L’ex-attaquant, passé pro sur le tard, à 25 ans, revient sur son parcours et ses expériences de joueur et d’entraîneur. Aujourd’hui, à 54 ans, il cherche à revivre le Graal qu’il a notamment connu avec Rodez, après un long passage au Mans. Mais il refuse d’être considéré comme le coach de deux clubs.
Par Anthony BOYER / Photos : Philippe Le Brech
Qui se souvient que Laurent Peyrelade (54 ans), l’ancien attaquant, arrivé dans le foot pro sur le tard – à l’âge de 25 ans – a connu le National à ses débuts ? C’était à l’ESA Brive, à 100 kilomètres de chez lui, à Limoges. C’est là, en Corrèze, où il empilait les buts, que Robert Budzynski, recruteur et directeur sportif du FC Nantes, est venu le chercher, comme il était venu chercher Dominique Casagrande et Eric Carrière à Muret un peu plus tôt.
Prendre les meilleurs joueurs du National de l’époque, Nantes aimait bien ça. Si Laurent Peyrelade s’est souvent demandé « pourquoi moi ? », il n’a pas boudé son plaisir de se retrouver dans le club champion de France en titre, et de côtoyer de très grands footballeurs et un monsieur, Jean-Claude Suaudeau.
En revanche, tout le monde se souvient que Laurent Peyrelade est resté longtemps sur le banc du RAF (Rodez Aveyron Football), presque 8 ans, un club qu’il a façonné et conduit du National 2 à la Ligue 2. L’ancien joueur du LOSC a aussi longtemps exercé sur le banc au Mans, à la préformation d’abord, avec les U17 Nationaux ensuite (4 saisons) avant de devenir l’adjoint d’Arnaud Cormier en Ligue 1 puis en Ligue 2, pendant 2 ans (de décembre 2009 à décembre 2011).
Devenir entraîneur ? Ce n’était pas forcément le destin de cet étudiant en médecine (2 ans) puis en STAPS, à Clermont, qui se voyait plutôt prof d’université, quelque chose comme ça. Le foot est arrivé plus tard. Du coup, il a profité de chaque instant de sa carrière professionnelle de joueur, qui a duré 10 ans. Sa carrière d’entraîneur, elle, dure depuis près de 20 ans mais est actuellement à l’arrêt : après avoir rempli sa dernière mission « sauvetage » à Grenoble au printemps dernier, il s’est remis en quête d’un nouveau projet.
Depuis son domicile, au Mans, entre deux cessions de sa formation de manager au CDES (au Centre de droit et d’économie du sport) de Limoges, Laurent Peyrelade, un homme ouvert d’esprit, très expressif, communicatif, naturel et qui a beaucoup de personnalité, a remonté le temps : ses débuts à Limoges, son départ à Brive, son court passage à Pau, ses débuts pros à Nantes, son parcours, sa vision du foot, ses souvenirs, ses regrets, ses erreurs, sa personnalité, il a effectué un large tour d’horizon dans une discussion à bâtons rompus, où il a souvent ri et employé le mot « fatalement » et l’expression « d’accord ? », et où il a bien sûr été question de Rodez et du Mans ! Car, et il en est bien conscient, on se souvient plus de son passage sur le banc en Aveyron, très marquant, que de ses trois derniers mois à Grenoble ou de sa courte expérience en National la saison passée à Versailles. Ah les étiquettes, difficile de s’en défaire !
Interview
« À Nantes, je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi » ?! »
Meilleur souvenir de joueur ?
J’en ai trois ! Je les place sur le même pied d’égalité. La Ligue des champions avec Nantes, et notamment ce premier match contre Porto, ou plutôt l’entraînement de la veille, au stade, on avait fait un peu les cons avec Garcion, Casagrande, Da Rocha ou Renou, on faisait comme dans la cour d’école, on partait d’un but et on allait attaquer l’autre but, à trois contre personne, et on marquait des buts fantastiques. En fait, on était en Ligue des Champions et en même c’était la cour d’école ! J’arrivais de Brive, de découvrais une compétition que je ne pensais jamais découvrir de ma vie, mais cela ne nous avait pas empêché de garder notre âme d’enfant. Il y a aussi l’année de Ligue 1 avec Lille et Vahid (Halilhodzic), on fait 3e (en 2000-2001), on venait de monter de Ligue 2, on avait un super groupe. Un pur bonheur. Et aussi la première montée de Ligue 2 en Ligue 1 avec Le Mans (en 2003), après une saison exceptionnelle, on était dans un projet collectif incroyable.
Justement, au Mans, nous sommes allés voir le stade Léon-Bollée la semaine dernière… du moins ce qu’il en reste …
Vous l’avez reconnu ?
Oui, même s’il ne reste qu’une tribune, le reste est en friche, avec un programme immobilier qui sort de terre…
C’était un stade « centre-ville », comme il y en aura de moins en moins, comme le stade du Ray chez vous à Nice, voilà.
« Je n’écoute plus les scores des autres matchs à la fin »
Meilleur souvenir d’entraîneur ?
La saison de National avec Rodez, quand on monte en Ligue 2 (saison 2018-2019), on a la sensation d’être imbattable, avec un groupe de joueurs exceptionnel.
Un souvenir d’entraîneur douloureux ?
Quand j’étais adjoint d’Arnaud (Cormier), au Mans, en L2, on mène 2 à 0 à la mi-temps à Vannes et on perd 4 à 3, on rate la montée en Ligue 1 à cause de ça (en 2011). On avait une équipe pour remonter, on rate le coche sur ce match, des choix, la pression, plein de choses…
Pire souvenir de joueur ?
A Lille, à la fin de la première année, on écoute les résultats sur le terrain, on est à la lutte pour la remontée, on gagne à Grimonprez-Jooris notre match mais on n’est pas maître de notre destin : du coup on écoute au stade la fin de l’autre match, et là… Je crois que c’était Martigues (Sochaux en fait). Depuis, je n’écoute jamais ce que font les adversaires après le match. Faisons notre match, et puis voilà.
Comptiez-vous vos buts quand vous étiez joueur ?
Non.
France-Angleterre 1982, la révélation
Pourquoi avez-vous pratiqué le foot ?
Mon père y jouait, donc chaque week-end, j’allais sur les terrains de foot à Abzac en Charente, près de Confolens : je jouais le samedi à Limoges parce que mes parents travaillaient à Limoges et le dimanche on allait chez mes grands parents, on écumait les terrains autour d’Abzac, donc je ne connaissais que ce sport ! Et puis, ce qui m’a marqué, c’est qu’en 1982, mon père m’a emmené voir le match de l’équipe de France contre l’Angleterre à Bilbao (1-3), en Espagne, et là, magnifique. Mon père est un féru de foot, il était à Glasgow avec des amis en 1976 pour la finale de Saint-Etienne !
Première licence ?
A l’AC Landouge (aujourd’hui Limoges Landouge Foot), à Limoges, où mon père fut président, il est encore président d’honneur et toujours impliqué au club !
Pourquoi n’avez-vous jamais évolué dans le club phare de Limoges, qui venait de connaître la D2 ?
C’est vrai que j’allais voir les matchs en D2 (la dernière saison de Limoges à ce niveau remonte à 1986-1987) avec mon père, c’était l’époque de Francis Smerecki, qui était entraîneur, puis le club est redescendu en D4, et je n’étais pas… comment dire… Disons que j’avais juste cette qualité d’avoir la tête bien pleine, mais je suivais mes potes, j’allais là où ils allaient : c’est comme ça que je suis allé à l’ASPTT Limoges, pour jouer à un meilleur niveau qu’à Landouge, j’avais 17 ans, après je suis allé à Brive à 20 ans parce que Jean-Claude Giuntini, l’entraîneur, m’a contacté et que c’était encore un meilleur niveau, la D3, et on est monté en National 1, on est resté 3 ans à ce niveau. Là encore, le stade était en centre-ville, je n’ai jamais joué dans le nouveau stade de Brive. Mais avec Limoges FC, il n’y a jamais rien eu, pas de contact.
Pourquoi, lors de la saison 1994-1995, votre dernière en National, être parti à Pau puis revenu à Brive à la trêve ?
Parce qu’à Pau, il y avait beaucoup d’ex-pros, le club voulait monter en D2, mais il a explosé financièrement. On ne peut pas vivre que d’amour et d’eau fraîche, donc je suis rentré à Brive, j’ai pu être réintégré au 126e Régiment d’infanterie de Brive pour effectuer mon service. On a fini 3e avec Brive, derrière Lorient et Poitiers qui sont montés en D2.
« Dans les années 90, le National était un championnat de villages »
Vous avez connu le National dans les années 90 : c’est quoi les différences avec celui d’aujourd’hui ?
Il y en a beaucoup. La première qui me vient à l’esprit, c’était une division amateur, maintenant c’est une division professionnelle. Ensuite, c’était un championnat de villages, maintenant c’est un championnat de villes. La moitié du championnat, là, ce sont des clubs historiques du football français, avec des stades historiques. J’adore Les Herbiers, mais aujourd’hui, c’est quelque chose, avec Valenciennes, Le Mans, Sochaux, Nancy, Dijon, ce sont pas les mêmes enceintes ! Quand je jouais en National à l’époque, j’étais toute la semaine à Clermont, j’allais courir seul, je m’entraînais avec le club le mardi, parfois deux fois par semaine, ils étaient en DH ! J’avais un de mes meilleurs potes de Brive, Christophe Chastang, qui jouait à Clermont, d’ailleurs il y est toujours. Et je rentrais le week-end pour jouer avec Brive. Cela ne nous empêchait pas d’être performant. C’est inconcevable aujourd’hui. Tout a changé, les méthodes d’entraînement, la quantité d’entraînement…
Et le jeu ? C’était comment le National du temps de Brive ?
Déjà, nous, on était une équipe physique, ça correspondait à l’endroit où on était, Brive, une ville de rugby, avec Jean-Claude Giuntini, un entraîneur avec de la poigne, de la gnaque, et on courait ! Comme avec Vahid, attention ! La première année à Brive, j’ai perdu 10 kilos pendant la préparation ! Le championnat était plus physique, mais c’était différent. C’est pareil pour la Ligue 2 : on ne peut pas la comparer avec la D2 du temps où il y avait deux poules.
Votre geste technique préféré sur un terrain, c’était quoi ?
L’extérieur du pied.
« Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le foot moderne »
Vos qualités et vos défauts sur un terrain ?
J’étais adroit devant le but, je me déplaçais bien, j’anticipais bien. Mon défaut, un manque de volume. En fait, je n’avais pas d’énormes qualités, je n’avais pas non plus d’énormes défauts. C’est pour ça, je pense, que je suis passé pro assez tard (à l’âge de 25 ans, Ndlr). Cela a mis du temps pour que tout se mette en place. Je ne suis pas très… comment dire… je ne vais pas très vite ! Je ne sais pas si je ferais une carrière dans le football moderne. Ah, et je n’aime pas perdre non plus.
Si vous n’aviez pas signé pro, vous auriez fait quoi ?
J’ai fait deux ans de médecine à Limoges mais c’était trop compliqué, j’ai raté une épreuve la deuxième année, et là, impossible d’être dans le numerus clausus. Ensuite je suis parti en STAPS à Clermont : en fait, la semaine, j’étais à Clermont, et le week-end, je rentrais à Brive pour jouer en championnat. Je n’étais pas prédestiné pour faire le professorat. Je me serais plutôt orienté, je pense, vers des cours en université au niveau STAPS, ou alors prof agrégé d’université, cela aurait pu m’intéresser. Mes parents me disaient de passer les diplômes, et pour le foot, on verrait, parce que quand tu es jeune et que tu marques des buts, des sollicitations, on en a tout le temps, mais je n’avais pas d’agent au début. Il n’y a que deux clubs qui m’auraient fait devenir pro, c’était Nantes et Bordeaux. Voilà. Nantes et Robert Budzynski sont arrivés. C’était Nantes quand même, champion de France, des internationaux partout, une équipe incroyable… Je ne voyais pas trop pourquoi il venait chercher un jeune amateur à Brive-la-Gaillarde à ce moment-là ! Mais ça ne se refuse pas, parce que financièrement, ce que tu vas gagner en passant pro… On est beaucoup mieux payé en pro à Nantes que dans l’éducation nationale. Donc on s’est dit que, même si ça ne marche pas, j’aurai fait 4 ans et je repartirai dans l’éducation nationale.
« C’est incroyable et magique, le foot ! »
Des regrets ?
Ah non, non, non. Déjà, je ne pensais même pas jouer un jour la Ligue des Champions ! Au bout d’un mois et demi à Nantes, je me suis demandé ce que je faisais là, à l’entraînement, ça allait à 2000 à l’heure. Je me disais, « mais ils ont vu quoi en moi ? Ils ont vu quelque chose, un truc (rires)?? » parce que ça allait vite, ça pensait vite, ça anticipait vite, et en fait, ça s’est super-bien passé, parce que l’être humain s’adapte, progresse, travaille. Ce que j’ai vécu à Nantes, c’est exceptionnel. D’ailleurs, je ne me rendais pas compte de la chance que j’avais d’être là, et de faire des matchs de ce niveau-là.
Cette question « Pourquoi Nantes- est-il venu vous chercher à Brive ? », vous avez-vous trouvé la réponse ?
J’étais le 3e attaquant à Nantes. Dans la même poule de National, un an avant, ils avaient pris Casagrande et Carrière à Muret, alors je pense qu’ils ont pris les meilleurs joueurs de National pour les faire grimper dans le groupe et comme cela a bien marché, voire très bien, avec Doumé (Casagrande) et Carrière, je pense qu’ils ont voulu refaire la même chose. J’ai quand même fait 30 matchs, pas tous titulaire bien sûr, mais bon, je passais de Brive à la Ligue des champions ! C’est incroyable et magique le football.
« Je suis en recherche permanente du Graal »
Le club ou la saison où vous avez pris le plus de plaisir ?
Joueur, au Mans, quand on est monté de L2 en L1 (en 2003). Et coach, la saison en National quand on monte en L2 avec Rodez (en 2019), je suis obligé de dire celle-là, je suis en recherche de ce Graal en permanence, quand toutes les connections et les circonstances sont réunies au même endroit au même moment. Tu cherches ça dans ta vie de tous les jours. J’ai deux objectifs : la recherche des moments de bonheur partagé, dans la vie et dans le sport, et il n’y en a pas tant que ça dans le foot, et là, je ne parle pas de victoire, je parle d’un moment qui sort de l’ordinaire, où tout un club est là. Je suis en recherche d’harmonie aussi, interne et externe. Dans ma vie, dans mon club et avec l’extérieur. Ce sont mes objectifs de vie.
Vous n’avez pas peur de ne pas retrouver ce Graal dont vous parliez et que vous avez vécu avec Rodez ?
Je ne sais pas. On ne vit pas dans la peur. C’est ça qui est bien. Des très bons moments de vie partagés, il y en aura d’autres. Après, j’en ai eu des moments comme ça, comme quand on se maintient avec Rodez à Bastia à la dernière journée (en mai 2022) en gagnant 1 à 0 à la 90e, ça c’est un moment de bonheur partagé, c’est fluide, c’est limpide, c’est calme, c’est zen. Voilà. Tout se passe dans le bon ordre, comme tu l’avais pensé, tu le fais avec tes joueurs, tes enfants, ta famille, tes proches, ton épouse… Je suis en quête de ça. Mais si cela n’arrive pas, ce n’est pas grave.
« On galvaude le mot bâtisseur »
Entraîneur, vous avez passé plus de 7 ans à Rodez et plus de 7 ans au Mans, c’est rare. Paradoxalement, vous n’êtes pas resté longtemps à Versailles et à Grenoble. Aujourd’hui, c’est plus dur de durer ?
On ne se rend compte que cela a été long que lorsque l’on se retourne. Tant que je me sens bien, tant que je suis en équilibre, que le travail marche, que l’on n’est pas au bout de ce que l’on pourrait faire, il n’y a pas de raison d’aller voir si l’herbe est plus verte à côté. On sait toujours ce que l’on quitte, on ne sait pas ce que l’on va gagner. Cela a toujours été ma devise quand j’étais joueur. Je suis conscient que l’équilibre est fragile, que c’est compliqué de travailler dans la continuité avec des dirigeants, avec des joueurs aussi, parce que parfois, ce ne sont pas que les dirigeants qui prennent la décision de se séparer d’un entraîneur.
Vous parlez en connaissance de cause ?
Pas du tout. Je ne peux pas travailler si je ne suis pas en connexion avec mon groupe de joueurs. Je ne peux pas travailler avec des gens que je n’aime pas. Ce qui me dérange le plus, c’est que, parfois, les dirigeants, disent, « On est sur un projet à 3 ans », « On veut construire quelque chose ». OK, moi ça me va, car je suis plutôt un bâtisseur. Et d’un autre côté, on vous dit « Oui mais vous, vous êtes l’homme de deux clubs »… Je l’entends ça parfois, ou alors les gens ne le disent pas mais le pensent, je le ressens, ça me fait sourire, parce que des dirigeants me parlent de construire dans la durée, ce qui est normal, et de l’autre, ils vont prendre des gens qui ne sont pas du tout en phase avec ça, qui sont dans la performance de l’année, et après, les mecs sont surpris, « Mais comment ? il s’en va déjà ? » Cette ambivalence m’agace un peu. On galvaude le mot bâtisseur, l’humain au centre du projet. On travaille dans l’urgence.
« Je suis un intuitif »
Une erreur de casting dans votre carrière ?
J’assume tous mes choix. Mais j’en ai fait une quand j’étais joueur. J’aurais peut-être dû rester une année supplémentaire avec Suaudeau à nantes, pour apprendre encore plus. J’ai été prêté au Mans dès ma deuxième saison, et c’était super, parce que j’avais envie de jouer, pas de regarder les autres jouer. Mais avec le recul, cela n’aurait pas été mal de rester.
Sinon, j’ai un autre regret : je suis parti de Lille à Sedan parce que je voulais travailler avec Alex (Dupont), or à Lille, où cela faisait 4 ans que j’étais là, j’avais l’impression de ne pas être considéré à ma juste valeur, mais c’est comme ça, les joueurs du club sont toujours moins bien considérés que ceux qui arrivent. C’est une vérité. Je pensais finir ma carrière à Lille. On n’était pas d’accord financièrement et je suis parti par mauvais orgueil à Sedan (rires). Entraîneur, j’ai fait tout ce que je ressentais. Je n’ai rien fait à contre coeur. Je suis un intuitif. Si mon coeur me dit d’y aller, j’y vais. Cela ne veut pas dire que ça va marcher ou que ça va être simple. Non. C’est dur : quand j’arrive à Rodez, en CFA, on est descendu (le club avait terminé 14e et relégable avant d’être repêché).
Qu’est ce qui n’a pas fonctionné à Versailles ?
Ils vont dire que je n’étais pas aligné avec les objectifs, etc., mais je pense que l’on commençait juste à trouver un bon équilibre dans le fonctionnement, que je cernais mieux mon groupe, donc on en revient toujours à la même chose, on part sur un projet de 3 ans et ça s’arrête au bout de trois mois… J’aurais été dernier, à la rue, j’aurais compris. Là, je pense qu’ils (les dirigeants) ont eu peur. On n’était pas relégable. Bon, on n’état pas 3e non plus. On est parti d’une feuille blanche. Avec certains joueurs sous contrat que l’on ne voulait pas forcément conserver. Ce n’est pas facile d’en parler, je suis en procès avec le club.
Un club où vous avez failli signer ?
Avec Slavo Muslin à Bordeaux, que j’avais eu à Pau. Et aussi à Nice, quand Guy David était entraîneur (en 1999-2000).
Et en tant qu’entraîneur ? Vous avez failli revenir au Mans en novembre 2022, pour être coach en National…
Quand j’ai été limogé de Rodez, enfin… limogé, quand j’ai été viré de Rodez, Le Mans est arrivé deux jours après. J’étais fatigué. J’ai été cash. J’ai été reçu, j’aurais pu dire « Super ! Génial ! Ma maison est à un kilomètre du centre d’entraînement du Mans, allez je prends », mais non, je ne voulais pas leur mentir, j’aurais fait de la merde, c’était trop tôt. Il leur fallait quelqu’un de frais, je sortais de près de 8 ans à Rodez, j’avais besoin de digérer ça. Il aurait fallu qu’il m’appelle en janvier. « Vous ne pouviez pas me rappeler au mois de janvier suivant parce que là, ça m’aurait plu (rires) » ! Je préfère être honnête plutôt que de tricher.
Cela vous fait mal de dire que vous avez été viré de Rodez, ou limogé… Vous vous êtes repris quand vous l’avez évoqué…
Sur le moment, c’est douloureux, bien sûr, maintenant, c’est passé, depuis longtemps, je regarde Rodez avec plaisir, j’y ai des amis.
« Je cherche des connexions entre joueurs »
Le coéquipier avec lequel vous aviez le meilleur feeling ?
Djezon Boutoille et Philippe Celdran. J’adorais jouer avec eux. On était connecté. C’est ça que je cherche aujourd’hui en tant qu’entraîneur : des connexions entre joueurs. Avec Boutoille et Celdran, c’était ça. Les uns s’adaptaient aux autres. Je n’avais pas des qualités qui me permettaient de faire des différences individuelles. Entraîneur, ma devise, c’est plus celle de Suaudeau : « Avoir un très bon joueur, c’est cher; avoir deux très bons joueurs, c’est très cher; avoir une connexion entre deux joueurs, ça n’a pas de prix ». C’est pour ça que, par exemple, avec Daniel Cousin, au Mans, je m’adaptais à lui.
Un joueur marquant ?
Alors je citerais d’abord un adversaire, Lilian Thuram. Pfff… On n’était pas sur la même planète. On ne faisait pas le même sport. Bon. Voilà… Sinon, comme coéquipier, Japhet N’Doram. Lui, waouh ! Pfff… C’était incroyable.
Un coach marquant ?
(sans hésiter) Suaudeau. Il a révolutionné la vision que j’avais du foot.
Comment vous êtes vous construit en tant que coach ?
On se construit au fur et à mesure. J’ai toujours été éducateur dans l’âme. C’est différent du métier d’entraîneur. Cela vient de ton éducation, de ton parcours universitaire. Se poser des questions du style « pourquoi on fait ça ? », je me les posais déjà quand j’étais joueur. Et puis, fatalement, de chaque coach que j’ai eu, j’ai pris quelque chose. Lui c’est sa façon de parler, lui c’est sa vision du foot, lui son exigence, etc. Je me souviens qu’au bout de deux ou trois mois à Nantes, j’ai commencé à noter ce que Suaudeau faisait à l’entraînement. Mais je ne savais pas si j’étais capable de transmettre quelque chose. Quelque soit ton poste, tu n’es pas que manager, tu transmets un patrimoine, des idées aussi. Avoir des idées dans la tête, c’est une chose, savoir les transmettre et les formaliser, c’en est une autre. Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur au Mans, les dirigeants m’ont demandé si cela m’intéressait de passer de l’autre côté. J’avais dit « Oui mais si je ne suis pas fait pour ça, si ça ne m’intéresse pas, si je ne prends pas de plaisir, je m’arrêterai et je ferai autre chose », mais comme je n’y avais jamais goûté, je ne savais pas. J’ai fait de la préformation puis je resté 4 ans avec les U17 Nationaux, c’était génial, on commençait avoir des internationaux, il y avait beaucoup d’anciens joueurs du club comme moi au centre de formation, je ne me posais pas la question d’aller avec les pros, ça fonctionnait bien, on faisait de la compétition sans en faire, on n’était pas obnubilé par le fait d’être les meilleurs en championnat. L’idée, c’était d’avoir quelques très très bons joueurs pour les faire progresser, d’être sur le jeu, sur le développement individuel, dans l’intelligence, pas dans la performance immédiate.
« J’aime être proche de mes joueurs »
Vous êtes un coach plutôt …
J’aime le dialogue mais je décide, j’aime que le climat soit propice à l’exigence, je n’aime pas l’à peu-près. On peut avoir de la liberté mais il y a une discipline de groupe, collective et tactique, à avoir. L’intelligence des joueur c’est ça : être capable de créer en fonction de tout le catalogue que te donne l’entraîneur. J’aime être proche de mes joueurs. Mais il ne faut pas confondre proximité et complicité. On peut être proche et dur. Je dis la vérité aux joueurs. Parfois, il vaut mieux une vérité qui fasse mal.
Au printemps dernier, vous avez fait une pige à Grenoble Foot : finalement, vous seriez bien resté là-bas, non ?
Bien sûr ! D’ailleurs, j’ai passé l’entretien avec le président pour rester. J’étais venu pour une mission, parce que Max Marty (le directeur général) me l’a demandé. Cela n’aurait pas été Max, je ne serais pas venu à Grenoble. Parce qu’il m’a rendu des services, c’est un ami. Il m’a donné plein de conseils. Il avait besoin de quelqu’un pour les 9 derniers matchs, je savais que c’était comme ça. J’étais un choix d’urgence. J’ai dit oui. Et après, j’ai passé l’entretien comme les quatre autres coachs, le président a choisi. C’était la première fois que j’allais dans un club pour une période courte, pour un one shot. C’est très différent. Il faut être opérationnel tout de suite, il faut être dans une énergie folle, il faut trouver des solutions, il faut remettre une dynamique de fonctionnement, du dialogue, il y a 10 millions de choses ! C’était une expérience nouvelle et je savais que Max et le staff seraient bienveillants à mon égard. C’est plus agréable que d’y aller sur la pointe des pieds. J’ai croqué dedans. Je savais que ça n’allait peut-être pas durer. Ce fut très formateur. C’est un autre job. Il faut s’adapter au système qui est le meilleur pour l’équipe. Tu t’adaptes aux joueurs que tu as. Tu n’as pas le temps de mettre des principes en place. Je serais prêt à le refaire, bien sûr, mais ça dépend de l’endroit et avec qui.
C’est qui l’attaquant de légende, selon vous ?
Van basten et Maradona.
« C’est So Foot en version bad boys » !
Si vous deviez décrire le foot en quelques mots à quelqu’un qui ne connaît pas le milieu ?
Waouh ! (Rires) Oh la question ! C’est So Foot en version bad boy (rires) ! Je réfléchis et je reviens ! C’est un milieu d’affaires, qui s’éloigne de la cour d’école, mais qui est capable de générer des émotions collectives grandioses. Mais il y gravite tellement d’argent que, comme dans tous les milieux d’affaires, il y a des dérives pénibles, par rapport à l’ego, la diplomatie, la politique… On ne peut plus dire aujourd’hui tout le temps ce que l’on pense, encore moins avec les réseaux sociaux. Je vis avec, les jeunes vivent avec, la société vit avec. Il faut faire attention.
Vous êtes branché réseaux sociaux ?
Je n’ai pas Facebook, je regarde un peu Instagram, je me tiens infirmé, et puis ma fille est social manager dans la boisson énergisante, donc fatalement… Je fais attention de pas polluer mes pensées. Je préviens toujours mes joueurs en début de saison, il faut se détacher de ça. Après, c’est intéressant pour les contenus, montrer ce que tu fais, comment vit ton groupe, comment ton lui travaille, mais les joueurs ne sont pas là pour répondre à quelqu’un qui les insulte. L’important c’est ce que pensent les proches et la famille des joueurs, pas ceux qu’ils ne connaissent pas.
Depuis l’an passé, vous suivez une formation à Limoges de manager général de club sportif au Centre de droit et d’économie du sport : vous voulez élargir votre palette ?
Oui, on élargit le champ d’action et le champ d’esprit aussi ! Dans le foot, c’est compliqué de faire des choses qui t’ouvrent l’esprit, parce que quand tu es en poste, tu es dedans tout le temps, six jours et demi sur sept, et puis ce n’est pas bien vu de dire à son président, « Je voudrais aller voir tel entraîneur travailler pendant 3 jours ». Là, il te répond « mais pourquoi ? » alors que c’est intéressant d’échanger des idées. Quand j’étais à Rodez, David Vignes (entraîneur de Fleury, actuel leader de sa poule en N2), qui est un ami, est venu une semaine à la maison, quand il était au chômage. C’est super intéressant ces échanges. Les clubs devraient dire à leurs entraîneurs de partir une fois par an, à l’étranger par exemple, pour voir comment ça fonctionne là-bas. Cette formation de manager s’inscrit un peu dans ce sens-là. L’an passé, je suis allé voir des clubs, d’autres disciplines, ça permet de voir comment fonctionne le sport professionnel en général, d’avoir des bonnes idées, de connaître le fonctionnement d’un club pro dans son ensemble, parce que je pense que tout est lié dans un club.
Texte : Anthony BOYER / Twitter @BOYERANTHONY06 / mail : aboyer@13heuresfoot.fr
Photos : Philippe LE BRECH
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