Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Léonard Aggoune (FC Rouen) : « Il ne faut pas toujours écouter les gens »

L’aventure en Coupe de France avec les Diables rouges lui a permis de se faire connaître par la France du football ! Formé au PSG avant de connaître un parcours chaotique, la doublure d’Axel Maraval dans les cages du FCR, en National, espère enfin avoir donné un nouvel élan à sa carrière.

Photo Philippe Le Brech

Ce jeudi 28 février, Léonard Aggoune est au bord des larmes. Valenciennes (L2) vient d’éliminer le FC Rouen (National) aux tirs au but et de décrocher son billet pour les demi-finale de la Coupe de France. Héros de la qualification en 8e de finale face à Monaco où il avait transformé la séance de tirs au but en véritable one man show à coups de grimaces, grands gestes, bras agités et « chambrages », le gardien de 26 ans a, cette fois, laissé la vedette à son homologue Jean Louchet qu’il avait côtoyé au centre de formation du PSG. « C’est une grosse déception », reconnaît-il.

La Coupe de France avait permis à la doublure d’Axel Maraval d’être propulsé en pleine lumière. Depuis, il a retrouvé l’ombre qui l’a souvent escorté dans sa carrière depuis son passage au centre de formation du PSG. Mais le gardien passé ensuite par Chypre, Créteil (à deux reprises), les Ulis et Moulins reste très ambitieux pour la suite. Pour 13HeuresFoot, il a déroulé avec franchise et franc-parler le fil d’une carrière parfois chaotique.

« Sur un terrain, je suis un chien ! »

Photo Philippe Le Brech

Grâce à la Coupe de France, vous avez été très médiatisé. Comment avez-vous vécu le fait de vous retrouver subitement dans la lumière. C’est grisant ?
Je l’ai vécu tout à fait normalement. Je ne suis pas du genre à m’enflammer. Mais j’ai une carrière un peu atypique où j’ai connu le très bas… La Coupe de France m’a permis de faire ma promo. J’ai pu enfin montrer ce dont je suis capable. Mais je m’en fiche d’être dans la lumière ou pas. Ce qui compte, c’est que je prenne du plaisir et que je fasse avancer ma carrière.

Vous avez montré une personnalité plutôt exubérante, notamment lors des séances de tir aux buts…
J’ai juste essayé de jouer avec les tireurs, pour les tester et les déconcentrer comme quand je dis au Monégasque Akliouche « Je suis désolé, t’es trop jeune, c’est trop pour toi, c’est terminé ». Et ça a marché ! Oui, je suis marrant dans la vie et j’aime bien rigoler. Mais je n’ai pas envie de passer pour un clown non plus. Dans la vie, je suis gentil mais sur un terrain, je me transforme en chien.

Photo Philippe Le Brech

« Je ne suis pas revanchard »

A quoi pense-t-on quand on a un Balogun en face de soi qui doit gagner au moins 100 fois plus que vous ?
A arrêter son penalty, comme les autres… Sur un terrain, on est là pour jouer au foot, on ne pense pas à l’argent. Le penalty, c’est un face à face entre le tireur et moi. Je ne regarde pas son CV même si forcément, ceux de Monaco, je les connaissais un peu plus. Mais c’est vrai que sortir un penalty d’un joueur comme Balogun, c’est juste incroyable comme sensation.

Après la qualification contre Monaco, vous aviez lancé « Je montre à tous ceux qui avaient douté de moi qu’il ne fallait jamais douter de moi… ». C’est donc une revanche pour vous ?
Non, je ne suis pas revanchard. Mais je n’ai pas oublié ceux qui n’ont pas cru en moi, les coups bas que j’ai reçus. Je me sers de tout ça pour me motiver moi-même. Pas pour prendre ma revanche sur untel ou untel.

Photo Bernard Morvan

Votre début de carrière était pourtant prometteur avec une signature au PSG en U13…
J’ai grandi à Paris puis mes parents ont déménagé dans les Yvelines. J’étais à Versailles quand j’ai signé au PSG. J’y suis resté 8 ans dont 3 au centre de formation. J’y ai passé des supers moments. En 2016, j’ai remporté le championnat de France U19 face à Lyon. Dans mon équipe, il y avait notamment Ballo-Touré, Alex Georgen, Christopher Nkunku, Jonathan Ikoné ou Odsonne Édouard. J’ai également joué des matchs de National 2 et un match de Youth League contre Malmö. J’étais remplaçant lors de la finale perdue contre Chelsea (1-2). C’est Rémy Descamps (aujourd’hui à Nantes) qui était titulaire. Tout ça, ça reste des grands moments. J’ai côtoyé beaucoup de gardiens qui sont aujourd’hui en Ligue 1 ou Ligue 2 comme Diaw, Descamps, Cibois, Mpasi ou Louchet sans parler de Maignan ou Areola. Ca montre le niveau qu’il y avait au PSG. J’ai aussi participé à des entraînements avec les pros. Se prendre des frappes de Di Maria, Cavani ou Ibrahimovic, c’est impressionnant et ça permet de situer son niveau. Mais à la fin de mon contrat stagiaire pro en 2017, le PSG ne m’a rien proposé.

En avez-vous voulu au PSG ?

Photo Bernard Morvan

Non car le PSG est le meilleur centre de formation de France. J’y ai tout appris grâce à mes coachs Éric Leroy, Alfred Dossou-Yovo et Jean-Luc Aubert. Mais j’étais dans un cocon, je ne connaissais pas la vie ni le monde du foot, qui est plein de vices et où il est difficile de trouver des gens de parole. Quand je n’ai pas eu de contrat, j’ai été lâché dans la nature, sans rien. J’ai passé plusieurs nuits sans dormir. Je pensais rebondir dans un club pro comme numéro 3 ou numéro 4 mais je n’ai rien eu. J’ai juste fait un essai avec mon ancien club, Versailles qui était alors en National 3. Je suis passé d’un quotidien où tout le monde est aux petits soins pour toi, où je m’entraînais parfois avec Zlatan, au chômage. Quand tu as 20 ans, tu prends ça en pleine tête. Mentalement, c’est dur.

Comment avez-vous atterri à Chypre ?
Le mercato état bien avancé. Un agent m’a proposé d’aller faire un essai à Paphos. Ca a marché et j’ai signé un contrat pro d’un an. J’étais doublure et le coach, c’était Luka Elsner. J’ai adoré la vie à Chypre, il faisait toujours beau, le pays est magnifique. Je me suis vite adapté. Partir comme ça, seul, à l’étranger, m’a fait grandir. Je suis devenu un homme. Franchement, c’était une expérience géniale. J’ai été titulaire lors des quatre derniers matchs de la saison. Le club m’avait fait la promesse de resigner.

« Je me suis demandé si le foot n’était pas fini pour moi »

Photo Philippe Le Brech

Pourtant, on vous retrouve quelques semaines plus tard comme doublure de Stéphane Véron à Créteil qui venait d’être relégué en N2. Que s’est-il passé ?
J’ai été naïf et je me suis fait avoir. J’ai fait l’erreur de ne rien signer et de partir en vacances. Et il n’y a plus eu de proposition de Paphos. Le pire dans l’histoire, c’est que j’avais refusé un autre club à Chypre car je croyais resigner à Paphos. Comme je n’avais rien, je suis allé à Créteil. Cette saison, on est remonté en National. Stéphane Véron est un très bon gardien. Moi, j’ai joué avec la réserve en National 3 et le dernier match de National 2. Mais à la fin de cette saison, je n’avais rien du tout. Mais vraiment rien. Juillet, août et septembre sont passés. Je me suis demandé si le foot, ce n’était pas fini pour moi. J’avais 21 ans et pour les clubs, pas d’expérience, à part la N3. C’est un coup de fil de l’entraineur des Ulis (N3) qui m’a permis de rester dans le circuit. Son gardien venait de se blesser au genou et il m’a proposé de venir. J’ai été reclassé amateur. On s’entraînait le soir. Mais je remercie vraiment le club des Ulis de m’avoir accueilli et permis de jouer, plutôt que de rester chez mes parents à ne rien faire. Mais en mars 2020, la saison s’est arrêtée à cause du covid.

Le FC Rouen. Photo Philippe Le Brech

Ensuite, vous resignez aux Ulis…
Je n’avais rien d’autre et comme je me sentais bien aux Ulis… J’étais parti dans l’idée de faire une saison pleine. Mais après cinq matchs, nouvel arrêt à cause du covid. Un nouveau coup d’arrêt pour moi aussi. J’ai passé un diplôme de chauffeur au cas où…

Mais je n’ai jamais voulu abandonner pour autant. J’y croyais toujours. Sans prétention, je pensais quand même avoir au moins le niveau N2. Mais c’est un cercle vicieux : on te stigmatise car tu n’as pas de temps de jeu à ce niveau et on ne te donne pas ta chance.

En juillet 2021, vous revenez à Créteil mais cette fois comme numéro 3 en National…

Photo Bernard Morvan

Après les deux arrêts à cause du Covid, je voulais rejoindre une structure un peu plus pro où je savais que je pourrais m’entraîner dans des bonnes conditions. Et en National, je me disais aussi qu’il y avait moins de chance que la saison soit stoppée. J’ai pris sur moi… J’étais payé au lance-pierre, je mettais 1 h 45 le matin pour venir m’entrainer. Je partais à 6 heures d’Houdan (Yvelines) pour rejoindre Créteil où on devait prendre le petit déjeuner ensemble. Cette saison, on est descendu en N2. J’étais numéro 3 derrière Riffi Mandanda et Romain Cagnon et je jouais avec la réserve en N3. Mais cette saison m’a quand même rassuré sur mon niveau.

Comment avez-vous rejoint Moulins-Yzeure ?
Grâce à mon cousin et préparateur mental, Rémy Laasri, qui connaissait du monde dans ce club. J’avais aussi de la famille en Auvergne. J’ai débuté sur le banc mais après cinq matchs, le coach, Stéphane Dief, m’a mis titulaire. Je le suis resté jusqu’au bout. J’ai tenté un pari en quittant la région parisienne et ça a marché. Au final, j’ai réalisé ma première saison complète en N2. Mais on est descendu en N3. On était en mai, il commençait à faire beau à Moulins, j’étais en terrasse dans une brasserie avec mon ordinateur et je faisais des recherches. J’ai vu que Rouen était en position de monter. Je me suis proposé au club en envoyant des vidéos. Jean-Luc Aubert, mon entraîneur des gardiens au PSG, qui est passé par Rouen, a appuyé mon dossier et ça a matché.

« J’espère que des portes vont s’ouvrir »

Vous veniez enfin d’effectuer votre première saison comme titulaire en N2 mais vous êtes redevenu doublure en National à Rouen. N’est-ce pas un peu frustrant ?

Photo Bernard Morvan

Le marché des gardiens est particulier, je savais que pour me rapprocher du haut niveau, je devais déjà passer par la case doublure en National. Je sais que j’ai perdu beaucoup de temps. Mais tout en restant humble, je suis toujours ambitieux. J’espère devenir titulaire en National et monter encore plus haut. J’ai la double nationalité franco-Algérienne. Être appelé un jour avec l’Algérie fait aussi partie de mes objectifs. Mais je ne me prends pas encore la tête avec mon avenir. On verra bien. J’espère quand même que, grâce à la Coupe de France, des portes vont s’ouvrir pour moi, sinon je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus…

Que retenez-vous de votre parcours tumultueux ?
Qu’il faut croire en soi et qu’il ne faut pas toujours écouter les gens. Parfois, ça peut payer… Je me dis, « tu as cru en toi, tu as persévéré malgré les difficultés et tu as fini par être récompensé ».

Léonard Aggoune, du tac au tac

Photo Philippe Le Brech

Votre meilleur souvenir ?
Les qualifications en Coupe de France cette année avec le FC Rouen face à Toulouse et Monaco. En jeunes, le titre de champion de France U19 avec le PSG.

Votre pire souvenir ?
Quand je me suis retrouvé sans club en août et septembre 2019 en sortant de Créteil. Je n’avais rien du tout. Quand les Ulis (N3) m’ont appelé, j’y suis allé. J’ai été reclassé amateur.

Pourquoi êtes-vous devenu gardien ?
Je devais avoir 10-11 ans et je jouais ailier. Lors d’un match d’entraînement avec le FC Versailles, le gardien habituel n’était pas là ou n’avait pas voulu jouer dans les buts. J’y suis allé. J’ai dû faire un arrêt mais j’étais super content. Du coup, je suis resté dans les buts.

Votre plus bel arrêt ?

Photo Bernard Morvan

Cette année, en 32e de finale de la Coupe de France à Louhans-Cuiseaux (N3). J’ai détourné une volée à bout-portant sur le poteau. Le score était alors de 0-0 et on gagne ensuite 2-0.

Qualités et défauts ?
Pour mes qualités, je dirais, le jeu au pied, l’explosivité, le sens tactique et la détermination. Au niveau des défauts, je suis un peu trop impulsif. Mais je n’ai jamais pris de cartons rouges.

Le club ou la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
La saison du titre en U19 avec le PSG et cette saison avec le FC Rouen avec ce parcours en Coupe de France. On ressent un gros engouement autour de nous.

Le club où vous avez regretté de signer ?
Le FC Pôle-Emploi ! Mais ce n’était pas mon choix. Plus sérieusement, je ne regrette aucun de mes choix. Même quand ça s’est mal passé, ça m’a forgé.

La région parisienne où vous avez grandi, La Normandie, l’Auvergne ou Chypre où vous avez joué ?
Je suis très attaché à la région parisienne. C’est chez moi. Mais j’aime bien la découverte aussi. J’ai apprécié Chypre, Moulins et je me plais bien à Rouen. La ville est vraiment sympa et en plus, ce n’est qu’à une heure de chez mes parents à Houdan (Yvelines).

Les joueurs les plus forts avec qui vous avez joué ?

Photo Bernard Morvan

Au PSG, il y en a eu beaucoup, Kingsley Coman, Christopher Nkunku, Jean-Kevin Augustin, Moussa Dembélé…

Le joueur le plus fort contre qui vous avez joué ?

C’est récent. Golovin de Monaco en Coupe de France. Balle au pied, c’est un monstre.

Les entraîneurs qui vont ont marqué ?
Mes trois entraîneurs de gardiens au PSG : Éric Leroy, Alfred Dossou-Yovo et Jean-Luc Aubert. Pour le coach principal, François Rodrigues avec les U19 du PSG et Maxime d’Ornano cette saison à Rouen.

Vos amis dans le foot ?
Harold Voyer (Le Mans) avec qui j’ai joué au PSG. Je le considère comme mon frère.

Un stade mythique ?

Photo Bernard Morvan

Robert-Diochon à Rouen. Il respire vraiment le foot. C’est le plus beau de tous les stades où j’ai joué.

Un modèle ou une idole de jeunesse ?
Steve Mandanda. Je joue avec le numéro 30 comme lui. A Créteil, j’ai joué avec l’un de ses frères, Riffi Mandanda. Mais je n’ai pas forcé, je ne suis pas allé lui parler pour lui dire : tiens ton frère Steve a été un modèle pour moi… Je n’ai pas non plus fait ma groupie en allant lui demander le maillot de son frère.

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Franchement aucune idée… Quand j’étais sans club, certains m’ont dit qu’il vaudrait peut-être mieux pour moi que je trouve un boulot… Mais cela ne venait pas de ma famille. Elle, elle m’a toujours soutenu. A un moment, j’ai quand même passé un diplôme pour être chauffeur VTC. Après, j’ai toujours aimé le sport. Plus jeune, j’ai aussi pratiqué le judo. J’étais pas mal… J’ai terminé 3e d’un championnat Ile-de-France.

Le milieu du foot en quelques mots ?
Un milieu où il y a beaucoup de vices et de vicieux. C’est dur de trouver des vrais hommes de parole.

Championnat National – mardi 12 mars 2024 (match en retard de la 13e journée) : FC Rouen – FC Villefranche Beaujolais, au stade Diochon, à 19h30.

Photo Philippe Le Brech
Photo Bernard Morvan
Photo Philippe Le Brech
Photo Philippe Le Brech

Texte : Laurent Pruneta

Twitter : @PrunetaLaurent

Photo de couverture : Philippe Le Brech

Photos : Philippe Le Brech et Bernard Morvan

  • Contactez-nous (mail) : contact@13heuresfoot.fr

  • Suivez-nous sur nos réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram) : @13heuresfoot