Le promu isérois s’appuie sur ses infrastructures, son bassin économique, son académie, sa politique de formation axée sur les villages voisins et son état d’esprit guerrier et combattant pour se développer et mener à bien son projet : tirer le club vers le haut, se professionnaliser et goûter un jour au National.
A force, le sud de la France n’aura bientôt plus de secret pour le FC Bourgoin-Jallieu, qui, depuis quelques semaines, a pris l’habitude de passer ses week-ends au soleil ! Promu cette saison en National 2 pour la première fois de son histoire, le club de l’Isère a été « propulsé » dans la poule où près de la moitié des clubs est installé sur les bords de la Méditerranée, ou pas très loin…
Toulon le 23 septembre (défaite 2 à 0), Grasse le 7 octobre (0-0), Cannes le 4 novembre (victoire 1 à 0), re-Cannes samedi dernier au 7e tour de la coupe de France (élimination 2-1)… Et ce n’est pas fini : il faudra aller à Hyères ce samedi pour le compte de la 10e journée de championnat, puis un peu plus tard à Fréjus/Saint-Raphaël… Avec tout ça, ils vont finir par connaître l’autoroute A8 par coeur !
Une découverte brutale
Ces voyages, s’ils forment la jeunesse, comme le dit l’expression consacrée, constituent surtout un gros changement pour le FCBJ, habitué depuis 10 ans à ferrailler en National 3 avec les clubs de la région lyonnaise, savoyarde ou auvergnate. Un changement à la fois géographique, donc, et surtout qualitatif : le National 2, c’est vraiment un autre niveau, et ça, le club du président Djemal Kolver, en poste depuis 2020, l’a bien compris. Il l’avait d’ailleurs anticipé, et même tenté de préparer au mieux ses troupes à l’intersaison, afin d’aborder ce nouveau championnat, plus physique, plus complexe, de la meilleure des manières.
Malheureusement, dès la première journée de championnat, le club a dû se rendre à l’évidence : cela allait être très compliqué. La découverte du N2 a même été brutale. « On m’avait prévenu, raconte le chef d’entreprise de 40 ans – il dirige la société KDC Construction, spécialisée notamment dans la construction, l’énergie et la rénovation d’intérieure -, et j’en ai eu la preuve dès notre premier match de championnat, à Alès, raconte-il; pourtant, Alès, ce n’est pas tout à fait le sud, hein, mais là-bas, on a pris deux cartons rouges, on a eu un but refusé (1-1, score final). Là, je me suis dit « ça commence. Puis à Toulon (5e journée, défaite 2-0), on a pris un rouge à la 35e… Alors, autant au niveau du foot, je m’attendais à ça, en revanche, je n’avais pas mesuré l’impact que l’arbitrage pouvait avoir. On est en train d’encaisser ça. »
Des motifs d’espoir
Si, après neuf journées, et avant de se rendre chez l’un des trois co-leaders, Hyères – Les Varois restent sur trois nuls et une défaite en championnat, et viennent de se faire « sortir » en coupe de France aux tirs au but à Chaponnay contre une R2 -, les Isérois pointent à l’avant-dernière place du classement (13e sur 14), ils sont cependant très loin d’être largués et, surtout, leur récente prestation hormis peut-être celle contre Le Puy, laisse augurer de réels motifs d’espoir. En un mot, le FCBJ est en progrès.
« On n’a pas peur. On apprend. On saura répondre présent… quand on sera onze ! On a pris des rouges bêtement. Là, c’est le moment de l’unité générale. Il faut être solidaire. On n’est pas surclassé. On n’est pas largué au classement (à 3 points du premier non-relégable). Je veille à ce qu’il n’y ait pas de pomme pourrie. Le bas de classement, on est formaté pour. Mais on a plutôt des profils guerriers et gagneurs, et des meneurs aussi, comme Sofiane Atik. Quand ils sont là, je n’ai pas peur. Si on a des pépins, là, ça devient plus compliqué. On verra, on a jusqu’au 31 janvier pour ajuster quoi que ce soit, s’il faut se renforcer ou pas. Mais je suis optimiste, je pense que cela va aller de mieux en mieux. Il nous manque juste un petit quelque chose. Après, pour en revenir à notre début de saison, on a démarré avec beaucoup d’absents, notamment des joueurs majeurs (Nirlo, Niang, Atik). Malgré ça, on arrive à rivaliser, à part face au Puy, lors de la 9e journée, chez nous (2-3). Le Puy a été très bon, j’étais déjà allé les voir jouer à Andrézieux cette saison et je les avais déjà trouvé très bons. Mais Le Puy, ce n’est pas le sud : parce que, pour être franc, je n’ai pas encore vu un beau football là-bas. Et j’ai trouvé aussi que Toulouse était une belle équipe, joueuse, mais naïve. »
Une image jeune et dynamique
Ancien joueur de Bourgoin, où il a évolué chez les jeunes puis en seniors du niveau régional jusqu’en CFA2 (national 3 aujourd’hui) – « Je jouais latéral droit puis j’ai fini dans l’axe parce que je n’avançais plus, d’ailleurs, je n’ai jamais avancé (rires) » – Djemal Kolver possède cette « sensibilité football » que d’autres présidents n’ont pas.
Dans sa mission, il est entouré d’un directeur général, Dylan Rahis, âgé de seulement 27 ans, et déjà au poste depuis 4 ans : de quoi conférer au club une image jeune et dynamique. « C’est un métier passionnant, raconte Dylan; il y a plein de facettes. La partie RH (ressources humaines) est un peu compliquée, mais comme dans tous les métiers, car parfois c’est dur et cruel, il faut faire des choix. Quand on touche à l’humain, c’est toujours compliqué ».
Le projet « clubs partenaires »
Depuis le printemps dernier, Djemal Kolver, dont il est facile de déceler sa passion pour son club tant il est expressif pendant les matchs – « Je les vis à fond, je suis entier, c’est sûr qu’on ne s’ennuie pas quand on est assis à côté de moi en tribune ! » – est seul aux commandes de ce bateau, après une période de coprésidence sur laquelle il ne souhaite pas s’étendre : « J’étais joueur donc, et aussi partenaire historique du club. J’ai même été coach adjoint de l’équipe une ! ».
On comprend mieux pourquoi il n’hésite pas à donner un avis « technique » sur ce qu’il voit chaque samedi sur les terrains de national 2. « Ancien » arbitre, Dylan, lui, a rejoint le club en octobre 2019, en provenance d’un club de village voisin. Et parler de « village voisin » est d’autant plus important et significatif pour le FCBJ qu’il a basé une partie de sa politique sur les clubs des alentours, qui forment les « clubs partenaires ». Ils sont au nombre de 9 : FC Vallée de l’Hien, CS Nivolas, FC Meyrie, FC Balmes Nord Isère, ECBF (Eclose Chateauvillain Badinières Foot), FC Liers, Unifoot (Union nord iséroise de football), Isle d’Abeau FC et US Ruy Montceau.
Une ville bien desservie
« En fait, Bourgoin (près de 30 000 habitants) est hyper bien placée géographiquement, bien desservie, entre Lyon, qui est à 30 minutes, et Grenoble, à 45 minutes. On n’est pas loin d’Annecy non plus (1h10) et de Saint-Etienne (1h10). On a un partenariat historique avec l’Olympique Lyonnais et on se sert de ce modèle-là pour l’appliquer aux « petits » clubs qui sont autour de nous. Ces 9 clubs, avec le FCBJ, ça représente 3000 licenciés. On n’a jamais voulu fusionner avec eux, parce que j’ai toujours pensé qu’il nous fallait deux équipes par catégorie mais pas plus. Alors on a opté pour ce projet « clubs partenaires. On ne veut pas « tuer » les clubs alentours, au contraire, on veut les aider. L’idée, c’est de tirer tout le monde vers le haut, de faire évoluer le football Nord Isérois et d’augmenter la performance, la notre et celle des clubs partenaires. Quand j’étais joueur, je me souviens que les clubs des alentours, c’étaient un peu notre équipe réserve. On allait piocher chez eux. Mais depuis quelques années, c’est plus difficile, car leurs équipes fanions ne sont pas au niveau de notre réserve. On ne peut plus le faire. Donc il faut améliorer la performance de tout le monde, et à nous d’être bon derrière. On doit offrir à ces gamins-là une structure d’accueil et la possibilité de s’exprimer au mieux, sans forcément passer par un centre de formation. »
Une politique « locale »
L’idée générale, c’est donc de faire du local : « Même si de temps en temps on peut aller chercher de la performance ailleurs, on ne veut pas avoir trop de gamins qui viennent de toute la France, poursuit Djemal Kolver; j’ai une certaine expérience et je ne veux pas appliquer à mes joueurs ce que j’ai vécu ici : j ai joué en 17 ans Nationaux à Bourgoin et je me souviens qu’il y avait beaucoup de joueurs qui venaient de partout, juste parce qu’ils venaient chercher le niveau, et cela se faisait au détriment des joueurs du cru qui, du coup, n’ont pas progressé, et après ça, on s’est retrouvé après avec un trou de générations. Voilà pourquoi on veut rester « local », et quand on dit « local », on parle d’un rayon de 45 kilomètres, même si on peut aller chercher 2 ou 3 de l’extérieur. Mais certainement pas 10. »
Au FCBJ, l’union devrait faire la force, l’avenir le dira, et l’important vivier de joueurs devrait servir sa cause. Dylan : « Il y a un gros bassin de joueurs de football dans l’Isère et dans le nord-isère, beaucoup plus que pour le rugby, alors que tout le monde pense qu’ici, c’est une terre d’ovalie*. Mais non… Le FCBJ est né en 1936. Il s’est structuré au fil des ans, au fil de ses équipes dirigeants. Puis il a commencé à développer la formation, avec notamment des gens comme Didier Christophe ou Bernard David. Et puis quand Kolver est arrivé, cela a apporté une touche supplémentaire. Le club s’est découvert quelques ambitions. »
Le rugby ? « Il y a du soleil pour tout le monde »
Djemal : « Le club prend une place prépondérante au sein de la ville sur plein d’aspect, sportif, social, au niveau de son académie. Je pense, pour en revenir au rugby, qu’il y a du soleil pour tout le monde. On travaille avec eux, on collabore. Et puis, le bassin économique est de plus en plus vaste ici. »
Tous les signaux semblent tourner au vert, mais Djemal Kolver note tout de même quelques pistes de développement et de progression : « Notamment en matière de formation. Bourgoin a sorti des joueurs professionnels, mais pas assez. Pour ça, il faut donc augmenter la performance des coachs, des encadrants. C’est ce que l’on s’attache à faire depuis que j’ai pris la présidence et ça va payer. Actuellement, on a des joueurs pros qui évoluent à droite à gauche, comme Amine Gouiri à Rennes par exemple ou Malo Gusto (Chelsea), mais ce n’est pas assez. »
Eric Guichard, l’homme de la montée
« Dans notre pole technique, on a une commission technique composée de 5 personnes diplômées, dont Armand Garrido, que l’on ne présente plus (30 ans à l’OL !) et Eric Guichard aussi, le coach de l’équipe de N2, renchérit Dylan Rahis; en revanche, on fonctionne sans directeur sportif. »
Djemal : « Eric Guichard, je le connais depuis longtemps, je jouais contre ses équipes à l’époque. Je savais que c’était quelqu’un de rigoureux et de bosseur. On avait besoin de ça, d’un entraîneur expérimenté, ce choix s’est avéré payant après le départ de Jérémy Clément en 2022. Avec Eric, on est monté en N2. Jérémy était directement passé de joueur à la fin de sa carrière, à entraîneur. Il n’avait pas pris le temps de se poser un peu. La transition a été dure. Il s’est retrouvé à entraîner des joueurs avec lesquels il avait joué, ce n’est pas facile. On a une bonne relation, on est resté proche, c’est quelqu’un de bien. Son fils est au club aussi. Il a vu ensuite que le foot lui manquait et il a repris Andrézieux en cours de saison, avec un maintien au bout, alors que le club était mal embarqué. »
Un club attractif
Et Dylan de poursuivre : « On a toutes nos équipes jeunes en R1 et cette saison, on a l’ambition de faire monter nos U16 R1 en U17 nationaux. Au total, notre académie comprend 28 équipes, avec 650 licenciés, en comptant le pole féminin. En termes de licenciés, on est vraiment le gros club de l’Isère avec Eybins. Le sport-études a été lancé la saison passée, ça attire les gamins et les parents, mais c’est un travail de longue haleine, qui va payer, pas tout de suite, on le sait. Il faut être patient. On sait qu’on est attractif : on a refusé 1100 dossiers dans un périmètre de 45 kilomètres, et je ne parle pas là des seniors ni des U20. c’est le nombre de licenciés que l’on a refusés ! Au total, on a eu plus de 3000 demandes venues de partout ! Chez les féminines (100 licenciées), on a 5 équipes, on est en R2 chez les seniors, on stabilise le projet au niveau quantitatif déjà, avec l’école de foot qui représente 35 % des effectifs. D’ici le mois de juin, on commencera à travailler sur un projet, pour faire comme chez les garçons. Il ne faut pas perdre de vue que l’on est dans un quartier de la ville, que beaucoup de filles ont des qualités intrinsèques au dessus de la moyenne : alors il faut leur offrir un niveau de performance qui soit adapté. On veut créer de la masse aussi. »
Le stade Pierre-Rajon, un bel outil
Des idées, du dynamisme, de l’ambition et aussi des infrastructures : à Bourgoin, le club bénéficie de deux terrains synthétiques, d’un terrain d’honneur et le fameux stade Pierre-Rajon, partagé avec le rugby, d’une capacité maximale de 9000 places. « C’est vraiment un bel outil de travail, se réjouit Djemal; avec le rugby, on communique bien. Là, par exemple, on a joué le vendredi contre Le Puy, et eux le samedi en championnat (Nationale). On a une belle organisation, très pro, d’ailleurs, quand Le Puy est venu, son président (Christophe Gauthier) a été surpris du monde dans les tribunes et de l’organisation. On fait 1500 spectateurs et sans résultat… En plus, on joue le vendredi soir, quand beaucoup d’autres joueurs s’entraînent, ça nous prive de monde… Mais c’est un choix stratégique de notre part. On a fait 4000 pour le match de la montée en N2 la saison passée, et pour l’avant dernier match à domicile en N3, on était 2700. Avec des victoires cette saison, on ferait plus, mais ça va arriver… On sait fédérer nos clubs partenaires autour. J’ai d’ailleurs une anecdote : la mairesse d’une commune d’un de nos clubs partenaires nous a dit « on va y arriver, on y croit ». Voilà, ce sont de vrais supporters. C’est un vrai soutien pour nous. On leur doit d y arriver pour le coup. »
Viser plus haut
Y arriver ? Mais où ? Djemal Kolver : « On a tout pour aller plus haut. On a le stade, le bassin économique, on est très bien placé… Si on continue à bien travailler, on ne peut qu’y arriver. Il faut bien se structurer et être organisé pour, le moment venu, appuyer sur la détente et aller chercher cette place en Ligue 3 ou en National. C’était mon ambition quand je suis arrivé à la présidence il y a 4 ans. Je ne suis pas à ce poste pour végéter. Je suis compétiteur. On a tout pour y arriver. »
Sur le terrain, le FCBJ s’appuie sur son esprit guerrier : « On essaie d’inculquer notre force collective, notre combativité et notre solidarité dans toutes les catégories du club, résume Dylan; c’est ça notre état d’esprit, celui d’un petit village ! Et on prône aussi le beau jeu. Djemal : « On a toujours cet esprit de vouloir jouer, de repartir de derrière, avec des joueurs fins techniquement ».
Un petit budget pour le niveau
Avec son budget budget de 1,3 millions d’euros (pour tout le club), le FCBJ ne peut pas non plus faire de folie : « C’est un petit budget, mais on sait travailler avec, on ne multiplie pas les postes, on ne surpaye pas les joueurs, alors qu’à un moment donné, c’était la mode. Avec la refonte des championnats amateurs, beaucoup de joueurs se sont retrouvés sur le marché, et ça a remis quelques pendules à l’heure en termes de salaires, car certains touchaient des sommes astronomiques, même à notre niveau. Nous, on ne fera pas de folie. C’est pour ça que l’on mise beaucoup sur la formation. On veut des joueurs du cru. Pas forcément de Bourgoin même, mais du bassin. Aujourd’hui, en équipe première, on doit être à peu près à 30 % de joueurs issus du bassin, c’est bien. Après, un joueur qui n’est là que depuis deux ans, par exemple, mais qui est bien dans le moule et parfaitement intégré, pour moi, il est Berjallien. »
De retour samedi dernier à Cannes pour la deuxième fois en quinze jours, pour le compte de la coupe de France cette fois, le FCBJ, pourtant auteur d’un bon match, n’a pas pu rééditer sa performance (l’équipe d’Eric Guichard s’était imposée 1 à 0 à Coubertin le 4 novembre mais s’est cette fois fait battre 2-1) ni faire mieux qu’un 7e tour, son record. « Pour nous, c’était difficile de concilier coupe et championnat, on n’a peut-être pas cette profondeur de banc et l’effectif pour ça même si cette saison, il faut le dire, la coupe nous a servis, parce qu’on a eu beaucoup de suspendus et de blessés ».
*L’historique club de rugby, le CSBJ, ancien pensionnaire de l’élite (dernière saison de top 14 en 2010-2011), finaliste du championnat de France (1997), vainqueur du Challenge européen (1997) et clubs phares des années 90 et 2000, évolue aujourd’hui en Nationale, l’équivalent de la 3e division.
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Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06
Photos : FCBJ
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