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National 2 : Ibrahima Seck, le Lion de Duvauchelle

A 33 ans, le Sénégalais, qui s’était révélé à Epinal avec ses deux « frères » Christophe Diedhiou et Cheikh Ndoye, est de retour à Créteil, où il a fait le choix du coeur et entend bien contribuer au retour de son club en National. Pour l’instant, c’est plutôt bien parti !

Maillon essentiel de l’US Créteil lors de son passage en Ligue 2 (2013-2015), Ibrahima Seck est ensuite parti voir si l’herbe était plus verte ailleurs. Une saison à Auxerre (2015-2016), puis six en Belgique (2016-2022) avec à la clé un titre de champion de Belgique avec le KRC Genk.

Sans club à l’entame des différents championnats nationaux, ce milieu défensif imposant (1,93m) a reposé ses valises à Créteil en National 2. Une surprise pour beaucoup de suiveurs et de supporters qui pensaient voir l’international sénégalais continuer en Ligue 2.

Pas loin de rejoindre son ami, son frère de toujours, Christopher Diedhiou du côté de Quevilly Rouen (L2), Ibrahima préféré raisonner à long terme et laisse parler son cœur. Important dans le jeu cristolien depuis son arrivée, il a été un heureux buteur samedi dernier lors de la victoire à Duvauchelle contre Colmar (4-1).

Leader de son groupe B après dix journées – mais avec un match de plus que Fleury et Belfort – l’US Créteil mène grand train et compte bien retrouver le troisième échelon du foot français, un an après l’avoir quitté. C’est en tout cas l’ambition de « Ibou », qui rêve de ramener les Béliers à la place qui est la leur, l’antichambre de la Ligue 1. Jeudi dernier, 48 heures avant de prendre le dessus sur les Colmariens, Ibrahima Seck a pris le temps de revenir sur son parcours et son arrivée quelque peu compliquée en France.

Formé au Sénégal, tu débarques à Épinal en CFA (National 2) d’abord avec un climat bien différent. Comment tu te retrouves là-bas ?
Déjà, on ne savait même pas situer Epinal sur la carte. C’est un endroit que les gens ne connaissent même pas au Sénégal. C’est grâce à Salif Diao que nous avons pu signer là-bas. Je dis « nous » car l’aventure a commencé à Epinal avec Christophe Diedhiou et Cheikh Ndoye. Et plus que sur le plan du jeu, c’est pour le climat que nous avons eu beaucoup de mal à nous acclimater. Nous sommes arrivés fin septembre à une époque où il fait 25°C ou 30°C au Sénégal. Et en cette année 2009, il faisait déjà froid à Epinal. Deux ou trois semaines plus tard, on voyait la neige sur la ville. Je pense que c’est le pire hiver que nous ayons eu tous les trois à vivre en Europe. Sur le plan du jeu, cela n’a pas été facile non plus car le foot africain est basé sur la spontanéité et l’instinct, pas sur la tactique. C’était notre plus gros problème. On a su le comprendre au fil du temps.

Trois saisons plus tard, et après une saison en National dans les Vosges, vous débarquez tous les trois à Créteil. Qu’est-ce qui t’a attiré dans le projet cristolien ?
C’est Samir Amirèche qui fait venir dans un premier temps Chris’ (Diedhiou) et Cheikh (Ndoye).

Le club visait la montée en Ligue 2 et se disait que nous pouvions être trois atouts pour jouer le haut de tableau.

J’étais en sélection olympique au JO de Londres avec le Sénégal (ndlr : défaite 4-2 ap contre le Mexique, futur vainqueur) et je suis arrivé après à Créteil. J’ai fait un mois d’entraînement en étant super bien accueilli par les joueurs, le staff et les dirigeants et j’ai décidé de rester car je trouvais le projet ambitieux.

Et puis ça me permettait de rester auprès des gars. Nous n’étions pas prêts à la séparation avec Chris’ et Cheikh.

Comme à Epinal, nous vivions tous les trois ensemble. On a vécu 6 ans en colocation.

« Avant de signer en Belgique, je ne connaissais pas le pays »

Avec Créteil, en 2013. Photo Philippe Le Brech

Après un titre de champion de National (2012-13), tu découvres la Ligue 2 avec Créteil. Quelles sont les principales différences que tu as noté entre ces deux championnats ?
Je n’ai pas été choqué par la différence de niveau. On commence bien le championnat, mais c’était dans la lignée de notre saison 2012-2013 exceptionnelle en National. Je pense que nous avions déjà une équipe prête et faite pour la Ligue 2. L’année du titre de National, les quelques matchs que nous perdons c’est parce que nous faisons n’importe quoi, pas parce que les autres sont meilleurs. Il y a eu certes quelques retouches dans l’effectif, mais en National notre niveau était déjà très bon et c’est ce qui explique notre entame en Ligue 2. On a ensuite un coup de moins bien, on est avant dernier je crois, mais on finit par se ressaisir pour se maintenir.

Tout n’est pas toujours rose, mais tu fais deux belles saisons avec l’US Créteil avant de partir pour Auxerre. Tu sentais que tu avais fais le tour de la question ?
Avec Chris’ et Cheikh, nous savions que nous allions chacun prendre des chemins différents, donc nous ne vivions plus tous les trois depuis quelques mois. J’avais fait le tour de la question à Créteil et en Ligue 2, mais la proposition d’Auxerre arrive pour signer une saison en Ligue 2, plus une autre en cas de montée en Ligue 1. Malheureusement, nous passons à côté de l’objectif et je décide de partir.

Le mois dernier, Ibrahima Seck a disputé son 100e match sous le maillot des Béliers de l’US Créteil. Visuel USCL

Tu pars alors en Belgique, un choix surprenant puisqu’avec ton gabarit, on aurait pu penser te voir partir en Angleterre.
J’avais des options pour jouer en Ligue 1 avant de partir en vacances à l’été 2016, mais il n’y avait rien de vraiment concret. Ça tardait à se finaliser en tout cas. Et alors que je suis au Sénégal, je reçois un appel pour me dire que Beveren est intéressé pour me faire signer. À l’invitation du président, je pars deux jours là-bas pour visiter le stade, les installations, écouter le projet du club. Je ne suis pas forcément dans l’optique de signer. Je ne connaissais pas le pays, ni le championnat. Mais ça ne me faisait pas peur. Quand tu quittes le Sénégal très jeune pour aller en France pendant 5 ou 6 ans, tu connais déjà la mentalité, le football européen. Finalement le président et l’entraîneur m’ont fait une proposition concrète, m’ont montré qu’ils voulaient vraiment que je signe. Et rapidement, je prends le brassard de capitaine.

Au cours de ces années, la saison 2018-2019 est peut-être la plus particulière puisque tu partages ton temps entre Genk et Zulte-Waregem que tu rejoins au mercato hivernal. On peut dire tu es à moitié champion de Belgique ?
Je suis même champion à 100% ! Cette saison-là, je me blesse pendant la préparation et l’équipe commence à tourner sans moi. C’est donc compliqué de bouleverser la hiérarchie. Pour autant, je suis toujours dans le groupe, j’ai du temps de jeu, mais je ne suis pas titulaire. Je décide donc de partir alors que nous sommes au-dessus et que nous allons être champions. Mais cela ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est jouer tous les matchs. Mon choix de partir à Zulte-Waregem, qui joue le maintien, peut surprendre, mais c’est ma décision. Et en plus on se sauve très rapidement. Je ne regrette pas ce choix.

« Quand tu es à Créteil, c’est une chance ! »

Au vu de tes dernières saisons, revenir à Créteil, en National 2, a surpris suiveurs et supporters. Qu’est ce qui t’a décidé de revenir ?
À la base, ce n’était pas dans mes projets. Et si on m’avait dit que j’allais rejouer avec Créteil, j’aurais dis qu’il n’y avait pas 1% de chance. Je suis revenu en région parisienne parce que la famille est ici et je voulais juste m’entraîner avec un groupe.

J’ai demandé à venir et très vite j’ai trouvé l’effectif sympa avec des objectifs élevés. J’ai eu des propositions dans d’autres pays. Créteil est un endroit ou j’ai fait quelque chose déjà. Je me suis dis « pourquoi pas les aider à nouveau ». On ne sait jamais, ça peut se répéter avec un retour en National dans un premier temps.

Le club a beaucoup changé en 8 ans, il y a beaucoup de nouveaux qui ne connaissent pas forcément le club et son identité. À moi de faire au mieux pour aider les jeunes à comprendre la chance qu’ils ont. Parce que je pense que quand tu es à Créteil, c’est une chance. Je ne me vois pas comme un leader, mais plus comme un grand frère.

Aujourd’hui, vous êtes leader de la poule B. Qui sont les plus sérieux candidats pour vous disputer la montée en National ?
C’est un championnat homogène, difficile et beaucoup d’équipes peuvent prétendre à la montée. Il y a de très bons joueurs. C’est un niveau nettement au-dessus de la CFA que j’ai connu en 2009 avec Epinal. Cela s’explique par la qualité des effectifs avec beaucoup de joueurs qui ont déjà joué en Ligue 2 ou en National. Je ne connais pas trop les équipes de N2, mais sur ce que j’ai entendu, il faudra se méfier de Fleury ou Epinal. Ce sera incertain au moins jusqu’en mars tant que personne ne survole la poule.

Ibrahima Seck, du tac au tac

Avec Epinal. Photo Philippe Le Brech

Ton premier match de National ?
Avec Epinal à domicile en 2011/2012 avec Chris (Diedhiou) et Cheikh (Ndoye). On reçoit Colmar et on fait 0-0 à l’issue d’un premier match difficile.

Ton premier match de ligue 2 ?
À Nîmes aux Costières en 2013 et on gagne 3-2. Fané (Andriatsima) marque le premier but, Jean-Mi (Lesage) d’un coup franc lointain égalise pour nous et Marcel (Essombé) nous donne le but de la victoire. Et de mémoire, je crois que je n’ai jamais perdu à Nîmes. On a souvent affronté cette équipe et ça nous a souvent réussi de les jouer.

Ton premier but en pro ?
En Ligue 2, c’était contre Arles-Avignon à domicile. On fait 1-1 et j’ouvre le score. Sinon, le tout premier, c’était en Coupe de la Ligue à Lens dans un match dingue. On mène 3-1, puis 4-2 et on gagne finalement 4-3. Je marque le deuxième but au retour des vestiaires. C’est Jean-Mi (Lesage) qui ouvre le score et met le 4e et Marcel (Essombé) le 3e.

Ta plus grande émotion ?
La montée en Ligue 2 avec Créteil. Il y avait beaucoup de pression sur Chris (Diedhiou), Cheikh (Ndoye) et moi, car on entendait partout que le club avait pris les trois sénégalais pour monter. Donc c’était une grande fierté de répondre aux attentes des supporters et des dirigeants. C’était une saison incroyable car nous avons été sereins du début à la fin. Les matchs que nous avons perdu ce n’est pas parce que les autres étaient plus forts mais parce que nous n’étions pas dedans ou moins concernés ce jour-là. Quand on était mené à la mi-temps, dans le vestiaire nous savions que nous allions inverser la tendance et gagner.

Ta plus grande déception ?
La défaite à Bruxelles en finale de la Coupe de Belgique en 2018 avec Genk. On fait un match très solide contre le Standard de Liège et on finit par s’incliner 1-0 en prolongation. Je crois qu’ils marquent dès le début de la prolongation.

Le coéquipier le plus impressionnant ?
J’ai joué avec beaucoup de grands joueurs durant ma carrière. J’en ai deux ou trois en tête, mais si je dois en mettre un en avant, c’est Jean-Michel Lesage. Il était impressionnant et encore plus par rapport à son âge. Sa qualité de passe, de vision du jeu. C’était très fort.

L’adversaire le plus impressionnant ?
Là aussi c’est difficile de répondre, mais si je dois en citer un, je dirais Youri Tielemans. L’année avant d’aller à Monaco, il avait été impressionnant en Belgique. Tu sentais qu’il était au-dessus des autres.

L’entraîneur qui t’a le plus apporté ?
Philippe Clément aujourd’hui à Monaco. Je l’ai eu comme coach à Beveren et à Genk et il m’a permis de comprendre la mentalité belge. En arrivant, je ne connaissais pas le foot en Belgique. Le coach m’a expliqué la psychologie des arbitres et la manière dont je devais aborder les discussions en match. Ce n’est pas comme en France ou ailleurs, c’est assez particulier.

Texte : Julien Leduc / Mail : jleduc@13heuresfoot.fr / Twitter : @JulienLeduc37

Photos : US Créteil