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Julien Outrebon, sa nouvelle vie de coach

L’ancien joueur professionnel d’Amiens, Troyes et Strasbourg, qui a vécu ses plus belles émotions avec Luzenac, a entamé une carrière d’entraîneur. Après cinq saisons dans le staff du Paris FC et du FC Lorient, il aspire à s’asseoir de nouveau sur un banc, pour accompagner un staff ou, pourquoi pas, se lancer en solo !

Joueur, Julien Outrebon préférait tuer le temps pendant les déplacements en bus ou en avion avec un bon bouquin plutôt que de regarder une série, comme le font la plupart des joueurs d’aujourd’hui. Pas n’importe quel type de bouquin : en général, le sujet concernait le management sportif ou la préparation mentale chez le sportif de haut niveau. Des thèmes à la mode, qui l’ont toujours intéressé. « Oui, je lis beaucoup de biographie de coachs, qui parlent de leur expérience, raconte le natif d’Epernay (Marne). C’est vrai que la préparation mentale est quelque chose de très important dans le foot. Je m’y intéresse beaucoup. C’est même primordial. Je pense que c’est une des facettes du métier d’entraîneur aujourd’hui, et que c’est indispensable d’avoir quelques « billes », de se former sur ce sujet. J’ai encore des progrès à faire dans ce domaine, comme sur le domaine du management. C’est important d’avoir le ressenti des joueurs, de les comprendre. »

Formation à l’Amiens SC, des poussins à la Ligue 2 !

Le bientôt quadra – il fêtera ses 40 ans en juin – a stoppé sa carrière pro voilà 6 ans maintenant. Elle avait commencé à l’ASPTT d’Amiens en débutants et surtout à l’Amiens SC, des poussins jusqu’en Ligue 2, pour s’achever à Luzenac.
Depuis, il s’est lancé dans une autre carrière, pas trop éloignée : celle de coach ! Avec, déjà, deux expériences extrêmement enrichissantes, dans des clubs professionnels, au Paris FC et au FC Lorient, où il a occupé le rôle d’adjoint.

Deux expériences hyper enrichissantes. « J’ai su assez tôt que je voulais devenir entraîneur, raconte celui qui a aussi porté les maillots de Troyes et Strasbourg (il compte près de 300 matchs en National et une cinquantaine en Ligue 2). D’ailleurs, à 28 ans, quand j’étais à Troyes, en Ligue 2, je passais déjà mes diplômes en parallèle. Je me suis dit que je n’allais pas attendre la fin de ma carrière de joueur pour le faire. Pour moi, aujourd’hui, entraîner, c’est vraiment une suite logique. Comme une évidence. J’ai validé mon DES (diplôme d’entraîneur supérieur de football) à Troyes, ce qui me permet de coacher jusqu’en National 2. Avant, le DES permettait d’entraîner en National. »

Luzenac, quelle histoire !

Avec Christophe Pélissier, dont il fut l’adjoint à Lorient pendant 3 saisons.

Sa carrière de joueur a pris fin en 2017, après une dernière saison couronnée d’une accession en National 3 avec Luzenac, le club où, comme il le raconte dans l’interview « Tac au tac » un peu plus loin, il a vécu ses plus belles émotions, en 2013-14.

Il faut dire que, cette saison-là, le club de ce village de 500 habitants a déjoué tous les pronostics en National en accédant – sur le terrain – en Ligue 2 ! Un exploit retentissant qui, malheureusement, n’a pas eu de suite, ou plutôt si, mais juridico-administrative : faute de stade, l’équipe entraînée alors par un certain Christophe Pélissier – dont il sera l’adjoint durant trois ans à Lorient – fut recalée à l’examen de passage et rétrogradée en Division d’Honneur Régionale (Régional 2).

« Luzenac, ce fut une fabuleuse aventure ! Quand j’y suis retourné deux ans après, en DH, il restait quelques anciens, comme le coach Sébastien Mignotte, qui était joueur l’année de la montée en L2, et d’autres. Pour moi, c’était une façon de boucler la boucle. Cette saison historique a crée des liens forts entre nous. On est resté en contact. D’ailleurs, on a toujours un groupe sur Whatsapp, on communique régulièrement, on se fête nos anniversaires, on commente ce qui se passe dans le foot, c’est cool ! »

La montée en National 3, qui sera bel et bien effective cette fois, est le moment choisi par Julien pour ranger les crampons et enfiler le survêtement, à 33 ans. Il part relever le difficile challenge du maintien en N3 avec l’équipe réserve du Paris FC, la casquette de coach sur la tête, avant, au bout de trois mois, de basculer chez les pros, en Ligue 2, dans le staff, aux côtés de Fabien Mercadal. La deuxième saison au PFC, il la passe à la tête des U17, histoire d’ajouter une nouvelle corde à son arc.

« Quand je suis arrivé au PFC, le club cherchait un coach pour la réserve, ils avaient du mal à trouver. Mais en 2017, ce n’était pas encore le Paris FC d’aujourd’hui. Il n’y avait pas encore les nouvelles installations. Je suis arrivé sans expérience et sur le tard, c’était un chantier, mais je voulais mettre un pied dedans, je ne le regrette pas, même s’il a fallu que j’apprenne le métier rapidement, appris sur le tas. Ensuite j’ai eu des circonstances favorables puisque l’adjoint en Ligue 2 était en arrêt de travail, du coup j’ai jonglé entre la réserve et la Une pendant un certain temps, j’ai fait des semaines à 90 heures, je ne voyais pas beaucoup ma famille, je faisais 1h30 de route pour aller bosser ! Cette période m’a fait gagner en confiance et en autonomie. »

En observation à Guingamp et à Auxerre

Après Paris FC, direction Lorient, où il retrouve celui qui l’avait coaché à Luzenac puis à Amiens en National, la saison suivante, Christophe Pélissier : « Avec Christophe, on n’a jamais coupé le lien. On est toujours resté en contact. Même encore aujourd’hui. Je suis allé en stage d’observation récemment à Auxerre, où il est entraîneur depuis quelques mois, en Ligue 1. Et aussi à Guingamp. »

A Lorient, les résultats sont exceptionnels : la première saison, les Merlus accèdent en Ligue 1 avant d’obtenir deux maintiens consécutivement. « Au FC Lorient, j’étais second adjoint, en charge de l’animation et de l’organisation des séances, des CPA (coups de pied arrêtés), de la vidéo, du marquage, ce que je faisais déjà au PFC. »

Une fois le deuxième maintien en Ligue 1 assuré, au terme d’une saison 2021-2022 éprouvante, durant laquelle le FC Lorient a sans cesse regardé vers le bas, le staff n’a pas été reconduit. Du coup, Julien s’est retrouvé au chômage. Pas bien longtemps. Depuis le mois de décembre dernier, il est devenu adjoint de la sélection de Mauritanie, dans un staff où Amir Abdou, le sélectionneur, a pour mission de qualifier son pays pour la prochaine coupe d’Afrique des Nations.

Fin mars, en matchs éliminatoires de la CAN (groupe I), la Mauritanie s’est inclinée 3-1 sur le terrain la République démocratique du Congo avant de faire match nul (1-1) cinq jours plus tard à domicile. La course pour la 2e place de la poule, synonyme de qualification, occupée aujourd’hui par le Gabon, est ouverte ! « On est 3e, à 1 point du 2e. On a encore deux matchs, l’un au Soudan (12 juin) et l’autre à domicile contre le Gabon (4 septembre). Tout est possible. Après, en termes de travail, d’investissement, c’était chargé aussi, hyper-condensé. En très peu de temps, on a dû bosser sur les séances, la vidéo, préparer les séquences tactiques, parler aux joueurs, y’a vraiment beaucoup de choses à faire, dans un laps de temps court puisqu’on a eu deux matchs en dix jours. »

« Il faut bosser dur »

S »il apprécie ce nouveau travail en sélection, différent, Julien, qui a aussi joué à Cherbourg, Sannois-Saint-Gratien, Fréjus et Créteil en National, aspire cependant à retrouver une vie de club au quotidien et, pourquoi pas, se lancer comme numéro 1 : « C’est vrai que j’envisage de prendre une équipe, cela va faire 6 ans maintenant que je suis dans un staff, d’ailleurs, j’envisage de passer mon BEPF même si je sais qu’il y a beaucoup de postulants et peu d’élus. Après, pourquoi ne pas aussi réintégrer un staff technique dans un club professionnel, en Ligue 1 ou en Ligue 2 ? En fait, c’est ça l’idée, être adjoint ou prendre une équipe, un club de National 2 par exemple, ce serait idéal, histoire de mettre les deux pieds dedans ! »

Là encore, les places sont chères. Très chères. D’abord parce que les présidents de club sont parfois réticents à donner leur chance à de « jeunes » entraîneurs qui n’ont pas encore entraîné « seul », quand bien même ils possèdent une grande expérience du milieu professionnel. Et aussi parce que, et c’est mathématique, avec la réforme des championnats et la diminution du nombre de clubs de la Ligue 1 au National 3, les bancs seront moins nombreux.

Mais Julien croit en une chose : le travail ! « Il faut bosser dur ! Il faut aimer ce que l’on fait, être passionné. Entraîner, c’est beaucoup d’investissement, c’est aussi beaucoup d’émotion aussi, et ça, ça manque : par exemple, la montée en Ligue 2 avec Lorient était un grand moment sur le plan émotionnel; le maintien en Ligue 1 aussi ! On fait ce métier aussi pour vivre de tels moments. Passer de joueur à entraîneur, c’est très différent : ce n’est pas du tout la même chose ! Le volume de travail est bien plus conséquent, on passe la journée au stade, à réfléchir, à étudier les adversaires, à préparer des choses. Bien sûr, les joueurs d’aujourd’hui « bossent » plus qu’à mon époque quand même, mais quand tu es joueur, tu restes essentiellement focalisé sur ta préparation. »

Julien Outrebon, du tac au tac

Face au FC Rouen entre Burel, Louiron et Dragon. Photo Bernard Morvan

Meilleur souvenir sportif ?
La montée en Ligue 2 avec Luzenac. Même si ça c’est mal terminé. Ce fut l’accomplissement d’une saison. La montée fut logique. Luzenac, 500 habitants, qui monte en Ligue 2, c’est un truc de fou ! Les émotions qui ont suivi, c’était vraiment énorme. Malgré les problèmes extrasportifs qui ont suivi, ça reste inoubliable. Et c’est là que j’ai connu Christophe (Pélissier).

Pire souvenir sportif ?
Le dépôt de bilan avec Strasbourg, en 2010-11, on finit 4e du championnat, on avait une belle équipe. On avait effectué une remontada et échoué de peu pour la montée. Je jouais avec mon meilleur ami, Yohan Betsch, et je retrouve le même coach, Laurent Fournier, que j’avais eu à Créteil la saison précédente. C’est dommage, je m’y sentais bien, et puis c’est Strasbourg quoi !

Combien de buts marqués ?
Je crois que j’en ai marqué 12 !

Le plus beau ?
Quand je suis prêté en National à Cherbourg par Amiens (2004-05), on perd 1 à 0 chez nous contre le FC Rouen, et j’égalise sur coup franc de 25 mètres, une barre rentrante au-dessus du mur ! On avait gagné 4-1.

Avec Créteil. Photo Bernard Morvan.

Pourquoi as-tu choisi d’être footballeur ?
Gamin, j’aimais me dépenser, courir, marquer des buts aussi parce que j’étais attaquant au départ ! J’ai toujours été très compétiteur aussi, et donc c’est ça qui a fait que j’ai joué au foot. C’était une évidence. J’ai fait du judo aussi jusqu’à l’âge de 15 ans. J’étais ceinture bleue.

Tu as été attaquant ?
Oui, jusqu’en moins de 13 ans et après je suis passé excentré en moins de 15 puis défenseur central en moins de 17 ans.

Ton geste technique préféré ?
L’amorti-poitrine ! J’ai toujours adoré faire ça sur les longs ballons. Comme j’étais beaucoup dans l’anticipation, sur les dégagements des gardiens adverses, je faisais ce geste !

Qualités et défauts sur un terrain, selon toi ?
Qualité, l’anticipation : vu mon profil athlétique, j’ai dû développer d’autres qualités parce que je n’étais pas très costaud. Sinon, pour les défauts, je râlais beaucoup auprès des arbitres, je m’énervais, donc il fallait gérer ça !

Le club ou l’équipe où tu as pris le plus de plaisir ?!
Luzenac. Mais aussi Strasbourg car on a fait une saison exceptionnelle.

L’erreur de casting ?
Il faut prendre le meilleur de chaque expérience, même quand cela se passe moins bien. Donc aucune.

Le club où tu as failli signer ?
Quand j’étais à Sannois, je jouais latéral, y’avait un scout de la Fiorentina qui était venu me voir ! Il n ‘y a pas eu de suite mais c’était sympa !

Le club où tu aurais rêvé de jouer, dans tes rêves les plus fous ?
Le Real Madrid, ça fait rêver ! C’est une institution.

Un stade et un club mythique pour toi ?
Santiago Bernabeu. J’y suis allé une fois, y’a trois ans. Ils refont le stade, ça va être extraordinaire.

Un public qui t’a marqué ?
Lens. Plus particulièrement, pour y avoir joué, et aussi y être allé en spectateur, pour les adieux d’Eric Sikora sur le terrain, un souvenir extraordinaire, j’avais les poils qui se dressaient. Quelle ferveur ! Quel respect !

Un coéquipier marquant ?
Stéphane Pichot, avec qui j’ai joué à Strasbourg, et qui est devenu un ami proche. Lui, c’était la rigueur, le travail, l’efficacité. Ce n’était pas un joueur super-côté en Ligue 1 mais il était toujours présent, jamais blessé. C’était un exemple pour moi. Un mec en or. Une belle rencontre.

Le coéquipier avec lequel tu avais ou tu as le meilleur feeling sur le terrain ?
Avec Milovan Sikimic à Strasbourg. On avait deux profils différents. Lui était plus grand et costaud, il était plus dans les duels, on avait une velle complémentarité. J’ai adoré jouer avec lui.

Le joueur adverse qui t’a le plus impressionné ?
Alexandre Licata, quand il jouait à Louhans-Cuiseaux. J’avais joué contre lui quand j’étais à Sannois. Je l’avais trouvé monstrueux à l’époque. Il n’a pas fait la carrière qu’on lui prédisait, mais il avait des grosses qualités.

Un coéquipier perdu de vue que tu aimerais revoir ?
Et bien Milovan Sikimic justement ! Je l’ai de temps en temps par message mais très rarement. Il est reparti vivre en Serbie donc forcément c’est compliqué.

Un coach perdu de vue que tu aimerais revoir ?
C’est le coach des U13 à l’Amiens SC, claude Caux, il m’a marqué. Il m’a fait progresser. Mais il est décédé. Après il y a Manu Pires aussi, que j’ai eu en U17 à Amiens.

Un coach que tu n’as pas forcément envie de revoir ?
Je ne le citerai pas !

Un président ou un dirigeant marquant ?
Le président d’Amiens Pascal Pouillot, il était très charismatique. C’était à mes débuts, à Amiens. Il avait de la prestance.

Une consigne de coach que tu n’as jamais comprise ?
Euh…. Joker !

Une anecdote de vestiaire que tu n’as jamais racontée ?
Mon ami et coéquipier Yohan Betsch faisait la pieuvre dans les vestiaires, et il nous suivait partout comme ça ! Il faisait beaucoup de conneries (rires) !

Le joueur le plus connu de ton répertoire ?
Stéphane Pichot, ou Nicolas Dieuze peut-être.

L’entraîneur le pus connu de ton répertoire ?
C’est Christophe Pélissier (rires) !

Des rituels, des tocs, des manies ?
J’en avais plein, c’était ça le problème ! Toute la préparation de mes matchs avec la musique, la tenue… J’étais maniaque.

Une devise, un dicton ?
Le travail paie.

Tes passions dans la vie ?
L’immobilier.

Un plat, une boisson.
Eau pétillante et lasagnes.

Musique, ciné ?
J’écoute de tout, du rap, de la variété française, et pour le ciné, comme film culte, j’aime beaucoup « L’enfer du dimanche » avec Al Pacino, sur le football américain.

Que t-a-t-il manqué pour jouer en Ligue 1 ?
De la puissance athlétique et de la vitesse. Si j’avais été pus grand et plus costaud…

Termine la phrase en un mot : tu étais un joueur plutôt …
Correct !

Un modèle de défenseur ?
Laurent Blanc et Paolo Maldini, la classe. J’aimais relancer, donc je regardais beaucoup leur façon de faire. J’aimais leur côté leader. Ils étaient capable de bien défendre, ils étaient aussi dans l’anticipation. J’ai essayé de m’inspirer d’eux.

Un match de légende pour toi ?
PSG – Real (4-1, 1993) avec la fameuse tête d’Antoine Kombouaré.

Une idole de jeunesse ?
Zidane. Quand la France a gagné en 1998, j’avais 15 ans.

Plus grande fierté ?
Vivre de ma passion. Se lever, aller faire ce que tu aimes, c’est extraordinaire, c’est une chance, que je veux retrouver, ça me manque.

Le milieu du foot, en deux mots ?
Pour moi, le foot, ce sont les émotions et aussi la méfiance, je pense aux promesses non tenues, aux gens qui veulent prendre votre place.

Meilleur souvenir sportif de coach ?
Le maintien de Lorient en Ligue 1 à la dernière journée, à Strasbourg.

Pire souvenir sportif ?
Les séries de défaite, ce n’est pas facile. On cherche toujours des solutions. C’est dur à vivre pour un staff.

Plus belle Saison ?
Celle où on est monté en Ligue 1 avec Lorient, parce qu’on gagne beaucoup de matchs, les semaines sont plus faciles à vivre, forcément, pour le staff et pour les joueurs.

Un modèle de coach ?
Je me nourris de mes expériences de joueurs, et donc des coachs avec qui j’ai travaillé; sinon, dans les coachs connus, je dirais Klopp et Zidane. Je pioche.

Meilleur coach côtoyé ?
Christophe Pélissier.

Meilleurs joueurs entraînés ?
Fabien Lemoine à Lorient : il était très important pour nous, pour sa qualité technique, pour son exemplarité, pour son volume de jeu, pour son professionnalisme, dans sa gestion des matchs, sa vision du jeu. Et il avait 34 ou 35 ans !

Texte : Anthony BOYER / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @BOYERANTHONY06

Photos : FC Lorient / Bruno Perrel et DR