L’entraîneur auvergnat, qui vient de signer un nouveau bail de 2 ans au Puy, revient sur deux saisons exceptionnelles. Il évoque l’immense défi qui attend son club en National la saison prochaine et aimerait que le foot dépasse le cadre de sa ville et du département, afin de devenir « un projet de territoire comme à Rodez ».
Par Anthony BOYER – mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos Le Puy Foot 43

Stéphane Dief mange les « E » et les « L » dans ses phrases (il dit « départ’ment » au lieu de « département » ou « quèque » ou lieu de « quelque »), mais l’explication est simple : il est Auvergnat ! Et l’accent, là-bas, c’est culturel. Et ce ne sont pas ses deux passages dans le midi, lorsqu’il était joueur, à Rodez et surtout à Montpellier, qui ont changé quoi que ce soit à son phrasé.
Évoquer ce particularisme n’est pas anodin : le natif de Riom-ès-Montagne, dans le Cantal, mais qui a grandi à Clermont-Ferrand, est très attaché à ses racines. À son Auvergne. À son « territoire », un mot qu’il emploie souvent et qu’il n’hésite pas à raccrocher au Puy Foot, comme pour mieux appuyer sur ce que doit être, devenir, son club : « Un club de territoire ». Un peu comme Rodez, justement, qu’il cite en exemple, ou Pau.

Lundi après midi, la nouvelle est tombée sur les réseaux sociaux : Stéphane Dief a officiellement été reconduit pour deux ans à la tête du Puy Foot 43. L’annonce était tellement évidente que jamais la question de son avenir n’a effleuré notre esprit durant ce long entretien d’une heure, lundi matin. Un entretien que le technicien de 47 ans avait accepté au lendemain de la victoire 6-0 à GOAL FC, qui a permis de valider le ticket pour le National.
L’interview aurait pu durer une ou deux heures de plus, tellement Dief, qui vient d’être admis à la formation au BEPF pour la saison 2025-2026, est un grand communicant. Un trait de caractère chez lui qui se répercute jusqu’à son banc de touche, le soir des matchs, où il est très … démonstratif. Il faut le voir faire les cent pas, gesticuler, parler, râler. Impulsif, Stéphane Dief ? « Oui » reconnaît-il. Mais il se soigne. Et il nous explique comment !
Le coach qui a emmené Le Puy Foot en 1/4 de finale de la coupe de France et à la 2e place du N2 l’an passé, et à la 1re place cette saison, évoque les souvenirs, les bons moments et aussi le plus mauvais : une élimination en 16e de finale de la coupe à Dives en janvier dernier, qu’il n’a vraiment pas digérée.
Interview
« Le modèle du Puy, c’est Rodez ! »

Stéphane, commençons par Le Puy Foot : quand Nicolas Pays est parti à Montpellier en janvier, et quand dans le même temps le buteur Marvin Adelaïde s’est rompu le tendon d’Achille, le club a pris un coup derrière la tête : comment avez-vous fait pour vous relever de ça ?
On avait réussi à anticiper le départ de « Nico » Pays, parce qu’on était en lien étroit avec le Montpellier Hérault, avec qui les choses se sont passées de manière très transparentes. Donc on a fait signer Mohamed Ben Fredj, que l’on pouvait utiliser devant ou bien en soutien des attaquants.
Oui mais quand Ben Fredj revient (il avait évolué au Puy en National il y a deux saisons), même si on connaît sa valeur, il est en échec à Dijon, en panne de confiance…
C’est vrai qu’à l’instant T, tout le monde se pose des questions, mais en fait, on ne s’est pas trop arrêté là-dessus. Cela a été une force à la fois du staff et des joueurs, qui ont retourné le scénario à notre avantage. On s’est dit « On est un peu moins nombreux, il va falloir se serrer un peu plus les coudes », et ceux qui étaient un peu moins visibles parce que le groupe était soudain plus large, eh bien ils vont avoir la chance de se montrer. L’idée, c’était de dire aussi que Marvin (Adelaïde) avait fait le taffe, avec 12 buts au 2/3 de la saison, donc aux autres de saisir leur chance. Les joueurs n’ont pas pavoisé. Ils ont entendu ce discours et ont pris le taureau par les cornes. Cela a été plus facile de les convaincre parce qu’il y a toujours eu de la considération pour tout le monde, de ceux qui jouaient le plus à ceux qui jouaient le moins; par exemple, le mercredi, il n’y a jamais l’équipe des titulaires contre celle des remplaçants, avec moi, ça n’existe pas dans ma façon de travailler. Alors, certainement que cela nous a permis d’emmener tout le monde dans cette nouvelle histoire qui s’est créée à partir de ce moment-là.
Et ça a porté ses fruits, on a vu d’autres joueurs marquer, prendre des responsabilités, on pense à Mayela, Wade…
Oui, c’est vrai que l’on avait quelques joueurs dans l’ombre mais dont on attendait plus, encore que pour Davel (Mayela), qui avait dès le départ ce même rôle que Marvin (Adelaïde), c’est juste qu’il a vu que son coéquipier performait, c’était dur, mais il a eu cette forme de lucidité et il a été performant dans son rôle, et à l’arrivée, il a le même apport sur l’ensemble de la saison, quelque soit le temps de jeu.
« On ne s’est jamais renié »

Cette saison, est-ce que tu as douté, notamment quand il y a eu une période un peu moins bonne, cet hiver, avec deux défaites à domicile contre Angoulême (0-1 le 6 décembre) et surtout Andrézieux (1-3 le 7 février) ?
Contre Angoulême, le contenu était très bon, c’est juste le scénario ! Cela fait partie du jeu et il faut être en capacité de l’accepter. Au foot, parfois, cela se passe comme ça, mais il n’y avait rien d’autre que de la déception, mais pas de doute. Le coup dur, c’est la défaite contre Andrézieux, mais finalement, c’est ce qui nous remobilise derrière. Parce que là, le contenu n’était pas bon. Cela a permis de faire prendre conscience aux joueurs de ce qu’il fallait faire en plus et en mieux. Derrière, on sort un très bon match à Rumilly. Dans les périodes de doute, notre qualité de jeu a résisté, on n’a pas eu besoin d’être pragmatique, de se dire quand ça va moins bien « On va rester dans les fondamentaux », en défendant plus bas, en prenant moins de risques, en simplifiant, etc. Là non, on a continué de jouer notre jeu, d’aller chercher haut. C’est une belle satisfaction ça. On ne s’est jamais renié, même dans ces moments plus compliqués.
Revenons à la saison passée : avec le recul, tu penses que l’épopée jusqu’en 1/4 de finale de la coupe de France a coûté l’accession en National ?
De manière indirecte, oui. Ce n’est pas la répétition des matchs ou nos performances en coupe qui ont coûté la montée, mais les conséquences de la coupe : très vite, nos joueurs ont été « attaqués », sollicités par les autres clubs. Début mars 2024, certains savaient déjà qu’ils ne seraient plus au Puy la saison d’après. Donc ce supplément d’âme qu’il fallait avoir l’an passé, et que l’on a eu cette année, eh bien malheureusement on ne l’a pas eu et il était dur à aller chercher, parce que l’on ne peut pas avoir la tête à deux objectifs. Pour certains joueurs, cela a été compliqué, parce que l’on a vu leurs performances avant l’élimination en coupe (contre Rennes, à Geoffroy-Guichard) et après la coupe. Dans leurs têtes, ce n’était plus pareil, et peut-être que nous, avec Olivier (Miannay, le manager général du Puy), on leur a un peu trop fait confiance. On n’a pas été assez dur sur les contenus de nos matchs après l’élimination. Même en étant un peu moins bons, on a quand même continué à gagner et c’est pour ça aussi que je suis rarement content, c’est parce que le contenu est tellement important pour moi… Pourtant je sais bien qu’avoir un contenu pendant 90 minutes, c’est impossible.
« Notre 16e de finale, on ne l’a pas kiffé »
Du coup, tu penses que l’élimination, la déception, la désillusion même, à Dives-Cabourg en 16e de finale cette année, fut un mal pour un bien ?
C’est ce qu’on a essayé de se dire à ce moment-là et à l’arrivée, c’est ce qu’on se dira tous. Mais elle a été très très dure à digérer celle-là… Surtout après notre prestation face à Montpellier (qualification 4 à 0 !). Mais l’organisation de ce match à Dives n’était pas à la hauteur d’un 16e de finale de coupe de France. Attention, ce n’est pas un reproche vis-à-vis de Dives-Cabourg. En fait, tout ce que l’on avait fait avant dans cette épopée est parti en fumée. Certes, pour la beauté de la coupe, c’est bien que les petits reçoivent, mais nous, on est un petit, on l’a vu quand on a reçu Montpellier au tour précédent, parce qu’il fallait voir le cahier des charges et tout ce que l’on nous a demandés ! Et là, on s’est retrouvé à des lumières de tout ça quand on est allé à Dives. Notre 16e, on ne l’a pas kiffé.
« Un entraîneur dans la tribune, ça a du sens ! »

À Dives, tu as pris 8 matchs de suspension…
Oui, parce que j’ai critiqué l’organisation du match de façon trop véhémente.
Pas trop dur de passer 8 matchs éloigné du banc ?
C’est dur, mais finalement, je m’aperçois que cela ne nous a pas portés préjudice. De là à dire que je ne suis pas utile (rires !). J’étais utile différemment ! En tribune, on a une vision qui est top. Les rugbymen le font. On ne le fait pas au foot, c’est dommage. Je vais me poser la question de rester en tribune jusqu’à la mi-temps ou à l’heure de jeu, parce qu’on perçoit les choses bien plus rapidement que depuis le bord du terrain où l’on a aucune perspective. Quand on fait de la vidéo, on ne filme pas les matchs à ras du sol, hein ? On les filme avec de la hauteur pour les analyser. Un entraîneur dans la tribune, cela a du sens malgré tout. Mais bon, ce n’était pas une initiative personnelle (rires !). À Dives, j’avais pris énormément sur moi. C’est parti d’une discussion avec Olivier (Miannay) après le match et j’avais tellement de choses en moi, des choses que je n’avais pas appréciées, qu’il a fallu que ça ressorte, sauf qu’il y avait des personnes proches de la scène…
« Je suis très exigeant »

Sur le banc, tu es speed, impulsif, on te voit faire les cent pas, tu es très actif : c’est quelque chose sur lequel tu travailles ?
Je suis très exigeant, très à cheval sur ce que j’attends du jeu, donc forcément, notamment en première mi-temps, je vais donner beaucoup de consignes assez rapidement. Cela peut parfois être perçu comme un manque de patience ou un excitant. C’est pour ça que je peux être très actif. Peut-être que je le suis trop, mais j’aime bien être derrière mes joueurs, surtout que, il ne faut pas l’oublier, j’ai un groupe jeune.
Le week-end dernier, en N2, il y a eu un événement commun entre les trois poules : est-ce que tu l’as relevé ?
(Un peu dépité) Ouaip, les trois premiers ont perdu, mais ça ne me rassure pas pour autant, parce que le match que l’on a fait (défaite contre Istres, 0-1)… Comme on n’avait plus rien à jouer, j’ai essayé d’être beaucoup moins actif justement, et sur la première mi-temps, je me dis que j’aurais dû l’être beaucoup plus. Et beaucoup plus rapidement. Finalement, on s’est enfoncé dans quelque chose qui ne nous ressemble pas et qu’Istres nous a imposés, ce faux-rythme, et on a été incapable de changer la dimension du match, sauf sur les vingt dernières minutes, quand les entrants ont amené du peps. Donc cela me conforte dans ce que je suis et dans ce que je veux : une équipe disponible, dynamique et protagoniste. Et cela impose presque que le coach le soit aussi.
Le Puy foot a relevé beaucoup de défis depuis 15 ans, avec une progression, des accessions, un travail de structuration, l’apport de compétences, des campagnes de coupe, etc, mais il n’y a encore jamais eu de maintien en National malgré deux tentatives (en 2019/20 et en 2022/2023) : le nouveau défi, ce sera celui-là ?
Dans l’histoire récente du football auvergnat, pour élargir ta question à l’ex-Auvergne et sortir de la grande Région Auvergne – Rhône – Alpes, il n’y a pas que Le Puy : Moulins y a passé deux fois une saison mais sans s’y maintenir (2006 et 2010) et Yzeure une seule saison (2007). Et Le Puy aussi est monté deux fois sans parvenir à se maintenir. Notre défi dépasse l’aspect local, mais régional. C’est excitant d’arriver à faire quelque chose que personne n’a fait en Auvergne, hormis Clermont Foot (au début des années 2000).
« On ne va pas en National juste pour faire un tour »

Tu mesures l’ampleur de la tache ? Le championnat a beaucoup évolué depuis le dernier passage du Puy en National en 2022-2023 et ne parlons pas de 2019-2020…
J’en ai conscience. Après, si le championnat National est devenu comme ça aujourd’hui, avec des Valenciennes, Caen, Sochaux, Le Mans, Dijon, Nancy, Orléans, etc, c’est parce qu’avant il y avait 20 clubs en Ligue 1 et 20 clubs en Ligue 2, et qu’il n’y en a plus que 18 et 18, donc ces clubs qui sont descendus de l’élite, ils sont bien retombés quelque part. C’est pour ça que le National sera relevé comme jamais, avec le club de Kylian Mbappé, le Stade Malherbe de Caen, qui viendra jouer à Massot (rires) ! Je plaisante, mais on va quand même amener ça à Massot. Cela permettra aux gens du territoire de vivre ça, et j’ai même envie d’en appeler aux pouvoirs publics, aux investisseurs privés : on doit devenir un projet de territoire. Il faut que tout le monde se relève les manches, parce qu’avoir un club professionnel à l’aube de la Ligue 3, cela dépasse largement le cadre de la ville du Puy. Ce challenge, on peut le relever, on peut construire quelque chose ici. Maintenant, cela ne peut pas être seulement à notre président (Christophe Gauthier) de tout assumer et aux quelques autres personnes qui l’entourent. Il faut qu’il y ait une volonté de territoire, j’insiste sur ce mot-là. On a vu que l’on pouvait avoir du public, on a eu 2000 personnes lors des deux derniers matchs à domicile. Il faut prendre le sujet à bras-le-corps, parce que l’on n’a pas envie d’aller en National la saison prochaine juste pour faire un tour. On a vu cette saison que des équipes comme Aubagne et Bourg-en-Bresse, avec des moyens limités, ont fait une très bonne saison. Ce sont des exemples à suivre. On doit maîtriser notre budget, ne pas tomber dans certaines dérives, travailler sur des jeunes profils, rester dans notre ligne de conduite. On y arrivera ou pas, mais on y va avec nos convictions, notre façon de faire.
« Le modèle du Puy, c’est Rodez »

Le modèle à suivre, sur le long terme, c’est lequel ?
C’est Rodez. Le modèle du Puy, c’est eux. Ils ont un stade flambant neuf tout mignon, qui est suffisant. Ils ont des structures dignes d’un club professionnel, il leur a fallu quelques années pour y arriver. Rodez, Le Puy, je suis désolé, mais ça se ressemble… J’y ai joué un an, je connais parfaitement la vie locale à Rodez, je connais un peu ce projet, la manière dont il a été mené au départ, je connais Grégory Ursule le manager général, donc si on veut ressembler à eux, il faut que l’on devienne un club de département. Un club de territoire.
Peux-tu nous raconter comment tu as basculé de joueur à entraîneur ?
Je bascule d’une manière un peu particulière. Je voulais une suite après ma carrière de joueur à Yzeure, dans le staff. Et finalement, il font signer Hervé Loubat comme adjoint de Nicolas Dupuis, et là, je me suis dit que, finalement, le choix du club est celui-là, qu’ils ne se projettent pas trop avec moi, donc voilà. Je signe à Vichy comme entraîneur-joueur. C’était compliqué mais cela reste une bonne expérience. On manquait de structure, le président était particulier, ça partait un peu dans tous les sens, et après cinq saisons, je signe au Moulins-Yzeure Foot, où je fais sept saisons.
« J’ai cette capacité à être résilient »

Quand tu arrives à Moulins, c’est déjà le MYF (Moulins Yzeure Foot) ?
Oui, je suis le premier entraîneur de la nouvelle entité ! Le contexte est particulier quand j’arrive, c’est très « politique », très compliqué en interne. Je suis arrivé à Moulins-Yzeure par l’intermédiaire de Nicolas Dupuis, directeur sportif, qui m’avait eu comme joueur. La première saison, c’était compliqué, le groupe n’était pas équilibré, je ne l’avais pas construit, et puis, il fallait aussi qu’il y ait une moitié de joueurs d’Yzeure, une autre moitié de joueurs de Moulins, tout ça pour faire plaisir aux politiques, très impliqués à l’époque dans le projet… C’était un truc incongru. On finit 11e, mais c’est une saison où j’ai pris beaucoup sur moi et fait fi de beaucoup de choses. Il y avait beaucoup d’intérêts personnels. Finalement, Nicolas Dupuis est remercié et là, je deviens à fois entraîneur et entraîneur général, sans directeur sportif, et je prends la dimension de ce qu’est la gestion d’un club, en collaboration avec le président.
Durant cette première saison à Moulins-Yzeure, tu ne t’es jamais posé la question « Mais qu’est-ce que je fais là ? »
Non, jamais. J’ai cette capacité à être résilient. J’aime convaincre, y compris dans la durée. Il y a un temps pour tout, et parfois, il y a un temps pour faire le dos rond pour mieux imposer ses idées par la suite.
« Moulins-Yzeure Foot est mal né »

Cette fusion entre Moulins et Yzeure, force est de constater que cela n’a pas été une réussite…
Mais il n’y a pas eu de fusion ! C’est un sketch à tous les étages. Au début, c’était la municipalité de Moulins qui subventionnait le club d’Yzeure. On a juste changé le nom, pour mettre un nom « commercial », Moulins-Yzeure Foot, et dans le même temps, les anciens de l’AS Moulins, le club qui avait des déficits importants que la mairie ne voulait plus couvrir, montent un autre club dissident, l’Académie de Moulins ! Tandis qu’à l’AS Yzeure, un club bien géré et sain, mais qui a cependant en baisse tous les ans, des gens acceptent, pour le bien du football local, de passer à autre chose, de modifier les statuts en accord avec les deux municipalités, parce que c’était nécessaire, même si la rivalité entre les deux clubs existait. Mais cela a été très mouvementé, sans compter que la Ville de Moulins a laissé un autre club arriver, avec des personnes qui n’ont pas pris la mesure de la chose. Il fallait aller vers un travail main dans la main entre Moulins et Yzeure, même si je leur concède que le dossier a été très mal mené. En fait, le Moulins-Yzeure Foot est mal né. Avec beaucoup d’erreurs dans sa construction. Au début, on jouait deux matchs à Moulins, deux matchs à Yzeure. Même encore aujourd’hui, ils jouent un an à Moulins, un an à Yzeure… Aujourd’hui encore, l’Académie de Moulins fonctionne en autarcie totale. Mais il n’est jamais trop tard pour que ces gens, qui n’ont rien voulu entendre au début, passent à autre chose. Il y a des compétences, il faut les utiliser de la meilleure des manières, mais certains se sont enfermés dans une forme d’égoïsme je pense. Après, personnellement, je suis content du boulot que j’ai fait au Moulins Yzeure Foot, dans un contexte particulier. J’ai essayé au maximum de rassembler, mais on ne peut pas convaincre tout le monde.
Tu es plutôt Moulins ou plutôt Yzeure ?
Je suis les deux très honnêtement ! Pourtant j’étais Yzeurien, et j’étais joueur au moment où la rivalité entre les deux clubs étaient à son apogée, mais il faut regarder l’intérêt du football pour une agglomération et un département. Je suis, du moins, j’étais Moulino-Yzeurien. J’étais le coach de Moulins Yzeure Foot, pas de l’AS Yzeure.
« Je n’ai de grief envers personne »

Comment ça s’est passé à la fin ? Tu es viré ou tu n’es pas viré en avril 2023 ?
Lors de ma dernière saison en N2, on a du mal, c’est compliqué sportivement, le budget a baissé, on a perdu 25 % de masse salariale et 8 joueurs, pour 2 arrivées, et en février, je vois mes dirigeants, ils me demandent de trouver des solutions. La première solution que je mets sur la table, c’est de dire que, voilà, le coach fait peut-être partie des solutions. Et puis mon discours, peut-être que… Il y a l’usure du temps aussi. J’apporte quelques éléments de plus, mais mes dirigeants, un peu surpris, ne sont pas dans cette optique là. Un mois et demi après, on perd contre Romorantin, et là, je fais passer le message, par l’intermédiaire d’un de mes dirigeants, que c’est peut-être le moment, qu’il reste 7 matchs, qu’il y a un électrochoc à créer… Parce qu’avec mon président, nos visions s’étaient éloignées, la communication était devenue plus rare… Et puis je ne voyais pas comment je pouvais repartir la saison suivante après ce qui s’était passé, alors qu’il me restait trois mois et un an de contrat. Ils ont entendu mon appel et on s’est séparé d’un commun accord. Dans le respect des intérêts des uns et des autres. Et je n’ai de grief envers personne.
Stéphane Dief, du tac au tac
« On s’attache trop à l’individu, moins au collectif »

Cela t’a fait quelque chose de jouer et d’éliminer Montpellier, en coupe, cet hiver (4-0) ?
Non, pas spécialement. J’étais content de les rencontrer. J’étais allé voir le staff. Même dans la direction, il y a des gens que je connais, Philippe Delaye, avec qui j’ai joué, Bruno Carotti, le kiné, Ghislain Printant, Jean-Louis Gasset… Ce fut un plaisir de retrouver ces gens-là, parce que ce sont de bonnes personnes. J’étais plus ennuyé de la tournure des événements finalement, même si c’était très valorisant pour nous. Mais je n’avais pas de fierté particulière. J’étais content pour mon équipe mais aussi déçu pour ces personnes que j’ai citées.
Et la saison de Montpellier …
C’est dur, c’est dommage, parce que c’est un club un peu à part pour moi, peut-être aussi qu’il doit se renouveler, adopter une manière de fonctionner un peu différente, chercher d’autres solutions… Quand je regarde les résultats, je regarde toujours ceux de Montpellier.
Un président marquant ?
Je pense que c’est Christophe Gauthier au Puy. Il vaut le détour. C’est un personnage.

Des rituels, des tocs, des manies de coach avant un match par exemple ?
Avant les matchs, je fais 5 à 6 minutes de cohérence cardiaque, sous forme d’exercice de respiration. Je ne fais pas de sophrologie mais cela peut être une piste à étudier aussi. J’essaie de me tourner vers la préparation mentale, pour avoir les meilleurs ressorts afin d’aborder les matchs le mieux possible, d’activer les meilleurs leviers, d’être connecté de la meilleure des manières à la rencontre, de me préparer aux événements que l’on ne maîtrise pas et que l’on n’attend pas, parce que j’ai besoin de maîtriser mes réactions : joueur, j’étais impulsif, donc forcément, comme entraîneur, ce trait de caractère peut encore ressortir, mais je travaille beaucoup là-dessus. La cohérence cardiaque permet de m’apaiser, de m’ouvrir l’esprit. Je fais ça pendant l’échauffement des joueurs, seul, dans le vestiaire. J’essaie de respirer calmement, j’essaie de visualiser le match, d’imaginer des choses qui peuvent arriver, d’anticiper.
Une devise ?
« Celui qui cesse de vouloir progresser commence déjà à régresser ». Cela me caractérise bien. Tout le monde progresse, tout le monde avance, travaille… Je ne suis jamais trop tranquille, en fait. J’essaie toujours de me projeter, peut-être trop même, mais cela fait partie de ma fonction.
Un style de jeu ?
J’aime avoir la maitrise sur mes matchs, c’est ce que je recherche, je veux une équipe disponible, dynamique et protagoniste. Mon équipe doit être celle qui impose ses idées, défensivement et aussi avec le ballon. Je ne parle plus trop de possession, on oublie parfois qu’il y a des cages sur un terrain de foot et que l’essentiel c’est de se créer des occasions et d’aller marquer des buts, donc je préfère parler de disponibilité, de joueurs qui prennent leurs responsabilités.

Et en termes de système de jeu ?
J’adorais le 4-2-3-1 ou le 4-3-3 aussi, j’aime bien jouer avec un joueur sous l’attaquant ou sous les attaquants, mais cette année, au fil de la saison, on a basculé en 3-5-2, c’était nouveau pour moi, mais après découverte et lecture de mon effectif, et aussi après avoir noté que l’on ne se créait pas assez d’occasions, cela m’a poussé à la réflexion, à jouer à deux attaquants. Je trouvais que l’on avait des joueurs qui répondaient bien à la commande derrière, donc, la défense à 3 et l’attaque à 2 se sont révélés judicieux, avec des latéraux qui pouvaient être des pistons. Même quand je jouais à 4 derrière, dans notre recrutement, avec Olive (Olivier Miannay), je privilégiais des latéraux assez offensifs.
Meilleur souvenir sportif ?
Joueur, la victoire en Gambardella avec Montpellier, en 1996 je crois mais il faut vérifier, je suis nul en dates ! C’était contre Nantes. Comme coach, cette saison dans sa globalité.
Pire souvenir ?
Joueur, ce sont mes blessures, je me suis fait trois fois les ligaments croisés avant mes 22 ans, et coach (il réfléchit), l’élimination en 16e de finale de la coupe cette saison à Dives-Cabourg.

La saison où tu as pris le plus de plaisir ?
Joueur, c’est la montée en National avec l’AS Yzeure (en 2006). Comme coach, ces deux dernières saisons, que je mets à peu près sur le même pied d’égalité, même si cette saison, ça se termine mieux avec l’accession en National. L’an passé on a vécu aussi des belles choses.
Une erreur de casting dans ta carrière ?
Non. Aucune. Dans mes choix de joueur, j’ai fait Clermont, Montpellier Hérault, Rodez et Yzeure, et coach Vichy, Moulins et Le Puy, globalement je suis resté longtemps partout, sauf à Rodez, où je n’ai fait qu’une seule saison, qui n’est pas un bon souvenir malheureusement, parce qu’on était descendu en National 3. Mais ce n’est pas une erreur de casting.
Un modèle de joueur ?
Michel Platini.

C’est en rapport avec le poste que tu occupais sur le terrain ?
Oui, sans doute, car j’étais milieu de terrain de formation et je suis devenu attaquant sur le tard, et Platini, c’était le lien entre le milieu et l’attaque, avec cette capacité à marquer beaucoup de buts. Certainement, cela ressemble un peu à ce que j’étais en tant que joueur, et aussi finalement en tant qu’entraîneur parce que je suis plutôt porté vers l’animation offensive.
Un modèle d’entraîneur ?
J’ai beaucoup apprécié ce qu’a fait Pascal Gastien à Clermont-Ferrand, et en plus, c’est ma ville, là où j’ai grandi, même si je suis né dans le Cantal. J’aime l’entraîneur et l’homme.
Meilleur joueur avec lequel tu as joué ?
J’ai joué avec certains, mais pas longtemps, à Montpellier. Il y en a eu tellement, Bruno Martini dans les cages, Franck Sauzée, Xavier Gravelaine, Jose Luis Villareal, qui était milieu de terrain (ex-international argentin), Laurent Robert, des vrais joueurs; je n’étais pas dans le groupe pro mais je m’entraînais souvent avec eux et j’ai fait des matchs amicaux aussi. Et j’ai fait un seul banc en Ligue 1, sous les ordres de Jean-Louis Gasset : je peux dire que j’ai effleuré le très haut niveau. En tout cas, j’ai vu ce que c’était.
Le meilleur joueur que tu as entraîné ?
(Il réfléchit). C’est un joueur pétri de qualités techniques mais qui n’a pas fait carrière, malheureusement, c’est Driss Khalid, que j’ai eu à Moulins-Yzeure, formé à Toulouse. Il est à Colomiers aujourd’hui (N3).
Le joueur avec lequel tu avais le meilleur feeling sur le terrain ?
Joël Bouchoucha. On a joué ensemble à Yzeure. Il jouait à droite et je jouais tantôt en soutien de l’attaquant, tantôt attaquant, et il m’a fait souvent marqué, je l’ai souvent lancé en profondeur aussi.

Pourquoi as-tu choisi d’être entraîneur ?
J’ai toujours été intéressé par le jeu et les options collectives, et la richesse de ce sport; comparé aux autres disciplines, par exemple, le jeu ne s’arrête jamais, alors qu’il y a beaucoup de sports collectifs où les départs d’actions se font sur des phases arrêtés; au hand, soit on attaque, soit on défend, il y a très peu de jeu de possession, très peu de jeu au milieu, pareil au basket… J’ai toujours aimé la richesse et la complexité du foot avec son côté multi-directionnel, et où il faut, par son style, par une manière de faire, apporter son influence sur le jeu. Quand j’étais joueur, j’avais cette capacité à beaucoup parler aussi sur le terrain, à « diriger » mes joueurs à côté de moi, mon environnement, j’avais une forme de leadership.
Tu étais capitaine dans tes équipes ?
Non. Je l’ai été, mais pas de manière constante, pour la simple et bonne raison que j’étais aussi impulsif, trop dans les émotions. Donc j’étais plutôt vice-capitaine. Après, j’ai toujours eu besoin quand j’étais joueur, à tort ou à raison je ne sais pas, d’être comme ça… Un match qui s’enflammait, moi, ça ne m’a jamais rendu moins bon. J’aimais bien ce côté « adversité », un peu poussée à l’extrême. Cela sollicitait des choses en moins, je pouvais aller chercher des ressources encore plus profond. Comme entraîneur, j’essaie de m’en écarter. Il faut rester connecté, avoir la tête assez froide pour rester dans l’analyse. Et il y a une forme d’exemplarité à avoir, de calme, qui est moins obligatoire comme joueur.
Te souviens-tu de la première fois que tu as entraîné en seniors ?
Non parce que j’étais entraîneur-joueur à Vichy, donc je n’ai pas commencé sur le banc.

Un entraîneur qui t’a marqué ?
Alain Ollier, qui m’a fait jouer en National 2 au Clermont Foot quand j’avais 17 ans, avant que je parte à Montpellier 5 ans, qui était vraiment un bon entraîneur; après, il s’est occupé du pole espoirs à Vichy. Et aussi, dans un style radicalement opposé, Mama Ouattara, mon formateur à Montpellier : il était extrêmement dur sur le terrain. Même psychologiquement, avec lui, il fallait s’accrocher. En revanche, sur l’aspect tactique, on travaillait énormément, il m’a éveillé à cette culture du collectif. Or je trouve que cette culture est devenue trop rare aujourd’hui dans les centres de formation, où l’on s’attache trop à l’individu. Nous, à Montpellier, la culture collective et « LE » match étaient importants. Et Jean-Louis Gasset aussi. Une éloquence, un charisme.
Tu étais un joueur plutôt comment ?
Technique, finisseur et pénible.
Tu es un coach plutôt … en trois adjectifs ?
Rigoureux, bienveillant et juste.
Ton match référence avec toi sur le banc ?
J’ai du mal à en sortir un, parce qu’il y a toujours des moments dans un match qui ne me conviennent pas.
Et ton pire match avec toi sur le banc ?
Ah il y en a ! Je dirais en coupe de France, avec Moulins-Yzeure, quand on est éliminé à Cournon-d’Auvergne, un match catastrophique… On mène rapidement 1 à 0 à la 5e, ils égalisent à la 88e ou 89e, mais entre la 5e et la 89e, c’est indigent.
- Texte : Anthony BOYER / X @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
- Photos : Le Puy Foot 43 Auvergne
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