Melvin Adrien : « Jouer pour Madagascar, c’est incroyable ! »

Originaire de La Réunion, le gardien de 30 ans, qui évolue à Thonon Evian Grand Genève (N2), a effectué tous ses choix de carrière en fonction de la sélection nationale de Madagascar, dont il est fier de défendre les couleurs.

Très impliqué dans le développement du poste de gardien de but à La Réunion, le joueur de Thonon Evian Grand Genève (N2), qu’il a rejoint en 2022 après des passages à Créteil, Mouscron, Amiens AC, Mulhouse, Louhans-Cuiseaux et Martigues, compte près de 150 matchs en National 2. Travailleur acharné, ambitieux, il a soif de titres. Rencontre.

« La porte est ouverte aux jeunes, c’est la force de notre île. »

Sous le maillot de Madagascar, en 2019. Photo Philippe Le Brech

Issu d’une famille de sportifs, c’est tout naturellement que Melvin s’est tourné vers le football. « A La Réunion, c’est le sport numéro 1 ! Quand on n’a rien à faire tous les week-ends on va voir le foot avec les parents. Tous mes amis, mes oncles, mon père, ma mère jouaient au foot. J’ai commencé le foot, tout petit, comme ça. »

Originaire de la ville du Port, il découvre ce sport sur son île. « Les infrastructures sont bien, ça reste la France. Il y a beaucoup d’opportunités parce qu’il y a beaucoup de clubs. Même si un petit n’a pas beaucoup de qualités, les clubs lui donnent l’opportunité de s’épanouir. Peu importe les classes sociales, la porte est ouverte aux jeunes, c’est ce qui fait la force de notre île. Je viens d’une famille avec pas beaucoup de moyens et c’étaient mes entraîneurs qui venaient me chercher pour aller à l’entraînement. »

« A l’école, on me disait que ce footballeur n’était pas un métier. »

Avec Thonon Evian GG. photo DR

Pour réaliser son rêve d’enfant Melvin décide de venir en Métropole à ses 14 ans chez son oncle à Nîmes. « Quand on me posait la question à l’école,  j’ai toujours dit que je voulais être footballeur, ils me disaient que ce n’était pas un métier. » Après des essais infructueux à Montpellier et une luxation à l’épaule, le manque de la famille se fait sentir. « C’était très compliqué donc je suis reparti à La Réunion pour finir mes études. » Avec plus de maturité, le Réunionnais décide de retenter sa chance, à Paris cette fois-ci. « Mon entraîneur de la sélection réunionnaise, Claude Barrabé (sélectionneur de l’équipe de France de Beach Soccer, ancien gardien pro au PSG, Brest, Caen, Montpellier, Créteil), m’a donné l’opportunité de m’entraîner à Créteil (National) avec Jean-Luc Vasseur. Après le premier entraînement le coach de Créteil a dit « lui il ne rentre plus, il reste avec nous ». De base j’étais venu ici pour travailler, pour pouvoir devenir un homme responsable, trouver de la stabilité et aider ma famille. J’ai eu l’opportunité d’avoir le foot. La première personne que j’ai appelée c’était mon père, puis mes coachs de La Réunion, ils m’ont dit « t’as les qualités pour réussir, t’as le mental, le foot c’est ce qui t’as fait grandir, qui t’as donné une éducation, tentes ta chance ». »

« En 6 mois, j’ai fini N°2. J’ai travaillé, je me suis donné les moyens »

Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Après quelques mois passés avec le groupe professionnel à Créteil, Melvin rentre à La Réunion pour un match de gala qui rassemblait les footballeurs réunionnais : Dimitri Payet, Fabrice Abriel, Guillaume Hoarau, Thomas Fontaine, Ronny Rodelin… « Il y avait un agent de joueur qui travaillait avec ces mecs-là. J’ai pris contact avec lui, il m’a dit « je vais t’aider, toi t’es footballeur et moi je suis agent, je vais faire mon travail ». » J’ai travaillé et au final il m’a envoyé pour un essai à Mouscron en Belgique (D2). L’essai a duré d’une semaine, au final je suis resté. J’ai signé mon premier contrat pro en Belgique mais à Lille au domaine de Luchin. Le club appartenant au LOSC, on s’entrainait là-bas. Cette année là on a  réussi à monter en D1 Belge. »

Dans la première division du championnat Belge, des normes s’appliquent avec un nombre de joueurs maximum français sur la feuille de match. « Quand t’es gardien français tu perds un petit peu ta place. » Mais après une grosse préparation avec la réserve du LOSC, le coach de Mouscron décide de garder le portier en tant que numéro 4. « En 6 mois, j’ai fini numéro 2. J’ai travaillé, je me suis donné les moyens, toujours présent à l’entraînement, toujours pro. On a joué les barrages pour aller en Europa League, c’était beau. »

« Tu joues au foot pour ce moments-là ! »

Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech

En 2016, Melvin Adrien rentre en France et signe à  Amiens AC en National 2. « La sélection avait fait appel à moi. Pour être appelé en sélection, il faut jouer, il faut être vu. Claude Barrabé, qui m’a toujours aidé jusqu’à maintenant, m’a dit : « si tu choisis la sélection, va jouer ». Donc j’ai décidé de retourner dans le monde amateur pour être numéro 1 dans un club et préparer cette place en sélection. C’était une stratégie payante. »

Plus de 140 matchs en National 2 plus tard, le portier ne regrette pas son choix. « J’avais des opportunités en National ou un peu plus haut à l’étranger, mais je voulais toujours jouer par rapport à mon jeune âge et pour me préparer pour représenter l’équipe nationale. Dans tous les clubs où je suis passé j’étais numéro 1. Cela m’a permis d’arriver en sélection prêt et avec un certain volume de jeu. »

De nombreux réunionnais ayant des origines malgaches, la sélection de Madagascar comporte de nombreux réunionnais d’origine dans ses rangs. Pour le Portois, c’était le fruit d’une longue réflexion. « Le père de ma mère était malgache, moi je ne l’ai pas connu. J’ai appelé mes parents, mes entraîneurs, pendant 2 mois c’était de longues discussions. Au final ce n’était pas un choix difficile parce que jouer pour son pays c’est incroyable, tu joues au foot pour ces moments-là. J’ai débuté comme ça contre les Comores en amical le 11 novembre 2017. Après je n’ai plus été rappelé pendant un an. C’était un moment difficile parce que j’ai choisi de rester dans le monde semi-professionnel pour pouvoir aller en sélection. »

« Je vais leur montrer que j’existe et je vais exister pour ce pays »

Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Arrivé à Martigues en 2018, Melvin continue de privilégier le temps de jeu. « Ma femme, mon entourage, ma famille m’ont toujours dit d’y croire. Thomas Fontaine (FC Sochaux) était en sélection quand je n’y étais pas, il m’appelait après toutes les sélections pour me dire « fais ta saison et tu vas voir tu seras là. »

Madagascar s’est qualifié pour la Coupe d’Afrique des Nations 2019 en Egypte, la première de son histoire, sans lui. Mais Melvin a enchaîné une superbe deuxième partie de saison avec le club sudiste et se voit convoqué pour disputer la compétition. « Ils se sont qualifiés à la CAN 2019 sans moi, ça m’a fait du mal. Avec le gardien qui jouait (Ibrahima Dabo) on était amis depuis Créteil. On s’est préparé pendant un mois, et tout ce temps j’avais en tête d’être numéro 1. Rudy Jeanne-Rose (entraîneur des gardiens) m’a tout de suite mis dans le vif du sujet. Juste avant le premier match contre la Guinée, je ne savais pas que j’allais jouer. J’ai vu mon nom à la causerie j’étais le plus content pour moi mais aussi pour mon père et ma mère. Je me suis dis » l’heure est arrivée et je dois donner le meilleur de moi-même. Je suis prêt, je vais leur montrer que j’existe dans cette équipe et je vais exister pour ce pays ». »

« On a écrit l’histoire, j’espère qu’il y aura encore d’autres pages »

Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Le réunionnais a joué toute la compétition titulaire. Avec des victoires contre le Burundi (1-0), le Nigeria (2-0) et la République Démocratique du Congo (4-2 aux t.a.b), 2-2), le parcours de l’équipe de Madagascar a été une première historique pour cette petite nation du football. Leur aventure s’est arrêtée  en quarts de finale face à la Tunisie (0-3).

« On avait un super groupe de copains, c’était plus qu’une amitié. Quand on m’a donné ma chance dans une très grande compétition comme celle-ci, reconnue mondialement, je me suis donné les moyens en travaillant avec beaucoup d’humilité, beaucoup de patience, j’ai fait mon maximum, j’ai donné le meilleur de moi-même, parce que mes coéquipiers se donnaient aussi pour moi. Pour le pays qu’on est, ça n’a pas de prix de donner le sourire aux gens qui ont vécu ça avec nous. On a écrit l’histoire, j’espère qu’il y aura encore d’autres pages. »

« Les gardiens réunionnais ont ce côté revanchard »

Melvin s’implique beaucoup sur son île natale pour développer le poste de gardien de but. Pour la quatrième saison consécutive, il organise des stages de perfectionnement avec comme invité cette année Steve Mandanda (Stade Rennais).

« Je n’ai pas eu cette opportunité en étant jeune ; les gens qui m’accompagnent sont des gens avec des valeurs sur qui je peux compter : Rudy Jeanne-Rose (entraîneur gardiens U17, PSG), Riffi Mandanda (ancien gardien pro, agent de joueur), Steve Elana (ancien gardien pro, directeur d’une académie de gardiens à Aix-en-Provence). C’est une structure assez stratégique pour donner les moyens aux jeunes quand ils viennent en métropole. Ils peuvent être accompagnés d’un agent, d’une académie et d’un formateur. Le but est d’essayer de sortir de bons gardiens de La Réunion, parce que mentalement on est costauds. Les gardiens on a ce côté revanchard, on a cette opportunité de réussir grâce à notre mental. »

Melvin Adrien, du tac au tac

Photo DR

Meilleur souvenir sportif ?
La CAN 2019

Pire souvenir sportif ?
La non-qualification à la CAN 2021

Combien de clean sheets ?
Ouh là, pas mal (rires)

Plus belle boulette ? Avec Martigues contre Fréjus / Saint-Raphaël en 2018-2019, en N2. Une sortie aérienne, je boxe le ballon et ça tape la tête d’un joueur adverse.

Plus bel arrêt ?
Du bout des doigts dans les prolongations en 8e de finale de la CAN 2019 contre la République Démocratique du Congo.

Avec l’Amiens AC, en CFA (N2), en 2017. Photo Philippe Le Brech

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
C’était un rêve de gosse.

Ton geste technique préféré ?
Un arrêt main opposée.

Qualités défauts sur un terrain selon toi ?
Je suis charismatique mais vite en colère.

Le club ou l’équipe où t’as pris le plus de plaisir ?
J’en j’en prend dans tous les clubs où je joue.

Sous le maillot de Madagascar, en 2018. Photo Philippe Le Brech

Le club où tu rêverais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
L’Olympique de Marseille.

Un match qui t’a marqué ?
Face à la Côte d’Ivoire en qualif CAN 2021.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Franck Kessié (Côte d’Ivoire).

Un coéquipier avec qui t’aimerais rejouer ?
Ronny Rodelin (Mouscron D1 Belge)

Un coach que t’aimerais revoir ?
Eric Chelle, que j’ai eu à Martigues et actuel sélectionneur du Mali.

Avec la sélection de Madagascar en 2018. Photo Philippe Le Brech

Une causerie de coach marquante ?
Une causerie de mon coach de La Réunion, Thierry Zitte.

Une anecdote de vestiaire ?
Le vestiaire de Madagascar avant les matchs avec les danses et les chants était animé.

Une devise, un dicton ?
Tant qu’on est en vie, on a toujours de l’espoir.

Termine la phrase, tu es un gardien plutôt…
Complet.

Photo Philippe Le Brech

Un modèle de joueur ?
Steve Mandanda.

Une idole de jeunesse ?
Emmanuel Ledoyen.

Un plat une boisson ?
Rougail morue et cot citron.

Tes loisirs ?
La coiffure et la moto.

Un film culte ?
Never back down.

Dernier match que tu as vu ?
Servette FC contre Glasgow Rangers (qualification LDC)

Thonon Evian Grand Genève en deux mots ?
Ambitieux et professionnel.

Photos Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

Photos : Philippe Le Bech (sauf mentions spéciales)

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