L’ex-gardien de but professionnel (National, Ligue 2, Ligue 1) a bien géré son après-carrière. Reconverti dans la gestion de patrimoine, il est aussi arbitre central en National 2 ou 4e arbitre en Ligue 2 le week-end ! Entretien.
Riche, atypique, à son image. Voilà comment on peut résumer la carrière de Gaëtan Deneuve. Le gardien de but baigne depuis tout petit dans le football. Formé au Havre, il a connu 8 clubs, du Régional 3 à la Ligue 1 en passant par les deux championnats qu’il connaît le mieux : le National et la Ligue 2.
Freiné par les blessures, embêté par la concurrence à son poste si particulier, le natif de Harfleur (à côté du Havre), âgé de 38 ans, s’est toujours frayé un chemin pour atteindre ses objectifs et s’imposer dans la majorité des clubs où il est passé.
Le Normand s’est longuement confié sur sa grande passion pour le ballon rond, son parcours, sa reconversion professionnelle et… l’arbitrage, un autre volet qu’il a découvert après avoir raccroché les gants ! Du coup, c’est lui qui siffle le top départ de l’entretien !
Dans votre carrière, il y a ce passage singulier où vous quittez un club de Ligue 1 pour rejoindre Goderville en… Régional 3 ! Comment expliquer ce cheminement ?
Le cheminement est fou. Je fais mon année à Brest en Ligue 1 où je suis doublure. Le lendemain d’un match en fin de saison à Marseille, on fait un décrassage et je ressens une douleur au dos intense qui me pousse en dehors des terrains jusqu’à la saison suivante.
Pendant les vacances, Brest recrute un 2e et un 3e gardien alors que je suis toujours absent à cause de ma blessure. En revenant, je serai potentiellement 4e dans la hiérarchie. Brest estime que l’opération n’est pas nécessaire mais je souffre toujours. Je fais un gros programme de musculation, des infiltrations, on essaye tout, sans succès. Je demande alors au président de résilier. Je connaissais très bien le docteur du HAC qui avait vu mes IRM et disait qu’il fallait que je sois opéré.
Alors je retourne sur Le Havre, je me fais opérer à Paris et je reviens assez vite. Michel Courel était toujours l’entraîneur des gardiens du centre de formation, le président était également le même. Ils décident de m’accueillir pour que je puisse m’entraîner avec la réserve. On était en cours de saison, j’étais libre de tout contrat et je savais que je ne pourrais pas retrouver un club tout de suite. Je pouvais alors signer dans un club de Ligue (niveau « régional ») en sachant que le plus important était de pouvoir m’entraîner normalement avec la réserve tous les jours et jouer le week-end pour reprendre des repères, même si c’est à un plus bas niveau.
Alors je suis parti retrouver tous mes amis d’enfance qui jouaient à Goderville, près de Fécamp. J’ai retrouvé une vie normale, une vie d’adolescent que je n’avais jamais eu. J’ai décidé de signer avec eux en R3, en plus ils jouaient la montée ! Je suis passé de la Ligue 1 à la R3 ! J’étais un petit peu l’attraction du week-end. En tout cas, je regrette pas du tout. Je ne pense pas que beaucoup de joueurs l’auraient fait.
« J’aurais aimé être pro au Havre »
Vous auriez aimé jouer au Havre en pro, dans le club formateur ?
Oui j’aurais aimé être professionnel au Havre. Malheureusement, il n’y avait pas de place pour moi à l’époque : il y avait Douchez, Kaméni, Mandanda, c’était très compliqué.
Vous avez envisagé un retour ?
Le retour aurait pu être possible quand je m’entraînais avec la réserve du Havre et que je jouais à Goderville. En fin de saison, Christophe Revault, le directeur sportif (Revault est décédé en mai 2021 à l’âge de 49 ans, Ndlr) me propose de prendre une licence amateur pour jouer en réserve et l’encadrer. Au final, je signe à Fréjus en National mais s’il n’y avait pas eu cette proposition, je serais resté au Havre. En plus, derrière, il y a eu une hécatombe chez les gardiens, Brice Samba, Johnny Placide, ils sont tous partis d’un coup. Je suis persuadé que j’aurais pu « enquiller » avec les pros, mais ça on ne le saura jamais.
Un pré-contrat à Amiens mais pas de contrat !
Vous avez ensuite joué contre Le Havre, en Ligue 2, avec Châteauroux…
Châteauroux… où je ne devais pas venir ! J’avais signé un pré-contrat à Amiens (L2). C’était lors de ma dernière année à Cherbourg, en 2007, j’avais 21 ans, j’étais jeune et ça faisait déjà 3 ans que je jouais en National, donc j’étais scruté.
Je signe à Amiens et deux semaines après je me casse le scaphoïde lors d’un match à Cannes avec Cherbourg, en février (3-1). Amiens me dit de me soigner et de faire un bilan en fin d’année avec eux. Quand j’y vais pour signer mon contrat, ils me font une nouvelle radio et voient que le poignet est encore un peu fracturé. Ils commencent à « chipoter », à avoir peur pour le début de saison. Ils hésitent à prendre un autre gardien. Mon agent leur dit qu’on a d’autres clubs qui me veulent donc on ne va pas signer. Finalement, je pars 5 jours plus tard à Châteauroux (L2), où ils regardent la radio et décident de me faire confiance malgré le trait de fracture visible car je leur indique que je n’ai plus de douleurs.
Là, à Châteauroux, vous faites de belles saisons…
J’ai 3 ans de contrat, je fais les 3 ans. Des choses bonnes, d’autres moins. Parfois titulaire, parfois remplaçant. J’étais avec un gardien d’expérience, Vincent Fernandez, qui a joué au PSG. Ce n’était pas facile tous les jours car il fallait gagner sa place mais j’ai tout de même pris beaucoup de plaisir.
« Pour un gardien, c’est plus compliqué de changer de club »
Le marché des gardiens, c’est très particulier d’ailleurs…
C’est très compliqué. C’est pour ça qu’on voit beaucoup de gardiens qui restent longtemps dans des clubs. Par exemple, Anthony Lopes à Lyon pourrait jouer plus haut mais c’est compliqué de changer. Parfois, il vaut mieux ne pas prendre de risques et rester dans son club où on sait que l’on va jouer. Mandanda, quand il part de Marseille pour l’Angleterre, un an après il revient. Des gardiens français qui arrivent à s’imposer à l’étranger, mis à part Lloris ou Barthez, je n’en vois pas beaucoup.
Vous semblez être hyperactif, dynamique. C’est quelque chose qui rejaillissait sur le terrain ? Est-ce compatible avec le rôle de gardien ?
Les jours de match, j’étais plutôt posé et concentré. Par contre, la semaine, mon hyperactivité pouvait me faire dégoupiller. Je n’acceptais pas de perdre des jeux, de ne pas être bon de temps en temps, même à l’entraînement. Parfois, les fils pouvaient se toucher mais je me calmais vite. Je me suis aussi calmé avec l’âge. Jeune, j’ai tapé plusieurs fois dans les poteaux, ce qui m’a valu de me blesser d’ailleurs.
« Ma plus grande fierté c’est d’avoir fait carrière. »
Votre plus grande fierté de footballeur ?
C’est d’avoir fait carrière. Je n’étais pas prédestiné pour ça. Au centre de formation du Havre, j’étais un bon gardien mais pas un grand gardien, pas un gardien sûr de devenir professionnel. J’étais avec Mandanda, toujours derrière lui. Je n’ai jamais lâché, j’ai toujours travaillé très dur. Je suis assez fier de ça. Je suis parti jeune de chez moi, à l’âge de 10 ans. A 14 ans j’ai perdu mon papa, ça a été difficile. Il m’a toujours suivi parce qu’il adorait le foot. Je me suis alors juré de tout faire pour réussir quoi qu’il arrive.
A partir de ce jour-là j’ai bossé deux fois plus. Je restais deux fois plus sur le terrain, le soir je faisais de la musculation jusqu’à tard le soir. Ma fierté, c’est ça : avec mon petit niveau, d’avoir fait une carrière correcte où j’ai duré 14 ans. Ce n’est pas donné à tout le monde.
Et vous avez fait le choix d’arrêter votre carrière à la fin de ces 14 ans…
Oui j’ai décidé moi-même d’arrêter après ma dernière année à Bourg-en-Bresse (Ligue 2, saison 2017-18) pour plusieurs raisons. Déjà, physiquement, ça devenait compliqué. J’ai fait deux insertions du quadriceps et j’avais régulièrement des problèmes de dos. Aussi, je voulais prendre cette passerelle de l’arbitrage qui m’intriguait et qui était limitée à l’âge de 33 ans. Donc tout correspondait. Ma dernière année de Ligue 2, on est descendu. J’étais en fin de contrat. Je savais que ça serait compliqué de retrouver un club. Puis il y a aussi eu les enfants, j’en ai eu deux très rapprochés, on était fatigués avec ma femme. J’ai senti que c’était le moment d’arrêter. Je ne regrette absolument pas cette décision aujourd’hui. J’ai bien vécu l’arrêt de ma carrière qui est pourtant très difficile pour beaucoup.
Vous semblez satisfait de la façon dont les pièces se sont complétées, d’un point de vue professionnel et personnel.
Au niveau personnel oui. Je suis avec mon épouse depuis 20 ans, elle m’a toujours rendu heureux et c’est toujours le cas aujourd’hui. Elle m’a suivi partout et a été extraordinaire dans ma carrière. J’ai 3 beaux enfants, tout le monde est en bonne santé donc je suis le plus épanoui des papas.
Professionnellement, j’aurais aimé faire mieux car on peut toujours faire mieux. Ce match de National au Red Star, avec Fréjus, à la dernière journée, en mai 2013, pour l’accession en Ligue 2, j’aimerais le refaire 10 fois ! J’aurais aimé ne pas avoir autant de blessures, que mon corps me laisse tranquille, notamment à Bourg-en-Bresse lors de ma dernière année où ça été galère. Malheureusement, vous pouvez bien vous étirer, bien faire les choses, ne pas fumer, ne pas boire, ne pas faire n’importe quoi, vous avez quand même des blessures. Il y a plein de choses sur lesquels j’aimerais revenir en arrière pour que ça passe différemment mais c’est comme tout le monde. Par contre je n’ai pas de regret et je vis bien vis-à-vis de tout ça.
Sa reconversion : « J’avais déjà commencé à la préparer quand j’étais encore joueur. »
Cinq ans déjà que Gaëtan Deneuve a pris sa retraite de footballeur professionnel ! Pourtant, on peut toujours l’apercevoir sur les pelouses en Ligue 2 ou en National 2, chaque week-end. Le sifflet d’arbitre a remplacé les gants de gardien.
Sa détermination, son goût de l’effort et le plaisir sont intacts, voire renforcés.
« Je ne voulais pas être qu’un simple footballeur »
On parle souvent pour des sportifs professionnels de petite mort. D’autres rebondissent très vite. On cerne très vite de quel côté vous êtes. C’est quelque chose auquel vous aviez déjà réfléchi en amont, avant la fin de votre carrière de joueur alors ?
Oui car dès le départ de ma carrière professionnelle, je savais que chaque année qui passait pouvait être l’une des dernières. Je m’étais préparé et mon seul objectif, c’était de donner le maximum, de ne pas gaspiller l’argent gagné grâce au foot parce que je savais que ça allait être difficile quand ça allait s’arrêter.
Donc il y a cette première petite mort d’arrêt sportif, cette adrénaline que tu as tous les jours. Puis certains ont également la mort du financier. Quand les deux arrivent ensemble, tout vient s’emmêler : la dépression due à l’arrêt de la pratique du football et liée aux difficultés financières, au retour à une vie plus classique où il faut chercher du travail, les problèmes de famille, etc. En plus de cela, beaucoup de footballeurs ont l’impression de ne rien savoir faire en dehors du foot alors que ce n’est pas vrai. Ça devient alors très compliqué.
Donc aujourd’hui je suis content parce que j’ai construit mon après-carrière comme je le souhaitais et ça s’est passé comme je voulais. Mon train de vie n’a jamais changé, ma façon de vivre non plus. Ma femme, mes enfants sont toujours là. J’avais déjà commencé à préparer ça pendant ma carrière. Je savais ce que j’allais faire.
Surtout, j’ai toujours été ouvert à d’autres choses. Je ne voulais pas être qu’un simple footballeur et voulais m’intéresser à d’autres choses.
Justement venons-en à votre reconversion. Vous êtes gestionnaire de patrimoine. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mon beau-frère est gestionnaire de patrimoine depuis 15 ans. J’étais son client au départ, il gérait mon patrimoine. Pendant ma carrière, j’ai trouvé dans un premier temps des joueurs qui étaient intéressés par cet aspect et je les ai dirigés vers lui. Puis je m’y suis intéressé de plus en plus. Je voulais toujours savoir ce qu’il faisait, pourquoi il le faisait. Alors je me suis formé sur le tas et suis devenu apporteur d’affaire. Je trouvais des clients pour lui. Il sentait que j’étais fait pour ça et voulait me former à l’issue de ma carrière. Quand je prends ma retraite, il décide de racheter tout son portefeuille et de créer son propre cabinet et donc de m’intégrer dans cette aventure. Aujourd’hui je suis commercial au sein de cette entreprise, j’ai 7 apporteurs qui travaillent pour moi. Le cabinet marche très bien. Aujourd’hui c’est mon boulot à plein temps, c’est quelque chose qui va m’amener jusqu’à la retraite j’espère.
« Grâce au foot, j’ai développé plein d’éléments pour mon après-carrière »
Votre carrière de joueur vous a aidé à vous propulser vers ce type de métier selon vous ?
Peut-être que j’aurais fait les études pour le réaliser. En tout cas, je suis sûr d’une chose : cette carrière de footballeur ouvre des portes sur autre chose. Par exemple, j’ai été gardien, un poste qui requiert des qualités de leader.
J’étais pendant très longtemps capitaine à Fréjus, j’étais un joueur de vestiaire, quelqu’un qui prend la parole. Cette carrière me permet alors de ne pas avoir de pression dans mon nouveau métier. Devant mes clients, il faut être très relâché, être sûr de ce qu’on dit. Être un leader, avoir du charisme, de la prestance, ce sont des éléments que j’ai développé grâce au football. Les études ne vont pas forcément vous amener à développer ces qualités-là.
Ça se concilie bien avec la fonction d’arbitre ?
Très bien même car je suis indépendant, j’ai ma propre société. Je gère mes journées comme bon me semble. J’essaye de toujours trouver mon petit créneau pour faire mon entraînement, mes rendez-vous et le match le week-end. Par contre, je ne suis pas beaucoup à la maison parce que j’ai des déplacements avec le travail et aussi avec la fonction d’arbitre car je peux arbitrer partout en France.
Ça diffère de la carrière de footballeur qui est très cadrée…
Les horaires, les matchs, les vacances, tout est cadré oui. Là c’est l’opposé.
« Je prends autant voire plus de plaisir à arbitrer qu’à jouer »
Et donc vous arbitrez principalement en National 2 ?
National 2 au centre et 4e arbitre de Ligue 2. Généralement, c’est un match par mois en Ligue 2 et 20 rencontres en centre s’il n’y a pas de blessures. Ça représente environ entre 28 et 30 matchs à l’année.
Vous avez l’ambition d’arbitrer encore plus haut ?
On a toujours l’ambition d’arbitrer plus haut. Après, c’est dur, car dans cette poule de F4 (Fédéral 4), on est 17 et un seul va monter, donc il faut vraiment sortir du lot. Il y a aussi des critères d’âge qui peuvent entrer en compte et c’est normal : les très bons jeunes ont plus de temps pour devenir les futurs internationaux. Quoi qu’il arrive, même si je reste à ce niveau-là un bon nombre d’années, je prends énormément plaisir. De nombreux arbitres aimeraient être à ma place parce que c’est déjà bien d’être à la Fédération et à ce niveau-là.
Comment êtes-vous arrivé vers cette vocation d’arbitre ?
Durant ma carrière j’étais capitaine donc j’avais des relations avec les arbitres, j’allais dans leur vestiaire pour signer les feuilles de match notamment. J’ai beaucoup discuté avec certains d’entre eux dont Bastien Dechépy qui est actuellement en Ligue 1. J’ai adoré son discours, les discussions avec lui; je demandais comment ça se passait puis au moment où j’ai voulu franchir cette passerelle, il y a eu Gaël Angoula qui l’a fait et qui est devenu arbitre après sa carrière de joueur pro (Bastia, Angers, Nîmes). Il m’a incité à le réaliser également. A partir du moment où j’ai donné mes premiers coups de sifflet, c’était parti et aujourd’hui je prends autant voire plus de plaisir que quand j’étais joueur. Je suis tout seul, je n’ai pas les contraintes des coéquipiers, les contraintes des horaires, des entraînements collectifs, etc.
Aux yeux du grand public, on voit une barrière entre l’arbitrage et les joueurs parfois. Vous qui avez été dans les deux camps, comment vous l’expliquez ? C’est un ressenti que vous avez aussi eu en tant que joueur ?
Il y a deux éléments. Certains joueurs se font toujours passer pour des victimes et disent qu’on ne peut pas parler aux arbitres, je le vois aujourd’hui. C’est complètement faux. Moi je peux parler avec n’importe quel joueur, je parle avec tout le monde. Avec d’autres joueurs tu peux parler librement et ils ont très bien compris que l’on peut discuter. Il n’y avait pas vraiment de barrière mais c’est vrai que ça a été compliqué. J’ai l’impression que c’est vraiment en train d’évoluer ces derniers temps depuis que la direction de l’arbitrage a changé.
On voit des choses qu’on ne voyait pas avant : les arbitres parlent au micro par exemple. Le grand public adore et on va vraiment dans le bon sens, vers de très bonnes choses.
Au final c’est plutôt une non-connaissance. Le fait que l’arbitre vienne s’expliquer, c’est hyper important. On a eu Gaël Angoula et Benoît Millot qui ont eu des micros récemment. Les gens ont vu comment les arbitres communiquaient et il n’y a que des retours positifs. Ça va aider l’arbitrage, notamment en France. J’espère que ça va continuer dans ce sens-là mais en tout cas j’ai l’impression que les nouvelles instances de l’arbitrage ont envie de ça.
Gaëtan Deneuve, du tac au tac
« Le jeu au pied chez les gardiens amène plus d’erreurs »
Meilleur souvenir sportif ?
Le quart-de-finale de Coupe de France avec Fréjus en 2016/2017. On était en N2 et on affronte Guingamp, club de Ligue 1. Je pense que c’est le meilleur souvenir parce je n’ai pas connu de montées, au contraire des descentes.
Pire souvenir sportif ?
C’est le dernier match de la saison 2012-2013 en National avec Fréjus, au Red Star. On joue la montée en Ligue 2, il nous faut un match nul mais on perd 2-1 alors qu’on mène 1-0 jusqu’à la 75e minute. On loupe la montée en Ligue 2 de peu. C’était le pire du pire.
Est-ce que vous avez déjà marqué un but ?
Je n’ai pas eu cette chance contrairement au gardien de Versailles Sébastien Renault qui a marqué il y a peu !
Un arrêt marquant ?
Des arrêts, il y en a pas mal dans une carrière. Je me souviens d’un en particulier avec Fréjus contre Rouen, face à Pape M’boup. Il fait une tête à bout portant et c’était vraiment un bel arrêt.
La plus belle boulette ?
J’ai fait une « Arconada » avec Cherbourg contre Louhans-Cuiseaux sur un coup franc de Licata. J’étais jeune mais je m’en souviendrai toujours. J’en ai fait une deuxième aussi à Montpellier en Ligue 2 avec Châteauroux où je sors en dehors de la surface, je veux dégager et je loupe le ballon. Camara, l’attaquant emblématique du MHSC va marquer dans le but vide. Je m’en souviens car elle m’a coûté ma place.
Ce type d’erreurs peut influencer le choix de l’entraîneur ?
C’est une grossière erreur, on perd le match 3-0, on est sur une mauvaise dynamique et donc le coach décide de changer, ça fait partie de la carrière.
Des cartons rouges en carrière ?
J’en ai pris un. Ça n’arriverait plus maintenant mais à l’époque il y avait la double peine, penalty et carton rouge. Je ne suis même pas certain de toucher le joueur. C’est le seul que j’ai pris. Ça ne pouvait être que dans le jeu car je ne parlais pas avec les arbitres ni avec les joueurs adverses, j’étais quelqu’un de très calme.
Si vous n’aviez pas été footballeur vous vous seriez orienté plutôt vers quelle voie ? Vers quel métier ?
J’aimais bien déjà à l’époque ce que je fais aujourd’hui, la finance. Quand j’étais tout petit je voulais être agriculteur parce que je suis issu d’une famille d’agriculteurs. Mes cousins, mes grands-parents, tout le monde était dans l’agriculture. Jusqu’à l’âge de 10 ans, j’allais à la ferme chez ma mamie et je voulais faire ce métier et après je suis passé à autre chose.
Vos qualités et défauts principaux sur le terrain ?
J’étais très bon sur ma ligne. J’avais un bon jeu au pied à une période où ce n’était pas la priorité. Pour le défaut, c’était dû à ma taille mais je ne rayonnais pas dans le domaine aérien. Je n’étais pas en grande difficulté mais ce n’était pas l’un de mes points forts.
Le jeu au pied prend en effet de plus en plus d’importance chez les gardiens…
Oui c’est indispensable, mais je trouve que c’est même devenu exagéré. On voit énormément de boulettes tous les week-ends parce que les gardiens cherchent à relancer d’une trop grande propreté, à prendre des risques énormes. Il faudrait faire une étude pour voir si ça amène plus de buts, plus de jeu vers l’avant. En tout cas, ça amène plus d’erreurs ça c’est certain.
Le club ou l’équipe dans laquelle vous avez pris le plus de plaisir ?
Fréjus l’année où on a failli monter. On fait une deuxième partie de saison extraordinaire avec une quinzaine de matchs sans défaite. On avait un groupe exceptionnel avec une belle alchimie. Ça été ma meilleure année avec en plus un coach (Michel Estevan) et un staff que j’adorais.
En plus d’Amiens, un autre club où vous avez failli signer ?
A Rouen l’année où on est proche de monter avec Fréjus et qu’eux finissent 5e. Ils avaient une très belle équipe. Le lendemain du match où l’on ne monte pas, Didier Ollé-Nicole, le coach du FCR m’appelle pour que je signe à Rouen en expliquant qu’une bonne équipe va être construite. Moi, ça pouvait m’intéresser Rouen, je connaissais la ferveur du club, je savais que le club pouvait monter donc je leur dis de me faire une proposition, ce qu’ils font. Fréjus me fait une très belle proposition derrière et j’ai préféré rester à Fréjus. Deux semaines après, Rouen dépose le bilan… J’ai le souvenir d’Isaac Koné qui jouait avec nous. Il signe à Rouen juste avant que le club ne dépose le bilan. En étant gardien, derrière, je me serais retrouvé en grosse difficulté pour retrouver un club.
Un coéquipier, un joueur avec lequel vous avez joué qui vous a marqué plus qu’un autre ?
J’ai eu la chance d’être au centre de formation du Havre déjà avec des Steve Mandanda, Lassana Diarra, Didier Digard, Florent Sinama-Pongolle… Une génération extraordinaire. Au niveau professionnel, Kevin Constant à Châteauroux avait des qualités énormes. A Brest, il y avait Bruno Grougi ou Nolan Roux qui marchait sur l’eau à l’époque. J’ai joué avec Henri Bedimo qui a explosé derrière.
Un joueur avec lequel vous vous entendiez particulièrement bien ?
J’en ai beaucoup. Mathieu Scarpelli par exemple que j’ai connu à Châteauroux où on arrive en même temps. On a joué ensemble à Fréjus aussi et on avait une relation particulière. Bruno Grougi, j’ai joué avec lui à Cherbourg et à Brest, Julien Outrebon à Cherbourg et à Fréjus. Et aussi Papiss Cissé à Cherbourg et à Châteauroux.
Un adversaire que vous avez rencontré sur le terrain qui vous a le plus impressionné ?
J’ai le souvenir de Valbuena à Libourne où je me suis dit « C’est quoi ce joueur ? » Il était très fort.
Une équipe injouable ?
Metz, une année en National. Le Havre aussi la dernière année où ils sont montés en Ligue 1, avec Guillaume Hoarau, ils étaient injouables. En National, c’était le cas de Créteil avec Jean-Michel Lesage et un milieu de terrain très fort composé de deux sénégalais, Ibrahima Seck et Cheick Ndoye.
Un coach marquant ?
Celui avec qui j’ai eu le plus d’affinités et que je ne remercierai jamais assez, c’est Michel Estevan à Fréjus. C’est lui qui m’a fait venir puis m’a fait confiance dès le départ. Je pense lui avoir bien rendu. C’était comme un père. On avait une relation fusionnelle. Hervé Renard aussi m’a marqué à Cherbourg. J’étais jeune et il m’a beaucoup appris, notamment mentalement. J’ai adoré Jean-Pierre Papin que j’ai eu 6 mois à Châteauroux. Il a quand même été ballon d’or mais est d’une simplicité et d’une humilité remarquable. J’aurais aimé travailler plus longtemps avec lui. Globalement, j’ai toujours eu de bonnes relations avec les coachs. Même ma dernière année à Bourg-en-Bresse où malheureusement on descend, j’avais une très bonne relation avec Hervé Della Maggiore qui est quelqu’un de très bien aussi.
Pour vous, il doit y avoir aussi la proximité avec l’entraîneur des gardiens, non ?
Oui, vous êtes très proche d’eux. J’en retiens deux qui étaient comme des pères pour moi : mon entraîneur des gardiens au centre de formation du Havre, Michel Courel, qui a sorti énormément de gardiens. C’est le premier, c’est lui qui m’a formé. Le deuxième, qui m’a permis d’aller au niveau professionnel, c’est Ludovic Poutrel. Je l’ai eu à Cherbourg et j’ai réussi à le faire venir à Châteauroux ensuite. Je les ai encore très régulièrement au téléphone. Ils m’ont fait évoluer en tant qu’homme et en tant que gardien.
Des dirigeants marquants ?
Les deux présidents de Fréjus-/Saint-Raphaël : Alexandre Barbero et Marcel Sabbah. Ils m’ont fait confiance aussi et étaient prêts à tout pour que l’on soit dans de bonnes conditions. C’est mon plus gros regret, ne pas être monté pour donner à ces deux présidents-là cette satisfaction. On était à 15 minutes de le faire. Je n’imagine pas la folie que ça aurait pu être car Alexandre Barbero c’est un président fou !
Une causerie d’un entraîneur ?
Je n’en ai pas une en particulier mais toutes celles du coach Estevan étaient fortes. Chaque causerie, je sortais et j’avais la chair de poule. C’était toujours différent mais à chaque fois il arrivait à transmettre quelque chose. C’est ce qui a fait sa force. C’est pour ça qu’il a eu autant de résultats. On ne se rend pas compte mais il a fait énormément de montées et c’était grâce à ça. Hervé Renard savait aussi bien le faire.
Une consigne que vous n’avez jamais comprise ?
J’ai le souvenir d’une causerie où on joue contre Créteil l’année où ils sont injouables. L’entraîneur Estevan me dit « le premier ballon tu le mets précisément sur Ndoye ». Il dit aussi à un de mes coéquipiers d’arriver très fort sur ce ballon pour gêner le joueur et ajoute « Après vous n’allez pas le voir du match ». On met en place cette action et ça fonctionne : Ndoye, on ne le voit plus du match !Ce match on le gagne 1-0 contre Créteil, leader invaincu depuis longtemps. Faut être fou pour penser à ça mais ce fut gagnant. C’était fort.
Une anecdote secrète ?
On joue un match important pour la montée à 4 journées de la fin contre Carquefou. On avait un joueur qui s’appelait « Charlie » Cirilli. Il a fait une belle carrière, c’était un soldat de Michel Estevan. Il me parle du meilleur joueur adverse, Florian Martin, en disant qu’il faut faire quelque chose sur lui. Avant de rentrer dans le tunnel, il prend toutes les pommades qui existent et me dit que leur pièce maîtresse, Martin, on ne va pas le voir de toute la rencontre. Il étale les crèmes sur le visage et les yeux de Florian Martin juste avant de rentrer sur le terrain. Je n’avais jamais vu ça. Au final, son influence sur le jeu est bien moins élevée qu’à l’accoutumée. Ça ne nous empêche pas de faire match nul en se faisant égaliser à la 96e minute.
Le joueur le plus connu de votre répertoire ?
Steve Mandanda.
Des tocs de gardien ?
Si je ne prenais pas de but le match d’avant, j’aimais bien remettre le même maillot, les mêmes gants, mais rien de plus.
C’est très important de garder sa cage inviolée pour un gardien ?
C’est le sentiment du devoir accompli. A partir du moment où vous n’avez pas pris de but, vous avez été bon et vous n’avez pas perdu. Je suis rarement sorti fâché d’un match où je n’ai pas pris de but. A l’inverse, quand j’en prenais, c’était rare que je passe un bon week-end.
Et vous comptiez les séries ?
Bien sûr, même si je n’ai jamais fait de séries fantastiques.
Des passions en dehors du football ?
Il y a d’abord mes 3 enfants qui occupent une grande partie de mon temps. Ensuite, j’aime bien la pêche. J’aime bien le poker aussi : j’y ai beaucoup joué à une époque quand j’avais du temps libre avec le foot. Après j’aime tous les sports; j’en pratique régulièrement.
Votre profil de gardien en un mot ?
Simple. Simple et efficace.
Un modèle de gardien ?
Gregory Coupet. Je me suis énormément inspiré de lui quand j’étais jeune. C’était vraiment le gardien le plus fort et le plus complet selon moi.
Un match en particulier ?
J’ai le souvenir d’un match sans enjeu mais qui m’a marqué car on gagnait 3-1 à la 90e et on a perdu 4-3. Sinon le 8e de finale contre Auxerre avec Fréjus. Il ne pouvait rien m’arriver ce jour-là, j’ai dû faire 7 ou 8 arrêts. Ça faisait partie des très bons soirs.
Texte : Timothée Coufourier / Mail : contact@13heuresfoot.fr / Twitter : @13heuresfoot
Photos : Philippe Le Brech (sauf mentions)