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Ludovic Genest : « Arbitre, c’est un vrai travail au quotidien »

A 35 ans, l’ancien milieu offensif professionnel (Auxerre, Bastia, Laval, Clermont, Istres, Créteil) a entamé une nouvelle carrière d’arbitre. En parallèle, il est… pompier volontaire dans la caserne de Saint-Florent, en Corse. Une passion qui lui procure les mêmes émotions qu’au football.

Ludo (à droite) avec les collègues de la caserne de St-Florent.

C’est sur une montée en National 2 avec le Sporting Club de Bastia, en mai 2019, que Ludovic Genest a décidé de mettre un terme à sa carrière. Histoire de boucler la boucle.

Alors que ses anciens collègues choisissent de prendre le chemin des plateaux télés, des studios radios ou des terrains de foot pour endosser le costume d’entraîneur, l’ancien numéro 10 a pris tout le monde à contre-pied. Du National 3 au National, en passant par la Ligue 1 et la Ligue 2 – en tant que quatrième arbitre – Ludovic Genest porte en effet le « costume » d’homme en noir.

Ludo, sur le front.

Et s’il prend du plaisir chaque week-end sifflet à la main, celui qui est passé par Auxerre (L1), Clermont (L2), Bastia (L2), Laval (L2), Istres (L2) ou encore Créteil (L2), n’en finit plus de surprendre avec une autre corde à son arc : celle de pompier volontaire dans la caserne de Saint-Florent, près de Bastia. Une activité qui est vite devenue une passion, comme il aime à le rappeler.

Entre deux matchs de foot, une garde et la préparation d’une compote de pommes/fruits rouge maison, le natif de Thiers (Puy-de-Dôme) a pris le temps de revenir sur sa carrière et sa nouvelle vie de « retraité » des terrains.

Ludovic, à 35 ans bon nombre de footballeurs tapent encore dans un ballon. Pourquoi avoir raccroché les crampons si tôt ?
Ça faisait 12 ans que j’étais footballeur professionnel et près de 25 ans que je tapais dans le ballon. Pour moi la boucle était bouclée. Je n’avais plus trop de projet qui me tenait à cœur et je savais que l’arbitrage était un monde vers lequel j’allais me tourner. Et puis l’instabilité me posait souci. J’avais deux petits garçons sur le point d’enchaîner une quatrième école en autant d’années. J’avais fait un tour d’horizon du foot plutôt sympa et c’était l’heure pour la famille de se poser et d’avoir une vraie vie sociale.

Alors que certains courent après un dernier gros contrat, tu décides d’aider le Sporting Club de Bastia, alors en N3 avant d’arrêter. C’était une évidence, un devoir pour toi ?
Initialement, ce n’était surtout pas prévu. Ma femme venait d’ouvrir son magasin à Clermont-Ferrand et pour ma part je jouais en National 2 avec Andrezieux. Et puis, en janvier 2018, le Sporting va mal et souhaite faire revenir des anciens pour sauver le club alors en National 3. J’ai commencé ma carrière là-bas et c’était quelque part un clin d’œil de finir avec Bastia. Cela a été un choix finalement assez simple à faire. Ce n’est pas que le SCB, c’est la Corse en générale, un mode de vie. Le Sporting, c’est le représentant national, européen et même mondial de l’Île-de-Beauté.

Photo FFF

Entraîneur, directeur sportif, consultant sont les reconversions plutôt classiques dans le milieu du foot et toi tu prends tout le monde à contrepied en prenant la voie de l’arbitrage. Qu’est-ce-qui t’a guidé vers cette fonction ?
J’ai mes oncles qui ont été arbitres au niveau amateur. J’allais les voir de temps en temps et j’ai eu ça en moi très très tôt. En grandissant, je me suis intéressé à la fonction et à des arbitres comme Sébastien Desiage – qui nous a malheureusement quittés il y a deux ans – William Lavis et Stéphane Pignatelli, qui ont eu une influence positive sur la suite. C’est via ce dernier que j’ai eu entre les mains l’IFAB (International football association board, instance qui détermine et fait évoluer les règles du jeu, Ndlr). C’est un peu la bible des arbitres car elle dicte les lois du jeu. L’environnement et les personnes m’ont donné envie de me lancer, et puis je voulais être maître de mes prestations. Ce qui n’est pas le cas lorsque tu es coach, car tu dépends d’un groupe, d’un président. Là, au moins, tu es seul avec ton sifflet, même si tu as deux assistants avec toi.

En quoi être de l’autre côté de la barrière a changé ta vision du rôle d’arbitre ?
Je me suis rendu compte de la difficulté, de la pression que les arbitres peuvent avoir. Ils ont tous beaucoup de charisme, de sang froid et doivent rapidement prendre des décisions parfois impopulaires. Et il faut le dire : il y a une vraie performance physique pendant quatre-vingt dix minutes. Il faut être dans le sens du jeu, au bon endroit au bon moment. Avec autour de vous, deux équipes plus des dirigeants, des spectateurs qui attendent un résultat positif de leur match. Arbitre, c’est un vrai travail au quotidien, notamment grâce à la DTA (Direction Technique de l’Arbitrage) qui fait en sorte de nous apporter tous les outils afin de nous aider dans nos décisions arbitrales. Il y a beaucoup de stages dans l’année pour être toujours plus performants.

Sac et couchage et plat de lasagnes

En Corse, tes journées pourraient être occupées par les entraînements, la plage et des randonnées en montagne, mais tu as une autre activité, plutôt inattendue. Tu es pompier volontaire depuis quelques mois…
Ce n’était pas un rêve de gamin à proprement parler comme ça peut l’être pour d’autres. Mais j’ai toujours trouvé que c’était un métier important, honorable. Lorsque tu vois les pompiers arriver, il y a toujours une forme de soulagement, tu sais qu’ils sont là pour toi. J’ai un ami qui m’a souvent dit ‘’tu as le profil. Tu es gentil, tu aimes les gens.’’ Je suis allé à la caserne de Saint-Florent pour observer, puis je me suis lancé dans l’aventure en faisant les formations. Je suis avec des gens extraordinaire, qui viennent de tous les milieux sociaux. Et puis le rythme me plaît. Je débarque alors avec mon sac de couchage, mon plat de lasagnes, et je me tiens prêt pour la moindre intervention. Pompier volontaire, c’est vite devenue une passion plus qu’une activité. Lors de ma première intervention pour un feu, dans le camion, j’avais les mêmes sensations que quand je prenais le car pour aller au foot. Les enfants nous encourageaient et le lendemain matin pour nous remercier, une petite fille est venue nous apporter un gâteau.

Ludovic Genest, du tac au tac
« Furiani, un stade particulier pour moi ! »

Photo SC Bastia

Premier match en pro ?
C’était en 2005 avec Auxerre à Bordeaux. Dans son stade Jacques-Chaban Delmas et son couloir interminable. Impossible de ne pas m’en souvenir. Je suis alors en cours de philo à Auxerre et mon téléphone n’arrête pas de sonner. Mais vraiment ça sonne tout le temps, tout le temps. Je finis par demander à mon prof si je peux décrocher car ça à l’air urgent. Et là au bout du fil, Dominique Cuperly, l’adjoint de Jacques Santini, l’entraîneur de l’époque. Il me dit « Ludo, Pieroni a une gastro, on vient te chercher pour que tu ailles prendre un avion à Paris et nous rejoindre pour être dans le groupe. » Là, j’hallucine complet. Le match se déroule, on s’échauffe et à 25 minutes de la fin du match, il rappelle tout le monde car il ne veut plus faire de changement. Et là, on prend un but et Santini décide de me faire rentrer, d’autant que je suis le seul attaquant sur le banc. J’ai cru que j’allais être superman, je courrais partout et je prends rapidement mon premier carton jaune pour une faute sur Mavuba ou Alonso, l’Argentin de Bordeaux.

Premier but en pro ?
C’était en 2008-2009 lors de la première journée de championnat avec Bastia et une victoire 2-1 à Troyes : sur un dégagement raté de Gaël Sans, je reprends le ballon d’une reprise de volée à ras-de-terre et je trompe Cyrille Merville. Derrière, je fais une passe décisive à Malek Cherrad. Plutôt des bons débuts pour lancer la saison !

Le joueur le plus fort avec lequel tu as joué ?
J’en ai croisé quelques-uns, mais je pense tout de suite à Benoît Cheyrou à Auxerre. Lui n’a pas joué avec moi, mais moi j’ai joué avec lui (rires). Il avait une lecture du jeu, une maîtrise du ballon incroyable. À l’époque, j’étais encore avant-centre et il avait une super qualité de passe. Dès que je faisais un appel, je n’avais pas besoin de regarder, je savais que le ballon allait me tomber direct dans les pieds. Vraiment un mec bien sur tous les points.

Le joueur le plus fort contre qui tu as joué ?
Olivier Giroud avec Tours. On va jouer là-bas, je le trouve vraiment bon. Mon agent était là ce soir-là et je lui dis que j’ai vraiment trouvé ce joueur excellent. Il s’avère que mon agent était aussi celui de Giroud. Il m’a dit tout le bien qu’il pensait de lui et qu’il fallait le surveiller pour le futur. Ce n’est pas qu’un grand joueur qui met des têtes.

Le stade qui t’a procuré la plus grande émotion ?
Furiani forcément. C’est un stade particulier en termes d’engouement. Et puis j’ai été Champion de France de Ligue 2 avec le Sporting en 2012. J’avais les enfants, les amis, la famille au stade. C’est une émotion globale qui fait que Furiani est un stade important.

Ta plus grande joie ?
Le titre en Ligue 2 avec le Sporting. Mon plus beau trophée et le seul (rires) ! On fait une super saison et pour un joueur comme moi – après un passage à Istres – ça m’a permis de (re)découvrir la Ligue 1. J’y ai même marqué un petit but à Lille.

Ta plus grande déception ?
À Istres, car très vite je suis mis à l’écart. Mais je n’étais ni bon, ni en forme, c’était donc normal. Tu vois les autres titulaires, pendant que toi tu es constamment dans l’équipe des remplaçants lors des mises en place, tu stagnes. Alors j’ai fait le dos rond et je me suis réfugié dans le travail. J’ai bossé, bossé, bossé. Le travail finit toujours par payer.

Un transfert improbable ?
Au tout début, alors que je suis à Bastia, on va à La Meinau, avec là-aussi une grosse ambiance, pour jouer Strasbourg. Mais à l’époque, c’est la grosse équipe de D2. Le club me contacte pour prendre la température et finalement, il n’y a jamais une de suite. C’était une grosse déception pour moi. Papin y était passé quelques temps avant au poste d’entraîneur, Gameiro était un joueur pour qui j’avais beaucoup d’admiration et forcément ça m’aurait tenté.

Texte : Julien Leduc / Mail : jleduc@13heuresfoot.fr / Twitter : @JulienLeduc37

Photos : DR sauf mentions spéciales