La nouvelle vie de Faneva Andriatsima

L’ex-attaquant et capitaine de Madagascar a rangé les crampons et endossé le costume d’entraîneur avec les U18 R1 du Clermont Foot. Il est aussi très impliqué dans le développement de son île où il oeuvre pour la jeunesse.

Faneva (à gauche), ici avec son homologue d’Issoire, l’ex-pro Kevin Das Neves, pour son premier match avec les U18 R1 de Clermont.

Fanéva Andriatsima a fait ses premiers pas de footballeur sur son île de Madagascar, à Antananarivo, sa ville natale, mais c’est à l’école nantaise, après avoir été repéré par les recruteurs du club de Loire-Atlantique lorsqu’il évoluait à l’USCA Foot (Union sportive de la commune urbaine d’Antananarivo), qu’il a appris les ficelles du métier.

Avant des expériences en Arabie Saoudite (2019-2020), puis aux Emirats arabes unis (2020-2021), « Fané », comme on le surnomme, a porté le maillot de nombreux clubs en France : Nantes bien sûr (7 matches avec les pros), Cannes (National, Janvier à mai 2008, prêté par Nantes), Boulogne (Ligue 2, 2008-09), Amiens (National, 2009-2010), Beauvais (National, 2010-12), Créteil (National et L2, 2012-2016), Sochaux (L2, 2016-17) ou encore Le Havre (L2, 2017-18) et Clermont (Ligue 2, 2018-2019).

Sous le maillot de l’AS Cannes.

Sélectionné à 42 reprises avec Madagascar, l’attaquant aux 14 buts pour les « Baréas » avait été l’une des révélations de la Coupe d’Afrique des Nations 2019. Invités surprises de la compétition, les Malgaches s’étaient hissés en quart de finale avec une défaite logique contre la Tunisie (0-3).

Retraité des terrains depuis peu, après une dernière saison pour le plaisir à Riom (Puy-de-Dôme) en Régional 1, Fanéva Andriatsima endosse aujourd’hui, à 38 ans, le costume d’entraîneur. Et alors que certains rêvent de prendre immédiatement les commandes du PSG, du Milan AC ou de Manchester City, il a décidé de partir du bas de l’échelle avec les U18 R1 du Clermont Foot. Ses débuts ont été victorieux mais folkloriques samedi dernier pour la première journée de championnat, à Issoire.

« Coup de chapeau aux éducateurs et aux entraîneurs du foot amateur »

Sous le maillot d’Amiens.

Qu’est-ce-qui t’a poussé à endosser le costume d’entraîneur ?
Lorsque la fin de carrière approche, il faut forcément penser à sa reconversion. Pendant mon passage en Arabie-Saoudite, j’étais seul puisque ma femme et mes enfants étaient restés en France. Du coup j’avais du temps pour moi, pour réfléchir à la suite. Avec l’aide de l’UNFP, je me suis lancé dans la préparation du DUGOS (Diplôme Universitaire Gestionnaire des Organisations Sportives). C’est une idée que j’avais en tête depuis un moment, mais il fallait que je trouve le moment idéal. Je savais que ça me serait utile pour le futur et puis c’était l’occasion de reprendre des études. Je l’ai validé en juin dernier. J’espère pouvoir passer le BEF en 2023.

« Développer le foot à Madagascar »

Tu commences tout juste ton expérience de coach avec les U18 de Clermont. Quel bilan fais-tu de ces premières semaines ?
Que c’est un métier bien plus difficile qu’on ne le pense. Et encore plus avec des jeunes, même si pour la plupart ils ont déjà dix ans de foot derrière eux et que cela facilite un peu les choses. Je dis bien un peu. Je tire mon chapeau aux éducateurs et aux entraîneurs du monde amateur car le quotidien n’est jamais simple. L’an dernier encore, je jouais à Riom en R1 et je me suis rendu compte qu’en amateur ce n’est vraiment pas facile. Il faut organiser une ou deux séances dans la semaine avec des horaires qui conviennent à tout le monde, avoir du matériel… Là avec les U18, le plus compliqué est de trouver les mots justes pour leur donner confiance, les guider, créer un déclic dans leur tête et leur faire comprendre que les U19 sont accessibles.

Comment s’est passé ce premier match ?
On a gagné 1-0 à la 85e contre Issoire, donc bien du point de vue du résultat. Mais que ce fut difficile comme début ! Au bout de vingt minutes, mon gardien a pris un carton rouge direct. En U18, je n’ai que quatorze joueurs sur le banc, donc pas de gardien remplaçant. J’ai dû réfléchir très vite à quoi faire. Dans un premier temps, je me suis mis en retrait des joueurs, j’ai attendu que mon gardien sorte. Ils se connaissent depuis longtemps et ce n’était pas forcément à moi de désigner le gardien remplaçant. Un de mes joueurs y est allé de lui-même et ça c’est bien passé. À la mi-temps j’ai fait quelques réajustements pour jouer en 4-4-1 avec deux 6 et deux 10 pour nous donner un peu plus d’équilibre sur les côtés.

En plus de ton rôle d’entraîneur et de consultant avec Canal + Afrique, tu es très impliqué dans une école de football à Madagascar…
Ça fait un an et demi que je gère l’école de foot 67City FC. Dans l’idée, avec deux gros partenaires, Havana Resort & Spa et NIM (Nouvelle Institut de Micro Finance), nous voudrions faire un centre de formation pour d

Faneva Andriatsima du tac au tac

« Avec Créteil, je savais qu’on allait monter en L2 ! »

Premier match en pro ?
C’était à la Beaujoire contre Amiens je crois. J’étais entré en fin de match. J’arrive de Madagascar en juillet 2007 et trois mois plus tard, Michel Der Zakarian m’appelle dans le groupe. Je venais de mettre un quadruplé avec la sélection. J’ai dû disputer vingt minutes mais j’étais cuit au coup de sifflet final. Je courrais dans tous les sens, je voulais me jeter sur chaque ballon. J’étais comme un fou sur une pelouse et un stade que je découvrais.

Premier but en pro ?
Avec le FC Nantes, toujours en 2007. On dispute un tour de Coupe de France à Saran. J’ai encore la vidéo à la maison. Je me souviens que je fais une feinte de passe avant de marquer du plat du pied. C’est mon premier but avec les Canaris en pro. Avant ça, je claque six buts en trois mois en réserve avec la CFA, je fais des passes décisives et je porte le brassard de capitaine. C’était incroyable.

Le joueur le plus fort avec qui tu as joué ?
A Nantes, il y avait des gros calibres quand même. Alors si je dois en retenir deux, ce serait Dimitri Payet et Fabien Barthez. D’ailleurs, l’année de la montée de Luzenac en Ligue 2 – alors que j’étais à Créteil – le club de l’Ariège m’avait appelé pour prendre la température. J’avais un peu réfléchi et puis l’interdiction de monter pour le club Luzenac avait vite réglé le problème.

Le joueur le plus fort contre qui tu as joué ?
Bernardo Silva quand j’étais à Sochaux. Fin techniquement, impossible à rattraper. Avinel – Da Silva à Clermont aussi : c’était la meilleure paire de la Ligue 2 à ce moment là. Et je n’ai pas revu ça. C’était quelque chose. Et puis Ekobo devant c’était costaud. C’était chiant de les jouer. Là, il y avait deux costauds hyper rapide. Impossible d’aller au combat.

Le stade qui t’a procuré la plus grande émotion ?
À Sochaux. C’est un club historique avec une vraie ferveur et j’ai pris du plaisir à jouer à Bonal. Je n’ai pas connu une si belle ambiance dans les autres équipes par lesquelles je suis passé. Hormis La Beaujoire à Nantes, mais je n’y étais pas un acteur principal. Donc c’est différent.

Le stade que tu n’aimes pas ?
Ce n’est en tout cas pas un souvenir agréable. J’avais 20 ans et je jouais à Madagascar avec l’USCA Foot. En 2005, on dispute un match aller/retour en 1/4 de finale de qualification pour la Coupe des Confédérations face à Al Merreikh, une équipe de Khartoum au Soudan. On gagne 3-1 chez nous à l’aller et on prend 3-0 au retour. Mais c’est surtout le contexte qui m’a marqué. On reconnaît le stade la veille du match et les gens nous crachent dessus, caillassent le bus. On ne voulait pas jouer. J’avais peur. Vraiment. Je n’avais jamais vu ça. On perd 3-0 avec deux pénos…

Avec le brassard de capitaine sous le maillot de la sélection de Madagascar.

Ta plus grande joie ?
Assurément la Coupe d’Afrique des Nations en 2019. Ce fut une délivrance incroyable pour tout un pays. J’avais beaucoup de responsabilités dans l’équipe, je faisais en sorte que nous ayons le plus d’aide possible pour préparer la compétition et les matchs.

Les dirigeants n’aimaient pas je sois si présent et via la presse, ils faisaient en sorte que le public soit contre moi.

La Fédération cherchait une sorte de bouc émissaire. Alors aller en 1/8e de finale, marquer et nous qualifier en ¼ de finale fut un moment magique.

Il fallait être fort dans la tête pour ne pas lâcher. Ça a été un grand soulagement pour ma famille et mes ami(e)s.

Ta plus grande déception ?
Lors de ma première saison en Arabie-Saoudite. Je jouais à Abha, je marque 12 buts et la veille de la fermeture du mercato, je comprends que je ne vais pas être prolongé alors que je suis en fin de contrat. Je voulais rester dans l’équipe, j’étais très bien là-bas et je l’ai vécu comme une injustice. Le soir même, nous jouons contre le Al Hilal de Bafé Gomis et je pense que j’inscris le plus beau but de ma carrière. J’avais la rage, je voulais montrer à mes dirigeants qu’ils avaient torts.

Sous le maillot de Beauvais.

Un transfert improbable ?
Créteil, sans l’ombre d’un doute. En 2012, je suis à Beauvais et pour aider à sauver l’équipe, je termine latéral gauche. On descend quand même en CFA et je refuse de prolonger. Je me retrouve donc au chômage avec ma femme et mon fils qui débarquent en France. Je contacte un copain malgache sur Paris pour savoir s’il n’y a pas moyen de passer un test à Créteil. Et coup de chance, le club cherche un attaquant…et un latéral gauche. Je dis que je peux occuper les deux postes (rires). Finalement, ils font rapidement signer Cordoval sur le côté et me voilà à faire un test pendant deux jours avec Jean-Luc Vasseur pour un poste de buteur. On joue un amical contre Sedan, je marque et Jean-Luc me demande de rester une semaine de plus. Je remarque contre Le Mans, je continue le test, puis je marque encore contre le Red Star. En tout l’essai a duré trois semaines parce que les dirigeants étaient en vacances et il n’y avait personne pour me faire signer. Mais je voulais vraiment jouer pour Créteil. Il y avait une équipe complète avec Cheikh (Ndoye), Jean-Mi’ (Lesage), Boris (Mahon De Monaghan), Baga (Bagalyi Dabo) et je savais que nous monterions en Ligue 2. Et c’est ce qu’il s’est passé avec 15 buts pour moi cette saison-là.

Sous le maillot de Créteil.

Texte : Julien Leduc / Mail : @jleduc@13heuresfoot.fr / Twitter : @juleduc

Photos : Philippe Le Brech et DR