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Jean-Guy Wallemme : « J’aime connaître les hommes avant les joueurs » 

Arrivé sur le banc du Stadium Racing Colmar (National 2) en janvier dernier, l’ancien joueur emblématique du RC Lens retrace son parcours d’entraîneur, qui l’a vu multiplier les expériences, aux quatre coins de la France et à l’étranger.

C’est en pleine préparation d’une séance d’entraînement que Jean-Guy Wallemme, le nouvel entraîneur du SR Colmar (National 2), a décroché son téléphone, se rendant disponible pour un entretien autour de sa carrière de joueur et de coach.

De Lens à Saint-Etienne sur la pelouse, le coach arpente les vestiaires comme tacticien depuis plus de vingt ans déjà. Entre des passages en région parisienne au Racing Club de France, au Paris FC, ou récemment au Paris 13 Atletico, à l’étranger en Algérie ou au Maroc, mais également au RC Lens, à l’AJ Auxerre ou à Chartres et Fréjus, le Nordiste de 55 ans est revenu sur son parcours pour 13heuresfoot.

Jean-Guy, avant d’attaquer votre parcours de coach, vous avez eu une carrière de joueur remplie. Quel regard portez-vous dessus ?
D’où je viens, un patelin de 1500 habitants dans le Nord de la France, si on m’avait dit que je ferais autant de matches en professionnel… Je ne suis à pas loin de 500 matches, c’est une belle histoire. On aspire toujours à faire le mieux possible, je n’ai pas été international A, mais l’année où les Bleus sont champions du monde, en 1998, voilà, il y avait du monde au balcon (rires), j’étais peut-être le 5, 6e, je ne sais pas. Après, le fait d’être resté longtemps à Lens a été un choix de ma part. Et à côté de ça, l’année de la descente après mes débuts, quand j’étais international espoirs, j’aurais pu aller au PSG, mais on a été bloqué par Gervais (Martel) avec Eric Sikora, à une époque où les clubs pouvaient dire aux joueurs de rester. Mais voilà, pour un gamin qui vient de là, je suis allé voir des pays que je n’aurais jamais pu voir si je n’avais pas fait ce métier, il y a eu des choses qui se sont passés dans les vestiaires, des stades, Old Trafford, Wembley, Anfield Road, des enceintes mythiques. C’était une grande aventure, forcément.

Une aventure de joueur qui vous sert actuellement en tant que coach, peut-être, avec le football qui a évolué…
J’ai été capitaine très tôt, ce qui m’a peut-être permis « d’enquiller » sur une carrière d’entraîneur. Mais ce sont deux métiers différents, parce que quand on est joueur, on pense à soi, et quand on est entraîneur, on doit penser à tout le monde, on est dans un équilibre fragile. Dans un vestiaire on dit « nous », et on fait face à des joueurs qui disent « je », avec des entourages qui disent « je ». C’est une équation difficile. Les ramifications du football ont évolué, le fait qu’il y ait plus d’argent, d’intéressement, d’intérêt quand un jeune garçon signe dans un gros club à l’étranger, avec une manne financière importante. C’est encore plus compliqué d’avoir un élan sur un projet commun. Et du temps. C’est Jean-Marc Furlan qui disait ça : «J’ai mis quatre ans pour avoir un projet cohérent, pour que les gens sachent jouer ensemble pour monter en D1 ». Mais nous, on sait qu’au bout de six mois, on est jugés sur les résultats. C’est difficile de construire, après on peut comprendre que chacun ait des intérêts. On dure dans le métier par les résultats, la relation que vous avez avec votre président, s’il laisse plus de temps ou pas… Quand on voit tous les changements d’entraîneurs en Ligue 1, combien ont eu une vraie incidence ? En plus avec les staffs, c’est souvent l’adjoint qui remplace le numéro 1 en France. Mais ça veut dire quoi ? Qu’avant, seul le numéro 1 faisait mal son boulot ? C’est un métier particulier, c’est comme ça.

Votre passage de joueur à coach s’est par ailleurs fait en partie avec une expérience peu commune d’entraîneur-joueur à Sainté (2000-2001)…
Je reviens d’Angleterre (Coventry), je signe à Sochaux, avec toute la génération des Diouf, Meriem, Ljuboja, Pedretti, tout en appartenant à Saint-Etienne. La première année, à l’ASSE, on finit 6e. On repart la seconde année, sauf que Saint-Etienne, c’est particulier, un club historique, et que mieux que 6e, c’est l’Europe, avec la question de « qui va ramener les Verts en Coupe d’Europe ? ». Au bout de cinq journées, on est en tête. Et puis derrière, il y a pas mal de blessures, dont la mienne, avec Jérémy Janot à Auxerre, façon Battiston et Schumacher, sauf que c’est avec mon propre gardien ! On se retrouve avec une équipe un peu sur une jambe, on commence à avoir de moins bons résultats, et puis Robert Nouzaret est remercié. L’entraîneur suivant reste deux mois, et les dirigeants me demandent de prendre des responsabilités, avec Rudi Garcia comme adjoint, qui accepte de rester en tant que numéro 2 à ma demande. On a gagné les trois premiers matches, on bat le PSG, et puis on m’annonce un matin, avec dix centimètres de neige à Saint-Etienne, qu’on nous retire sept points avec l’affaire des faux-passeports; ça a été une étape particulière. Les deux derniers mois, je n’étais plus entraîneur ni joueur car j’avais été mis à l’écart. C’est une cicatrice. L’année suivante je repars pour une dernière saison de joueur à Lens, avec Joël Muller, un objectif personnel, et on perd le titre à Lyon. Je voulais me prouver à moi-même que je pouvais encore jouer. Derrière, à 35 ans j’avais fait le tour, et est venu le Racing Club de France, en National, dont j’ai pris les rênes comme coach.

Depuis, vous avez connu beaucoup de clubs. Paris FC, Lens, le Congo, Auxerre, la Belgique, l’Algérie, le Maroc, et puis à nouveau la France un peu partout. Vous êtes un entraîneur-voyageur !
Je ne sais pas… Je ne vais pas dire que mon départ à l’étranger était contraint et forcé après Auxerre, mais c’était particulier. J’étais arrivé à l’AJA alors que je bossais avec le Congo, à la demande du président Gérard Bourgoin. Sauf que j’ai croisé des gens et un personnage notamment qui m’a cramé en France derrière je pense; c’est pour ça que j’ai dû aller à l’étranger ensuite, car je pense que des portes se sont pas mal fermées. Peut-être aussi que je ne séduisais plus les clubs en France à ce moment-là. Mais je pense qu’il y a un pourcentage avec les retours que certaines personnes pouvaient faire. J’ai fait ensuite fait un passage en Belgique, puis trois ans en Algérie : je cherchais un club et un agent est venu me proposer ça. J’ai fait trois clubs, et à la JS Kabylie, mon 2e club, il y a malheureusement eu un décès près du terrain, on ne sait pas ce qui s’est vraiment passé, ça a mis un coup. Les sponsors sont partis, on n’était plus payés, c’était particulier. Je suis aussi allé au Maroc.

« La pression ? C’est ce que vivent les Ukrainiens en ce moment »

Nous n’avons pas encore parlé de votre passage à Lens (2008-2010), votre club formateur, celui de vos débuts, du titre de champion en 98, et de Ligue 2 en tant que coach. Forcément spécial.
J’ai fait deux ans et demi au club comme entraîneur. Gervais Martel m’appelle, je reviens en Ligue 2 après la descente, il y avait 30 millions d’euros de trou, 200 salariés au club, une grosse attente donc. Quand Gervais m’appelle, il me dit « si on ne remonte pas, on est mal ». Il y avait un chantier, 35 joueurs, trois entraînements par jour, un groupe à créer, une dynamique à amorcer, des équipes à aller battre à l’extérieur à guichets fermés et qui viennent à Bollaert pour faire un braquage. Les gens pensent que vous allez gagner tous les matches 3-0. On finit champions, et on fait une belle deuxième saison en Ligue 1, avec une 11e place et une demi-finale de Coupe de France. La 3e année, ça se complique car pas mal de changements de joueurs, pas de possibilité de recruter, des décisions dans le staff et un problème d’organigramme et de non-dits, c’était compliqué. Je n’aime pas utiliser le terme de pression. La pression, c’est ce que vivent les Ukrainiens en ce moment. Mais on avait des responsabilités.

Depuis 2017 et Dieppe, vous êtes revenu en France, avec une super expérience à Chartres notamment. Et puis il y a eu Fréjus ou Paris 13 Atletico dernièrement, où ça s’est fini tôt.
Je reviens en France et je reprends Dieppe en CFA en février-mars, malheureusement on n’arrive pas à se sauver. On repart en CFA2, on fait une saison moyenne, mais on arrive à se sauver. Arrive Chartres, j’y ai fait deux ans en N2 (ex-CFA), on fait deux super saisons, en finissant 2e la première année, c’est Bastia-Borgo qui monte, et la seconde c’est le Covid qui nous arrête. Derrière, je pensais rester, mais ça ne se fait pas. Fréjus/Saint-Raphaël est arrivé (N2), pareil, première année on est bien, avec un match en retard à cause du Covid (rires), mais la seconde année, le président a décidé que nos routes allaient se séparer à cinq journées de la fin après une saison où on était à la 4e place.
Et puis l’année dernière j’étais à Paris 13 Atletico, qui montait en National. J’ai encore de très bons rapports avec le président, mais la nouvelle réforme faisant qu’il y a six descentes, tout le monde a un peu peur, on faisait beaucoup de matches nuls… Mais voilà, c’est aussi une expérience pour ce club-là, qui a fait sept montées en dix ans. En pré-saison, on a perdu beaucoup d’énergie avec les questions de stade : on va jouer où ? Charléty ou pas ? Et la Fédé qui doit valider, avec un budget moyen pour ce niveau-là peut-être. Vous rencontrez presque 10 clubs professionnels sur 16 après tout, du Red Star à Châteauroux, Dunkerque, Le Mans, Nancy… Le président voulait que je reste et que j’encadre le club de façon générale, mais je voulais encore entraîner, et ça s’est terminé. Et Colmar est venu me chercher en janvier.

Avec de supers débuts (trois victoires et deux nuls avant une première défaite à Furiani) !
On a pris 11 points (sur 15) avant de perdre à Furiani, bon voilà, avec un voyage-tempête avec départ à 4 heures du matin pour aller à Orly, prendre l’avion, le retour a été compliqué avec la grève, on a fait trois fois la France aller-retour (rires) ! On était sur une bonne dynamique, avec quatre-cinq matches précédents intéressants. J’ai eu deux mois avec la coupure de la Coupe du monde, ça commençait à être long, Colmar, c’est un choix entre deux-trois clubs, je voulais rester en France, c’est un choix dicté car il y a des personnes passionnées, j’avais regardé l’effectif, qui me semblait cohérent, avec deux matches de retard. On s’attelle à réussir ce challenge qui est important pour le club.

Jean-Guy Wallemme du tac au tac – le joueur

« J’ai toujours retiré quelque chose de tous mes coachs »

Meilleur souvenir ?
C’est l’ensemble de la carrière, car j’ai débuté à 18 ans et fini à 35 ans. Et puis sinon, de façon plus pragmatique et logique, c’est le titre de Champion de France en 98 avec Lens.

Pire souvenir…
La descente avec Lens quand j’étais jeune, en 88 ou 89, je ne sais plus. Mais je pense que ça nous a servi aussi, de nous aguerrir en deuxième division. Puis on est remontés et il y a eu le titre, on a franchi des tours en coupe d’Europe…

Un coéquipier marquant ?
Je n’ai jamais mis en avance quelqu’un, c’est plus le collectif dans les différentes équipes où j’ai joué. C’étaient des aventures humaines.

Un adversaire marquant ?
Il y en a deux, dans des styles différents. Ce sont Georges Weah et Jürgen Klinsmann.

Une anecdote de vestiaire ?
Celle où Daniel Leclercq, paix à son âme, nous dit à la mi-temps d’un match contre Cannes qu’on va perdre le match si on continue à jouer comme ça, alors qu’on mène 4-0 ! Ils reviennent à 4-4, et on gagne 5-4, avec un penalty dans les cinq dernières minutes. C’est une anecdote particulière, technique, tactique, un ressenti d’entraîneur.

Un président marquant (Gervais Martel, ou un autre !) ?
Les président que j’ai pu connaître, je n’ai jamais eu de problème avec eux, même quand on s’est séparés. Je citerais Gérard Bourgoin, à Auxerre, avec qui j’ai encore de très bons rapports.

Un entraîneur marquant ?
Tous. J’ai toujours retiré quelque chose des coaches que j’ai eus. De Gérard Houllier à Joël Muller, j’ai à chaque fois pris quelque chose dans la tactique, le management, tous avaient des choses intéressantes à passer.

Jean-Guy Wallemme du tac au tac – l’entraîneur

« Julien Stephan était le roi en Alsace, l’an passé…. »

Meilleur souvenir ?
Le titre de champion de Ligue 2 avec Lens, quand on fait remonter le club (2009). Il y avait une grosse attente, une grosse exigence sportive et financière, c’était presque une obligation de remonter. Je retournais dans un club que j’avais connu joueur. Il a fallu être performant et pragmatique.

Le pire souvenir ?
Quand j’ai commencé en tant qu’entraîneur-joueur à « Sainté ». On gagne les trois premiers matches avec Rudi Garcia, on bat le PSG à Geoffroy-Guichard, on a 31 points. Et puis, on nous annonce en janvier un retrait de points avec l’histoire des faux-passeports. On passe avant-derniers, 4-5 équipes nous repassent devant… Ça reste toujours une cicatrice aujourd’hui.

Quel type de coach êtes-vous ?
Dans toutes mes équipes, j’ai essayé de faire en sorte de marquer des buts, contrairement au défenseur que j’étais. J’aime avoir une certaine exigence mais sans être un dictateur, essayer d’avoir une certaine autonomie du vestiaire, mais c’est compliqué car il faut connaître son vestiaire. C’est toujours une aventure humaine, j’aime connaître les hommes avant les joueurs.

Un modèle de coach ? Un mentor ?
Il y a le jeu évidemment. Mais pour avoir un modèle, il faut connaître la personne, c’est ça le truc. Les gens répondent avec des entraîneurs à la mode, Pep Guardiola, Jürgen Klopp… Je n’ai pas forcément de modèle, je pense qu’il faut être en interne pour connaître un coach. Christophe Galtier par exemple, on l’aime peut-être un peu moins aujourd’hui qu’en début de saison à cause des résultats (rires) ! Aujourd’hui, je suis à Colmar, en Alsace, où Julien Stéphan était le roi de la région l’an passé, et maintenant il est parti.

Des passions en dehors du foot ?
J’aime les chevaux. Pas forcément les courses, j’aime l’animal avant tout. Car ça me permettait de me ressourcer, quand je jouais notamment, un peu moins en tant qu’entraîneur car on bouge beaucoup. J’allais en faire dans l’Oise chez un ami quand j’en avais besoin. Lui, il aimait le football et je lui faisais partager les choses du foot; comme les chevaux ne parlent pas, comme les animaux ne parlent pas, ça me faisait du bien. Et puis c’est le monde de la terre, je viens de là, donc voilà.

Texte : Clément Maillard / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @MaillardOZD

Photo de couverture : Ligue de football du Grand Est Alsace

Photos : SR Colmar