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Mohamed Ben Fredj (Le Puy) : « Ce serait top de jouer pour la Tunisie »

Prêté au Puy en National par Auxerre (L1), l’attaquant de 23 ans passé par l’OM a franchi un cap cette saison malgré la redescente de son club. Auteur de 12 buts toutes compétitions confondues, le Varois est suivi par la sélection Tunisienne.

Entretien réalisé juste avant son nouveau doublé inscrit vendredi 12 mai face à Concarneau (succès 2 à 1)

Dans moins d’un mois, Mohamed Ben Fredj quittera Le Puy (National) pour retourner à Auxerre (L1), qui l’avait prêté. Avec le regret de voir son club redescendre en National 2 même si, lui, a pu montrer ses qualités de buteurs (8 réalisations en championnat, 4 en Coupe de France). C’est lui qui marqué le but de la qualification lors de l’exploit contre Nice (1-0) début janvier en 32e de finale de la Coupe de France.

Cette saison en Auvergne va certainement compter pour la suite de la carrière du natif de Toulon (Var), qui va revenir dans l’Yonne avec davantage de bagages. Le nom de l’attaquant de 23 ans, buteur dans l’âme et généreux sur le terrain, est aussi revenu dans les radars de la Fédération de Football Tunisienne, qui l’avait déjà appelé en 2019. Mohamed Ben Fredj ne semble plus très loin d’une sélection s’il confirme sa progression dans les mois à venir. Pour 13HeuresFoot, il est longuement revenu sur son parcours pas toujours linéaire de son Var natal (La Seyne, Toulon, Sanary, La Valette) à Auxerre en passant par l’aventure inachevée à l’OM, son club de cœur.

« J’aimerais rendre fier mon père avec la sélection tunisienne »

Avec le maillot de l’AJ Auxerre. photo DR

Lors de la dernière trêve internationale fin mars durant laquelle la Tunisie s’est qualifiée pour la prochaine CAN en battant la Libye (3-0 et 1-0), son nom s’est invité dans les médias, les débats télévisés ou les Space animés sur Twitter.
Depuis longtemps, les Aigles de Carthage recherchent en effet un vrai buteur. Un profil qui a manqué à la Tunisie durant la dernière Coupe du monde au Qatar. Pour beaucoup de Tunisiens, l’avenir pourrait s’appeler Mohamed Ben Fredj, qui fêtera ses 23 ans demain (le 9 mai). « Moi je n’y prêtais pas trop attention, mais on m’a rapporté tout ça. On a parlé d’un attaquant qui joue au Puy, ça fait plaisir. Mais moi, ce qui m’importe, c’est le concret et des choses officielles. Pas ce que les gens peuvent dire à droite et à gauche. »

En 2019, il a déjà participé à un stage avec l’équipe de Tunisie. « Au départ, j’étais appelé avec les Espoirs. Mais il y avait beaucoup de joueurs locaux qui n’avaient pas pu se libérer pour les A, et au final, je n’ai pas joué. Mais c’était une super expérience de me retrouver avec de tels joueurs alors que je n’avais que 19 ans et que je jouais alors en N2 avec la réserve de l’OM. »

Dans sa famille, les liens sont forts avec la Tunisie. Son père vient de Bizerte, dans le nord du pays. « On y va chaque année. J’y suis très attaché. Je suis né et j’ai grandi en France mais jouer pour la Tunisie, ce serait top. C’est le choix du cœur. Si ça arrive, ce serait très spécial pour mon père. J’aimerais tant le rendre fier. Mais le chemin est encore long. »

« Signer à l’OM, c’était un rêve »

Avec le maillot de l’AJ Auxerre. photo DR

Tout a commencé pour lui, cité Berthe, l’un des grands quartiers de La Seyne-sur-Mer (Var). Il évolue à l’AJS La Seyne quand il est repéré dans un tournoi par Victorio Grasso, un éducateur de la région (aujourd’hui adjoint de Julien Faubert à Fréjus/St-Raphaël en N2). « J’avais 9 ans, il a convaincu mes parents de me faire signer au SC Toulon. Je l’ai ensuite suivi en U14 à Sanary puis en U17 à La Valette. »

Lors de la saison 2016-2017, il inscrit 35 buts avec la Valette en U17 nationaux. Il n’a alors que l’embarras du choix. Nice, Saint-Etienne, le SC Bastia, l’AC Ajaccio et l’OM lui proposent des essais. « Je suis un enfant de la région, je suis supporter de l’OM, ma famille, mes proches et mes amis sont supporters de l’OM. Le choix a donc été vite fait…»

Lors de son essai avec Marseille, Ben Fredj a rapidement convaincu. « Je me souviens que j’avais dû rater mon bac blanc de français pour faire le test. Je devais rester trois jours. En une mi-temps, j’ai mis trois buts. Pancho Abardonado a dit qu’il en avait assez vu… J’ai signé mon contrat d’aspirant. C’était comme dans un rêve. »

Lors de sa signature à l’OM. Photo DR

Sur le terrain, le franco-tunisien prolonge le rêve lors de ses premières semaines marseillaises. Avec les U19, il enfile les buts. « J’avais mis triplé contre Nîmes, doublé contre l’AC Ajaccio et un but contre Castelnau-le-Lez », se souvient-il.
Le 30 septembre 2017, David Le Frapper, alors entraineur de la réserve de l’OM le titularise pour la première fois en N2 lors d’un match à Sète (0-0). Il n’a que 17 ans. « La semaine d’après avec les U19, j’ai marqué un but de 50 m. J’allais m’entraîner avec l’équipe pro. Tout allait trop bien. Mais parfois dans la vie, c’est quand tout va trop bien, quand tu es en haut, que tu retombes brutalement encore plus bas. J’ai eu une blessure aux ligaments de la cheville qui a été mal gérée. J’ai été arrêté trois mois. »

Lors de cette première saison à l’OM, il dispute 7 matchs pour un but en National 2. « J’ai eu du mal à revenir. Avec la N2, je n’étais pas assez performant, je réfléchissais trop. Ensuite avec le bac, je n’ai pu avoir qu’une semaine de vacances. Mentalement, j’étais usé. Mon début de saison suivant a été très difficile. Même en U19 Nationaux, j’avais du mal à trouver le déclic. »

« Un choc quand l’OM ne m’a pas conservé »

Il traverse la première partie de saison sans réussir à trouver le chemin des filets en N2. Le 22 décembre 2018, l’OM affronte Endoume pour un derby marseillais. Rentré à la 79e minute, l’attaquant rate une grosse occasion d’égaliser. « Ma frappe manquait de tranchant. Ce qui s’est passé ensuite, je m’en souviendrai toute ma vie…»

Dans les vestiaires, l’entraineur David Le Frapper, ne le ménage pas. « Il m’a dit, « Imagines que tu rates cette occasion en L1 devant 60 000 personnes au Vélodrome ? Tu vas te faire lyncher… Tu n’y mets pas assez de conviction ». Ses mots étaient très durs. Mais ils m’ont marqué. J’ai compris qu’il voulait me faire passer un message, que c’était pour mon bien. Il m’a brusqué pour me faire réagir. Ce passage a été important dans mon parcours. Coach Le Frapper a toujours tout fait pour que je me sente bien. Après ce match, j’avais passé de très mauvaises vacances de Noël. Mais j’ai aussi beaucoup bossé, pris du recul et beaucoup discuté avec mes proches. Jean-Claude Grasso (le père de Victorio) m’a aussi rassuré. Et ça a payé. »

Sur la phase retour, il a inscrit 8 buts lors des dix derniers matchs. « J’étais l’attaquant numéro 1 de la réserve, j’allais m’entraîner avec Rudi Garcia en L1. Tout allait mieux. »

Il va pourtant déchanter lors sa 3e saison avec l’OM. C’est Maxence Flachez et Philippe Anziani qui ont repris l’équipe réserve de l’OM. « Il y a eu un changement d’organigramme, toutes les équipes du centre de formation ont changé de coach. Ce n’était plus la même philosophie. »

Avant l’arrêt de la saison en mars 2020 à cause du confinement, il a inscrit 6 buts en N2. Mais l’OM lui annonce qu’il ne sera pas conservé. Un véritable coup de poignard. « Ça a été un vrai choc. J’étais aux portes de la L1, près de la maison et de ma famille. Ça a été la première grosse épreuve de ma carrière. Après l’OM, c’est comme le PSG. Il faut vraiment être au-dessus pour sortir. En réserve, j’ai joué avec Perrin, Lihadji, Nkounkou ou Chabrolle qui sont aujourd’hui en L1 ou L2. Ils sont tous partis aussi. »

« A Auxerre, j’ai beaucoup appris »

A l’été 2020, la France tourne encore au ralenti. Mais ses agents se démènent pour lui trouver un projet afin de rebondir. Il signe finalement un contrat amateur pour la réserve avec Auxerre. Proche de sa famille, le dépaysement est total à 670 km de chez lui dans le Var. « Mais j’étais déjà content de trouver une structure pro, surtout comme Auxerre. Ça s’est bien passé. J’ai mis 2 buts en 9 matchs en National 2. »

Mais les championnats amateurs s’arrêtent rapidement, au mois d’octobre. La réserve d’Auxerre peut néanmoins disputer des matchs amicaux contre d’autres centres de formation, eu égard à leur statut pro. Mohamed Ben Fredj s’entraîne également avec la Ligue 2. « La première semaine d’avril, on doit jouer contre Le Havre le samedi. Axel Ngando se blesse. Je pars de l’entraînement mais un coéquipier m’appelle et me demande « Tu es où ? » Je lui réponds que j’étais rentré chez moi. Il me dit, « Tu es fou, on t’attends, tu es convoqué dans le groupe et tu dois venir au repas d’avant-match… » C’était énorme ! A partir de là, je n’ai plus quitté le groupe L2 tout en jouant aussi parfois avec la réserve. »

Le 20 avril 2021, il effectue ses grands débuts en Ligue 2 en rentrant à la 87e minute à Pau juste avant de parapher son premier contrat pro. La saison suivante, celle de montée, il effectue sept apparitions. « Il y avait Gaëtan Charbonnier à mon poste qui a fait une grosse saison. Mais j’ai beaucoup appris. En Coupe de France, j’ai mis un triplé contre Limonest puis un doublé contre Chambéry; ça a un peu changé la donne pour moi. »

Le 2 avril 2022, son but de la tête à la 90e minute à Furiani est capital. Il permet à Auxerre de rapporter un point précieux de Bastia. « C’était un but important pour la montée », sourit-il. Après avoir inscrit un triplé avec la réserve en N2 face à l’Entente Sannois/Saint-Gratien, il vit, depuis le banc, à la montée d’Auxerre en L1 lors des barrages face à Sochaux puis Saint-Etienne.

Avec Auxerre, il entame la préparation de la nouvelle saison avec le groupe de Jean-Marc Furlan. « Lors des deux premiers matchs amicaux, j’ai marqué contre Grenoble puis Amiens. Je me suis dit, « ça peut changer les plans du coach ». Mais ensuite, il ne m’a plus fait jouer. On a évoqué un prêt. J’ai compris que ce serait la meilleure solution pour moi. Je ne voulais pas vivre une saison galère en restant en L1 sans jouer. »

« Humainement, j’ai passé une très bonne saison au Puy »

C’est le Puy, promu en National, qui obtient son prêt. En Haute-Loire, Ben Fredj passe un cap et affiche des « stats » plutôt intéressantes : 8 buts et 3 passes décisives en National. En Coupe de France, il a inscrit 4 buts. Mais le plus important restera forcément celui de la qualification en 32e de finale contre Nice (1-0) dès la 3e minute après une belle action personnelle. « C’était un sacré exploit ! C’est après ce but qu’on a commencé à parler de plus en plus de moi en Tunisie. »

Pourtant, en ce début mai, il tire un bilan mitigé de son aventure au Puy Foot 43 Auvergne. Son club va en effet retrouver le National 2. « Individuellement et collectivement, cela aurait pu être beaucoup mieux. J’aurais espéré marquer plus de buts et qu’on se maintienne. Malgré tout, j’ai l’impression d’avoir beaucoup progressé grâce au coach Roland Vieira. J’ai engrangé aussi davantage de confiance, ça fait du bien de se sentir important dans un club. Humainement, j’ai passé une très bonne année ici. »

Sous contrat jusqu’en 2024, il va retourner à Auxerre, du moins dans un premier temps. « Le président et le directeur sportif d’Auxerre ont continué à me suivre au Puy. On a échangé. Ils m’ont envoyé des messages pour me féliciter après mes buts. Il me reste un an de contrat à l’AJA. On va prendre le temps de bien faire le point et on verra bien ce qui se passera pour moi pour la suite. »

Quand il se retourne sur son parcours, Mohamed Ben Fredj se dit « fier ». « Ça n’a pas toujours été facile pour moi mais je me suis toujours battu. A Marseille, j’étais dans mon cocon. J’avais ma famille avec moi. On se voyait tout le temps. Mais être passé d’une grande ville comme Marseille à Auxerre où j’ai dû me gérer tout seul, ça m’a fait grandir en tant qu’homme. Je suis arrivé sur le tard dans le monde pro en U19 à l’OM et finalement, ce n’était pas plus mal. Cela m’a permis d’avoir une enfance puis une adolescence normales et correctes. J’ai pu aussi continuer mes études. J’en vu tellement de joueurs plus talentueux que moi exploser en plein vol car ils étaient partis trop tôt en centre de formation…»

Mohamed Ben Fredj, du tac au tac

Meilleur souvenir de joueur ?
La montée en L1 avec Auxerre après les tirs aux buts à Saint-Etienne. Un truc de fou.

Pire souvenir de joueur ?
Quand l’OM ne m’a pas gardé en 2020.

Une manie, une superstition ?
Je rentre sur le terrain et je prie.

Le geste technique préféré ?
Moi, je suis surtout dans l’efficacité et la simplicité. Déjà, cadrer…

Qualités et défauts sur un terrain ?
La finition. Mais je reste perfectible dans l’impact physique.

Votre plus beau but ?
Je les trouve tous beaux, je n’ai pas de préférés. Après, forcément, le plus important est celui qui a eu le plus d’impact, c’est celui contre Nice en Coupe de France cette année.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Renato Sanches lors d’un 32e de finale de Coupe de France contre Lille avec Auxerre (18 décembre 2021). J’étais titulaire. On avait perdu 3-1. Sur ce match, il m’avait vraiment impressionné. Il était partout sur le terrain.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Même si c’était juste à l’entraînement avec l’OM, je dirais Dimitri Payet, pour sa technique.

L’ entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
Victorio Grasso, qui est dans le staff de Fréjus-Saint-Raphaël (N2) aujourd’hui. Lui et son père Jean-Claude ont beaucoup compté pour moi. Victorio, c’est un peu comme mon grand frère. Sans lui, je ne serais peut-être pas devenu pro. Il m’a repéré à 9 ans à l’AJS La Seyne, puis il a convaincu mes parents de signer au SC Toulon. Je l’ai ensuite suivi à Sanary et à La Valette. A l’OM, il y a eu aussi Noël Sciortino et David Le Frapper. A Auxerre, David Carré, l’entraîneur de la réserve, a cru en moi. Bien sûr, il y a aussi Jean-Marc Furlan. Enfin, cette saison au Puy, Roland Vieira m’a fait confiance et il m’a fait progresser.

Une causerie marquante d’un coach ?
Pas une en particulier mais toutes celles de Jean-Marc Furlan. Il savait vraiment nous transcender. Il est capable de rentrer dans notre tête. Tous ces discours, pendant et après le match, avaient un vrai contenu. Ils étaient toujours pensés. Furlan est très fort dans le management. Il arrive à tenir en éveil tout son groupe, même ceux qui jouaient moins, ce qui était mon cas.

Le club où vous vous êtes senti le mieux ?
Auxerre. Quand je suis arrivé de l’OM, je n’étais pas très bien mais quand j’ai vu les installations du centre de formation d’Auxerre, j’ai vraiment pris une claque dans le bon sens. La différence avec l’OM était énorme… A Auxerre, on avait tout. On s’aperçoit que ce n’est pas pour rien que ce club a sorti autant de grands joueurs de sa formation. On a vraiment des outils très performants à notre disposition.

Le club qui vous fait rêver ?
Le Barça.

Vos joueurs ou joueurs préférés ? Un modèle ?
Leo Messi. Quand j’étais plus jeune, je regardais des vidéos de Robin Van Persie. Il y avait aussi Benzema et Suarez.

Un stade mythique ?
Le Vélodrome à Marseille. En tant que spectateur, j’aimerais bien aller voir un match à la Bombonera, le stade de Boca Juniors en Argentine. C’est la folie cette ambiance…

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Bafétimbi Gomis. On vient tous les deux de la même ville, La Seyne-sur-Mer, et on a les mêmes agents. Il m’envoie souvent des messages et me donne beaucoup de conseils. C’est quelqu’un de simple et de disponible.

Vos occupations en dehors du foot ?
Un peu de jeux vidéo et voir ma famille. Je suis plutôt casanier, j’aime bien rester tranquille à la maison. Auxerre et Le Puy sont des petites villes, tranquilles. Forcément, Marseille, c’était différent. Mais même là-bas, je ne sortais pas beaucoup. Je suis vraiment de nature casanière

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
J’ai un bac S. A la base, je voulais être kiné. De toutes les façons, j’aurais cherché un métier en relation avec le sport comme prof d’EPS ou préparateur physique.

Textes : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent et @13heuresfoot

Photos : Le Puy Foot 43 – Sébastien Ricou et DR