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Le jour où Jean-Pierre Bosser, dit « Bobosse », a marqué de 60 mètres avec Brest !

Le recordman du nombre de matchs disputés avec le Stade Brestois en première division a longtemps détenu un autre record, celui du but le plus lointain ! Il raconte cet exploit et retrace sa carrière très riche, très longue et surtout … truffée d’anecdotes truculentes ! Un régal !

Aujourd’hui, son but des 60 mètres ferait le buzz sur les réseaux. En février 1986, l’image était plus rare mais elle existe et le « Téléfoot » de Thierry Roland l’avait passée en boucle. C’est un des grands moments de la carrière de Jean-Pierre Bosser qui a fait valoir ses droits à la retraite en avril dernier et qui nous a reçus chez lui, à Peumerit, en plein coeur de son Pays Bigouden, dans le Finistère. Une heure et demie d’échanges pour refaire ce but et ce match de première division avec le Stade Brestois contre le Sporting-club de Toulon au stade Mayol. Et pour refaire aussi défiler sa vie de footballeur, qui sort vraiment des sentiers battus.

  • Le but de 60 mètres de Jean-Pierre Bosser avec Brest, à Toulon, en Division 1 (saison 1985-1986)

Alors Jean-Pierre, toujours entraîneur ? « Non terminé ! Je touche ma retraite depuis le 1er avril (il a eu 62 ans le 22 mars) et je n’ai plus envie d’aller me « geler les couilles » sous la pluie pour seulement cinq ou six joueurs à l’entraînement alors que les autres n’en ont rien à foutre ».

Du Jean-Pierre Bosser dans le texte. Une figure du foot breton et français dans les années 80. Mais on vous parle d’un temps que les moins de… 40 ans ne peuvent pas connaître. Sauf qu’ils ont raté quelque chose, ces « jeunes ». Et 13 heures foot leur propose, ainsi qu’aux autres d’ailleurs, de (re)découvrir le personnage.

« Une légende »

Du temps l’US Crozon-Morgat, lorsqu’il étaitentraîneur-joueur. Christian Rose Cornouaille Photo.

« Une légende » disent ceux qui l’ont côtoyé. Sur les terrains, au poste de défenseur axial ou latéral, d’abord au Stade Quimpérois, quand il n’avait pas encore ses jambes de 20 ans (en D2 de 1977 à 1979), puis au SCO Angers (D1 de 1979 à 1981), à Montluçon (D2 en 1981-82), au Stade Brestois (180 matchs en D1 de 1982 à 1988, le record à Brest !), à l’OGC Nice (D1 en 1988-89), au Paris Saint-Germain (de 1989 à 91 en D1) et enfin à Mulhouse (de 1991 à 1993 en D2).

Ou, plus tard, juste à côté des terrains, lorsqu’il était entraîneur-joueur, puis entraîneur, exclusivement en Bretagne, dans son Sud-Finistère natal, à Pont l’Abbé, au TGV (Treffiagat – Guilvinec), Plozévet, Coray, Crozon, Landudec, Tréogat, Pouldreuzic… Mais en passant quand-même par une escale exotique, à Saint-Denis de la Réunion en 2013.

Son cheval d’orgueil

Jean-Pierre Bosser, dit « Bobosse », comme l’avait surnommé Georges Cadiou, l’ancien journaliste de Radio-Bretagne-Ouest (RBO), est né en 1960 à Pouldreuzic, au pays du paté Hénaff, là où Pierre-Jakez Hélias, l’auteur bigouden, situe son « Cheval d’orgueil ».

Mais pour le Big Boss, « Big » pour le double sens Bigouden / grand (1,86m), et « Boss » comme Bosser, son cheval de bataille, son orgueil, c’est la longévité de sa carrière : presque 400 matchs (396) en D1 et D2 sur 15 ans. Une belle tranche de vie de footballeur ponctuée d’exploits et d’anecdotes.

« Le joueur qui a disputé le plus de matchs de Division 1 avec Brest »

Le Stade Quimpérois : « On avait une grosse équipe ! »

« C’est là que tout démarre. En 1977. J’ai 17 ans, c’est le pied à l’étrier. La deuxième saison, on avait une grosse équipe avec Dusé, Jankovic, Castellan et les régionaux, Roger Le Corre ou Jean Cariou. Après, je pouvais partir à Saint-Etienne, à Nantes ou à Angers, et j’ai signé au SCO Angers sur les conseils de mon père. Il m’avait dit que ce serait plus facile pour moi de pointer mon nez en D1 en passant par Angers. »

Les années brestoises (1982 – 1986) : « J’étais le poteau de l’équipe ! »

180 matchs de Division 1 au compteur avec le Stade Brestois ! Qui dit mieux ? Personne. « Six ans ! J’étais le poteau de l’équipe et François Yvinec, le président, m’avait demandé de prendre en charge les joueurs étrangers quand ils arrivaient pour qu’ils ne mettent pas deux mois à s’acclimater. En un week-end, c’était réglé et je disais à Yvinec que je lui permettais de faire des économies. Avec lui, quand on se téléphonait, on se parlait en Breton car il était sur table d’écoute après les histoires en Colombie pour ramener Cabanas ! »

Son but de 60 mètres : « Olmeta ne m’en a pas voulu »

« Robert Dewilder, mon coach à l’époque à Brest, m’avait alerté sur les sorties parfois aventureuses de Pascal Olmeta, le gardien toulonnais. On savait qu’il faisait un peu le dingo et ce but, ça lui a d’ailleurs coûté sa place de troisième gardien à la Coupe du Monde 86 au Mexique. J’étais à un mètre du rond central quand je récupère le ballon dans ma partie de terrain et que j’envoie une frappe de mule. C’était ma marque de fabrique, passe longue, intérieur et extérieur du pied. Du coup, je me suis retrouvé dans le Guinness book. Après, j’ai revu Olmeta quand il était au Matra Racing et moi au PSG. On habitait dans le même lotissement. Je lui avais dit désolé pour le Mondial. Il ne m’en voulait pas. »

OGC Nice : « J’ai invité Yves Montand au stade du Ray ! »

« Quand j’étais à l’OGC Nice (1988-89), je jouais aux boules avec Yves Montand à Saint-Paul-de-Vence et je l’avais invité à un match au Ray. Il n’avait jamais vu un match de football mais il est venu, tout en blanc, même le chapeau. Toute la presse était autour de lui. Il est même descendu dans les vestiaires et il m’a invité au resto à Juan-les-Pins. J’étais tout seul avec lui, il avait bloqué le resto pour nous deux. Après, il m’avait vendu sa bagnole, une Golf GTI, pour trois fois rien. J’ai revendu la plaque d’immatriculation à un antiquaire pour bien plus cher. »

Paris Saint-Germain (1989-91) : « Michou m’a dit que j’avais de belles cuisses ! »

« C’est Tomislav Ivic qui m’avait recruté. Il voulait un grand gabarit avec une grosse frappe. Il y avait Susic, Bibard, Jeannol… Je jouais latéral droit. Je me souviens que Michou était venu dans les vestiaires, il s’était assis à côté de moi et m’avait dit que j’avais des belles cuisses ! Après, il m’avait invité chez lui à l’apéro avec Joël Bats et avait voulu me faire passer pour son fiancé pour faire revenir celui qui l’avait quitté. Et ça avait marché, il était revenu ! Je devais rester au PSG, Borelli m’avait proposé trois ans de plus car j’avais fait les trois derniers matchs au poste de libero en récupérant à chaque fois les cinq étoiles France-Football. Mais Canal + avait racheté le club et ne gardait aucun des joueurs en fin de contrat. J’étais en contact avec le Sultanat d’Oman, c’était 30 briques (300 000 francs, Ndlr) dans une boîte à chaussures au début de chaque mois. Ils payaient tout sauf le lavage du linge. J’ai refusé et je le regretterai toute ma vie. J’avais aussi le Red-Star et Mulhouse, où je suis parti. »

Christian Rose Cornouaille Photo.

Mulhouse : « Genghini, je l’aurais étripé ! »

« C’est Robert Dewilder qui m’avait fait venir (1991) mais la deuxième année, c’était Bernard Genghini le coach et là ça s’est très mal passé. Il ne me faisait plus jouer, ou très rarement, et je crois que si les autres joueurs ne m’avaient pas retenu, un jour, je l’aurais étripé. »

Frédéric Johansen : « Il me double en voiture et… terminé… »

« A Mulhouse, Fred, il était tous les jours chez moi. C’était mon petit poulet. Il était international espoirs, il avait 20 ans, et tous les espoirs, justement, lui étaient permis. Mais un jour, en allant chez moi, il me double en voiture alors qu’il y avait une camionnette devant et il a pris un arbre. Terminé (1992). »

94 plombs de chasse dans la cuisse

Sur la jambe de « Bobosse », on aperçoit les traces de plomb (les points blancs). Photo D. V.

« C’est à la suite d’une embrouille dans une boîte de nuit avec la femme d’un copain qui s’était fait bousculer par trois types.

J’en avais chopé un mais ils m’attendaient à la sortie 2 heures plus tard.

Ils sont passés en bagnole et m’ont tiré dessus au fusil de chasse : 94 plombs dans la cuisse.

Heureusement que ce n’était pas plus haut ! J’étais à l’armée (1981) et je me suis retrouvé à l’hôpital militaire à Brest où on me parlait d’amputation. Je ne voulais plus dormir de peur qu’ils en profitent pour me couper la jambe qui avait doublé de volume.

J’ai mis six mois à me remettre mais je suis revenu à la Rambo. Mon père m’a dit que j’avais été costaud. Quand ça allait mieux, j’en ai profité pour faire des matchs d’essai avec Brest et Rennes. Les deux me voulaient. J’ai choisi Brest. »

L’expérience de la Réunion

« Le soleil ce n’est pas mon pain-beurre », avait-il confié au « Télégramme » au retour de son expérience d’entraîneur à Saint-Denis de la Réunion (2013). « C’était trop chaud. Il fallait s’entraîner à 6 ou 7 heures du matin. Ou le soir. Et il y avait un problème de président. Les joueurs n’étaient pas payés et s’asseyaient sur le terrain. Je suis tombé dans le mauvais truc au mauvais moment. Mais quand je suis parti, sur mes vingt joueurs, il y en avait dix-huit à l’aéroport pour me dire au-revoir. Je n’avais pas dû faire du trop mauvais boulot. »

Jean-Pierre Bosser du tac au tac

« Ma femme m’a dit qu’un « monsieur Houillière » m’avait appelé… »

Le plus beau souvenir de footballeur ?
« Celui qui m’a le plus ému, le plus poignant, c’est au Stadio Comunale, quand on joue en Coupe d’Europe avec le PSG à la Juve (1989). On sort du couloir des vestiaires pour monter vers le terrain et là, les projecteurs s’éteignent et les briquets des 120 000 spectateurs s’allument. C’était pour rendre hommage à Gaetano Scirea qui s’était tué dans un accident de la route. »

Le pire ?
« A Brest, quand j’ai été écarté de l’équipe car j’avais donné mon accord pour jouer à Nice et je n’ai donc pas pu dire au-revoir au public (1988). Il y a eu Mulhouse aussi mais là je m’en fous. »

Le plus beau souvenir de coach ?
Quand j’entraînais Crozon, contre Brest, au 6e tour de la Coupe de France, avec Franck Ribéry en face (2003). Il y avait 2500 spectateurs au match. Frédo Le Borgne, le président, m’avait dit qu’il fallait que je joue pour qu’on ne prenne pas une valise. Finalement, on perd 5-3 mais on avait marqué un quatrième but qui avait été refusé alors qu’il était valable. Mais il n’y avait pas la VAR. »

Le pire souvenir de coach ?
« Pont l’Abbé en DH (2000). On était co-leader avec Concarneau et on recevait trois fois sur quatre; je pense qu’on serait monté à la place des Concarnois. Mais alors que l’on joue à Saint-Pol-de-Léon, les dirigeants font le choix de renforcer la B pour la sauver. Finalement, elle était descendue quand même et nous on perd 5 à 1. Je marque le but, celui du pastis 51. »

Ton meilleur entraîneur ?
« J’ai bien aimé Tomislav Ivic à Paris. Il adorait ses joueurs. Le tandem Henri Michel / Gérard Banide était excellent aussi, avec des séances d’entraînement très diversifiées. Il y a eu aussi Raymond Kéruzoré à Brest. Sans oublier mon père à mes débuts à Pouldreuzic. »

Ton pire entraîneur ?
« Genghini à Mulhouse. »

Le partenaire le plus impressionnant sur le terrain ?
« Julio César à Brest. Un immense joueur et un super mec. Celui-là aussi je l’ai baptisé au bar en tombant sur lui dans une discothèque. »

Et le plus fêtard ?
« Hors concours, le duo Bernard Pardo / Joël Henry à Brest. Et on les suivait de près avec Jocelyn Rico. »

Le plus beau stade ?
« Saint-Etienne et Lens, pour l’ambiance. »

Le choix que tu ne referais pas comme joueur ?
« Ma plus grosse connerie c’est de signer à Montluçon en D2 (1981) alors que je faisais mon service militaire. »

Et le choix que tu ne referais pas comme entraîneur ?
« Je ne veux pas être méchant mais j’ai mon idée. »

Avec Fredo Le Borgne, sur le banc l’US Crozon-Morgat. Christian Rose Cornouaille Photo.

Ton plus grand regret de joueur ?
« Ne pas avoir été international. Mais je l’ai loupé de peu car quand j’étais à Nice, ma femme m’avait dit qu’un monsieur « Houillière » m’avait appelé… Je n’avais pas compris le nom et je n’ai pas donné suite. Mais j’ai quand même été international militaire … J’ai eu le coq. »

Ton plus grand regret d’entraîneur ?
« A Pont l’Abbé car je pense qu’on avait les moyens de monter en CFA 2 à la place de Concarneau (en 2000). »

Le meilleur président ?
« En pro, Borelli au PSG et Yvinec à Brest. En amateurs, Alain Furic au TGV et Frédo Le Borgne à Crozon. »

Le pire président ?
« Il n’y en a pas. Je me suis toujours entendu avec mes présidents. »

Le dernier match auquel tu as assisté ?
« Brest – Bordeaux pour les 70 ans du Stade Brestois en mai dernier. »

Et le dernier match à la télé ?
« L’équipe de France car elle passe sur TF1. Je n’ai ni Canal ni Bein car je ne cautionne pas le fait qu’on doive payer un abonnement pour voir du foot à la télé. »

Ta plus grande troisième mi-temps ?
« Y’en a quelques unes mais la plus mémorable c’est à Crozon avec Frédo Le Borgne, le président, dans une voiture auto-école. Lui avait le volant à droite, et moi les pédales à gauche. Je précise qu’on avait bouclé le centre-bourg de Crozon pour fêter notre montée. »

Une causerie d’avant-match qui t’a marqué ?
« La plus rigolote, à Brest avec Nemkovic qui ne parlait pas bien le Français. Radovanovic devait traduire mais il disait autre chose que le coach. Le duo Kéru / Jean Prouff, c’était bien aussi. Jean Prouff savait nous capter par ses mots. »

Ta plus grosse prime de match ?
« C’est sûrement au PSG, peut-être en Coupe d’Europe, le tour avant la Juve (2009), mais je ne sais plus combien. N’importe comment, je n’ai jamais gagné beaucoup de pognon. A l’époque, ce n’était pas comme maintenant. »

Le joueur ou l’entraîneur le plus connu de ton répertoire téléphonique ?
« Ni un joueur, ni un entraîneur, mais un humoriste : Bernard Ménez, le chanteur de « jolie poupée ». J’ai joué avec lui dans l’équipe des Polymusclés. J’ai aussi de temps en temps le père d’Higuain au téléphone. »

Texte : Denis Vergos / Mail : dvergos@13heuresfoot.fr / Twitter : @2nivergos

Photo : D. V. et DR et Christian Rose Cornouaille Photo.