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National 3 : le nouveau statut du Pays de Cassel

Révélation de la coup de France la saison passée, le club nordiste a, dans la foulée de son 16e de finale face au PSG, accédé en N3. Un nouveau monde, semi-professionnel, qu’il faut apprivoiser. Le début de saison de l’USPC est poussif, mais la coupe revient, avec la réception de Croix au 4e tour. Un coup de boost ?

(Reportage réalisé juste avant l’élimination 1-2 en coupe de France, au 4e tour, par Croix, club de N3)

Quelle équipe de National 3 peut se targuer de faire décaler un match de Coupe de France pour ramener du monde au stade ? L’US Pays de Cassel, pardi ! Et c’est grâce à sa nouvelle notoriété, acquise l’an passé avec son épopée en Coupe, qui l’avait vu atteindre les 16es de finale face au PSG.

Il y a quinze jours, au 3e tour de cette nouvelle édition 2023-24, Saint-Martin-Boulogne, équipe de D1 (District), a demandé d’organiser son match le samedi après-midi, afin de jouer à guichets fermés. Du coup, 400 spectateurs ont pu assister au match. Un bel engouement. Les Casselois ont obtenu leur qualification (3-1) et la confirmation, s’il en fallait une, de leur nouveau statut !

Quatre villages, 8000 habitants

L’hiver dernier, la France découvre ce club, niché au cœur des Flandres, entre Lille et Dunkerque, la nuit du 23 janvier 2023 au stade Bollaert-Dellelis à Lens. Ce soir-là, le Paris Saint-Germain du récent vice-champion du monde Kylian Mbappé joue sa place en 8e de finale contre le petit Poucet, alors pensionnaire de Régional 1 (DH).

Dans un stade plein, les hommes de Samuel Goethals, le technicien casselois, subissent logiquement la loi de Mbappé, auteur d’un quintuplé, Neymar et consorts (0-7). Mais l’essentiel est ailleurs. Au sein de l’effectif casselois, certains sont fans du PSG et réalisent le rêve d’une vie. Alexis Zmijak, capitaine de l’équipe et ultra parisien, se voit remettre le maillot des mains du meilleur joueur français ! Sa fille a même dormi avec avant qu’il n’ait eu le temps de le laver !

Depuis, Paris est retourné à son quotidien, pendant que le club nordiste, lui, après avoir bien fêté ça, a récolté les fruits de ce parcours hors-norme pour un club composé de quatre villages, et qui regroupe en tout 8000 habitants !

L’union fait la force

Le stade Joseph Duvet, à Noordpeene.

Quatre petits villages d’irréductibles Flandriens, qui se sont alliés pour exister face aux mastodontes que le Nord abrite. On pense à des structures bien connues du monde amateur comme Croix, Marcq-en-Baroeul ou encore Pays de Valois.

Gabriel Bogaert, directeur sportif du club et homme à tout faire, est l’artisan de ce projet. En 2017, alors à Arnèke, il initie une fusion avec trois autres clubs : Bavinchove-Cassel, Noordpeene-Zuytpeene et Hardifort. Après une année d’âpres négociations, l’Union Sportive Pays de Cassel voit le jour en 2018.

L’entraîneur, Samuel Goethals.

L’équipe, partie de Régional 2, obtient sa montée dès sa deuxième année d’existence en 2020. Après deux nouvelles années à encore maturer le projet, les Jaune et Noir connaissent la saison de leur vie, en 2022-23, grâce à la Coupe de France… et au championnat.

Pourtant, en coupe, rien n’est facile. Les premiers matchs de l’épopée des Casselois sont serrés et se jouent sur des détails. Au 8e tour, ils obtiennent leur qualification pour les 32es de finale aux tirs au but (1-1, 3-2, t.a.b.) contre Drancy (N3). Mais ils doivent patienter avant de le disputer, leur sort étant lié à la triste affaire d’un autre match du 8e tour, entre Reims-Sainte-Anne (N3) et Wasquehal (N2), interrompu à 3 à 0 pour les Rémois après une bagarre générale.

Dans un premier temps, la FFF envisage de disqualifier les deux clubs avant de se raviser et de donner le match à rejouer. Finalement, ce sont les Wasquehaliens qui obtiennent le droit d’affronter le Pays de Cassel en 32e, avec, à la clé, la certitude de retrouver le PSG, déjà qualifié (le tirage au sort a été effectué) en 16e ! Imaginez l’excitation !

Là encore, les Jaune et Noir passent par un trou de souris : menés au score, ils égalisent à la dernière minute au terme d’un match fou avant de se qualifier une nouvelle fois aux tirs au but (1-1; 5-4, t.a.b.). Leur élimination face au PSG appartient désormais à l’histoire et reste dans tous les esprits du Nord et des amoureux du football amateur.

Se reconcentrer sur le championnat

Derrière, plus difficile encore, il a fallu enclencher une dynamique. Combien d’équipes se sont pris les pieds dans le tapis après des épopées en Coupe ? Beaucoup. Pas le Pays de Cassel, comme le raconte le directeur sportif nordiste, Gabriel Bogaert : “On a convoqué les joueurs et on leur a expliqué que ce serait dommage de compromettre une belle fin de saison en championnat avec des résultats négatifs.” Ni une, ni deux, le groupe imprime le message et signe un match nul chez le leader, Marck-en-Calaisis (1-1) : “On méritait de gagner le match”, précise Gabriel Bogaert.

C’est sûr, les joueurs ont “switché”. L’encadrement le voit bien. La quête du titre en Régional 1 est dans toutes les têtes. Les joueurs enchaînent une série de onze matchs sans défaite (sept victoires, quatre nuls), si bien qu’ils valident leur montée en National 3 à quatre journées de la fin ! Ils battent leur dauphin Marck (4-2) à domicile et peuvent fêter une accession qui vient couronner une saison pleine de rebondissements. L’USPC peut revendiquer le titre de meilleure défense (17 buts encaissés) et de co-meilleure attaque du championnat avec 37 buts marqués (ex-aequo avec Grand Calais Pascal, Ndlr).

La phase retour… à domicile !

Le directeur sportif, Gabriel Bogaert. Photo Philippe Le Brech

Une sacrée performance quand on sait que, la saison passée, le club a dû quitter ses installations d’Arnèke pour trouver un terrain de repli sur la commune de Noordpeene. Mais ils ont dû patienter un peu avant de pouvoir bénéficier d’un nouveau terrain en synthétique, inauguré en février dernier avec la venue en championnat de Steenvoorde. Pendant le temps des travaux, la Ligue des Hauts-de-France s’est donc arrangée pour faire disputer la majorité des matchs de la première partie de saison… à l’extérieur !

Le synthétique posé et les vestiaires en préfabriqués installés, le club peut enfin recevoir ces rencontres de Régional 1 sur la phase retour et profiter de l’avantage non négligeable du calendrier : “Il y avait énormément de monde et le fait de jouer sur synthétique par rapport au projet de jeu qu’on a, ça nous a aidé.”

Lors des derniers matchs, près de mille supporters passionnés et enflammés viennent pousser leur équipe, dans une ambiance caractéristique de la ferveur des Flandres. Fanfare, tambours, banderoles, écharpes jaunes, tout est fait pour perpétuer l’identité de cette partie du Nord typique, qui lui donne tout son charme.

Un budget de 350 000 euros

Cette accession à l’échelon supérieur, ce n’était ni une nécessité, ni un objectif dans les têtes casseloises, mais plutôt une “opportunité” qui venait couronner une saison passée sur un nuage. Un nuage duquel il a bien fallu redescendre. Car très vite, les dirigeants casselois ont pu constater l’ampleur de la tâche qui les attendait en N3. Bien sûr, ils ont récolté les fruits de leur parcours ultra-médiatisé en coupe de France. Si les dotations et les recettes de l’organisation de leur match contre PSG restent secrètes, pour Gabriel Bogaert, le gain est ailleurs. Il est même inestimable : “La Coupe de France a été un carton plein en termes d’images. Les gens se sont aperçus qu’on était une équipe sympa qui bossait bien. ”

Du coup, plus facile d’aller chercher de nouveaux partenaires et de construire un nouvel effectif. De plus en plus d’entreprises ont eu envie de s’associer au projet du club, séduites par les valeurs renvoyées. “On est dans un petit village, il n’y a pas de subventions, donc on est livré à nous-mêmes.” Parmi les plus petits du groupe G de National 3, Pays de Cassel a réussi à constituer un budget de 350 000 euros, quand la moyenne se situe aux alentours de 700 000 euros, c’est-à-dire deux fois plus.

Kévin Rocheteau bientôt qualifié

Forcément, l’exposition médiatique a tapé dans l’oeil de certaines équipes plus huppées, qui n’ont pas manqué d’attirer chez elles quelques joueurs : Baptiste Leclerc, qui a ébloui de sa classe le match à Lens, a eu une proposition de Furiani (N2). L’USPC l’a laissé partir, comme convenu. D’autres sont restés au même niveau ou en dessous, mais avec de meilleures conditions financières. “On a un petit budget, donc on ne peut pas partir dans des sommes astronomiques. On ne pouvait tout simplement pas rivaliser sur le plan financier.”

En amont, les profils des recrues sont validés en binôme entre le directeur sportif et son coach, Samuel Goethals. Derrière, c’est Gabriel Bogaert qui s’occupe du financier. Cette nouvelle exposition a aussi, dans le sens inverse, « permis de faciliter l’attraction de nouveaux joueurs”, se félicite le dirigeant.

Côté arrivées, l’US Pays de Cassel a su convaincre par le projet de jeu mis en place par Goethals, basé sur un jeu de position et de possession. Un style attractif, qui donne envie. Gabriel Bogaert évoque “plusieurs belles prises”, affiche sa satisfaction et analyse un mercato composé de “très bons mecs et de bons joueurs de foot”. Avec, en tête de gondole, Kévin Rocheteau, qui connaît bien la région puisqu’il a joué à Dunkerque en Ligue 2 (2020-2022).

Après le premier succès en N3 face à Compiègne.

Ancien joueur de Niort (L2), Rocheteau a choisi de rejoindre son “grand pote” et cadre de la formation, Nicolas Bruneel – lui aussi passé par Dunkerque – et un football de copains. Qualifié à partir du 1er octobre en raison de son contrat pro à Niort, il va grandement renforcer l’attaque nordiste qui a « besoin d’efficacité”.

Romain Jamrozik, ancien pensionnaire de Fréjus-Saint-Raphaël en N2, et natif de la région (il a aussi évolué à Dunkerque en National et au Puy en N2), est également venu renforcer l’effectif casselois. En plus de ces deux noms « ronflants », des joueurs issus de la région et repérés par Gabriel Bogaert sont venus se greffer à l’effectif. “Je pense que si les supporters peuvent s’identifier à des joueurs locaux, c’est quand même bien mieux.”

Comme le club n’a pas le budget suffisant pour mettre en place des superviseurs, c’est le directeur sportif, autodidacte en la matière, qui s’y colle ! “Entre la vie professionnelle et la vie familiale, je vais voir des matchs de N2, N3, R1, R2, R3… Je suis un passionné de foot.”

“On est l’équipe à battre !”

Les supporters avant le 8e tour l’an passé en coupe de France face à Drancy.

Les dirigeants du nouveau venu en N3 apprennent vite et découvrent le fossé qui le sépare du niveau régional. Le N3 est “semi-pro”, mais les Jaune et Noir ne partent ni défaitistes ni timorés : “On se structure, on avance, on s’adapte parce qu’on veut rester dans cette division.”

Le club compte quatre contrats fédéraux à mi-temps et s’entraîne quatre fois par semaine. De plus, il met en place une stratégie de formation chez les jeunes pour un club qui compte 400 licenciés et qui a même dû refuser du monde cet été, faute de place !

Dès les matchs de pré-saison, le regard des adversaires a radicalement changé. “On est plus attendus, on est l’équipe à battre, mais sans méchanceté.” Le début de saison ne se déroule pas forcément comme prévu, mathématiquement s’entend. La différence avec l’exercice précédent est majeure : “L’année dernière, on était dans une saison où tout nous réussissait. On pouvait faire ce qu’on voulait et ça rentrait. Cette année, c’est un peu plus compliqué pour l’instant.”

Les Jaunes ont entamé le championnat par une défaite 3 à 0 à Vimy et une autre à domicile contre Marcq (0-2), malgré une domination outrancière. “Sur les deux matchs, on est meilleurs que nos adversaires. On a 70% de possession et plus d’occasions, on manque juste d’efficacité dans les deux surfaces. A ce niveau, ça ne pardonne pas, mais ça va tourner”, explique le directeur sportif. Finalement, c’est à Valenciennes, face à la réserve de L2, que Pays de Cassel décroche son premier point.

Un choc contre Croix au 4e tour

Souvenir indélébile de la coupe de France 2022-23, au stade Bollaert-Dellelis.

Forts de leur première victoire en Coupe de France, les Flandriens ont surfé sur la dynamique pour s’octroyer leur premier succès en championnat contre Compiègne, samedi dernier, à domicile (3-0), de quoi faire fuir les doutes. L’arrivée dans le groupe de Kévin Rocheteau fera le plus grand bien à l’équipe, alors que Romain Jamrozik a ouvert son compteur le week-end dernier. Quant à Rémi Burnel, recrue intéressante en provenance de Marcq-en-Baroeul, il a déjà inscrit trois buts en championnat. Prometteur !

La prochaine étape, c’est dès demain, avec la réception de Croix, leader invaincu de la poule en N3, pour le compte du 4e tour de la Coupe de France. “Après ce qu’on a connu, on ne demande qu’à revivre ça. Parce qu’on a vécu, c’est surréaliste.” Pour se prendre à rêver, encore une fois à Cassel, et faire vibrer ce pays qui ne demande que ça, il faudra soulever des montagnes. Ça tombe bien, ce peuple et cet effectif ont montré qu’ils en étaient capables.

 

L’US Pays de Cassel s’est finalement inclinée 2-1 face à Croix au 4e tour de la coupe de France.

 

Texte : Emile Pawlik / Twitter : @EmilePawlik

Photos : USPC, Patrick Patou, Philippe Le Brech.

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