait des photos et des selfies que j’ai partagés. Je ne le ferai pas tout le temps. Mais c’était pour fixer des souvenirs car je ne partirai pas 50 fois en stage dans un aussi grand club que l’AC Milan. Après, moi, je reste surtout concentré sur le terrain. Mes réseaux, c’est surtout ma femme qui s’en occupe.

Texte : Laurent PRUNETA / Twitter : @PrunetaLaurent

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech 

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