Le « Grand Ouest Association Lyonnaise Football-club », né en 2020 d’un regroupement de sept villages, a gagné son billet pour le National. Fabien Pujo, le coach, et Jocelyn Fontanel, le coprésident, expliquent les particularités et le côté atypique de GOAL FC, un club qui va détonner dans l’antichambre du monde professionnel !
Du noir. Du doré. Du brillant. Du clinquant. Un logo dynamique, jeune et « qui pète ». Identifiable entre tous. Un logo créé en 2020 par la société « Octobo Lyon », en même temps que la naissance de GOAL FC.
GOAL pour Grand Ouest Association Lyonnaise. Pour le choix du logo, c’est réussi ! Très classe. Pour le choix du nom de la nouvelle entité, là encore, chapeau ! C’est très bien joué de la part des « inventeurs ».
Au GOAL FC, vu de l’extérieur, tout est très beau. Mais êtes-vous déjà allé à Chasselay, au stade Ludovic Giuly, à 15 kilomètres au nord de Lyon ? Parce que, comment dire, quand vous empruntez la petite route qui mène au complexe, que vous traversez les champs, que vous ne pouvez pas vous croiser à deux voitures, que vous cherchez un café ouvert un samedi, jour de concours de pétanque sur l’unique petite place de ce village de près de 3000 âmes, et que la bouse de vache trône sur le bitume, on est très loin du bling-bling !
Il est là le paradoxe. Et c’est ce qui peut décontenancer un adversaire, un supporter, un partenaire… D’ailleurs, le coach Fabien Pujo lui même, l’artisan de la montée historique en National, répète souvent cette anecdote : quand il est venu en août 2018 à Chasselay pour la première fois avec Toulon, il se demandait bien comment le bus allait pouvoir se garer !
GOAL FC a fait de tout ça une force. Sa force. Il a su fédérer, unir, inventer, innover, séduire. Pour entrer aujourd’hui dans la cour des 54 meilleurs clubs de l’Hexagone. Car la saison prochaine, le club au terrain champêtre, fondé en 2000 sous le nom de Beaujolais Mont-d’Or, avant de devenir Mont d’Or Azergues Foot (2005 à 2017) puis Mont d’Or Anse Foot (en 2017), se frottera à Dijon, Niort, Nîmes, Le Mans, Orléans, Châteauroux, Sedan, Red Star, Martigues, pour ne citer qu’eux, en National. Un autre monde.
Des villages d’irréductibles « Goalois »
Des clubs comme GOAL, il en reste très peu dans l’antichambre du monde professionnel. Et il y en aura forcément de moins en moins avec la refonte des championnats et la volonté, à la fois de la LFP et de la FFF, de tirer le football vers le haut. Quelle erreur !
Ce n’est pas pour rien si la coupe de France est l’épreuve préférée des passionnés et vrais amoureux du foot, celle où « les petits », comme on les appelle, font des exploits, prennent la lumière et écrivent de nouvelles pages de leur histoire. Celle où le football de village sort parfois vainqueur.
A GOAL, l’histoire raconte celle de plusieurs villages. Chasselay donc, où Dominique Giuly, le papa de Ludovic, l’ex-international, 41 années de présence – il a quitté le club en 2000 alors qu’il était encore vice-président du MDA, avant le grand chamboulement -, fut une des figures emblématiques. Anse. Tassin-la-Demi-Lune. et Champagne-au-Mont-Or. Quatre villages d’irréductibles « goalois » auxquels se sont greffés les clubs de « Futsal Saône Mont d’Or », qui accède au plus haut niveau (Divison 1), avec Neuville-sur-Saône et aussi Saint-Germain-au-Mont-d’Or (en plus de Champagne et Anse). Et enfin celui de Chazay-d’Azergues pour la section féminine, pour devenir Goal Féminines Chazay. Vous suivez ?
C’est un peu compliqué, mais après tout, qui a dit que le foot était simple ?
Devant près de 2000 spectateurs !
Samedi, il y avait près de 2000 supporters – deux habitants sur trois ! – pour l’événement de la saison : le match de la montée historique en National, face au Stade Bordelais. « C’est incroyable » dira avant la rencontre un Pujo assez relax – du moins en apparence -, au moment d’évoquer son adversaire du jour, un club qu’il connaît très bien pour y avoir évolué et où joue Anthony Loustalot, son ancien gardien de but du temps de Bergerac : « Je ne sais pas s’il est titulaire ou pas aujourd’hui ! »
C’est d’autant plus incroyable que, en mai 2018, Pujo avait permis au Sporting-club de Toulon d’accéder en National en battant… Chasselay 3 à 0 !
Un signe de plus du destin après celui, déterminant, du week-end précédent aux Herbiers : en s’imposant 3 à 1 en Vendée, sur le terrain du leader, et en lui chipant la première place, GOAL FC s’était justement donné les moyens de maîtriser le sien, de destin, pour cette ultime journée de National 2.
Avec ce nouveau succès 3-1 samedi dernier face au Stade Bordelais (buts de Julien Kouadio, Thibaut Le Maître et Alexis Gonçalves), les coéquipiers d’Antoine Philippon, le gardien qui avait déjà vécu une accession en National avec Villefranche en 2018, et du capitaine Loïc Dufau (troisième accession en 5 ans de N2 en National après les deux précédentes au Puy Foot 43 ! ) le rêve est atteint. Les « irréductibles Goalois » verront le National !
INTERVIEW
Interview / Fabien Pujo : « Ici, ça me ressemble ! »
L’entraîneur de GOAL FC, arrivé l’été dernier après deux expériences contrastées à Toulon et à Saint-Malo (une accession tout de même en National en 2018 avec le club Varois, mais deux « limogeages »), était ému au moment de prendre le micro sur la pelouse du stade Ludo Giuly. Il l’était encore un peu au moment d’évoquer cette accession avec son nouveau club.
Fabien, c’est quoi, là, vos premières pensées…
Cette accession, c’est du travail. C’est beaucoup d’investissement, sur le plan familial aussi avec une famille qui déménage… Et puis je sortais de deux projets difficiles, à Toulon et à Saint-Malo. Finalement, je me dis que j’ai peut-être quelques compétences, parce que vous savez, on perd vite confiance en soi. Là, ce qui m’envahit, maintenant, c’est… On est un club très atypique. Faire une montée en National, ici, dans ce village, ça me ressemble. Je vois les joueurs et les gens heureux et ça, c’est au-dessus de tout.
Vous avez douté ?
J’ai vécu des moments difficiles professionnellement, il a fallu se reconstruire, trouver le bon projet, et quand je suis arrivé l’été dernier à GOAL, y’a eu aussi 17 nouveaux joueurs… Mais bon, les bases du club étaient déjà là quand même.
On dit souvent que les moments de bonheur sont très rares dans le foot : vous allez profiter, tout de même ?
Pour le moment, je ne veux pas penser à la suite. La semaine dernière, quand je suis allé à ma première session du BEPF, à Clairefontaine, on nous a expliqués qu’il fallait lâcher prise parce que nous, les coachs, on ne lâche pas assez prise. Donc ce soir (samedi), je vais lâcher prise totalement !
J’ai peut-être passé une de mes meilleures années de coach ici, avec un groupe exceptionnel, un capitaine, Loïc… J’ai jamais vu un capitaine pareil (Loïc Dufau). J’ai eu très peu de moments où je me suis dis que je n’avais pas pris de plaisir en allant en séance. Je n’ai quasiment pas eu de problématique de management. C’est une année exceptionnelle avec un président, Jocelyn Fontanel, qui a été solidaire au moment où il fallait l’être, des dirigeants et des bénévoles exceptionnels. C’est une vraie bonne saison qui, à titre personnel, se termine avec une admission au BPEF à Clairefontaine où j’ai les yeux d’un enfant quand je m’y rends, et aussi avec ma 2e montée en National en 4 ans après Toulon.
Justement, cette accession avec GOAL, elle est comment si l’on compare avec Toulon en 2018 ?
D’abord, je pense que cette accession de N2 en National est la plus dure de toute, on n’est pas nombreux à en avoir fait deux, y’a Roland (Vieira, avec le Puy), Richard (Deziré, trois fois même avec Le Mans, Avranches et Raon-l’Etape), Maxime (D’Ornano, avec Saint-Brieuc et Rouen)… Voilà, on va redécouvrir le grand monde, en espérant cette fois que… Non mais bon, ici ce n’est pas pareil qu’à Toulon, il n’y a pas de problème contractuel. Là-bas, j’avais crée des liens forts avec les supporters, on avait une relation vraiment affective, mais la montée n’avait pas été aussi intense avec le groupe, ça avait été très difficile avec la direction… Mais il y avait 6000 personnes quand même au stade de Bon Rencontre et ça… ! Ici, c’est plus la récompense du travail. On est vraiment allé la chercher.
En National, GOAL fera forcément figure de « petit »…
Quand les clubs vont venir ici, ils vont dire « ah ouaip… quand même… ! » Parce que, de l’extérieur, on imagine que GOAL FC est une grosse structure. Rien que le nom, « GOAL », ça pète, mais quand on est à l’intérieur, ce n’est pas la même chose, mais c’est ce qui fait son charme. C’est un club très atypique. Mais là, pour le moment, on va apprécier, on va vivre le moment, on va faire une bonne fête et ensuite on va se pencher très vite sur la suite !
INTERVIEW
Jocelyn Fontanel (président) : « On va changer de monde ! »
Président, présentez-nous votre club, comme si vous l’expliquiez à un néophyte ?
GOAL FC regroupe plusieurs communes. Le club est né à Chasselay. Il s’est étendu avec Anse, Champagne-au-Mont-d’Or et Tassin pour le foot libre, et on a intégré le futsal avec Saint-Germain-au-Mont-d’Or et Neuville-sur-Saône. Pour les filles, c’est Chazay-d’Azergues; ça fait 7 communes en tout, mais c’est le club de Chasselay on va dire…
Ce regroupement, c’est forcément pour avoir plus de moyens ?
C’était aussi pour avoir plus de moyens mais, il faut le dire, pour le moment, on n’a pas plus de moyens. C’était surtout pour rentrer dans la Métropole. L’idée, c’était d’occuper le territoire entre Villefranche-sur-Saône et Lyon.
Bon, il reste Limonest à côté, mais ils ne veulent pas se joindre à nous (sourires), tant pis, c’est comme ça, pourtant, ça serait naturel que l’on fasse des choses ensemble car on est à côté mais bon, ça fait 20 ans que c’est comme ça… C’est pas grave, c’est un très bon club, ils ont un très bon maire. Nous, on va poursuivre notre bonhomme de chemin tranquillement. On a des bases solides. Avec Olivier Delorme (coprésident depuis six mois), on connaît un peu de monde. En National, ça sera compliqué, mais j’espère qu’on va nous aider. On a aussi le futsal qui accède au plus haut niveau : c’est pas mal, non ?
Et la section féminines ?
Pour l’instant, chez les filles, on fait du volume. On a entre 130 et 140 filles, on a des U18 filles qui marchent bien et chez les plus jeunes, ça se met bien en place.
Depuis quand êtes-vous à la tête du club ?
Je suis président depuis le décès de l’ancien président, Gérard Leroy, en février 2012. Mais je suis arrivé au club en 1994… Donc j’ai 29 ans de présence au club ! J’ai été joueur et capitaine de l’équipe, j’ai participé à la première montée en DH (Régional 1) et au premier 32e de finale de coupe de France de l’histoire du club, et puis à la fin de ma carrière, le président m’a demandé de devenir vice-président : de par mon métier dans le bâtiment, on va dire que j’attire quelques partenaires et puis il y a eu son décès, malheureusement… Cela m’aurait plu de vivre une coprésidence avec Gérard Leroy.
Après sa disparition, on a travaillé à trois avec Dominique Giuly, qui est parti il y a 3 ans, et Mickaël Mendez, actuel manager général. Olivier Delorme nous a rejoints en 2000 en tant que président délégué d’abord, et depuis 6 mois il est coprésident. Tous les trois, on travaille beaucoup, on essaie de fédérer. GOAL FC , c’est un projet sportif mais c’est avant tout un projet humain. Regardez autour de vous…. Vous voyez où on est, c’est tout un village, c’est le Val-de-Saône, c’est le Grand Ouest Lyonnais … Quand on a joué une fois dans notre club, même si historiquement c’était MDA, Mont-d’Or-Anse Foot, les gens reviennent toujours, car ils y passent toujours de bons moments, car on respecte les gens et on gère le club en bon père de famille.
En fait, il fallait que le club se fasse une place…
Oui, il fallait qu’on se fasse connaître. Le FC Villefranche Beaujolais fait du très bon travail, pour Lyon Duchère et Saint-Priest c’est un peu plus difficile en ce moment, et nous, il fallait qu’on existe autour de ces clubs.
Si on n’était resté que Chasselay, cela aurait compliqué, c’est pour ça qu’on a étendu le club dans la métropole. L’ancien président de Tassin m’avait contacté, et pour Champagne, le club allait mourir, c’est pour ça qu’on a créé ce nouveau club, et il y a d’autres communes encore qui ont des difficultés aux alentours de chez nous. On a notre centre d’entraînement à Parcieux, ex-FC Bords de Saône, où la tribune va être démolie mais il y aura toujours les deux terrains, l’un en herbe et l’autre en synthétique. On va faire, du moins pendant un an encore, notre centre d entraînement là bas.
Et ici, à Chasselay, comment allez-vous faire pour accueillir des matchs de National ?
On a des travaux à faire au stade Ludovic Giuly pour qu’il soit homologué en National : l’éclairage, les vestiaires, que l’on doit refaire car ils ne sont pas assez grands donc on va pousser un peu les murs. On va mettre un tunnel de sécurité pour l’entrée des joueurs, les bancs de touche ne sont pas assez longs, il faudra mettre un tableau d’affichage aussi, des choses comme ça. On va commencer les travaux le 15 juin. De toute façon, tout cela était prévu même si on n’était pas monté, sauf l’éclairage, pour lequel on aurait attendu.
Quid du budget 2023-2024 ?
On aura besoin de l’aide de la Région, du Département, des mairies. On aura le fonds d’aide au club de la Fédération : c’était 230 000 euros et 7 euros du kilomètres pour les déplacements cette année. On aura aussi un peu de droit TV, donc au total, ça tournera peut-être autour de 300 000 euros pour l’aide fédérale, quand on avait 50 ou 60 000 euros en National 2.
Mais il n’y a pas que ça : on va changer de monde ! On essaie de construire un budget au dessus de 2,5 millions. Cette saison, on était autour de 2,1 millions, mais on est 1100 licenciés. Si nous étions 500 ou 600 licenciés, on serait à 1,8 millions.
Le nom du club « GOAL », ça « pète », c’est cliquant, et quand on arrive au stade, ça « pète » tout de suite déjà moins…
C’est exactement ce que m’a dit le président de Grasse (Jean-Philippe Cheton) quand il est venu la première fois. Oui, mais on est les Gaulois aussi, c’est le stade Ludovic Giuly hein, c’est Astérix ! On est atypique, on le sait. Ce n’est pas que l’on cultive ça, c’est naturel, c’est comme ça.
J’ai regardé, en National, y’a beaucoup de clubs qui ont joué en Ligue 2, voire en Ligue 1… Mais cette saison en National, on va la vivre, on va défendre chèrement notre peau. Notre stade ? Faudra venir chez nous, hein…
Quand on jouait le maintien en CFA, des clubs comme Strasbourg ou d’autres, on les a tapés ici !
Des aménagements sont-ils prévus ?
On va essayer de moderniser le site : ça prendra du temps, on va faire avec nos moyens, on va se débrouiller. A Auxerre, il n’y avait rien au départ et quand Guy Roux vendait un joueur, le club construisait une tribune…
Je ne sais pas si un jour cela nous arrivera mais il faut s’en inspirer. Le monde économique du foot est en train de changer, on voit de gros investisseurs arriver, on sera toujours en association pour le moment. On va travailler sur les partenaires et aussi sur le public : les matchs vont avoir lieu le vendredi soir, en afterwork, donc ce sont des choses nouvelles sur lesquelles on va devoir travailler. Il faudra cultiver ça. Et peut-être mettre une petite tribune en face.
Vous aurez un joli derby avec le voisin Villefranche…
Oui, avec le FCVB, ca va faire un beau derby entre amis, on s’entend bien avec Philippe Terrier, le président. J’aimerais aussi que Bourg-en-Bresse (le FBBP01) soit repêché, afin que l’on ait un maximum de clubs de la région dans le championnat, parce que ça draine du public et ça fait passer des bons moments. J’aimerais aussi que Nancy soit repêché, c’est mon ancien club (Jocelyn Fontanel a également évolué à l’Olympique Lyonnais).
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Texte : Anthony Boyer / Mail : aboyer@13heuresfoot.fr et contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @Boyeranthony06 et @13heuresfoot
Photos : Sébastien Ricou, Maxifooto et 13HF