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N2 : le destin « National » d’Epinal

Bien placé dans la lutte à trois pour le titre du Groupe B de National 2, le Stade Athlétique Spinalien a l’occasion de renouer avec son passé en accédant en National. A la découverte d’un club bien structuré, qui n’attend que ça !

Niché au cœur des Vosges, le SAS jouit d’un passé glorieux. Dix ans en Division 2 (1995 à 1997, 1990 à 1993 et 1974 à 1979) et une période stoppée par un dépôt de bilan en 1998. Le club s’est alors reconstruit et structuré afin de retrouver le National dès la saison 2011-2012.

Entre 2015 et 2017, il est même repêché deux fois de suite, profitant des déboires financiers respectifs de l’AC Arles-Avignon et d’Evian Thonon-Gaillard.

Epinal se démarque souvent sur la scène nationale en réalisant de belles épopées en coupe de France. Depuis 2017, les Boutons-d’or évoluent en National 2 et prennent leur mal en patience pour ériger de solides bases sur lesquelles construire le retour au troisième échelon national. Cela pourrait bien être pour cette année tant les résultats sont encourageants. On peut le dire, la montée n’est plus une image d’Epinal et pourrait devenir réalité, même si l’équipe du revenant Fabien Tissot a cédé sa place de leader samedi dernier à Fleury, après un match nul 0-0 face à Besançon lors de la 22e journée de N2.

En tribunes, c’est chaud !

Sur la route des Vosges, la météo est capricieuse, les giboulées de mars s’abattent sur la quatre voies, alors même que le soleil brille, offrant un magnifique arc-en-ciel. Les rayons de soleil ne sont pas que dans le ciel, mais aussi sur le terrain du stade de la Colombière, surplombant la cité des Images.

Les Spinaliens, tout de jaune vêtus, entrent sur la pelouse pour en découdre avec le Racing Besançon, équipe réputée rugueuse et frileuse. Une minute d’applaudissements émouvante en hommage à l’épouse de Djamel Menai, 17 ans passés au club, disparue à l’âge de 42 ans, est observée. Ses deux fils donnent le coup d’envoi fictif de la rencontre.

L’enjeu est de taille pour Epinal qui reste sur une série de six victoires consécutives. Mais le leader n’aura jamais réussi à faire sauter le verrou bisontin, manquant de créativité et d’impacts dans les duels physiques imposés par les visiteurs. Malheureusement, les duels physiques n’ont pas lieu que sur le terrain : les supporters des deux camps quittent leurs tribunes respectives pour aller en découdre. Tout ce joli bazar nécessite l’intervention des forces de l’ordre et celle du speaker qui en appelle au calme et à regagner ses tribunes. Ce dernier avait senti venir le truc et avait exhorté les supporters à rester respectueux : “Nous avons une équipe qui respecte l’arbitre sur le terrain, merci d’en faire autant en tribunes. Les sanctions tombent vite.”

Un match à trois avec Fleury et le FC 93

Au coude à coude avec Fleury (42 pts) et Bobigny (42 pts), Epinal (43 pts) aurait pu conserver la tête de son groupe en profitant d’une situation en fin de match. Rafael Mazzei, latéral spinalien, envoie sa tête sur la barre bisontine : le match se conclut sur un triste 0-0.

Coup du sort, dans le même temps, Fleury inscrit le but de la victoire sur la pelouse de Wasquehal et prend le fauteuil de leader pour un petit point aux Spinaliens.

Ce scénario montre à quel point le championnat se joue sur des détails. Yves Bailly, qui préside le club depuis 2013, ne voulait pas s’alarmer de la situation à chaud : “On est forcément déçu après le match de ce soir, réagit le président. On ne va rien lâcher parce qu’en haut c’est très serré.”

Pourtant le SAS revient de loin et n’avait pas connu un début de saison idyllique.

Le retour de Fabien Tissot

Lorsque Pascal Moulin quitte le club, l’été dernier, il faut lui trouver un successeur. Le profil de Fabien Tissot, ancien joueur pro passé par Nancy, est choisi. Le Lorrain connaît très bien la maison. Il en a porté le maillot entre 1994 et 1996, en National et en D2, et il a entraîné l’équipe entre 2009 et 2015 (deux accessions en National).

Lors de la saison précédente, Tissot assiste à quelques matchs des Jaunes et se fait son propre avis sur l’équipe. Au moment de son arrivée, il s’accorde avec sa direction et ses joueurs pour conserver l’ossature du groupe qui a terminé à la 5e place de N2 lors de la saison 2021-2022. Il recrute une poignée de joueurs et construit sur les bases laissées par ses prédécesseurs. “Les joueurs se connaissent et on a une équipe qui vit bien ensemble. Pour certains, cela fait plusieurs années qu’ils jouent ici.”, détaille le coach spinalien.

Le début de saison est poussif : avec seulement une victoire en cinq matchs, Epinal ne semble pas programmé pour jouer le haut de tableau. Tissot trouve des circonstances atténuantes à ces premiers résultats : “Sur les 11 premiers matchs, on s’est déplacé neuf fois et donc on a fait beaucoup de route. On a également manqué de chance sur certaines rencontres, de ce petit quelque chose qui fait basculer la pièce du bon côté”.
De plus, les matchs à l’extérieur en National 2 ne sont jamais simples avec le poids du déplacement et la découverte de pelouses parfois capricieuses.

Dix matchs sans défaite

Fabien Tissot, l’entraîneur.

Pour autant, les Spinaliens ne se sont jamais affolés. Ils commencent à engranger de nombreux points dès le mois d’octobre. Une dynamique s’installe et les Vosgiens remontent petit à petit au classement. Avec surtout cette série en cours depuis le 25 janvier dernier de dix matchs sans défaite (8v, 2n) qui leur permet de jouer les tout premiers rôles de leur groupe B.

Finalement, à quoi tout cela est dû ? Tout simplement la force collective. “On est un groupe qui vit bien avec des joueurs qui ont de la qualité et qui mouillent le maillot.”, explique le technicien.

On comprend bien que Tissot n’est pas non plus étranger à la réussite de son groupe. Il insuffle des valeurs collectives qui transcendent à coup sûr les joueurs pour se donner à 100% pour les coéquipiers. “Ma volonté est qu’on défende et qu’on attaque ensemble. Il n’y a rien de plus important que le collectif.” Et l’occasion pour Fabien Tissot d’envoyer un message : “On n’a peur, sans prétention aucune, de personne.”

En échangeant avec Yves Bailly, on remarque assurément que l’identité de la formation est au cœur du projet sportif du club. Toutes les équipes jeunes du SAS évoluent au niveau Ligue. “La formation est une partie importante du club. Regardez, Hatier le gardien qui est entré ce soir, a fait ses classes chez nous. C’est vraiment le projet qu’on cherche à mettre en place.”, raconte le président vosgien.

Yves Bailly : « Gouverner, c’est prévoir ! »

Yves Bailly, le président.

Et quand on évoque les objectifs de fin de saison, même discours de part et d’autre entre dirigeant et entraîneur, qui veulent prendre « match par match » et voir ce qu’il va se passer. “L’objectif d’avant saison était de rester placé pour jouer la montée avant le sprint final, ce qui est le cas. On va continuer”, expliquent chacun de leur côté Bailly et Tissot.

“Gouverner, c’est prévoir.” Le président spinalien, en bon dirigeant, regarde loin et étudie toutes les possibilités. En cas de montée, les dirigeants d’Epinal étudient déjà les besoins sportifs et financiers et sont confiants dans leurs capacités à passer le cap de la DNCG pour intégrer le National. Selon le président, “le SAS est organisé de façon à fonctionner de manière structurée et professionnelle”.

Avec l’augmentation du niveau du championnat National par l’effet boule de neige des descentes de clubs de Ligue 2 (4 cette saison, 4 la saison prochaine), Epinal fera figure de petit budget. “Depuis quelques années, on est bien structuré. Maintenant, on ne sera pas Nancy, Le Mans, Châteauroux ou encore Orléans. »

Avant de penser à l’échelon du dessus, il reste huit rencontres à Epinal pour continuer à lutter pour cette première place, synonyme de montée. “Toutes les équipes vont avoir quelque chose à jouer, que ce soit en haut ou en bas, donc ça va être difficile lors de chaque match, commente le coach spinalien.”

Pour Epinal, il s’agit maintenant de rester en haut et de s’enlever toute pression inutile afin, pourquoi pas, d’obtenir le Graal, six ans après leur dernière saison en National.

Fabien Tissot : du tac au tac

« Je suis un entraîneur proche de ses joueurs »

Le coach spinalien s’est prêté au jeu des questions-réponses. l’occasion d’en apprendre plus sur lui et sa carrière.

Fabien tissot, le joueur

Meilleur souvenir sportif ?

J’en ai plusieurs, mais s’il faut en ressortir un, la réception de l’Olympique de Marseille quand je jouais à Epinal en Division 2. J’avais eu la chance de marquer et de battre l’OM (2-0 en 1995), c’était un match particulier.

Pire souvenir sportif ?

Je me suis blessé au genou à l’entraînement. Je me suis rompu les ligaments croisés du genou et le tendon d’Achille à 3, 4 ans d’intervalle. A chaque fois, j’ai eu du mal à revenir et ça a en quelque sorte accéléré ma transition joueur-entraîneur.

Combien de cartons rouges ?

Je n’ai pas dû en prendre beaucoup. J’en avais pris un en réserve avec Nancy à l’époque, mais 2 ou 3 dans toute ma carrière, je pense.

Plus beau but ?

Je pense que c’est l’un des plus importants. C’était contre Lyon-Duchère avec Epinal en National lors de l’avant-dernière journée du championnat (1994-1995). Pour monter en Ligue 2, on devait aller faire un résultat là-bas. J’avais eu la chance de faire un petit coup du sombrero sur le défenseur et de marquer derrière un but très significatif.

Ton pire match ?

J’ai une anecdote assez marquante à ce sujet. Je jouais dans l’équipe réserve de Nancy et le coach me fait entrer en deuxième mi-temps. Il m’avait donné une consigne particulière. On prend un but 3 minutes après en partie parce que je n’avais pas fait le taf qu’il m’a demandé. Il m’a sorti directement. Quand t’es jeune, ce sont des décisions qui marquent et ça fait partie de l’apprentissage.

Pourquoi as-tu choisi d’être attaquant ?

Je ne sais pas si je l’ai choisi. Je pense que c’est venu naturellement, depuis tout jeune dans mon club d’Haroué, j’ai été attiré par le fait de vouloir marquer les buts. Au départ, j’avais ce petit don pour bien me placer. Donc c’est naturel.

Ton geste technique préféré ?

Je n’ai pas de gestes techniques préférés. J’étais surtout concentré à faire des choses simples. J’étais pas un grand dribbleur donc c’était du standard, contrôle orienté…

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?

Chaque joueur a ses qualités et ses défauts dans des registres différents. Il y a des aboyeurs sur le terrain, des leaders techniques qui peuvent faire la différence, les finisseurs, des travailleurs de l’ombre qui vont ratisser des ballons. Après, il y a une chose importante, c’est le mental parce que le foot n’est pas un sport facile, ce n’est pas un milieu facile. Donc il faut avoir la capacité d’encaisser les chocs pour pouvoir répéter des prestations de haut niveau chaque semaine.

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir à jouer ?

J’ai pris du plaisir un peu partout où j’ai joué. A Epinal, on a fait une montée de National en Division 2 quand je suis arrivé avec une ambiance de fou. Je suis parti à Beauvais (D2), c’était exactement la même chose. C’étaient deux clubs familiaux. Mais surtout à Epinal, avec un groupe où on ne faisait qu’un, on pouvait aller battre tout le monde avec cette force.

Inversement, le club où tu en as pris le moins ?

Non, j’ai pris du plaisir à chaque fois. Après, à Reims, c’était plus compliqué parce que j’ai eu des blessures, donc je n’ai pas été très performant. Mais ce n’était pas la faute du club.

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?

J’aurais bien aimé jouer à Barcelone. Ils avaient une équipe avec un style de jeu particulier et précurseur sur les années fastes. Le jeu de possession qui faisait que les adversaires avaient peur avant d’entrer sur le terrain. Ca m’aurait bien plu en tant que joueur parce que j’étais un renard des surfaces donc plus on avait la possibilité de jouer haut avec des joueurs de haut niveau capables de mettre des bons ballons dans la surface, mieux c’était.

Des rituels, des tocs, des manies (avant un match ou dans la vie de tous les jours) ?

J’en ai eu surtout quand j’étais plus jeune. Vouloir mettre la même chaussure en premier, quelques rituels comme ça. Mais ça s’est estompé avec l’âge.

Tu étais un attaquant plutôt ….

Malin et généreux

Ta plus grande fierté dans ta carrière ?

D’être monté avec Epinal en Division 2 en 1995.

Si tu n’avais pas été footballeur…. qu’aurais-tu aimé faire ?

Je suis allé jusqu’au Bac parce que mes parents le voulaient. Mais à cette, époque je n’avais que le foot dans la tête et je suis passé pro à 19 ou 20 ans, donc il y a eu peu de moments de doutes.

Le club d’Epinal en deux mots ?

Familial et ambitieux.

Le milieu du foot, en deux mots ?

Plus rude et plus accrocheur.

Fabien Tissot, l’entraîneur

Meilleur souvenir sportif ?

Avec Epinal aussi, les deux montées qu’on a faites de N2 à N1 (2011 et 2014), ce ne sont pas des matchs spécifiques, ce sont plutôt des saisons. Surtout la deuxième saison, où on était descendu à la dernière seconde du dernier match et on était remonté directement grâce à un travail de longue haleine. En 2013, lorsque l’on a éliminé Lyon et Nantes en Coupe de France, c’était une superbe année.

Pire souvenir sportif ?

Justement le match contre le FC Rouen lors de la saison 2012/2013 où l’on perd à la dernière seconde sur un coup de pied arrêté qui fait que l’on descend en National 2. Ce sont des moments violents et durs à encaisser.

Ton match référence, celui où tout s’est bien passé !

Je pense que ça serait ambitieux de dire que tout s’est bien passé une fois. Mettre en difficulté des adversaires sur des choses travaillées à l’entraînement, des combinaisons ou des situations, c’est gratifiant. Le match parfait n’existe pas selon moi, à partir du moment où chaque joueur donne le maximum, c’est le plus important.

Le club que tu rêverais d’entraîner (dans tes rêves les plus fous) ?

Je ne me pose pas de questions par rapport à ça. J’aimerais bien entraîner au niveau professionnel, c’est sûr. Mais là, je me concentre sur Epinal et notre saison.

Un modèle de coach ?

J’aime bien Carlo Ancelotti parce qu’il est proche de ses joueurs et je peux me définir un peu comme ça. J’aime également sa manière de manager.

Une devise ?

Il faut du travail et la volonté d’être performant collectivement et individuellement.

Meilleur joueur entraîné ?

Je vais faire des déçus (rires). Des joueurs que j’ai eu à Epinal ! On a eu beaucoup de bons joueurs pour qui ça a été un tremplin. C’est toujours une fierté d’aider des joueurs à atteindre le palier supérieur. Cheikh Ndoye, Ibrahima Seck, Aliou Dembélé qui a fait une carrière en Ligue 2. Famara Diedhiou qui a gagné la CAN avec le Sénégal, c’est aussi une fierté pour un entraîneur.

Un style de jeu ?

J’aime avoir le ballon, que mon équipe joue assez haut. Dans différents schémas parce qu’il y a différentes manières de mettre à mal les équipes adverses. Rechercher l’efficacité dans le dernier geste et par les passes et les déplacements pour déstabiliser les adversaires. Mon objectif est d’être cohérent collectivement dans la récupération du ballon et de montrer dans l’utilisation de ses ballons une certaine efficacité.

Tu es un entraîneur…

Plutôt proche de ses joueurs.

Textes : Emile Pawlik / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @EmilePawlik

Photos : Justine Touevenot / SAS Epinal