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Lassana Diako (Chambly) :  « Malgré les difficultés, je n’ai jamais rien lâché »

A 24 ans, le défenseur central s’épanouit dans l’Oise, en National 2, et construit patiemment sa carrière après une grosse désillusion à Clermont. Il raconte son parcours, pas vraiment rectiligne, qui a commencé chez lui, à Villejuif (Val-de-Marne), ville à laquelle il est très attaché.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

« Chez moi à Villejuif, on m’appelle  La Mentale. Je ne lâche jamais rien. A part mes frères, personne n’aurait misé sur moi… Mais même si j’ai eu des galères, je suis toujours là et j’avance. » Le regard et la voix de Lassana Diako trahissent son immense détermination. A 24 ans, le défenseur de Chambly (National 2) a caressé le rêve professionnel à Clermont (alors en Ligue 2) mais la belle histoire s’est très mal terminée. Il est resté sans club pendant une saison avant de rebondir aux Lusitanos Saint-Maur (N2) puis d’éclater à Chambly.

Diako est très proche de joueurs comme Oumar Solet ( RB Salzbourg) ou Yacine Adli (Milan AC) qu’il a connu à Villejuif. Il y a une dizaine de jours, il avait assisté au match aller RB Salzbourg – AS Roma) des 16es de finale de la Ligue Europa.

« Avec Oumar (Solet), on est très proches. On part en vacances ensemble. On joue au même poste. Il me donne beaucoup de conseils et me soutient. Lui aussi croit en moi. Yacine (Adli) est aussi un exemple pour moi. Il me dit toujours de ne rien lâcher, que j’ai des qualités. Leurs carrières, ce sont des belles sources d’inspiration pour moi. On sait tous d’où on vient et on ne l’a pas oublié. »

Sous le maillot de Viry-Châtillon. Photo DR

« Villejuif, c’est ma ville et l’US Villejuif, mon club de coeur »

Villejuif, 9-4, quartier Verrolot. C’est là que Lassana Diako a grandi.

« Villejuif, c’est ma ville, j’y habite toujours, l’US Villejuif, c’est mon club de cœur. C’est devenu, l’un des meilleurs clubs de jeunes de la région parisienne. Mes amis Yacine Adli et Oumar Solet ont donné une belle image. Maintenant, de plus en plus de jeunes partent dans les centres de formations pros. Ismaël Bamba (le responsable technique) qui est un grand frère pour tout le monde ici, réalise  un immense travail. Souvent, il vient me demander de parler aux petits, de raconter mon histoire, il me dit que je suis un exemple car j’ai l’image du joueur  qui n’a jamais rien lâché malgré les difficultés. Dès que je peux, je viens aux entraînements et aux matchs. »

Les Diako et l’US Villejuif, c’est aussi une histoire de famille.

Lors de la remise du trophée de meilleur joueur de Chambly en décembre 2022. Photo DR

L’un de ses grands frères, Silly, est capitaine de l’équipe première (Régional 1), et un autre de ses frères, Bakary, est quant à lui dirigeant référent des seniors et des féminines. Et son petit frère Mamadou joue équipe réserve à Orléans. « On est une vraie famille de footballeurs. J’ai aussi un grand frère, Abdoulaye, qui était gardien aux Gobelins (Paris 13 Atletico) et au Red Star. Mais il a arrêté. Ma famille, c’est tout pour moi. Mes frères ont toujours cru en moi, ils ont toujours été derrière moi pour m’aider. »

En novembre, le départ de l’entraineur de Villejuif, Mohamed Tazamoucht, avait  fait beaucoup de bruit en Ile-de-France. « Sincèrement, il faisait du bon boulot et il était apprécié. Mais ses mots lors de son départ (il a expliqué avoir reçu des insultes provenant des tribunes) ont été ressenties comme un choc. On a été très déçus de lire de tels propos. Mais le club doit continuer à avancer. Il est toujours leader de son groupe en R1. Dans l’équipe, il y a de la qualité, avec des joueurs qui ont joué plus haut. Il faut viser la montée en N3. »

« Quand j’ai signé à Viry, parfois je n’avais pas de train pour rentrer le soir »

Avec ses frères. Photo DR

Lassana Diako avait, lui, pris sa première licence assez tard à l’US Villejuif. « J’ai longtemps joué dans mon quartier en bas de chez moi. Mais à 13 ans, un de mes frères m’a emmené au club. »

En U19, il choisit de franchir un palier en signant à Viry-Châtillon. « C’est un entraîneur qui m’avait repéré. Mais beaucoup se demandaient comment j’allais faire avec la distance. C’est là que je leur ai prouvé ma détermination. J’en avais pour 1 h 30 en transport en commun. Parfois, quand je rentrais le soir, il n’y avait même plus de train… Mais je n’ai jamais lâché. J’ai toujours été à l’heure aux entraînements et je n’en ai jamais raté. »

Le 13 mai 2017, il effectue à 18 ans,  ses débuts en équipe première lors d’un match de N2, Lusitanos Saint-Maur – Viry (1-1). La saison suivante, il effectue une dizaine d’apparitions en National 2. « Sur un match, j’ai été repéré par Clermont. J’ai signé un contrat amateur. J’avais 20 ans. Partir dans un club pro, c’était presque inespéré. Mais moi, j’ai toujours été têtu. J’ai toujours cru que j’allais réussir. »

« A Clermont, je suis passé du rêve au cauchemar »

Du cocon de son quartier à Villejuif au calme de l’Auvergne, le dépaysement est total pour lui. « Je partais à l’aventure, je me suis retrouvé seul dans une ville qui n’avait rien à voir avec la région parisienne. Mais je savais pourquoi j’étais à Clermont. Je devais saisir ma chance. »

A Clermont, il a fait une belle rencontre avec Frédéric Zago, le directeur du centre de formation et entraîneur de la réserve (N3). « Je le considère comme un second père. Je lui dois beaucoup. En réserve, ça s’est bien passé. J’ai marqué 3 buts et donné 8 passes décisives. Je suis vite monté avec le groupe pro. »

Sous le maillot de Clermont Foot. Photo DR

Le 23 avril 2019, il est convoqué pour la première fois en Ligue 2 pour le déplacement à Béziers. Il reste sur le banc comme 15 jours plus tard à Lens au stade Bollaert. « Mais d’où je venais, c’était déjà beau d’être avec la L2 dès ma première saison. Avec Pascal Gatien, ça se passait bien aussi. Pour ma famille, c’était  déjà une belle fierté de me voir à la télévision sur BeIN même si j’étais resté sur le banc. »

Pourtant, à l’issue de sa première saison à Clermont, il ne signe pas de contrat pro. « J’étais bien sûr un peu déçu mais on est reparti dans les mêmes conditions. Moi, ça m’allait quand même. » Toujours performant en réserve, il est encore convoqué à quatre reprises en Ligue 2 (16e, 18e, 19e, 20e journées).

Mais un évènement lui porte préjudice : le départ de Frédéric Zago pour Auxerre. « Après son départ, tout a changé pour moi. On m’avait promis des choses qui ne se sont jamais réalisées. Je méritais pourtant de jouer. J’avais même décliné la sélection du Mali pour rester à Clermont. J’avais aussi un autre club qui me voulait mais Clermont me l’a caché. Il y a eu un manque de respect à mon égard. C’était dur.  A Clermont, je suis passé du rêve au cauchemar. »

« J’ai fait un break avec le foot »

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Le Covid et le confinement stoppent tout dans le foot français. A l’été 2020, Lassana Diako se retrouve sans club. « Je pensais signer en Espagne avec mes anciens agents, mais ça ne s’est pas fait. J’étais en grosse galère. Tout, ça je l’ai vécu comme un KO en pleine face. J’ai vu une autre réalité du foot. Je n’osais pas en parler à ma famille. C’était chaud. J’avais mal. »

En France, les championnats de N2 et N3 se sont vite arrêtés. « J’ai fait un break avec le foot. J’ai failli tout arrêter. »  Il change d’agent et prend comme conseiller Aurelien Penda, qui est de Villejuif comme lui et qui s’occupe également de l’attaquant Johanne Akassou (passé par Versailles, Red Star, Chambly, Orléans). Son nouvel agent l’envoie au Racing Club de France (alors en N3) où il s’entraîne plusieurs mois avec le groupe de Guillaume Norbert. « Dans ma tête, je n’étais encore pas très bien, avoue Diako. J’étais encore dans l’optique de me répéter ce que Clermont m’avait fait… Signer en N3, c’était un peu dur pour moi. J’ai préféré aller aux Lusitanos Saint-Maur. »

Mais les débuts sont délicats. « L’entraineur (Aderito Moreira) me voyait encore comme un petit jeune sans expérience  qui arrivait d’un centre de formation pro. Mais j’avais 22 ans pourtant. Au départ, je ne rentrais pas dans ses plans. Mais encore une fois, je me suis accroché et j’ai réussi à l’impressionner (sourire). Je suis devenu un joueur important pour l’équipe. »

« A Chambly, il y a des personnes qui donnent envie de mouiller le maillot »

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Ses bonnes performances en National 2 ne passent pas inaperçues. En janvier 2022, il rejoint Chambly, en difficulté en National. Mais Diako signe son premier contrat pro dans le club de l’Oise.  « J’y étais enfin arrivé, c’était un petit aboutissement pour moi. »

S’il s’impose dans la défense de Chambly, le club est relégué en National 2 au mois de mai.  « Avec l’équipe qu’on avait, on n’auraiy jamais dû descendre. Mais la sauce n’a pas pris sur le terrain. Ça a été une grosse déception pour moi. »

Cet été, Chambly effectue un gros ménage. Ils ne sont que quatre joueurs à rempiler. « J’avais d’autres possibilités mais j’ai décidé de rester. J’aime ce club de Chambly et les personnes qui y sont. Pour eux, on a envie de mouiller le maillot. Pour la montée, on  a pris trop de retard. Mais je suis quand même content de cette saison. J’ai été élu deux fois joueur du mois (octobre, décembre) à Chambly. C’est une satisfaction. Je continue de progresser. »

Lassana Diako, du tac au tac

« Je suis en constante progression »

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Première fois dans un stade en  tant que spectateur ?
C’était en 2015 pour un match de l’équipe de France au Stade de France. On avait gagné des places par la ville de Villejuif après un tournoi de quartier.

Meilleur souvenir de joueur ?
La signature de mon premier contrat professionnel à Chambly le 6 janvier 2022.

Pire souvenir de joueur ?
La fin de mon aventure à Clermont et la relégation en National 2 avec Chambly.

Une manie, une superstition ?
Avant chaque match,  j’aime bien prendre un petit temps pour me recentrer sur moi-même.

Le geste technique préféré ?
J’aime bien les feintes de corps.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Qualités et défauts sur un terrain ?
La confiance et le leadership. Mais mon défaut, c’est que parfois, je suis trop serein.

Votre plus beau but ?
Un coup franc avec Villejuif en quarts de finale de la Coupe de Paris U17 face  à Saint-Brice.

Votre geste défensif le plus mémorable ?
Une anticipation sur un attaquant de Rouen cette saison (0-0). J’étais le dernier défenseur, j’ai taclé, sinon il marquait.

Jouer défenseur central, c’est un choix ?
Non, à Villejuif je jouais attaquant. C’est à Viry que les coachs m’ont mis en défense centrale et en latéral droit. Ça ne m’a pas trop gêné. Je savais que j’avais les qualités pour jouer derrière. Ça a été un bon choix. Avec le recul, je me dis que j’aurais eu du mal chez les pros si j’étais resté attaquant.

Le joueur le plus fort que vous avez affronté ?
Remy Cabella lors d’un match amical Clermont – Saint-Etienne.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?
Hakeem Achour à Viry-Châtillon .

L’entraîneur ou les entraîneurs qui vous ont marqué ?
En jeunes, Moulay Chebab et Karim Benaly à Villejuif. Chez les pros, Frédéric Zago à Clermont.

Une causerie marquante d’un coach ?
Mourad Jalliti lors d’une finale de Coupe de l’Essonne U19 avec Viry-Châtillon face à Fleury. C’était notre dernière saison tous ensemble. Et il avait eu des paroles très touchantes, en disant en gros qu’il nous aimait… On a gagné la finale 3-2.

Un président marquant ?
Je dirais Fulvio Luzi à Chambly. C’est un club familial où les dirigeants sont très proches de nous.

Le club où vous pris le plus de plaisir ?
Clermont, quand j’ai intégré le groupe Ligue 2.

Photo Eric Cremois / EC-Photosports

Le club qui vous fait rêver ?
Le FC Barcelone.

Vos joueurs préférés ou joueurs modèles ?
Lionel Messi comme joueur préféré. Comme modèles, Sergio Ramos et Thiago Silva qui jouent à mon poste.

Un stade mythique ?
Anfield Road à Liverpool.

Vos amis dans le foot ?
Je ne vais pas tous les citer mais parmi eux il y a Omar Solet ( Red Bull Salzbourg ), Yacine Adli ( Milan AC ) et Bryan Teixeira ( SK Sturmgraz).

Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Omar Solet et Yacine Adli.

Vos occupations en dehors du foot ?
J’aime passer beaucoup de temps avec ma famille et mes proches.

Votre plus grande fierté ?
D’avoir la chance de pouvoir jouer au foot et d’en vivre. Je pense à ceux qui n’ont pas la santé. On est des privilégiés. Ma plus grande fierté c’est surtout aussi de pouvoir rendre fier ma famille.

Lors de sa signature à Clermont. Photo DR

Si vous n’aviez pas été footballeur pro ?
Je serais sûrement resté  dans le domaine sportif .

Le milieu du foot en deux mots ?
Endurance et Mental.

A 24 ans, qu’est-ce qui vous manque encore pour jouer à niveau plus élevé ?
C’est une question de détails maintenant. J’ai tout fait plus tard que les autres donc je prends mon temps. Je suis en progression constante. Le National, j’y ai déjà goûté la saison dernière à Chambly. Je sais que j’en ai le niveau et même plus haut, la L2, la L1…

Texte : Laurent Pruneta / Mail : lpruneta@13heuresfoot.fr / Twitter @PrunetaLaurent

Photos : Eric Cremois / EC Photosports (sauf mentions spéciales)

Photo de couverture : Eric Cremois / EC Photosports