EXCLU – Pour la première fois depuis qu’il a été écarté de son poste d’entraîneur de Châteauroux (National) le 29 novembre dernier, Mathieu Chabert s’exprime ! Et il a choisi 13heuresFoot pour dire ce qu’il a sur le coeur.
« Je ne suis pas un entraîneur classique. Je boite, je suis tatoué et je viens presque de nulle part… » nous disait Mathieu Chabert en 2019 lorsqu’il entraînait encore Béziers, le club de sa ville, qu’il avait emmené jusqu’en Ligue 2. Après avoir vu sa carrière pro brisée par une tumeur à la moelle épinière, il s’est lancé dans le coaching tout en devenant conseiller à Pole-Emploi. Un parcours atypique qui lui a donné « une certaine hauteur sur les événements. »
Après Béziers, Mathieu Chabert a participé à la reconstruction du Sporting-club de Bastia avec deux montées en deux ans, en National (2020) puis en L2 (2021). Ecarté de son poste en septembre 2021, il a ensuite rejoint Châteauroux (National). Mais le 29 novembre dernier, au lendemain d’une défaite (0-3) à domicile contre Le Mans, les dirigeants de la Berrichonne ont choisi de se séparer du coach âgé de 44 ans.
Après avoir réglé les modalités de cette séparation et juste avant de s’envoler pour retrouver sa famille en Corse, Mathieu a choisi 13heuresFoot pour s’exprimer en exclusivité pour la première fois depuis son départ de La Berri.
« C’est dans ces moments-là qu’on apprend le plus »
Quel est votre sentiment après ce départ de Châteauroux ?
Je suis déçu car ce ne sont jamais des moments très agréables à vivre. Mais je ne suis pas aigri. Je n’en veux à personne. Je pars en bon termes avec le groupe United, Michel Denisot (président), Patrick Trotignon (directeur général), Julien Cordonnier (directeur sportif). On a essayé de trouver des solutions jusqu’au bout.
Après trois montées en quatre saisons avec Béziers et Bastia, c’est votre deuxième limogeage en quatorze mois. Comment le vivez-vous ?
Ce qui s’est passé à Bastia, je ne le considère pas comme un échec. On va donc dire que Châteauroux, c’est le premier échec de ma carrière car on n’a pas atteint les objectifs fixés. Mais c’est dans ces moments-là que tu apprends le plus. Châteauroux, c’est une bonne expérience qui me servira à être encore meilleur dans certaines situations futures. Je pense avoir été dans le vrai mais j’aurais pu faire encore mieux. Il y a une expression qui dit « soit je gagne, soit j’apprends ». Donc, j’ai appris… Je n’ai que quelques années d’expérience en Ligue 2 et National. J’espère donc être comme le bon vin en me bonifiant avec le temps.
Pensez-vous avoir commis des erreurs ?
La première, c’est déjà de ne pas avoir effectué une pause plus longue entre Bastia et Châteauroux. Je n’ai pas pris le temps qu’il fallait pour digérer mon départ de Bastia. Mais c’est la première fois que cela m’arrivait d’être limogé. J’ai eu peur de ne rien trouver et je me suis un peu affolé… Ça a été trop vite. Après, pour un jeune entraîneur comme moi, c’est difficile de refuser la proposition d’un club comme la Berrichonne de Châteauroux. Un jour avant, le Red Star m’avait aussi appelé. Tout ça, ça s’est fait dans la précipitation. C’était une erreur de ma part.
A votre arrivée, vous avez appelé votre ami Karim Mokeddem comme adjoint. Pourtant, les choses ne se sont pas très bien terminées avec lui…
Je regrette vraiment d’être un peu brouillé maintenant avec Karim… Quand j’ai signé, j’ai eu un ou deux jours pour choisir un adjoint. Comme on en avait discuté tous les deux un peu avant, j’ai choisi Karim. Avec le recul, j’ai compris que je n’étais pas forcément prêt à replonger tout de suite. Je savais que Karim allait m’épauler et me soulager, ça été le cas. Mais j’aurais dû prendre le temps de mieux cadrer tout ça avant qu’on ne commence à travailler ensemble. J’étais trop éloigné du groupe, j’ai laissé beaucoup de place à Karim, qui a pris le relais, au point de ne pas trouver la mienne. Mais ce n’est pas de la faute de Karim, c’est de la mienne. J’ai beaucoup appris à ses côtés comme avec Maxence (Flachez, son adjoint cette saison qui a pris sa succession). J’ai eu zéro souci avec Maxence qui est un mec au top humainement. J’espère qu’il aura l’opportunité de continuer comme numéro 1 et qu’il réussira.
On a évoqué la saison dernière. Mais depuis le mois d’août, Châteauroux n’a jamais décollé non plus…
Sur cette saison, je n’ai aucun regret. Je me suis investi à 2000 %. C’est durant cette période où j’ai pris conscience de beaucoup choses qui sont nécessaires pour être un entraîneur de haut-niveau. Mais ça n’a pas marché.
Pour quelles raisons ?
Je pense que le projet de jeu était cohérent. Mais on ne concluait pas nos actions. Il nous a manqué l’efficacité dans les deux surfaces. Aux « expected goals » (pourcentage de chances qu’une occasion se termine en but), on était pas loin de la tête. Je sais, c’est virtuel mais sur une saison, ça joue… Après, je suis d’accord. Si on n’a pas eu les points qu’on aurait dû avoir, c’est qu’il nous manquait quand même quelque chose.
Un buteur peut-être ?… De l’extérieur, le choix de vendre votre meilleur buteur Thomas Robinet à un concurrent direct (Nancy via Ostende) semble difficilement compréhensible…
C’était une volonté de dégraisser l’effectif. On a perdu beaucoup de joueurs, ce qui était un désir. Mais peut-être qu’on en a perdu trop… Mais j’ai validé ça. C’était un choix du groupe United, du club et je le savais dès le départ. Je devais faire avec ce que j’avais. A partir du moment où je l’ai accepté, je ne peux pas me plaindre après.
On a aussi l’impression que Châteauroux a souvent raté les matchs importants qui lui auraient permis de basculer sur le podium. Comment l’expliquez-vous ?
C’est difficile à dire. Mais c’est la réalité. On n’a jamais réussi à enchainer une série. Il a manqué ce déclic qui nous aurait permis de basculer et de rester durablement sur le podium. J’ai un match en tête. En décembre 2021, on est sur trois victoires consécutives et on va à Annecy qui est juste devant nous. On fait 0-0 ce qui n’est pas un mauvais résultat sur le fond. Mais on a eu une énorme occasion avec Thibaut Vargas. Si on marque, on gagne, on passe devant Annecy et on est sur le podium à la trêve. Je pense que si on avait gagné là-bas, c’est nous qui serions en L2 aujourd’hui.
Le style Mathieu Chabert, c’est aussi une communication souvent sans filtre. A Châteauroux, certaines de vos déclarations ont parfois été mal comprises par l’environnement …
On ne peut pas me reprocher de ne pas être resté moi-même. Mais ce qui s’est passé va aussi me servir de leçon. La communication externe , c’est l’un des secteurs où je dois peut-être évoluer. Ça fait partie des choses où j’ai beaucoup appris. Je ne vais pas me renier, je ne suis pas du style à faire de la langue de bois mais peut-être que parfois, je dois arriver à dire les choses différemment. J’ai compris qu’on doit adapter sa communication au club où l’on est.
Quel est votre programme pour les prochaines semaines. N’avez-vous pas peur de ressentir un vide, un manque ?
Déjà passer les fêtes de fin d’année en famille ! Ensuite, me reposer. Cela fait 18 ans que j’entraîne et je n’ai jamais eu plus d’un mois de repos. Après, j’irai visiter des clubs. Je vais aller voir comment Lens travaille, comment Nice travaille, comment Toulouse travaille, comment Concarneau travaille. J’ai eu Stéphane Le Mignan (entraîneur de Concarneau) au téléphone. Je suis admiratif de ce qu’il fait. Chaque année, on le dépouille de ses meilleurs éléments. Mais il arrive toujours à mettre en place un vrai projet de jeu. Je vais aller voir où ça gagne; ça va me permettre de me perfectionner pour progresser et évoluer.
Cela veut-dire que vous n’allez pas vous remettre immédiatement sur le marché ?
Non, je ne commettrai pas la même erreur qu’après Bastia. Sauf si je me sens prêt et qu’un projet que l’on ne peut pas refuser se présente à moi, je ne replongerai pas… Il y a donc plus de chance qu’on me revoit la saison prochaine.
Propos recueillis par Laurent PRUNETA / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter : @PrunetaLaurent
Photos : Philippe Le Brech