Samedi 20 août, le championnat de France de National 2 entamera sa saison 2022-2023 avec seulement dix réserves professionnelles. Celles de Rennes, Reims, Lorient, Nantes, Angers, Lyon, Auxerre (Ligue 1), Metz, Guingamp et Caen (Ligue 2). Les autres ? Tombées en N3, un championnat qui n’est même plus (provisoirement) dans le giron de la FFF, voire plus bas encore (Bastia, Grenoble, Nîmes).
Quatre réserves de clubs majeurs de Ligue 1 (Olympique de Marseille, AS Monaco, RC Lens, Montpellier Hérault) ont été rétrogradées en mai de N2 en N3… A la notable exception du FC Lorient, deuxième du groupe A, aucune réserve n’a terminé dans le Top 6 des quatre groupes de N2, où Angers, Metz et Caen se sont sauvés à la toute dernière journée ! Et encore heureux que le Stade Rennais se soit singularisé en prenant le chemin inverse des autres, accédant de N3 en N2 dans des circonstances d’ailleurs extravagantes puisque la très jeune équipe entraînée par Pierre-Emmanuel Bourdeau était menée 0-3 après un quart d’heure de jeu dans le tout dernier match qu’il lui fallait absolument gagner … et qu’elle a fini par gagner 7-4 à Guipry-Messac !
Vers un championnat U21 et U23 ?
Qu’il est donc loin le temps où l’on débattait de l’éventualité de faire accéder les réserves en Ligue 2 (comme en Espagne) tellement elles phagocytaient le troisième niveau. Loin aussi le temps – de Guy Roux – où la première réserve de l’AJ Auxerre dominait sa poule de CFA (N2), la deuxième de CFA2 (N3) et la troisième de DH (R1).
Aujourd’hui il serait davantage question d’organiser un vrai championnat U21 et U23 des réserves – comme en Angleterre – mais a ce jour le projet reste dans les cartons, et les clubs pros ne semblent pas pressés de l’en sortir.
Certains clubs ont opté pour une voie parallèle. Le PSG, d’abord, qui a purement et simplement supprimé son équipe de N2 en 2019. Une mesure radicale qui ne fut pas vraiment du goût des jeunes concernés, de leurs entourages et de plusieurs de leurs formateurs, et qui aboutit parfois à des situations ubuesques. Comme il n’y a plus rien entre les U19 Nationaux et les stars planétaires de l’équipe professionnelle – l’équipe de N3 du PSG, émanation de l’association, est uniquement composée d’amateurs tout heureux de porter un maillot aussi prestigieux -, on a pu voir les Xavi Simons ou Édouard Michut intégrer le groupe L1 un week-end et retourner rencontrer les U19 de Saint Pryvé Saint Hilaire ou Chambly une semaine plus tard !
Des réserves de plus en plus jeunes
Au PSG, des jeunes joueurs pros, trop âgés pour les U19 et pas assez bons pour être dans la même équipe que Mbappé ou Messi, ont ainsi pu complètement disparaitre des radars sans jouer un seul match officiel de la saison, comme l’attaquant Alexandre Fressange, ex-grand espoir du club, en fin de contrat en juin.
Dans la foulée de sa relégation en N3, l’AS Monaco a elle décidé de retirer sa réserve des compétitions FFF pour former un groupe Élite engagé en Premier League International Cup, un championnat rassemblant 24 clubs européens de premier plan mais dont la compétitivité reste à démontrer.
Comment expliquer la lente glissade des réserves de N2 à laquelle échappent quand même quelques clubs comme Lorient, Auxerre, Nantes et Reims qui portent une attention particulière à leur groupe Pro 2 ? D’abord à la nature même de ces réserves. Le temps semble révolu ou les pros confirmés de L1 ou L2 allaient renforcer l’équipe réserve quand ils n’étaient pas convoqués à l’étage supérieur.
Désormais les réserves sont de plus en plus jeunes. On assiste même à un phénomène qui pointe d’ailleurs les insuffisances du système : dans de plus en plus de clubs pros, les U16 sont hissés en U17 Nationaux, les U17 en U19 Nationaux… et les U19 en N2 ou N3.
« Tous les clubs pros ont un centre de formation qui recrutent tous beaucoup de jeunes. Pas mal d’entre eux, il ne faut pas se le cacher, n’auront jamais le niveau pour jouer en N2 ou N3, on le vérifie d’ailleurs lorsqu’ils ne sont pas conservés et sortent d’un système où il y a beaucoup de candidats et très peu d’élus » pointe un agent de joueurs réputé.
« En National 2, tu rencontres aujourd’hui des clubs beaucoup mieux préparés, beaucoup mieux structurés, expliquait dernièrement Pierre Aristouy, entraîneur de la N2 du FC Nantes jusqu’en 2021 et aujourd’hui des U19 champions de France. Beaucoup fonctionnent d’ailleurs comme des clubs pros avec des joueurs qui ne font que du foot et s’entraînent tous les jours. On y retrouve d’ailleurs d’anciens pros et beaucoup de joueurs passés par les centre de formation sans avoir eu leur chance. »
Un entraîneur « amateur » de N2 ajoute : « J’ai bien mesuré l’évolution : il y a une dizaine d’années 70% ou 80% des joueurs de N2 avaient un travail en parallèle, à mi temps, voire à temps plein. Aujourd’hui, les clubs ou les joueurs bossent sont très minoritaires. Car vous avez des clubs à 2 M€ de budget, voire plus, et à 15 ou 20 contrats fédéraux. »
La refonte des championnats va accentuer le phénomène. Cinq ou six clubs par groupe seront relégués de N2 en N3 en juin prochain avec un passage à trois groupes de N2 au lieu de quatre en 2024.
Les réserves pros pourraient alors se compter sur les doigts de la main en National 2.
Texte : Jean-Michel ROUET / Mail : jmrouet@13heuresfoot.fr
Crédits photos : AS Monaco FC et Eric Cremois / EC Photosports