National / Fabien Dagneaux (Boulogne) : « Je suis un meneur d’hommes »

L’homme du renouveau boulonnais, revenu dans le club de sa ville en 2018 après s’être assis sur des bancs régionaux à Dèsvres, où il est éducateur sportif, à Étaples et au Portel, a, en l’espace de 20 mois, sauvé l’USBCO d’une descente en N3 avant de le conduire aujourd’hui en haut de tableau du National. Son credo : le mental. Son mérite : un staff sans faille. Portrait.

Par Anthony BOYER / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

Entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0

Photo Philippe Le Brech

C’est à un horaire très matinal – 7h30 – que Fabien Dagneaux nous a donnés rendez-vous, en visio, un mug de café à la main (nous aussi !), depuis son domicile, à Boulogne-sur-Mer, pour un entretien de quarante minutes. C’était la veille de l’entrée en lice en coupe de France à Gamaches (5e tour, qualification 3 à 0).

Quarante minutes durant lesquelles le natif de Boulogne-sur-Mer, qui vient de fêter ses 52 ans, ne s’est jamais attribué la paternité des excellents résultats de l’USBCO depuis sa prise de fonction, début février 2023, à la tête d’une équipe qui occupait alors la dernière place de sa poule en National 2 avec seulement 13 points (en 17 journées) et une 16e et dernière place.

Vincent Boutillier : « Mon choix a été rationnel »

Fabien Dagneaux a préféré mettre en avant le travail d’un staff soudé de quatre personnes. Un staff boulonnais aussi, et ça, dans une ville où l’attachement au club est très fort, c’est quelque chose d’important, comme l’a d’ailleurs expliqué Vincent Boutillier, le président : « À 13 journées de la fin, il fallait gagner 9 matchs pour se maintenir en National 2, et je me suis posé cette question, « qui peut faire gagner l’équipe ? », raconte celui qui a succédé à Reinold Delattre en novembre 2022; je ne voyais qu’une personne connaissant le club, alors quitte à prendre un risque, autant prendre celui-là. Fabien avait déjà réalisé un exploit avec la réserve en N3 quelques années plus tôt, il connaissait cette pression du résultat. Et puis je voulais retrouver les valeurs boulonnaises, qui sont au centre du projet et même du développement du club, basé sur un ADN territorial. Finalement, je vois que mon choix a été rationnel. »

Dans le wagon de tête

Avec Anthony Lecointe. Photo Philippe Le Brech

Depuis sa prise de fonction, il y a plus de 20 mois, Fabien Dagneaux a dirigé 47 matchs de championnat sur le banc : 39 en N2 à cheval sur deux saisons et 9 en National (match de Nîmes compris). Pour seulement 10 défaites.

Fabien Dagneaux n’a pas compté. De toute façon, il préfère retenir les victoires (28). Et savourer. Profiter de l’instant présent. Communier avec le public retrouvé de la Libé.

Vendredi dernier, en battant Orléans 3 à 0 devant près de 4000 spectateurs, dans ce stade qui pue le foot et transpire l’amour de ses couleurs, l’USBCO, 3e du championnat à une longueur des deux co-leaders Nancy et Concarneau (mais avec un match de moins) a effacé la défaite 3-0 concédée à Aubagne lors de la précédente journée (entretien réalisé avant la défaite à Nîmes 2 à 0).

Revenu dans « son » club de coeur en 2018, d’abord pour s’occuper des jeunes avant de prendre la réserve, Fabien Dagneaux retrace son parcours et évoque son staff, notamment son adjoint Anthony Lecointe, une figure locale, joueur du CFA jusqu’à la Ligue 1 avec l’USBCO.
Il évoque aussi le public boulonnais, le stade de la « Libé » si particulier, la pêche et son lien indéfectible avec le foot, l’histoire avec un grand H, le plaisir. Le tout avec humilité, passion et émotion parfois.

Interview

« Donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme ! »

Photo Philippe Le Brech

Fabien, vous êtes sans doute le coach le moins « connu » du championnat National, alors… présentez-vous !
J’ai 51 ans. Je suis pur boulonnais. J’habite à Boulogne, dans la ville, mais je suis originaire du haut de la ville, du quartier du chemin Vert. J’ai 4 enfants : deux filles (Caroline, 32 ans, psychologue et Agathe, 20 ans, étudiante en commerce) et deux garçons (François, 26 ans, maître-nageur et Charlie, 17 ans, pensionnaire du centre de formation du SC Bastia).

Votre carrière de joueur ?
J’ai joué à l’US Boulogne de poussins jusqu’à seniors, plutôt en réserve. J’ai été papa très tôt donc j’ai privilégié le travail. J’ai intégré une commune, Dèsvres (à 20km de Boulogne), qui m’a recruté comme éducateur sportif et aussi joueur pour le club local, où j’ai structuré l’école de football, lancé une section sportive avec des classes à horaires aménagés. J’ai passé mon BE1 en 1993, j’étais jeune (il avait 21 ans) !

À quel poste jouiez-vous ?
Je jouais latéral droit ou gauche, parfois en numéro 6. J’étais bon dans les duels, je poussais l’équipe.

Joueur puis entraîneur à Dèsvres

Photo Philippe Le Brech

Dèsvres, c’est donc là que vous faites vos débuts d’entraîneur …
J’y suis resté de 1994 à 2003. J’étais joueur d’abord. Puis j’ai eu un peu toutes les fonctions, entraîneur-joueur, entraîneur, éducateur, puis je suis revenu à Boulogne de 2003 à 2008 pour entraîner les U18 à l’époque de Philippe Montanier. C’est là que j’ai croisé quelques joueurs qui ont fait partie de l’épopée boulonnaise jusqu’en Ligue 1, comme Damien Marcq et Matthieu Labbé. Ensuite je suis parti à Etaples, à côté du Touquet, où j’ai fait deux saisons comme coach en DHR (Régional 2), de 2008 à 2010. On a fait deux belles saisons, on a failli monter en DH. Puis j’ai été contacté par Le Portel (Stade Portelois), club voisin de Boulogne, où j’ai entraîné pendant 7 ans, avec une montée en DH, un 32e de finale de coupe, deux 8e tour de coupe et aussi deux 7e tour. C’était une belle aventure. On s’est maintenu en DH et il y a eu l’arrivée d’un nouveau président, qui a voulu repartir sur autre chose, et moi, dans le même temps, j’ai été contacté par Jacques Wattez, le président de l’USBCO, et par le président de l’association, Clément Iffenecker. Monsieur Wattez voulait que je revienne au club car il manquait quelqu’un pour les U16 qui avaient l’objectif de monter en U17 Nationaux, donc je suis parti dans ce projet mais très vite, au mois de février suivant, j’ai basculé avec la réserve de National 3, parce qu’elle était mal en point. Je suis venu épauler l’entraîneur, Alexis Loreille, que j’avais eu en U18, et avec qui je m’entendais très bien. Et finalement, on a réussi à se sauver à la dernière journée et à maintenir l’équipe en N3 ! Derrière, j’ai enchaîné quatre saisons avec la réserve.

Actuellement, vous êtes en disponibilité de la mairie de Dèsvres, n’est-ce pas ?
Oui. Et je remercie la mairie, parce que depuis deux ans et demi, je peux m’atteler à la tâche de l’USBCO. C’était le deal à l’époque. J’avais des diplômes d’éducateur sportif, le BEESAPT et le BE foot, donc ce que je voulais, c’était devenir éducateur sportif dans une commune, travailler dans des écoles. Puis j’ai passé le concours d’éducateur territorial des APS (activités physiques et sportives, ETAPS), et j’ai encadré les enfants dans les écoles à Dèsvres, dans les centres de loisirs, dans les associations. On a développé pas mal de choses. A Dèsvres, on est trois éducateurs sportifs dans un service qui fonctionne très bien.

« J’ai beaucoup appris au contacts des coachs à l’USBCO »

Photo Philippe Le Brech

Quand vous êtes revenu à Boulogne pour entraîner les U16, n’était-ce pas une forme de « rétrogradation » pour vous qui veniez de passer plusieurs saisons en seniors au Portel ?
Non. Ma passion, avant tout, c’est le foot. J’ai entraîné toutes les catégories d’âge et je prends toujours du plaisir, que ce soit dans la formation des jeunes ou dans l’entraînement des seniors. Forcément, j’avais comme objectif de continuer à progresser, à entraîner, d’être au contact de coachs expérimentés qui pouvaient m’apprendre beaucoup de choses. Et puis c’était l’occasion de retrouver mon club. Ce n’était pas une rétrogradation mais l’envie de prendre du plaisir et de transmettre. Quand l’opportunité d’aller en seniors et de relever le défi du maintien avec Alexis, que j’apprécie beaucoup, est arrivée, c’était aussi un beau challenge, qui m’a conforté dans mon idée que, avant tout, un coach, c’est un staff, et quand il n’y a pas de faille dans le staff, on peut réussir de belles choses, ce qui est le cas aujourd’hui en National.

Vous aimez apprendre des autres coachs : à Boulogne, vous avez dû être servi avec tous ceux qui y sont passés ces dernières saisons…
Forcément, comme j’avais la réserve, j’ai eu beaucoup de contacts avec les coachs de l’époque de l’équipe fanion, Olivier Frapolli, Laurent Guyot, Eric Chelle, Stéphane Jobard. J’ai toujours été proche d’eux, notamment de Laurent et Olivier qui sont restés un peu plus longtemps. On a pu beaucoup échanger et j’ai appris d’eux.

Photo Philippe Le Brech

Vous ne vous êtes jamais dit « Un jour je serai coach de l’équipe fanion de l’USBCO… » ?
C’est vrai que, dans un coin de ma tête, me titillait l’idée d’avoir une expérience, plutôt comme adjoint, à un niveau supérieur, mais j’étais aussi devenu responsable de la formation à l’USBCO, afin de redynamiser l’équipe d’éducateurs et remettre les choses en place. Vous savez, à Boulogne, on a une équipe d’éducateurs très solidaire, où les gens s’apprécient énormément. Donc quand j’ai eu l’opportunité de reprendre l’équipe première, l’année dernière, et en plus avec un de mes meilleurs amis (Antony Lecointe), ça a fait tilt (rires) !

Dans la liste des entraîneurs côtoyés à Boulogne, vous n’avez pas cité votre prédécesseur, Christophe Raymond…
Mais je l’apprécie beaucoup ! C’est un oubli. C’est vrai que cela a duré peu de temps, j’ai beaucoup échangé avec lui. J’ai toujours été au service des coachs quand j’avais la réserve, pareil avec Christophe, qui est un bon coach, malheureusement, avec lui, la mayonnaise n’a pas pris.

« C’est la première fois que je gère des gens dont le foot est le métier »

Avec Anthony Lecointe. Le PhotographeHDF

Parlons de votre staff : vous le mettez sans cesse en avant, notamment votre adjoint, Anthony Lecointe…
Anthony, c’était mon capitaine au Portel, et j’échangeais déjà beaucoup avec lui. On a un fonctionnement bien défini. D’abord, je fais énormément confiance à mon staff, que cela soit Antoine Decaix notre préparateur physique, qui a lui aussi pas mal d’expérience. On a décidé de se faire confiance les uns les autres. Antoine a proposé une méthode de travail au niveau athlétique avec de « l’intégré » et du « dissocié », du travail pur de course parfois, et une planification. J’ai donné quelques lignes directrices. Moi, j’ai beaucoup travaillé sur l’aspect mental et humain, parce qu’avec Anthony (Lecointe), on croit beaucoup en l’humain. Anthony, lui, est plus dans la gestion tactique de l’équipe parce qu’il a une sensibilité, il observe beaucoup les matchs; après, forcément, il a été un joueur de haut niveau. Moi, j’ai déjà géré beaucoup de groupes, beaucoup d’hommes, même si là, c’est la première fois que je gère des homme dont le football est leur métier. On a beaucoup échangé là-dessus. J’ai aussi essayé de me servir des bienfaits des coachs qui m’ont précédé, mais aussi de ce qui me semblait parfois être de petites erreurs.

Un exemple d’erreur ?
Je pense que, quand on est pris par la machine des résultats, on regarde moins certains joueurs qui sont en réserve par exemple, parce qu’on a tendance à dire qu’ils sont à la cave alors que quand l’entraîneur de l’équipe réserve les a avec lui, il peut se rendre compte que, parfois, un mot, un regard, un peu d’attention, permet de relancer la machine : j’en ai eu l’exemple avec un garçon comme Jean Vercruysse, qui aujourd’hui est dans notre équipe en National. Jean était en réserve avec moi pendant 3 mois, il n’avait certainement pas eu la bonne attitude avec le coach de l’équipe Une (titulaire indiscutable en début de saison 2022-23, il avait ensuite été écarté pour « raisons disciplinaires ») et quand il est revenu, c’était un homme neuf. C’est important de s’appuyer sur les expériences de chacun.

« On est un staff sans faille »

Le Photographe HDF

Vous avez parlé d’Anthony, d’Antoine, et il y a aussi Hugo Stevenart dans votre staff…
Oui, c’est l’entraîneur des gardiens, il est plus jeune que mon premier fils (Hugo a 21 ans) ! On travaille tous les quatre en osmose. On est très proches les uns des autres. Je dis souvent à Antoine qu’ils pourraient être mes fils, ils me le rendent bien ! On se dit les choses. On est un staff sans faille.

Vous êtes aussi un staff boulonnais…
Oui, c’est aussi ce qui fait notre force. En terme de soutien populaire, les gens sont très chauvins, et le fait que le staff soit d’ici, avec Anthony forcément, qui est une icône à l’USBCO, avec moi, qui suis du quartier du chemin Vert à Boulogne, on a cette chance-là, d’être « populaires » entre guillemets, et puis on connaît le club de fond en comble, on connaît son histoire, on s’appuie dessus, c’est super-important. Je connais l’USBCO depuis que j’ai 8 ans ! J’ai tout connu, la DH, la Ligue 1…

« J’ai dit oui au président avant même de prévenir ma femme ! »

Un staff sans faille. Photo Philippe Le Brech

Début février 2023, le président Vincent Boutillier vous demande de prendre en charge l’équipe Une, dernière de N2 : avez-vous hésité, avez-vous eu peur ?
(Catégorique) Non. Je n’ai pas hésité. Il m’a appelé un lundi soir et m’a dit qu’il voulait prendre le petit déjeuner avec moi le lendemain matin. Je me suis demandé ce qu’il voulait. Je pensais qu’il me demanderait d’épauler le staff ou de prendre l’équipe Une, mais je n’avais pas d’indication. En fait, je pensais vraiment que l’on allait me demander d’intégrer le staff, parce que je m’entendais bien avec Christophe (Raymond), mais le club a décidé de se séparer de lui et a pensé que je pouvais être l’homme de la situation. Le président m’a demandé, si je prenais l’équipe, avec qui je voudrais travailler, et quand j’ai répondu sans hésiter Anthony (Lecointe), il m’a répondu « ça tombe très bien, j’ai pensé à la même personne que toi ! ». Et il m’a aussi dit : « J’ai besoin de ta réponse, mais tout de suite ». Donc j’ai dit oui, et on est parti voir Anthony, et avant même de prévenir nos femmes, on avait chacun donné notre accord (rires) !

Depuis votre prise de fonction, les résultats sont là, avec peu de défaites, 9 à ce jour, étalées sur trois saisons…
Neuf défaites ? C’est vrai, on a peu de défaites. La saison passée, en National 2, on a perdu 5 matchs je crois. Je savais que l’on était à moins de 10 défaites, mais je ne suis pas trop branché « stats », d’ailleurs, on m’a déjà reproché de ne pas le dire assez souvent. Je sais juste que, à un moment donné, on a avait 26 victoires sur 30 matchs.

« On aime les gens qui donnent tout »

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo USBCO

Y-at-il un style Dagneaux ?
Il n’y a pas de style Dagneaux en particulier, d’autant moins que l’on fonctionne en staff; à la limite, on pourrait plus parler de style Dagneaux-Lecointe. Je suis comme Anthony, nous on aime les gens qui donnent tout. On est dans un principe de ne jamais rien lâcher, de se dire que, sur le terrain, c’est 11 contre 11. Un homme reste un homme, c’est pour ça que l’aspect mental me paraît primordial, même s’il faut s’appuyer sur des aspects tactique et technique.

Voilà pourquoi notre binôme se complète très bien, car nous sommes deux personnes qui maîtrisons parfaitement ces points là, le mental et la tactique. Il faut rendre à César ce qui lui appartient : Anthony a beaucoup de clairvoyance dans le domaine tactique. Et dans l’aspect mental, je suis un meneur d’hommes comme on dit, je peux emmener avec moi des gens dans des défis un peu fous !

Le stade de la Libération à Boulogne-sur-Mer. Photo 13HF

La préparation mentale, c’est quelque chose qui vous a toujours plu ?
Oui. Je reste persuadé que, arrivé à un niveau, tous les joueurs ont le même bagage tactique et technique, et celui qui fait la différence, indépendamment du don, des qualités techniques et athlétiques que tout le monde n’a pas, c’est celui qui a une force mentale incroyable. J’ai vu évoluer des garçons comme Franck Ribéry ou même Anthony (Lecointe), avec tous les deux des caractéristiques différentes, j’ai côtoyé de près Jimmy Gressier, que j’ai eu comme joueur de foot (le champion d’athlétisme est né à Boulogne, quartier du chemin Vert lui aussi, et a joué à l’USBCO; Ndlr) ce sont des gens qui ont une force mentale incroyable, et qui, quand ils se donnent un objectif, le réalisent, parce qu’il parviennent à se surpasser dans la durée. On voit bien l’importance de l’aspect mental dans tous les sports. Se surpasser à l’instant T, tout le monde est capable de le faire, mais pour être un sportif de haut niveau, il faut le faire sur la durée. Une équipe, c’est pareil.

Quand j’ai pris la réserve, dernière de N3, on m’avait dit « Ce n’est pas grave si on ne se maintient pas, on continuera avec toi, etc, etc…  » Et là, j’ai dit « Comment ça si l’équipe réserve ne se maintient pas ? » On avait 14 points en février et j’ai dit « On va se maintenir ». Il n’y avait que deux personnes à y croire, Alexis (Loreille) et moi. On a renversé le mental de cette équipe. Et on y est arrivé. C’est un peu la même expérience que j’ai vécue avec l’équipe première de l’USBCO à ma prise de fonction en N2 : tout le monde nous voyait déjà en National 3 et parlait de reconstruire un projet… En fait, le président, le directeur général (Jérome Fouble), Anthony et moi, étions les seuls à y croire, et très vite, l’aspect mental a basculé, le groupe a vécu différemment, sur de la cohésion, sur l’envie de s’emmener les uns les autres. Anthony a apporté sa touche tactique, c’était vraiment la bonne complémentarité.

D’où vient ce goût pour l’aspect mental ?
Peut-être que ça vient des gênes de notre quartier, parce qu’on est tous ici du même quartier du chemin Vert, à Boulogne, alors quand on veut quelque chose, eh bien on l’obtient !

« Je suis content que l’on m’ait donné ma chance »

Les valeurs de l’USBCO, affichées devant le couloir menant aux vestiaires. Photo 13HF

Cette saison, vous découvrez le National dans le rôle de l’acteur, mais vous aviez eu le temps de vous faire une idée de ce championnat, quand vous étiez spectateur …
C’est sûr que là, en National, on est monté d’un cran en termes d’exigence. On essaie d’être encore plus pointilleux dans notre travail, encore plus dans le détail. On s’est rendu compte très vite que c’était un autre monde, ne serait-ce que dans les infrastructures, dans la qualité des joueurs, dans l’approche tactique des équipes. On sent qu’on est dans le monde pro, où tout au moins qu’on est très près du monde pro. On essaie de vite s’adapter au niveau aussi, parce qu’on a beaucoup de joueurs qui n’ont jamais joué en National. C’est vraiment un beau championnat et on espère y rester ! Par le passé, j’ai vu beaucoup de matchs de Boulogne en National même si, quand j’étais au Portel, je m’entraînais le vendredi soir, mais depuis que je suis revenu, j’ai vu tous les matchs, j’ai fait aussi deux intérims, quand Laurent (Guyot) et Stéphane (Jobard) ont eu la Covid, j’avais touché un peu le banc. Même quand Boulogne jouait à l’extérieur, je regardais les matchs chez moi, comme j’étais le coach de la réserve en plus… C’est là aussi où j’ai beaucoup appris : par exemple, avec Laurent (Guyot), le lundi, on discutait souvent du match de l’équipe réserve et aussi de son match, on échangeait.

Entraîner l’équipe Une de l’USBCO, c’est une revanche pour vous qui étiez déjà parti deux fois du club ?
Non. Il n’y a aucun côté revanchard. Je suis juste très content qu’on ait pu me donner ma chance, d’avoir parcouru tous les étages du club. Je vais vous faire une confidence : le jour du maintien en National 2… J’en suis encore ému rien qu’en en parlant… Ce jour-là, je me suis revu quand j’étais petit, quand je venais au stade, quand j’étais poussin, et là, je sauve le club d’une descente en N3. C’est l’image qui me revient et qui me restera. Et je me suis redit la même chose au printemps dernier, quand on est monté en National : « Voilà, t’as réussi un pari, avec des joueurs du cru, avec mon ami Anthony »… Parce qu’Anthony, je suis aussi son témoin de mariage. Là encore, plein d’images me sont passées par la tête, quand j’étais petit, mes entraîneurs, mes dirigeants. J’ai dû m’isoler un moment quand tout le monde était sur le terrain, parce que tout m’est revenu en tête.

« Le stade de la Libé transpire plein de choses chez moi »

Pour Fabien Dagneaux, « Boulogne est une vraie ville de foot ». Photo 13HF

Qu’est ce qu’il a de si particulier ce stade de la Libération ?
Il y a toujours eu une ferveur ici. Quand j’étais petit, le club était en DH, et même à ce niveau, il y avait du monde, alors qu’il avait joué en Division 2 juste avant. J’y ai tout connu. J’y ai joué dessus en foot à 7, en pupilles, forcément, il transpire plein de choses chez moi. Les gens lui sont fidèles. L’ambiance est bonne. C’est un stade qui regorge d’anecdotes, d’images, de souvenirs, qui nous fait vibrer, et aujourd’hui, de le voir rempli comme ça, de voir cette ambiance … D’ailleurs je remercie les supporters, parce qu’on a une vraie et belle ambiance, que je ne retrouve pas partout ailleurs.

Et ce public… On a l’impression qu’il encourage en toutes circonstances, qu’il est toujours derrière son équipe même quand ça joue mal…
Le public boulonnais, c’est un peu comme le monde de la pêche : il a surtout envie que les joueurs mouillent le maillot même si on est moins forts, même si on joue moins bien; ça, on l’avait beaucoup expliqué aux joueurs quand on avait repris l’équipe. Ici, ce n’est pas parce qu’on va jouer comme le Barça que le public sera content. Ce que les gens veulent, c’est des joueurs qui mouillent le maillot, qui se dépassent, et là, le public applaudira aussi bien un tacle, un but sauvé sur la ligne, un ballon dégagé en touche pour ne pas prendre de risque, qu’un beau geste technique ou plusieurs passes consécutives. Tout ça, c’est aussi quelque chose que l’on a mis dans les valeurs de notre équipe. On a le droit d’être moins bons que l’adversaire, mais on n’a jamais le droit de lâcher. Par exemple, récemment, contre Le Mans, on fait une bonne première période (2-0 à la pause), on est malmené en deuxième (Le Mans revient à 2-2) mais les joueurs n’ont pas lâché, et même si on avait fait 2 à 2, le public aurait été content, il aurait applaudi aussi, parce que les joueurs n’ont pas lâché (l’USBCO a finalement gagné 3-2 à la 90e). C’est une de nos vertus.

« Les valeurs de solidarité, comme quand on va en mer à la pêche »

Photo 13HF

Boulogne, vraie ville de foot ?
Oui, je pense que c’est une ville de foot plus qu’à Dunkerque, par exemple, qui est une grosse ville, et où il y a beaucoup de sports, Calais était une ville de foot aussi, d’ailleurs quand on était jeune, les derbys Boulogne-Calais, c’était quelque chose ! Il y a avait une rivalité bon enfant. Calais et Boulogne sont des vraies villes de foot. Dunkerque est plus omnisports.

Boulogne est connue pour être un port de pêche très actif économiquement : existe-t-il un lien avec le foot ?
Oui. Quand j’étais junior, j’ai été papa très jeune et j’ai travaillé très tôt avec monsieur Wytz dans une boîte d’import-export de poissons, dans la zone Capécure, et quand monsieur Wattez (président de la société COPALIS, spécialisée dans la valorisation des produits de la pêche) est arrivé à l’USBCO, tout le secteur de la pêche était derrière le club. Tous les Boulonnais ont un membre de leur famille qui ont un lien de travail avec la pêche, j’avais un oncle qui travaillait à la marée, comme on dit, des marins-pêcheurs dans la famille, Anthony a aussi travaillé à Capécure. Tous les Boulonnais ont un lien avec la pêche et le club de foot a une histoire avec elle, avec ces valeurs humaines très importantes, ces valeurs de solidarité quand on va en mer.

En ville, les gens vous reconnaissent-ils plus facilement ?
C’est l’avantage et l’inconvénient d’être un pur boulonnais ! Où que j’aille, il y a toujours des gens qui vous parlent de foot, ils sont contents de voir des Boulonnais à la tête du club, bien sûr, et quand on a des résultats, comme en ce moment, on a des encouragements. Les gens parlent avec nous ou nous disent juste bonjour, on sent qu’on leur donne du plaisir, et ça, c’est quelque chose qui m’a beaucoup touché, idem pour les autres membres du staff : on a donné du plaisir aux gens, et ça, le mérite en revient aussi à l’équipe. On se rend compte que le foot peut vraiment être un vecteur de joie. On sent vraiment que le regard des Boulonnais envers le club est différent, qu’ils sont joyeux, derrière nous, et ça fait chaud au coeur quand on est natif d’ici. Parce qu’on connaît les problèmes sociaux que certains rencontrent. On a été au coeur de ça. Alors donner de la joie, c’est quelque chose d’énorme. On me répète souvent aux joueurs : « Prenez du plaisir mais n’oubliez pas d’en donner aux autres ».

Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr

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Vous avez manqué :

– Vincent Boutillier : « J’ai envie de reconstruire une histoire à Boulogne (novembre 2022) :

https://13heuresfoot.fr/actualites/vincent-boutillier-jai-envie-de-reconstruire-une-histoire-a-boulogne/

– Sébastien Flochon : « À Boulogne, on respire le foot ! » (mai 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-2-sebastien-flochon-a-boulogne-on-respire-le-foot/

– Sylvain Jore : « À Calais, les gens n’attendent que ça » (septembre 2024)

https://13heuresfoot.fr/actualites/national-3-sylvain-jore-a-calais-les-gens-nattendent-que-ca/