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Laurent Pionnier, un soldat en mission à l’UNFP

À l’exception d’un prêt de 6 mois, le Gardois n’a connu qu’un seul club professionnel dans sa carrière, Montpellier, avec lequel il a été sacré champion de France en 2012 ! Aujourd’hui, l’ex-gardien met son expérience au service du syndicat des joueurs et joueuses pros, et plus particulièrement du football féminin, qu’il accompagne dans son développement.

Par Olesya ARSENIEVA / Photos DR

C’est l’homme d’un seul club. Avec 198 matchs sous le maillot de Montpellier, le gardien de but Laurent Pionnier (42 ans aujourd’hui) fait partie des rares footballeurs à avoir effectué toute leur carrière dans le même club. Sa mentalité irréprochable et son amour du maillot, dans les bons comme les mauvais moments, font qu’il reste à jamais gravé dans le cœur des supporters Montpelliérains et dans l’histoire du club. Après avoir rangé les gants en 2018, il est devenu chargé de missions juridiques et du football féminin au sein de l’UNFP.

« J’ai commencé à 13 ans dans les buts et à 15 ans j’étais international »

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Natif de Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, département voisin de l’Hérault, Laurent débute le football à l’Olympique d’Alès en Cévennes. Il enfile les gants à 13 ans seulement pour pallier un manque de gardiens dans son équipe. Tout s’est enchaîné par la suite : sélections en équipe de France jeunes, signature au Montpellier Hérault SC, le sudiste s’est révélé à ce poste de gardien et n’en a plus bougé. « J’ai commencé dans les cages à 13 ans et j’étais international à 15 ! Mais à ce moment-là, Alès a coulé. J’avais été repéré par plusieurs clubs. Avec la facilité d’être à côté, j’ai choisi Montpellier. » C’est en 1997, que Laurent enfile pour la première fois le maillot montpelliérain.

Depuis, à l’exception d’un prêt de 6 mois à Libourne/Saint-Seurin lors de la saison club 2007-2008, en Ligue 2 (17 matchs), il n’a plus bougé de La Paillade jusqu’à la fin de sa carrière en 2018. « C’était mon choix de rester, je n’étais pas en fin de contrat. Les discussions avec Loulou (Louis Nicollin, ex-président MHSC) ça se terminait par « tu restes » et on s’est toujours bien entendu comme ça. J’ai eu envie à certains moments de bouger mais pour moi les planètes n’ont jamais été alignées pour un départ, parce que j’étais bien où j’étais. Tu pèses le pour et le contre et à la fin il en ressort ta décision personnelle. La mienne c’était de rester ici. »

Ses premiers matchs en professionnels, il les dispute lors de la saison 2002-2003 en Ligue 1. A seulement 20 ans, il est lancé dans le grand bain et titularisé à 9 reprises. « A 20 ans jouer en Ligue 1, c’est la fougue, tu vas au charbon, j’étais un soldat. On m’envoyait au front et j’y allais. Tu ne te poses pas de questions. T’as la chance d’être là, tu t’es donné à fond pour y être et c’est le début de quelque chose et si tu veux que ça dure il vaut mieux bien le faire, donc je me suis toujours mis de la pression. Mais j’ai toujours su la gérer d’une manière positive. » Il doit attendre la saison 2005-2006, quand le MHSC évolue en Ligue 2, pour vivre une saison complète comme titulaire (34 matchs joués).

« Je me suis toujours senti utile dans cette équipe »

Dans sa carrière, Laurent a connu le rôle de doublure comme le rôle de titulaire mais cette situation n’a jamais entamé son moral. « J’ai fait la moitié doublure, la moitié « titu », donc j’ai joué la moitié des matchs ! La relation avec les Présidents, Loulou Nicollin et son fils Laurent, me poussait à rester au club quand j’étais doublure. Ce sont des personnes qui te montrent que tu es utile pour le club ou pour l’équipe, que tu joues ou que tu ne joues pas. Donc je me suis toujours senti utile dans cette équipe même quand je ne jouais pas, encore plus quand je jouais. Si à un moment donné je m’étais senti inutile, je serais parti. Il y avait des moments difficiles comme dans toute carrière mais dans ces cas-là, je savais à quelle porte il fallait toquer pour régler des problèmes ou dire ce que je pensais. C’est ça aussi qui a fait que l’histoire a duré longtemps. »

Une fidélité récompensée

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Après avoir connu des descentes en Ligue 2 et des remontées, Laurent remporte le titre de Champion de France devant le Paris-Saint Germain des Qataris récemment arrivés dans la capitale. « La saison du titre (2011-2012), on l’a eu en plusieurs étapes. On a rapidement été sur de bons rails : les trois premiers matchs, on fait trois victoires. On ressort d’une année où on fait la finale de la coupe de la Ligue mais s’il y a deux matchs de plus dans la saison, on descend. Donc on était conscients qu’on avait fait un beau parcours en coupe de la Ligue mais que c’était l’arbre qui cachait la forêt. La saison suivante, on avait quasiment les mêmes joueurs et c’est ce qui a fait notre force. On a commencé à y croire rapidement ! Quand tu es en haut, tu veux y rester. On avait de la chance d’avoir un groupe assez homogène avec des anciens qui arrivaient à ne pas trop mettre la pression sur les jeunes. Quand tu connais la pression de pas descendre, quand tu vis celle d’être champion, elle est quand même plus facile à gérer. La saison d’après, tu joues quand même en Ligue 1. On n’avait pas d’obligation comparé au PSG. La prise de conscience a fait la différence, la prise de conscience que tu peux passer à côté d’une saison et tout foirer pour rien. Les jeunes apprennent vite aussi et tu progresses, c’est plein de facteurs, tu ne passes pas du tout au tout comme ça. Les joueurs qui étaient peut-être en dessous la saison d’avant ont été à leur meilleur niveau et tous en même temps. C’est plein de facteurs qui s’additionnent. »

« Quand tu joues à Montpellier, tu te dis pas que tu vas jouer la Ligue des Champions »

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Le rêve continue. La saison suivante, le MHSC dispute la Ligue des Champions et Laurent dispute un match titulaire à 30 ans (contre l’Olympiakos, défaite 2-1 en 2012) « Tu rêves un jour de jouer la Ligue des Champions, mais quand tu joues à Montpellier, tu ne te dis pas que tu vas la jouer un jour, il ne faut pas se leurrer. Tu réalises tout ça quand tu atteins les points à l’avant-dernière journée. Mais si à l’inter-saison le club se dit « On va mettre les moyens pour exister et recruter des gardiens », toi, tu ne la joueras pas. Parmi les joueurs champions de France en 2012, tous n’ont pas participé à la LDC la saison d’après. Mais les émotions que tu ressens quand tu joues en LDC, c’est la folie. Tu as entendu la musique à la télé et là c’est un rêve de gosse qui se réalise. Tu n’y penses pas tout de suite, je suis quelqu’un qui vit le moment et après je me dis c’est ce qui reste. J’ai gagné un titre, j’ai joué la Ligue des Champions, la Ligue Europa, j’ai joué en Ligue 1, en Ligue 2. Je n’ai pas gagné la coupe de France mais j’ai joué au Stade de France pour la finale de la Coupe de la Ligue. »

« J’ai toujours eu cette sensibilité envers le foot féminin »

Symboliquement, pour ses 20 ans au club (2017), Laurent s’impose dans le rôle de titulaire en Ligue 1 grâce à ses bonnes performances, suite à la blessure de Geoffrey Jourdren (25 titularisations). « Doublure ou titulaire, il n’y a jamais eu aucune différence dans mon travail. Je bossais comme si j’allais jouer. C’est ça qui a fait aussi que, parfois, je ne jouais pas pendant des mois mais sur le terrain je répondais présent. J’ai toujours bossé de « ouf ». »

Lors de sa dernière saison en 2018, il repasse sur le banc et s’occupe parallèlement d’entraîner Dimitry Bertaud (MHSC) qui évolue dans les catégories jeunes. « J’ai bouclé la boucle. En 2015, j’ai passé les diplômes pour être entraineur des gardiens, 3 ans avant la fin de ma carrière. Après, pour être entraîneur des gardiens, il faut avoir l’opportunité et je ne l’ai pas eue. »

Ses missions à l’UNFP

C’est désormais au poste de « chargé de missions juridiques et du football féminin » au sein de l’UNFP, le syndicat des joueurs professionnels, que Laurent, également secrétaire général et membre du département juridique, s’épanouit dans sa vie professionnelle. « Quand j’ai arrêté, j’ai eu cette opportunité et je l’ai saisie. Il y avait un besoin chez les féminines. J’ai toujours eu cette sensibilité envers le foot féminin parce qu’à Montpellier, Louis Nicollin avait été précurseur, et ça m’a plu de pouvoir aider à développer et régler certaines anomalies, dont certaines ne sont d’ailleurs pas réglées aujourd’hui, mais on est sur la bonne voie. »

« Encore aujourd’hui un lien fort avec Montpellier »

Chouchou des supporters à La Mosson, Laurent conserve toujours des liens avec ceux qui l’ont soutenu au fil des années. « Quand tu passes autant de temps dans un club, quand je pense que je suis le seul joueur à avoir fait toute sa carrière à Montpellier, c’est sûr que j’ai un lien spécial avec les supporters. J’ai toujours fait attention à eux. Par exemple, à Guingamp, on avait perdu mais ces mecs-là, ils ont parcouru la France et je ne pouvais pas rentrer au vestiaire sans les saluer. C’était du respect entre eux et moi. On a eu des discussions houleuses, j’ai toujours dit ce que je pensais mais aussi que j’étais à l’écoute de ce qui se disait, c’est cette sincérité qui fait que, encore aujourd’hui, on a un lien fort. »

Laurent Pionnier du tac au tac

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Ton meilleur souvenir sportif ?
Mon titre de champion de France 2012 avec Montpellier.

Ton pire souvenir sportif ?
Les descentes avec Montpellier, ça nous touche nous sportivement et ça touche les gens qui travaillent au club. Moi qui suis un peu attaché à ça, c’est un malheur qui touche beaucoup de monde donc ça accentue le tien. Celle qui m’a le plus marqué est la toute dernière (2003-2004).

Combien de clean sheets dans ta carrière ?
Je n’ai pas compté. Quand tu commences, tu comptes les matchs que tu joues mais quand ça commence à faire un peu, après tu ne comptes plus rien. Ça va tellement vite, tu joues tous les 3 jours, t’essayes de faire les comptes à la fin.

Ton plus bel arrêt ?
L’année du titre on a fait un match à Lille, j’ai fait des beaux arrêts sur ce match-là. Je ne sais pas si j’en ai fait des plus beaux à ce match qu’à d’autres mais là, j’en avais fait à la pelle ! T’es invincible sur ce genre de match, t’anticipes toujours du bon côté parce que t’as déjà tout arrêté avant. J’ai pensé à ça parce qu’Eden Hazard a fait son arrêt de carrière à Lille récemment et ce match-là, c’était contre lui. Ils étaient champions de France en titre et je pense qu’il a dû tirer une dizaine de fois au but mais je l’ai dégouté. Même moi, à la fin, j’étais dégouté pour lui (rires). Il y a des matchs comme ça, tu fais même des erreurs de placement mais, bizarrement, ça tombe là où il y a le ballon !

Ton poste préféré sur le terrain (autre que gardien) ?
Avant-centre. Maintenant je suis avant-centre, pas au beach soccer mais au football normal ! Je joue devant, je me suis reconverti.

Pourquoi avoir choisi d’être footballeur ?
J’ai un rapport à ce sport tu ne l’expliques pas. C’est passionnel, depuis tout petit.

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Pourquoi avoir choisi d’être gardien ?
J’y suis arrivé un peu tard. J’ai dû faire gardien à 12 ans. Je suis arrivé là par hasard parce que le gardien de l’équipe était blessé. L’entraîneur, membre de ma famille, m’a dit « Vas-y toi » parce que personne ne veut y aller et je n’en suis plus sorti. Je n’étais pas pré-destiné à ça, je l’ai fait par défi et finalement j’ai kiffé. Toutes mes années avant où j’ai joué dans le champ m’ont servies dans mon jeu au pied.

Ton geste technique préféré ?
La claquette main opposée. Ça n’arrive pas souvent mais quand ça arrive, tu fais lever le stade.

Tes qualités et défauts sur un terrain ?
Qualités : jeu au pied, je pense aussi que j’étais bon sur ma ligne. Je n’avais pas un défaut criant mais j’avais peut-être du mal à sortir loin de mon but, il y en a très peu qui vont loin.

La saison où t’as pris le plus de plaisir ?
La saison du titre (2012). On était beaucoup de joueurs formés au club à hériter de la génération que tout le monde connaît à Montpellier : la génération 90. C’est les mômes qui avaient gagné la Gambardella. Ils sont arrivés quasiment tous à maturité la même année, en 2012. Ils étaient couplés avec des joueurs pas connus à l’époque comme Olivier Giroud, des joueurs plus anciens (Romain Pitau). Moi j’étais un peu entre deux : j’avais 30 ans mais ça commençait un peu à faire. On faisait les conneries tous ensemble. C’était génial à vivre en plus avec mon club à moi.

Le club où tu rêvais de jouer dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid, avec tout ce que ça comporte, les Socios, l’environnement, l’équipe évidemment… Qui dit Real dit joueurs de rêve, le stade, l’ambiance, la vie de tous les jours là-bas… Quand t’amènes tes enfants, ça doit être la folie.

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Un coéquipier qui t’a marqué ?
Sur le plan du football, forcément Giroud, c’est celui qui a fait la plus grande carrière parmi nous, qui est le plus titré. Humainement je ne peux pas t’en citer un en particulier, mais j’ai veillé à ce que les joueurs aient l’identité du club et il y en a beaucoup qui s’y sont fondus et avec qui je garde d’énormes relations humaines encore aujourd’hui. Il y en a qui sont encore dans le foot, d’autres plus du tout mais j’ai gardé beaucoup de relations avec des joueurs qui sont passés par Montpellier et qui bien souvent habitent Montpellier encore.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
J’ai joué contre Ronaldinho, il me donnait la fièvre lui (rires) ! J’ai joué contre lui quand il était au PSG et je l’ai battu d’ailleurs (2003, PSG – MHSC 1-3). La première fois que j’ai joué contre le PSG de l’époque Ronaldinho, j’avais 19/20 ans mais il se fait expulser le match d’avant. J’ai fêté son expulsion parce que je savais qu’il n’allait pas jouer. Je l’ai rejoué plus tard, c’était le 5 ou 6e match que de ma carrière. Il y avait aussi Jay Jay Okocha, c’était le même que Ronaldinho.

Un coach que t’aimerais revoir ?
J’en revois plein parce qu’il y en a qui sont dans des hautes fonctions dans le football et avec l’UNFP je suis amené à les revoir, Jean-François Domergue qui est à l’UEFA, Jean-Louis Gasset qui habite sur Montpellier, et avec qui j’ai des relations particulières. J’ai des missions à l’UNFP avec des garçons donc je vais voir des matchs et j’en recroise.

Une causerie de coach marquante ?
Quand j’étais en prêt à Libourne, c’était Didier Tholot, un coach extraordinaire tant humainement que sportivement. Je venais d’arriver dans une équipe qui essaye de se sauver. J’arrive dans une causerie, le dernier contre l’avant dernier. Le coach dit « Moi, je ne vais pas vous parler ! Il y a des joueurs expérimentés qui vont arriver donc Laurent va se lever et va faire la causerie. » J’ai dû faire la causerie, c’était en 2008, je n’avais même pas encore 30 ans. J’arrive dans un club, un match avec une énorme pression et le coach me dit que c’est moi qui vais faire la causerie sans m’avoir averti avant. Sur le moment c’est stressant mais c’est un super souvenir !

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Dans l’exécution non mais dans l’utilité oui. Par exemple, quand tu vois les gardiens qui font la sortie en croix je ne comprends toujours pas le ratio efficacité ni l’utilité.

Une anecdote de vestiaire ?
Ce qui se passe dans le vestiaire reste dans le vestiaire. J’ai vécu des choses magnifiques comme des choses délicates, le vestiaire c’est la vie. De la manière dont tu vis dans le vestiaire en dépendront des résultats.

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Olivier Giroud.

Tu étais un joueur plutôt…
…axé sur la mentalité.

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Un modèle de joueur ?
Paolo Maldini, Francesco Totti, mais aussi Loic Perrin à plus petite échelle. Les joueurs fidèles à un club. C’est des vrais soldats.

Une idole de jeunesse ?
Pascal Olmeta, je lui ai dit d’ailleurs (rires) !

Un plat, une boisson ?
Des pâtes et l’eau pétillante, avec l’âge ce n’est pas loin d’être détrôné par la bière (rires).

Tes loisirs en dehors du foot ?
Je joue de la guitare, c’est des moments persos qui me permettent de déconnecter. Sinon la pratique d’un sport quel qu’il soit, c’est un loisir et une nécessité.

Un film culte ?
A star is born.

Le monde du football en deux mots ?
Passionnant mais difficile.

Texte : Olesya Arsenieva / Twitter : @ArseneviaO

Photos : DR

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